LA RELIGION ESSENTIELLE




     C'est le Verbe divin qui a tout fait, nous dit l'Évangile de l'Esprit, dans un ordre merveilleux où toutes les créatures se servent réciproquement, où toutes correspondent de façon admirable. Mais une partie de la nature angélique, ainsi que l'homme, se sont détachés de l'Unité du Monde, de ce monde qui comprend toutes choses, tant visibles qu'invisibles, dont l'ensemble s'appelle « Univers » parce que leur diversité s'harmonise en unité.

     Tout existe et vit en même temps dans l'éternité, mais seul le Verbe remonte au Père et en descend ; il est le seul qui soit l'Éternel Engendré.

     C'est lui qui illumine les voies les plus obscures et qui répand sa divine lumière, pour que l'homme de désir de tous les temps puisse le connaître, et que, de tous temps, la vertu puisse triompher du vice.

     L'homme terrestre, image de la Divinité, est triple comme elle : il se compose d'intelligence, d'une âme et d'un corps ; c'est la certitude de l'immortalité de l'âme qui est le soutien de la vie terrestre, elle est la seule réalité et la clef de l'univers. En s'unissant à l'intelligence divine, l'âme de l'homme atteint la sagesse et la paix ; si cette âme hésite entre l'intelligence et le corps, elle se laisse dominer par la passion et s'engage sur une voie fatale en s'abandonnant au corps, elle tombe dans la déraison, l'ignorance et la mort temporaire. Il faut que la nature divine dompte la nature terrestre dont cet homme est revêtu, pour qu'il récupère la maîtrise de ses sens. L'Odyssée divine n'est qu'une série de métamorphoses, de plus en plus hautes et subtiles, au cours de laquelle l'esprit rejette ses vices, afin que l'homme, s'élevant au-dessus de la nature inférieure, arrive à la dominer. C'est ainsi qu'il peut entrer consciemment, et en pleine liberté, dans la sphère de l'esprit. Le milieu temporel dans lequel l'homme passe influe peu sur sa destination, car, si chaque religion est une planète différente, toutes cependant sont éclairées par le même soleil, leur centre de gravitation, qu'il faut apercevoir pour les comprendre et saisir le sens de leur évolution. Car, l'histoire religieuse de l'humanité est seule réelle.
« Prise à part, chaque religion est toujours étroite, Superstitieuse et fausse, tandis que vue de la hauteur de l'humanité on ne sent que la Loi universelle, les courants célestes qui font le tour du globe. » (Schuré).

     Au centre de chacune des grandes institutions religieuses, il y a un grand homme, en constante communion d'idées avec la Divinité, et c'est à travers cette forme humaine qu'il faut connaître, aimer et glorifier le Créateur, car c'est Dieu qui parle par la bouche des grands fondateurs de religions.

     L'homme dont les yeux s'ouvrent à la lumière, retrouve dans chaque livre sacré l'affirmation que la Vérité, la Beauté et la Bonté infinies, se révèlent à l'âme de l'homme conscient, avec un pouvoir rédempteur en harmonie avec l'intensité de l'Amour et du sacrifice.

     Au centre de toutes les religions, l'homme de désir voit briller la doctrine des initiés et, peu à peu, en arrive à répandre lui-même les rayons de la Loi divine sur la terre. Dieu réside au centre de chaque homme, mais peu savent le trouver, car le plus grand nombre éparpillent leurs forces à la poursuite des illusions du monde. Seul, celui qui trouve sa joie et sa lumière dans le Verbe divin, peut s'élever jusqu'à l'Être qui Est, et conquérir la science de l'Unité, degré suprême de l'initiation.

     Chaque bienfait purifie l'âme et, dès que les œuvres de l'homme ont pour principe l'amour de son semblable, elles font pencher la balance céleste en sa faveur ; car ce sont ces œuvres-là qui pèsent le plus. « La vocation de tout homme est de devenir bon, nous dit Eckartshausen et, dans ce but, il lui faut non seulement connaître le Bien, mais encore le pratiquer, voilà la Vérité. »

     Dieu, tout amour, destine aux êtres qui lui ressemblent, un bonheur semblable au sien ; mais la douceur de la Miséricorde divine doit être armée de la justice ; c'est pourquoi l'homme rebelle est laissé à la merci de son libre arbitre.

     Tout ce troupeau perfide, anges et hommes, est abandonné à son sort, en dehors de la loi d'Amour ; cependant l'homme ne cesse pas d'appartenir à la Divinité, qui l'aime d'un amour infini ; aussi, dès que la Providence demande du secours pour l'homme de désir, l'Être divin l'attire à lui, en se servant de cette li à l'aimer qu'il a placée dans le cœur humain. Dieu alors fait tout en nous et nous en laisse le fruit, cependant que la justice en revendique l'honneur et la gloire pour son Auteur.

     Le secret de son origine s'éveille en l'homme, dès qu'il se tourne vers le Créateur, de sorte que, nourri par la nature terrestre de choses impures et passagères, cet homme sent que cette nature est pour lui une étrangère ; il voit plus loin qu'il n'a de force, parce que sa chute a surtout affaibli sa volonté.

     Alors, c'est par sa fidélité dans les petites bonnes actions, dans le bien qui est en son pouvoir, dans son moindre effort vers l'amour d'autrui, que l'homme est secondé par Dieu. Le Bien veut se répandre, et plus l'homme est nécessiteux, plus l'incunation de la Bonté est forte. Ah ! Combien douce et agréable est la « rencontre », la joie est plus grande encore pour Celui qui donne, que pour la créature qui reçoit !

     Jamais rien de ce monde ne peut satisfaire l'étincelle divine qu'est l'âme humaine ; il lui faut le Bien suprême ; son intelligence veut toujours plus, et sa volonté est insatiable d'aimer et de trouver le Créateur ; cependant telle est la grande misère du cœur de l'homme, qu'il préfère se jeter dans les affres de cette vie inférieure et passagère, car le centre de l'homme n'est point double : C'est le même amour qui l'élève à Dieu ou qui l'attache à la terre.

     L'ère de l'erreur est à son apogée, sa décadence s'approche, c'est une fin prochaine de tous les faux systèmes et de tous les faux cultes. Déjà la nature obéit à une puissance supérieure qui la soulève comme d'un sépulcre, sous l'effet d'un précieux ferment, pour le triomphe de la Loi Universelle ou la rentrée des humains dans la joie éternelle. Le vieux monde doit être dissout, pour que l'Esprit vienne renouveler la face de la terre ; la misère, la souffrance, c'est le bain que nous fait prendre la justice pour nous épurer ; d'épreuve en épreuve, la famille humaine est conduite dans la Terre promise. Toutes les formes symboliques sont appelées à disparaître, pour faire place à la réalité.

     La Vigne divine croît et, petit à petit, ses rameaux embrassent toute la terre ; la loi d'amour est un vivant soleil qui rayonne sur tous les saints ; et ceux-ci, tels que des astres, aiment la Lumière au milieu des ténèbres qui couvrent l'humanité. Tous les disciples du divin Médiateur font partie de l'indivisible Unité, tous travaillent et souffrent avec nous ; et, c'est par le sacrifice d'eux-mêmes et l'amour de tous, qu'ils déversent sur les âmes leur vivifiante chaleur. Providence vivante, les saints donnent à chacun la vigueur demandée, pour accomplir son œuvre ; la divine Bonté ne laisse que ceux qui se détournent d'elle, sans cependant leur enlever ses dons. Or, tout en se servant des biens divins, ces hommes non seulement s'en attribuent la gloire mais encore, dans leurs déceptions, ils accusent la Providence de leur faire défaut.

     De toutes parts la grâce entoure l'homme, mais avec insouciance, il la laisse à la porte de son cœur ; alors que connaître Dieu et le servir, c'est la vie, c'est la félicité éternelles ; pauvres humains nous donnons la préférence à une vie factice, ignorante et ténébreuse, qui nous entraîne dans un cercle de souffrances nombreuses suivies de morts temporaires successives, jusqu'à ce qu'enfin nos yeux s'ouvrent à la lumière.