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LE JUGEMENT DERNIER



     «… Celui qui aura vaincu et qui aura gardé mes œuvres jusqu'à la fin, je lui donnerai puissance sur les nations. » (Apoc. II, 26). Il faut que l'homme soit le précurseur du règne de la Vérité, après lequel tout soupire dans la nature. Au milieu des douloureux progrès des ennemis, il faut que les hommes de bonne volonté marchent dans la voie restauratrice, vers le terme de gloire et de victoire.

     Pour remercier la Divinité, l'homme régénéré s'abandonne tout à Jésus, c'est là la véritable action de grâce ; mais la soumission de la volonté à celle du Ciel ne consiste pas en « non agir », il ne faut pas cesser la lutte ! Le Christ, notre divin modèle nous dit : « De même que le Père, j'agis constamment ». « S'abandonner à Dieu, dit saint François de Sales, ne consiste pas à pratiquer la retraite quand ton père ou ta mère ont une vraie nécessité de ton assistance… ». Et plus loin, ce saint explique que la volonté soumise à la Volonté Suprême n'est pas de laisser prendre puissance sur nous ou sur les nôtres par la maladie, sous prétexte que rien n'arrive sans la permission de Dieu ; non, il faut appeler le médecin tout d'abord, dit-il, puis veiller à ce que ses conseils soient suivis et les bons soins donnés ; et si, malgré tout, le cher malade est enlevé, c'est alors qu'il faut se soumettre à la volonté du Ciel.

     « Le combat n'est pas d'un jour, mais de la vie entière, car la vie chrétienne n'est vraiment au-dessus de la vie naturelle que si elle est une vie de sacrifice et de lutte ; ce n'est que par la lutte et la patience que le Ciel se développe en nous. » (Imitation de J.-C.).

     Chaque saint nous donne l'exemple de l'action et du sacrifice ; c'est là toute la vie de l'enfant de Dieu, du disciple de Jésus.

     Ce monde est un champ de bataille où s'affrontent sans répit : le Ciel et l'Enfer. Toutes les causes profondes du mal résident dans le plan spirituel. Sans le monde spirituel mauvais, dit L. C. de Saint Martin, la nature serait une durée de régularité et de perfection ; sans le monde spirituel bon, cette nature serait une durée éternelle d'abomination et de désordre ; c'est le mélange de ces deux forces qui compose le Temps ; sans être ni l'une ni l'autre, ce temps nous offre une image successive de l'une et de l'autre, par la manifestation du bien et du mal, du jour et de la nuit, de la mort et de la vie, etc…

     Avant la chute, l'œuvre de l'homme était simple, mais depuis cette chute, elle est double ; car l'ennemi qui ne pouvait avoir accès dans aucune région régulière, soit matérielle, soit spirituelle, a su subjuguer l'homme pour se faire ouvrir toutes les portes de ce royaume qui devait avoir pour Roi, l'Homme général ; mais le comble, c'est que de plus en plus la brèche s'est agrandie, de sorte que ces portes se sont fermées sur l'Homme réel, qui se trouve dehors, privé de son vêtement, tandis que l'ennemi est dedans. Il faut alors, tout premièrement, que cet homme retire son âme ou sa volonté du gouffre, dans lequel elle est tombée.

     La tâche est dure, mais le Ciel veut que nous fassions tout notre possible, et ensuite la Providence, appelée, fait le reste.

     Ayant triomphé de l'intrus, de lui-même, grâce au divin Sauveur, l'homme peut reprendre l'œuvre pour laquelle il est sorti de l'Unique ; c'est-à-dire, il doit instruire et améliorer cette pauvre nature, livrée à l'ennemi, pour combattre le mal répandu à torrent par le grand Orgueilleux et ses deux lieutenants : Mammon et l'Antéchrist, jusqu'à ce que Celui qui monte le Cheval blanc vienne vaincre lui-même mais alors ce sera le Grand jugement.

     Ce qui fait le Ciel, c'est la présence de Dieu en soi, c'est l'ordre, c'est l'harmonie ; tandis que l'Enfer qui est partout où Dieu n'est pas, c'est le mal. Le désordre, l'abomination ; or, l'humanité collective telle l'homme individuel, doit arriver à être l'image de la Divinité ; mais le peuple choisi pour être le foyer rayonnant de l'Amour divin est encore divisé par les passions, il manque à sa mission, cependant que le temps passe et que le mal augmente toujours !…

     Il est facile de constater qu'il existe un plan mystérieux servi par de malheureux égarés, ayant pour objet de conserver un royaume au Révolté, en sapant, par tous les moyens, l'œuvre de Jésus. Cependant, sans le Christ, sans ses disciples qui répandent leur substance de vie de partout dans cet Univers qui expire, rien ne pourrait subsister ; C'est la céleste substance qui soutient cette malheureuse nature, harcelée par l'ennemi et qui souffre, car elle est sensible et non indifférente au bien et au mal, comme la matière. Le plus souvent, la substance de Vie agit par la souffrance, dans les douleurs, dans les angoisses, car, c'est dans la désolation qu'elle nous apporte son remède, à travers le sépulcre qu'est ce monde. La mort est la seule monnaie de ce gouffre, et notre tâche, c'est de changer cette mort Contre la Vie auprès du divin Banquier : Jésus-Christ.

     C'est par le sacrifice que l'homme a commencé sa régénération ; c'est en étant son propre sacrificateur qu'il s'est débarrassé du moi inférieur et qu'il n'est plus gêné dans ses pensées par les sens et la triste raison humaine. C'est encore par le sacrifice que l'homme purifié va améliorer les êtres qui se trouvent sur son chemin ; c'est en se donnant tout et par l'action, que le mal se détruit ; aucun discours ne peut anéantir son règne. Le bon samaritain est le plus souvent écouté, car il joint l'exemple à sa parole. Mais la plus grande tâche de l'Homme-Esprit est de prier sans arrêt pour que les Appelés recouvrent leurs oreilles et qu'ils comprennent enfin la Réalité !…

     On peut dire que l'intelligence humaine est affreusement ravalée en ce moment ; c'est ainsi que l'homme civilisé a des tendances à retourner à l'état sauvage, alors l'Adversaire jubile, puisque son plan est de faire rétrograder la race blanche. Et, pour faciliter ce retour en arrière, rien n'est épargné comme systèmes diaboliques. : Le nudisme, le freudisme, l'anarchie, le règne de chaque individualité,le sabotage de la famille, etc., etc… Puis de nombreux ouvrages exotiques, faits pour des mentalités spéciales, comme préservatifs contre l'extension du mal, mais qui se transforment en véritablepoison pour les Occidentaux cependant, perversion intellectuelle aussi grave que la perversion sensuelle, quoique dans un autre domaine.

     Tout est préparé, dans cette substance malsaine, pour que triomphent l'orgueil et l'égoïsme dans l'homme. La Divinité y est réduite à n'être qu'une espèce de génitrice inconsciente de l'Univers ; le bien et le mal n'existent pas ; la science seule sauvera l'homme, etc… l'Évangile même n'est pas épargné, ces empoisonneurs nous le montrent comme un développement de la légende de Krishna, ou regardent le Christ comme un mythe solaire.

     Pour tous ces esprits qui ne savent regarder qu'à hauteur d'homme, la Sagesse du Verbe, dépouillée de toute transcendance, n'est acceptée que dans ce qu'elle offre de commun avec toutes les religions naturalistes. Le reste, c'est-à-dire l'essentiel du Message de Jésus, est rejeté comme non conforme aux dites religions.

     Telles sont les théories, attrayantes, parce que flatteuses Pour l'être humain, qui sapent le Christianisme par la base, sous prétexte de le « régulariser » ou de le rendre « orthodoxe ». Dès que la confusion entre le divin et l'humain est opérée, le lecteur inexpérimenté ne voit plus briller dans les Évangiles que sa propre lumière et cette attitude, véritablement luciférienne, lui fait perdre la clef offerte à tout homme venant en ce monde, jusqu'à ce qu'il se rende compte que « la lumière qu'il porte en soi n'est que ténèbres », comme l'affirme nettement le Christ. Ailleurs, celui-ci nous dit : « tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des larrons, et les brebis ne les ont point écoutés. » (Jean, X, 8) ; or, ce passage fait allusion à tous les hommes qui ne marchent pas dans l'Esprit de Dieu, à tous les aveugles qui se sont institués conducteurs d'autres aveugles. De même que l'on reconnaît l'arbre à ses fruits, de même reconnaîtra-t-on leurs disciples à leurs efforts pour nier, dans le Sauveur, tout ce qui dépasse le plan purement humain, tout ce qui est intervention divine.

     Mais, que disent les vrais disciples de Jésus : « La fidélité de la volonté, la simplicité, sont plus agréables à Dieu que toutes les sciences. C'est dans le silence et la Foi que Dieu parle et c'est le petit enfant qui cache le mystère révélé ; c'est de notre simplicité que dépend notre liberté, l'Unique abhorre l'orgueil. Aussi c'est souvent dans le mépris et la misère que vivent les vrais adorateurs ; mais quelle surprise, si on pouvait les voir tels qu'ils sont réellement » (Mme Guyon).

     Le manque de foi s'oppose à la grâce divine qui peut seule détruire l'orgueil. Sans cette destruction, nous ne sortirons jamais de l'erreur. Prier, c'est-à-dire faire sans cesse le bien et s'oublier pour Dieu et le prochain, c'est là la tâche essentielle dit disciple de Jésus.

     Si l'Église extérieure, à laquelle nous appartenons tous, puisqu'elle est le symbole de l'Unité et le gage de la Patrie perdue, si cette Église a été divisée, taillée et partagée comme une proie, si chacun s'attache au lambeau qui se trouve en rapport avec son caractère, en le présentant comme l'entier, l'Église intérieure, une, véritable, indivisible et vivante, constituée par le corps de Jésus-Christ et animée de son Esprit, est le refuge des adorateurs en esprit et en vérité. C'est la Jérusalem mystique qui a reçu le Sauveur lors de sa venue parmi nous. Là, personne ne fait la guerre au prochain et le nom du Seigneur, sa bénédiction inépuisable, se répandent comme un baume dans le cœur des saints, pour être répandus par eux sur le monde, afin de guérir nos plaies et notre aveuglement. Chaque être peut et doit devenir, à son tour, un Tabernacle de la divine Présence, dans cette Jérusalem Céleste, décrite par Saint Jean : l'œuvre de rédemption ne sera terminée qu'après la Soumission de toute l'humanité ; c'est pourquoi la divine Providence tend inlassablement, ses bras à tous comme à des frères bien-aimés, abondante en grâces et prodigue de ses trésors spirituels. Mais les membres de cette Église intérieure, en qui s'est allumé le flambeau de l'Amour sacrificiel, ne sauraient jouir pleinement des biens célestes, tant qu'un seul de leurs frères est égaré. Chaque jour nous rapproche de l'heure de la moisson spirituelle, de l'heure où les serviteurs sépareront le bon grain de l'ivraie. Et celui qui fut le porte-lumière, le grand Révolté qui voulait s'égaler à Dieu et se suffire à lui-même, Lucifer qui gouverne ce monde, semble bien avoir donné tous les fruits de sa sève, le principe astral.

     Le cycle de sa manifestation semble bien près de son zénith, (son « nadir » aux regards de Dieu) et nous approchons donc de ce Minuit dont la terreur doit paralyser jusqu'aux enfants de la Lumière. Le soleil s'obscurcit, les ténèbres, de plus en plus, nous environnent, l'iniquité est souveraine, les Puissances ténébreuses déploient librement leur énergie, sans rencontrer, en apparence, de force capable de leur résister. De toutes parts, la foule énivrée se presse sur les routes du plaisir et des illusions. Tout annonce le terme de la durée des temps et l'approche de l'Éternité. Mais avant la descente de la Jérusalem nouvelle, il faut que la justice passe et purifie le monde, pour préparer les voies de l'Amour. Inimaginables, certes ! seront l'épouvante et l'âpreté de la lutte finale, dans la confusion des éléments, la misère générale, les massacres et les cataclysmes dont nous parle l'Apocalypse. Heureusement que ces temps seront abrégés à cause des Élus, résignés et patients dans cette épreuve des épreuves. Telles seront, nous dit le Christ, les « douleurs de l'enfantement », enfantement d'un monde purifié où l'Amour essuiera les pleurs et changera la douleur en joie ; car les vrais disciples savent bien que la souffrance est le feu qui consume le mal. À ce titre, elle ne peut qu'être proportionnelle à l'étendue de ce mal et les terribles catastrophes dont parle le voyant de Pathmos seront proportionnées à l'accumulation de toutes les essences corrompues par les hommes. C'est assez dire qu'il appartient à chacun de diminuer cette somme de souffrances et d'expiations, en agissant sans retard ni découragement dans le présent. Replacer cet univers dégradé sous la Loi Universelle, c'est en rétablir l'harmonie rompue, L'homme, s'il se refuse à accomplir librement cette tâche tombera donc sous l'empire de la fatalité et l'harmonie sera restaurée quand même, non dans la joie et le travail, mais dans les pleurs et les épreuves, dût l'Univers s'écrouler jusque dans ses fondements !

     Depuis que la prière avait été dépréciée et détournée de son objet, la communion avec le Ciel, - par des demandes insensées et égoïstes, - l 'action vive était la voie offerte à l'homme. Mais, cette action, combien elle est rare, que partiels sont ses triomphes ! Elle n'arrive plus à contrebalancer le poids des actions iniques et des paroles oiseuses. Or, l'humanité, comme chaque homme, subit de ce fait, de temps en temps, des affres, des bouleversements plus ou moins douloureux, ayant pour objet de rétablir l'équilibre rompu ; mais peu nombreux sont les hommes qui savent tirer profit de ces avertissements répétés…

     Après le déluge universel, l'esprit humain, cause de ce fléau, s'est trouvé davantage enserré dans les entraves de la matière et, par réflexe, sa puissance s'est trouvée très diminuée. Il en sera probablement de même après le jugement dernier, Pour les amateurs d'illusions et de sophismes, Pour ceux qui n'auront eu foi qu'en les faibles ressources de l'intellect humain et des puissances empruntées par eux à l'esprit de ce monde, sans s'être souciés du don de Dieu, de leurs véritables facultés spirituelles attachées à leur être éternel. Tous ces retardataires seront emportés par le courant d'Amour sans crainte d'une rechute de leur part, puisque leur fausse volonté aura été détruite avec tout le mal (mais au prix de quelles affres !), et qu'ils n'ont pas de personnalité divine : « Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père », dit Jésus ; évidemment, ces réfractaires ou ces négligents n'auront pas le choix, mais le Temple vivant sera terminé, tous les saints, tous les sacrifiés volontaires seront libérés et il n'y aura de vaincu que la mort et le néant.

     C'est dans un hymne de gloire et de joie indescriptibles que l'humanité entière sera enlevée par le grand Victorieux, le Christ d'Amour, pour son retour dans la paix et la félicité éternelles. Tous les bons serviteurs seront dans l'allégresse et le Bien suprême, l'Amour, qui est Dieu lui-même leur sera accordé sans compter, magnifique récompense de ceux qui auront pratiqué l'oubli de soi et l'amour du Créateur et de l'humanité.

     «… Dieu habitera avec les hommes, ils seront son peuple et Dieu sera leur Dieu. » (Apoc. XXI, 3).

     Faites, ô Dieu d'Amour et de miséricorde, que soient nombreux les ouvriers de la dernière heure

     Ainsi soit-il.
 
 

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