L' Amour de la Sagesse Eternelle CHAPITRE XIV
Le triomphe de la Sagesse éternelle dans la croix et par la croix
167. Voici, à ce que je crois, le plus grand "secret du roi, sacramentum regis", le plus grand mystère de la Sagesse éternelle, la Croix. [1. La Sagesse et la Croix] Oh! que les pensées et les voies de la Sagesse éternelle sont éloignées et différentes de celles des hommes, même les plus sages! Ce grand Dieu veut racheter le monde, chasser et enchaîner les démons, fermer l'enfer et ouvrir le ciel aux hommes, rendre au Père éternel une gloire infinie. Voilà un grand dessein, un ouvrage difficile et une grande entreprise. De quel moyen se servira cette Sagesse qui atteint, par sa connaissance, d'un bout à l'autre de l'univers, qui dispose tout doucement et le fait fortement? Elle a un bras tout- puissant; d'un seul tour de main, elle peut détruire tout ce qui lui est contraire et faire tout ce qu'elle voudra; d'une seule parole de sa bouche, elle peut anéantir et créer; que dis-je? elle n'a qu'à vouloir pour tout faire. 168. Mais son amour donne des lois à sa puissance. Elle veut s'incarner pour témoigner à l'homme son amitié; elle veut descendre elle-même sur la terre pour le faire monter aux cieux. Ainsi soit! Mais apparemment que cette Sagesse incarnée paraîtra glorieuse ettriomphante, accompagnée de milllions de millions d'anges, ou du moins de millions d'hommes choisis, et qu'avec ces armées, cet éclat et cette majesté, sans pauvreté, sans infamies, sans humiliations et sans faiblesses, elle terrassera tous ses ennemis, elle gagnera les coeurs des hommes par ses charmes, par ses plaisirs, par ses grandeurs et ses richesses? Rien moins que tout cela. Chose étonnante! Elle voit, parmi les Juifs, un sujet de scandale et d'horreur, et, parmi les païens, un objet de folie, elle voit un morceau de bois vil et méprisable, dont on fait la confusion et le supplice des plus scélérats et des plus malheureux, appelé un gibet, une potence ou une croix. C'est sur cette croix sur laquelle elle jette les yeux; elle y prend ses complaisances; elle la chérit parmi tout ce qu'il y a de grand et d'éclatant au ciel et sur la terre, pour être l'instrument de ses conquètes et l'ornement de sa majesté, les richesses et les plaisirs de son empire, l'amie et l'épouse de son coeur. O altitudo sapientia [et scientiae] Dei: O profondeur de la sagesse et de la science de Dieu! Que son choix est surprenant et que ses desseins et jugements sont sublimes et incompréhensibles! Mais que son amour pour cette croix est ineffable! 169. La Sagesse incarnée a aimé la croix dès son enfance: Hanc amavi a juventute mea. Elle ne fut pas plus tôt entrée dans le monde, qu'elle la reçut, dans le sein de sa Mère, des mains du Père éternel, et qu'elle la mit au milieu de son coeur, pour y dominer, en disant: "Deus meus, volui, et legem tuam in medio cordis mei. Mon Dieu, mon Père, j'ai choisi cette croix étant dans votre sein, je la choisis en celui de ma Mère; je l'aime de toutes mes forces et je la mets au milieu de mon coeur pour être mon épouse et ma maîtresse." 170. Pendant tout sa vie, elle l'a cherchée avec empressement. Si elle courait, comme un cerf altéré, de bourgade en bourgade et de ville en ville, si elle marchait, à pas de géant, vers le Calvaire, si elle parlait si souvent de ses souffrances et de sa mort à ses Apôtres et à ses disciples, et même à ses prophètes dans sa transfiguration, si elle s'écriait si souvent: "Desiderio desideravi. J'ai désiré, mais d'un désir infini"; toutes ses courses, tous ses empressements, toutes ses recherches, tous ses désirs tendaient à la croix et elle regardait comme [le] comble de sa gloire et de sa plus haute fortune de mourir en ses embrassements. Elle l'a épousée avec des amours ineffables dans son Incarnation; elle l'a portée et recherchée avec une joie continuelle, pendant toute sa vie qui n'a été qu'une croix continuelle; et, après avoir fait plusieurs efforts pour aller l'embrasser et mourir sur elle au Calvaire. Quomodo coarctor usque dum perficiatur: Et comment est-ce que je suis empêchée? et qu'est-ce qui m'arrête? et pourquoi ne puis-je pas encore t'embrasser, chère croix du Calvaire? 171. Enfin elle est venue au comble de ses désirs. Elle a été souillée d'opprobres; elle a été attachée et comme collée à la croix, et elle est morte avec joie, dans les embrassements de sa chère amie, comme dans son lit d'honneur et de triomphe. 172. Ne croyez pas qu'après sa mort, pour mieux triompher, elle se soit détachée de la croix, elle ait rejeté la croix. Tant s'en faut. Elle s'est tellement unie et comme incorporée avec la croix, qu'il n'y a ni ange, ni homme, ni créature au ciel et sur la terre qui l'en puisse séparer. Leur lien est indissoluble, leur alliance est éternelle; jamais la Croix sans Jésus, ni Jésus sans la Croix. Elle a rendu par sa mort les ignominies de la Croix si glorieuses, la pauvreté et nudité si riches, les douleurs si agréables, ses rigueurs si charmantes, qu'il l'a comme toute divinisée et rendue adorable aux anges et aux hommes, et elle ordonne que tous ses sujets l'adorent avec lui. Elle ne veut pas que l'honneur de l'adoration, même relatif, soit rendu aux autres créatures, quelque relevées qu'elles soient, comme sa très sainte Mère; ce grand honneur n'est réservé ni dû qu'à sa chère Croix. Elle fera cesser, au grand jour du jugement, tout celui des reliques des saints, même les plus respectables, mais pour celles de sa Croix, il commandera aux premiers Séraphins et Chérubins d'aller, dans le monde, ramasser les morceaux de la vraie Croix, qui, par sa toute-puissance amoureuse, seront si bien réunis, qu'ils ne feront plus qu'une seule Croix, et la Croix même sur laquelle elle est morte. Elle fera porter cette Croix en triomphe par les Anges, qui en chanteront des cantiques d'allégresse. Elle se fera précéder de cette Croix, posée sur une nue la plus éclatante qui ait jamais paru, et elle jugera le monde avec elle et par elle. Quelle sera pour lors la joie des amis de la Croix, lorsqu'ils la verront; mais quel sera le désespoir de ses ennemis, qui, ne pouvant supporter lavue de cette Croix brillante et foudroyante, crieront aux montagnes de tomber sur eux et aux enfers de les engloutir! [2. La Croix et nous] 173. La Sagesse éternelle, en attendant le grand jour de son triomphe dans son dernier jugement, veut que la Croix soit le signal, le caractère et l'arme de tous ses élus. Elle ne reçoit aucun enfant qui ne l'ait pas pour caractère; elle ne reçoit aucun disciple qui ne la porte sur son front sans en rougir, sur son coeur sans s'en rebuter, et sur ses épaules sans la traîner ou la rejeter. Elle s'écrie: Si quis vult venire post me, etc. Elle ne reçoit aucun soldat qui ne la prenne comme son arme pour se défendre, pour attaquer, pour renverser et pour écraser tous ses ennemis, et [elle] leur crie: Confidite, ego vici mundum. In hoc signo vinces. Fiez-vous à moi, mes soldats: je suis votre capitaine, je suis victorieux de mes ennemis par la Croix, et vous le serez aussi par ce signe. 174. Elle a renfermé tant de trésors, de grâces, de vie, et de joie dans la Croix, qu'elle n'en donne la connaisance qu'à ses plus grands favoris. Elle découvre bien souvent à ses amis, comme à ses Apôtres, tous ses autres secrets: Omnia nota fecit vobis; mais non pas ceux de la Croix, à moins qu'ils ne l'aient mérité par une très grande fidélité et par de grands travaux. Oh! qu'il faut être humble, petit, mortifié, intérieur et méprisé du monde, pour connaître le mystère de la Croix, qui est encore aujourd'hui, non seulement parmi les Juifs et les païens, les Turcs et les hérétiques, les sages du siècle et les mauvais catholiques, mais même parmi les personnes qu'on appelle dévotes, et très dévotes, un sujet de scandale, un objet de folie, de mépris et de fuite; non pas dans la spéculation, car jamais on n'a plus parlé, jamais on n'a plus écrit qu'à présent, de la beauté et de l'excellence de la Croix; mais dans la pratique, puisqu'on craint, on se plaint, on s'excuse, on fuit, lorsqu'il s'agit de souffrir quelque chose. "Confiteor tibi, Pater, Domine Rex coeli et terrae, quia abscondisti hoc a sapientibus et prudentibus hujus saeculi, et revelasti ea parvulis: Mon Père, dit un jour cette Sagesse incarnée, dans un transport de joie, en voyant la beauté de la Croix, je vous rends grâces de ce que vous avez caché aux sages et aux prudents du siècle les trésors et les merveilles de ma Croix, et de ce que vous les avez révélés aux humbles et aux petits." [Lc 10,21] 175. [Si] la connaissance du mystère de la croix est une grâce si spéciale, quelle en est la jouissance et la possession réelle! C'est un don que la Sagesse éternelle ne fait qu'à ses plus grands amis, et encore après bien des prières, des désirs et des supplications. Quelque excellent que soit le don de la foi, par laquelle on plait à Dieu, et on s'approche de lui et on surmonte ses ennemis, et sans laquelle il faut être damné, la Croix est encore un plus grand don. Saint Pierre, dit saint Jean Chrysostome, est plus heureux d'être en prison pour Jésus-Christ que d'être sur le Thabor, au milieu de la gloire; il est plus glorieux de porter les chaînes à ses pieds que les clefs du paradis dans ses mains. Saint Paul [estime] une plus grande gloire d'être enchaîné pour son Sauveur que d'être élevé au troisième ciel. Dieu faisait une plus grande grâce aux apôtres et aux martyrs de leur donner sa croix à porter dans les humiliations, les pauvretés et les tourments les plus cruels, que de leur donner le don des miracles et de convertir tout le monde. Tous ceux à qui la Sagesse éternelles'est communiquée ont été tous désireux de la Croix, l'ont cherchée, l'ont embrassée, et, quand il leur arrivait quelque occasion de souffrir, ils s'écriaient du fond de leur coeur avec saint André: "O bona Crux, tamdiu desiderata: O bonne Croix, si longtemps désirée!" 176. La Croix est bonne et précieuse pour une infinité de raisons: 1 Parce qu'elle nous rend semblables à Jésus-Christ; 2 Parce qu'elle nous rend les dignes enfants du Père éternel, les dignes membres de Jésus-Christ et les dignes temples du Saint-Esprit. Dieu le Père châtie tous les enfants qu'il reçoit: ce sont des oracles: "castigat... omnem filium quem recipit." Jésus-Christ ne reçoit pour siens que ceux qui portent leurs croix. Le Saint-Esprit taille et polit toutes les pierres vives de la Jérusalem céleste, c'est-à-dire les prédestinés; 3 La Croix est bonne, parce qu'elle éclaire l'esprit et lui donne plus d'intelligence que tous les livres du monde: qui non est tentatus, quid scit? [Si 34,9] 4 Parce qu'elle est, quand elle est bien portée, la cause, la nourriture et le témoignage de l'amour. Elle allume le feu de l'amour divin dans le coeur, en le détachant des créatures. Elle entretient et augmente cet amour; et comme le bois est la pâture du feu, la Croix est la pâture de l'amour. Elle est le témoignage le plus assuré qu'on aime Dieu. C'est de ce témoignage dont Dieu s'est servi pour nous montrer qu'il nous aime; et c'est aussi le témoignage que Dieu demande de nous pour lui montrer que nous l'aimons; 5 La Croix est bonne, parce qu'elle est une source abondante de toutes sortes de douceurs et de consolations, et qu'elle produit la joie, la paix et la grâce dans l'âme; 6 Enfin elle est bonne, parce qu'elle opère, pour celui qui la porte, un poids de gloire immense dans le ciel: immensum gloria e pondus operatur. [2 Co 4,17] 177. Si on savait le prix de la Croix, on ferait faire des neuvaines, comme saint Pierre d'Alcantara, pour obtenir ce délicat morceau du paradis. On dirait, avec sainte Thérèse: "Aut pati, aut mori: Ou souffrir ou mourir"; ou avec sainte Marie-Madeleine de Pazzi: "Non mori, sed pati: Non pas mourir, mais souffrir." On ne demanderait, avec le bienheureux Jean de la Croix, que la grâce de souffrir quelque chose pour lui" "pati et contemni pro te". On n'estimedans le ciel des choses de la terre que la Croix, disait ce bienheureux à une servante de Dieu après sa mort. "J'ai des croix qui sont d'un si grand prix, disait Notre-Seigneur à un de ses serviteurs, que c'est tout ce que ma chère Mère, toute-puissante qu'elle est, peut obtenir de moi pour ses fidèles serviteurs." 178. Sage mondain, honnête homme du siècle, vous n'entendez point ce langage mystérieux. Vous aimez trop les plaisirs, vous recherchez trop vos aises, vous aimez trop les biens de ce monde, vous craignez trop les mépris et les humiliations, en un mot, vous êtes trop les ennemis de la Croix de Jésus. Vous estimez et louez même la Croix, en général; mais non pas la vôtre, que vous fuyez tant que vous pouvez, ou que vous ne faites que traîner malgré vous, en murmurant, en vous impatientant, en vous plaignant. Il me semble que je vois les vaches qui, en mugissant, traînaient malgré elles l'arche d'alliance, dans laquelle était renfermé ce qu'il y avait de plus précieux au monde: trahentes et mugientes. [1 R 6,12] 179. Le nombre del fols et des malheureux est infini, dit la Sagesse, parce que le nombre de ceux qui ne connaissent point le prix de la Croix et la portent malgré eux est infini. Mais vous autres, disciples véritables de la Sagesse éternelle, qui êtes tombés en plusieurs tentations et afflictions, qui souffrez pour la justice plusieurs persécutions, qui êtes traités comme la balayure du monde, consolez-vous, réjouissez- vous, tressaillez d'allégresse, parce que la Croix que vous portez est un don précieux qui fait envie aux bienheureux; mais ils n'en sont plus capables. Tout ce qu'il y a d'honneur, de gloire et de vertu en Dieu et son Saint-Esprit même repose sur vous, parce votre récompense est grande dans les cieux et même sur la terre, par les grâces spirituelles qu'elle vous obtient. [3. Conclusion pratique] 180. Buvez, amis de Jésus-Christ, buvez à son calice d'amertume, et vous deviendrez ses amis. Souffrez avec lui, et vous serez glorifiés avec lui; souffrez avec patience et même avec joie. Encore un peu de temps et puis une éternité de bonheur pour un moment de peines. Ne vous y trompez pas: depuis qu'il a fallu que la Sagesse incarnée est entrée dans le ciel par la Croix, il est nécessaire d'y entrer après lui par le même chemin. De quelque côté que vous vous tourniez, dit l'Imitation de Jésus- Christ, vous trouverez toujours la Croix: ou d'un prédestiné, si vous la prenez comme il faut, avec patience et joyeusement pour l'amour de Dieu; ou d'un réprouvé, si vous la portez avec impatience et malgré vous, comme tant de doubles misérables qui sont obligés de dire pendant toute l'éternité dans l'enfer: Ambulavimus vias difficiles: Nous avons travaillé et souffert dans le monde, et, au bout, nous voilà damnés. La vraie Sagesse ne se trouve point dans la terre, ni [dans] le coeur de ceux qui vivent à leur aise. Elle [f]ait tellement sa demeure dans la Croix, que, hors d'elle, vous ne la trouverez point dans ce monde, et elle s'est même tellement incorporée et unie avec la Croix, qu'on peut dire avec vérité que la Sagesse est la Croix et la Croix est la Sagesse. CHAPITRE XV
Moyens pour acquérir la divine Sagesse.
PREMIER MOYEN: UN DÉSIR ARDENT. [1. Nécessité du désir de la Sagesse] 181. Jusqu'à quand, enfants des hommes, aurez-vous le coeur pesant et tourné vers la terre? Jusqu'à quand aimerez-vous la vanité et chercherez-vous le mensonge. Pourquoi ne tournez- vous pas vos yeux et vos coeurs vers la divine Sagesse, qui, de toutes les choses qu'on peut désirer, est la plus désirable; qui pour se faire aimer des hommes, découvre elle- même son origine, montre sa beauté, étale ses trésors et leur témoigne en mille manières, les désirs qu'elle a qu'ils la désirent et la recherchent? "Concupiscite ergo sermones meos, Sap 6: Désirez donc, dit-elle, d'entendre mes paroles". [Sg 6,12] Elle va au-devant de ceux qui la désirent: Praeoccupat qui se concupiscunt, Sap.6. Le désir de la Sagesse conduit au royaume éternel: Concupiscentia itaque Sapientiae deducit ad regnum aeternum, Sap 6. [Sg 6,21] [2. Qualités requises de ce désir] 182 Il faut que de désir de la Sagesse soit un grand don de Dieu, puisqu'il est la récompense de la fidèle observation des commandements de Dieu: Fili, concupiscens Sapientiam, conserva justitian, et Deus praebebit illam tibi, Eccli. 1. Cogitatum tuum habe in praeceptis Dei, et in mandatis illius maxime assiduus esto, et ipse dabit tibi cor, et concupiscentia Sapientia dabitur tibi. Mon fils, si vous désirez comme il faut la Sagesse, conservez la justice,gardez les commandements, et Dieu vous la donnera. Appliquez toute votre pensée à ce que Dieu vous ordonne et méditez sans cesse ses commandements et il vous donnera lui-même un coeur, et le désir de la Sagesse vous sera donné. [Si 1,33; 6,37]. Car la Sagesse n'entrera point dans una âme maligne et elle n'habitera point dans un corps assujetti au péché: quoniam in malevolam animam non introibit Sapientiam, nec habitabit in corpore subdito peccatis, Sap 1. [Sg 1,4]. Il faut que le désir de la Sagesse soit saint et sincère, en gardant fidèlement les commandements de Dieu; car il y a une infinité de fols et paresseux qui ont mille désirs ou plutôt mille velléités du bien; mais qui, ne leur faisant point quitter le péché ni se faire violence, sont des désirs faux et trompeurs qui les tuent et les damnent: Desideria occidunt pigrum, Pro. 22. [Pr 21,25] Car le Saint-Esprit, qui est le Maître de la Science, fuit le déguisement, et il se retire des pensées qui sont sans entendement; et l'iniquité survenant le bannit de l'âme: Spiritus enim sanctus disciplina effugiet fictum, et auferet se a cogitationibus quae sunt sine intellectu, et corripi[e]tur a superveniente iniquitate, Sap 1. [Sg 1,5]. [3. Exemples de ce désir] 183. Salomon, qui est le modèle que le Saint-Esprit nous a donné pour acquérir la Sagesse, ne l'a reçue qu'après l'avoir longtemps désirée, recherchée et demandée: "Optavi, dit-il, et datus est mihi sensus: et invocavi, et venit in me spiritus Sapientiae: J'ai désiré, et l'esprit de la Sagesse est venu en moi. Hanc amavi et exquisivi a iuventute mea, et quaesivi sponsam mihi eam assumere... Circuibam quaerens ut mihi illam assumerem, Sap. 8: Je l'ai aimée et je l'ai recherchée dès ma jeunesse, et afin de l'avoir pour mon épouse et ma compagne, j'allais de tous côtés pour la chercher." [Sg 8,2. 18]. Il faut être, comme Salomon et Daniel des hommes de désir, pour avoir ce grand trésor de la Sagesse. DEUXIEME MOYEN: [UNE] PRIERE CONTINUELLE. [1. Nécessité de la prière continuelle] 184. Plus un don de Dieu est grand et plus il est difficile à obtenir. Quelles prières donc, quels travaux n'exige pas le don de la Sagesse, qui est le plus grand de tous les dons de Dieu! Ecoutons ce que dit la Sagesse même: "Cherchez et vous trouverez, frappez et l'on vous ouvrira, demandez et l'on vous donnera." Comme si elle disait: Si vous voulez me trouver, il faut me chercher; si vous voulez entrer en mon palais, il faut frapper à ma porte; si vous voulez me recevoir, il faut me demander. Personne ne me trouve s'il ne me cherche; personne n'entre chez moi s'il ne frappe à ma porte; personne ne m'obtient s'il ne me demande, et tout se fait par la prière. La prière est le canal ordinaire par lequel Dieu communique ses grâces, particulièrement sa Sagesse. Le monde a été quatre mille ans à demander l'incarnation de la divine Sagesse. Marie a été 14 ans à se préparer par la prière à la recevoir dans son sein. Salomon ne l'a reçue qu'après l'avoir longtemps demandée et avec une ardeur merveilleuse: Adii Dominum, dit-il, et deprecatus sum illum, et dixi ex totis praecordiis meis:... Da mihi (Domine) sedium tuarum assistricem sapientiam, Sap 9: Je me suis adressé au Seigneur, je lui fis ma prière, et je lui dis de tout mon coeur: Donnez-moi cette Sagesse qui est assise auprès de vous dans votre trône!" Si quis autem vestrum indiget sapientia, postulet a Deo, qui dat omnibusaffluenter, et non impropera; et dabitur ei, Jac. 1: Si quelqu'un de vous a besoin de la Sagesse, qu'il la demande à Dieu qui donne à tous abondamment et ne reproche point ses dons, et elle lui sera donnée. Remarquez, en passant, que le Saint-Esprit ne dit pas: Si quelqu'un a besoin de charité, d'humilité, de patience, etc., qui sont des vertus si excellentes, mais: Si quelqu'un a besoin de Sagesse.. [Car en la demandant], on demande toutes les vertus qui sont renfermées en elle. [2. Qualités requises de la prière] 185. Pour l'avoir, il faut la demander, postulet; mais comment la demander? Premièrement, il faut la demander avec une foi vive et ferme, sans hésiter: postulet autem ex fide, nihil haesitans; car celui qui n'a qu'une foi chancelante ne doit pas s'attendre à l'obtenir: Non ergo aestimet homo ille quod accipiat aliquid a Domino, Ibid. [Jc 1,6-7]. 186. Secondement, il faut la demander avec une foi pure, sans appuyer sa prière sur des consolations sensibles, des visions ou des révélations particulières. Quoique tout cela puisse être bon et véritable, comme il a été en quelques saints, il est toujours dangereux de s'y fier; et la foi est d'autant moins pure et méritoire, qu'elle est appuyée sur ces sortes de grâces extraordinaires et sensibles. Ce que le Saint-Esprit nous déclare des grandeurs et des beautés de la Sagesse, des désirs que Dieu a de nous la donner, et les besoins que nous avons d'elle, sont des motifs assez puissants pour nous la faire désirer et demander à Dieu avec toute sorte de foi et d'empressement. 187. La pure foi est le principe et l'effet de la Sagesse en notre âme: plus on a de foi, et plus on a de sagesse; plus on a de sagesse, plus on a de foi. Le juste, ou le sage, ne vit que de la foi sans voir, sans sentir, sans goûter et sans chanceler. "Dieu l'a dit ou l'a promis", voilà la pierre fondamentale de toutes ses prières et de toutes ses actions, quoiqu'il leur semble naturellement que Dieu n'a point d'yeux pour voir sa misère, point d'oreilles pour écouter ses demandes, point de bras pour terrasser ses ennemis, ni de main pour lui donner de l'aide; quoiqu'il soit attaqué de distractions, de doutes et de ténèbres dans l'esprit, d'illusions dans l'imagination, de dégoûts et d'ennuis dans le coeur, de tristesse et d'agonies dansl'âme. Le sage ne demande point à voir de choses extraordinaires comme les saints ont vu, ni à goûter des douceurs sensibles dans ses prières et ses dévotions. Il demande avec foi, ex fide, la divine Sagesse: et dabitur ei. Et il doit s'assurer davantage qu'elle lui sera donnée, qui si un ange était descendu des cieux pour l'en assurer, parce que Dieu a dit: "Omnis qui petit, accipit: tous ceux qui demandent à Dieu comme il faut obtiennent ce qu'ils demandent. Si ergo vos, cum sitis mali, nostis bona data dare filiis vestris, quanto magis Pater vester de caelo dabit spiritum bonum petentibus se, Luc 11: Si donc vous, qui êtes méchants, savez donner de bonnes choses à vos enfants, à plus forte raison votre Père céleste donnera-t-il le bon esprit de la Sagesse à ceux qui la lui demandent." [Lc 11,13]. 188. Troisièmement, il faut demander la Sagesse avec persévérance. C'est pour l'acquisition de cette perle précieuse et de ce trésor infini qu'il faut user d'une sainte importunité auprès de Dieu, sans laquelle on ne l'aura jamais. Il ne faut pas faire comme la plupart des personnes qui demandent à Dieu quelque grâce. Quand ils ont prié pendant quelque temps considérable, comme des années entières, et ne voient pas que Dieu exauce leurs prières, ils se découragent et ils cessent de prier, croyant que Dieu ne veut pas les exaucer; et par là ils perdent le fruit de leurs prières et ils font injure à Dieu, qui n'aime qu'à donner, et qui exauce toujours les prières bien faites, soit d'une manière, soit de l'autre. Quiconque donc veut obtenir la Sagesse doit la demander jour et nuit, sans se lasser et sans se rebuter. Bienheureux mille fois sera-t-il, s'il l'obtient après dix, vingt, trente années de prières, et même une heure avant [de] mourir. Et, s'il la reçoit après avoir passé toute sa vie à la rechercher et à la demander et à la mériter par toutes sortes de travaux et de croix, qu'il soit bien persuadé qu'on ne la lui donne pas par justice, comme une récompense, mais par pure miséricorde, comme une aumône. 189. Non, non, ce ne sont point ces âmes négligentes et inconstantes dans leurs prières et leurs recherches qui auront la Sagesse; ce seront celles qui seront semblables à cet ami qui va, d'ennui, frapper à la porte d'un de ses amis pour lui demander trois pains à emprunter. Remarquez que c'est la Sagesse même qui, dans cette parabole ou histoire, nous marque la manière avec laquelle il faut la demander pour l'obtenir. Cet ami frappe et redouble ses coups et sa prière, quoique ce soit à une heure indue, vers la minuit; quoique son ami soit couché; quoiqu'il en ait été rebuté et renvoyé deux ou trois fois, comme un impudent et un importun. Enfin l'ami couché, se voyant si importuné des prières de cet ami, se lève, ouvre sa porte et lui donne tout ce qu'il demandait. [cf. Lc 11,5-8] 190. Voilà la manière dont il faut prier pour avoir la Sagesse. Et infailliblement, tôt ou tard, Dieu, qui veut être importuné, se lèvera, ouvrira la porte de sa miséricorde et nous donnera les trois pains de la Sagesse: le pain de vie, le pain d'entendement et le pain des Anges. Voici quelques prières formées par le Saint-Esprit pour la demander: [3] PRIERE DE SALOMON POUR OBTENIR LA DIVINE SAGESSE 191. Dieu de mes pères, Dieu de miséricorde, qui avez fait tout par votre parole; qui avez formé l'homme par votre Sagesse, afin qu'il eût la domination sur les créatures que vous avez faites, afin qu'il gouvernât le monde dans l'équité et la justice et qu'il prononçât les jugements avec un coeur droit, donnez-moi cette Sagesse qui est assise auprès de vous, dans votre trône. Ne me rejetez pas du nombre de vos enfants, parce que je suis votre serviteur et le fils de votre servante, un homme faible qui dois vivre peu et qui suis peu capable d'entendre les lois et de bien juger. Car, encore que quelqu'un paraisse consommé parmi les enfants des hommes, il sera néanmoins considéré comme rien, si votre Sagesse n'est point en lui. 192. Votre Sagesse est celle qui connaît vos ouvrages, qui était présente lorsque vous formiez le monde et qui sait ce qui est agréable à vos yeux et quelle est la rectitude de vos préceptes. Envoyez-la donc de votre sanctuaire qui est dans le ciel et du trône de votre grandeur, afin qu'elle soit et qu'elle travaille avec moi et que je sache ce qui vous est agréable; car elle a la science et l'intelligence de toutes les choses, elle me conduira dans toutes mes oeuvres avec une exacte circonspection, et elle me protégera par sa puissance. Ainsi mes actions seront agréées de vous. Je conduirai votre peuple avec justice et je serai digne du trône de mon Père; car qui est l'homme qui puisse connaître les desseins de Dieu, ou qui pourra pénétrer ce que Dieu désire? Les pensées des hommes sont timides et nos prévoyances sont incertaines, parce que le corps qui se corrompt appesantit l'âme, et cette demeure terrestre abat l'esprit dans la multiplicité des soins qui l'agitent. Nous ne comprenons que difficilement ce qui se passe sur la terre, et nous ne discernons qu'avec peine ce qui est devant nos yeux; mais qui pourra découvrir ce qui se passe dans le ciel, et qui pourra connaître votre pensée, si vous ne donnez vous-même la Sagesse et si vous n'envoyez votre Esprit-Saint du plus haut des cieux, afin qu'il redresse les sentiers de ceux qui sont sur la terre et que les hommes apprennent ce qui vous est agréable. Car c'est par la Sagesse, ô Seigneur, que tous ceux qui vous ont plus dès le com mencement ont été guéris. [Sg 9,1-6,9-19] 193. A l'oraison vocale il faut ajouter l'oraison mentale, laquelle éclaire l'esprit, enflamme les coeurs et rend l'âme capable d'écouter la voix de la Sagesse, de goûter ses douceurs et de posséder ses trésors. Pour moi je ne trouve rien de plus puissant pour attirer le Règne de Dieu, la Sagesse éternelle,au dedans de nous, que de joindre l'oraison vocale et la mentale en récitant le saint Rosaire et en méditant les 15 mystères qu'il renferme. CHAPITRE XVI
Moyens pour acquérir la divine Sagesse
TROSIEME MOYEN : UNE MORTIFICATION UNIVERSELLE. 1. Nécessité de la mortification 194. "Non reperitur Sapientia in terra suaviter viventium, Job, 28. La Sagesse, dit le Saint-Esprit, ne se trouve point chez ceux qui vivent à leur aise, qui donnent à leurs passions et à leurs sens tout ce qu'ils désirent. Car ceux qui marchent selon la chair ne peuvent plaire à Dieu; et la sagesse de la chair est ennemie de Dieu: Qui in carne sunt, Deo placere non possunt. Sapientia carnis inimica est Deo. Ad Rom. 8. Mon esprit ne demeurera point dans l'homme, parce qu'il est chair: Non permanebit spiritus meus in homine... quia caro est." [Gn 6,3] Tous ceux qui sont à Jésus-Christ, la Sagesse incarnée, ont crucifié leur chair avec ses désirs et ses concupiscences, portent actuellement et toujours la mortification de Jésus dans leurs corps, se font continuelleviolence, portent leurs croix tous les jours, et enfin sont morts et même ensevelis en Jésus-Christ. Voilà des paroles du Saint-Esprit qui montrent plus clair que le jour que, pour avoir la Sagesse incarnée, Jésus-Christ, il faut pratiquer la mortification, le renoncement au monde et à soi-même. 195. Ne vous imaginez pas que cette Sagesse, plus pure que les rayons du soleil, entre en une âme et un corps souillé[s] par les plaisirs des sens. Ne croyez pas qu'elle donne son repos, sa paix ineffable, à ceux qui aiment les compagnies et les vanités du monde: "Vincenti, dit-elle, dabo manna absconditum: Je ne donne ma manne cachée qu'à ceux qui sont victorieux du monde et d'eux-mêmes." Cette aimable souveraine, quoique par sa lumière infinie elle connaisse et distingue toutes choses en un instant, cherche cependant des personnes dignes d'elle: Quaerit dignos se. [Sg 6,17] Elle cherche, parce que leur nombre est si petit, qu'à peine en trouvera-t-elle d'assez détachés du monde, d'assez intérieurs et mortifiés pour être dignes d'elle, dignes de sa personne et de ses trésors et de son alliance. [2. Qualités requises de la mortification] 196. La Sagesse ne demande pas, pour se communiquer, une demi- mortification, une mortification de quelques jours, mais une mortification universelle et continuelle, courageuse et discrète. Pour avoir la Sagesse: 197. [1] Il faut, premièrement, ou quitter réellement les biens du monde, comme firent les Apôtres, les disciples, les premiers chrétiens et les religieux: c'est le plus tôt fait, c'est le meilleur, c'est le moyen le plus assuré pour possécder la Sagesse; ou, du moins, il faut (en) détacher son coeur des biens, et les posséder comme ne les possédant point, sans s'inquiéter pour les conserver, sans se plaindre ni s'impatienter quand on les perd: ce qui est bien difficile à exécuter. 198. 2 Il ne faut pas se conformer aux modes extérieures des mondains, soit dans les habits, soit dans les meubles, soit dans les maisons, soit dans les repas et les autres usages et actions de la vie: Nolite conformari huic saeculo, Rom. 12. Cette pratique est plus nécessaire qu'on pense. 199. 3 Il ne faut pas croire ni suivre les fausses maximes du monde; il ne faut pas penser, parler et agir comme les mondains. Ils ont une doctrine aussi contraire à celle de la Sagesse incarnée, que les ténèbres à la lumière et la mort à la vie. Examinez bien leurs sentiments et leurs pensées: ils pensent et ils parlent mal de toutes les plus grandes vérités. Il est vrai qu'ils ne mentent pas ouvertement; mais ils déguisent leurs mensonges sous l'apparence de la vérité; ils ne croient pas mentir, mais ils mentent cependant. Ils n'enseignent pas ordinairement le péché ouvertement, mais ils le traitent ou de vertu, ou d'honnêteté, ou de chose indifférente et de peu de conséquence. C'est en cette finesse, que le monde a apprise du démon pour convertir la laideur du péché et du mensonge, que consiste cette malignité dont parle saint Jean: "Totus mundus in maligno positus est: Tout le monde est pénétré de malignité, et à présent plus que jamais." 200. [4] Il faut, tant qu'on peut, fuir les compagnies des hommes, non seulement celles des mondains, qui sont pernicieuses ou dangeureuses, mais même celles des personnes dévotes, lorsqu'elles sont inutiles et qu'on y perd son temps. Celui qui veut devenir sage et parfait doit mettre en exécution ces trois paroles dorées que la Sagesse éternelle dit à saint Arsène: "Fuge, late, tace: Fuyez, cachez-vous, taisez-vous!" Fuyez tant que vous pouvez les compagnies des hommes, commme faisaient les plus grands saints: Maximi sanctorum humana consortia quantum poterant vitabant. De imit. Que votre vie soit cachée avec Jésus-Christ en Dieu: Vita vestra est abscondita cum Christo in Deo, Coloss. 3 [Col 3,3] Enfin, gardez le silence aux hommes, pour vous entretenir avec la Sagesse: Un homme silencieux est un homme sage: Est tacens qui invenitur sapiens, Eccli. 20. [Si 20,5]. 201. [5] Pour avoir la Sagesse, il faut mortifier son corps, non seulement en souffrant patiemment les maladies du corps, les injures des saisons et les atteintes qu'il reçoit, en cette vie, des créatures; mais encore en se procurant quelques peines et mortifications, comme jeûnes, veilles et autres austérités de saint pénitent. Il faut du courage pour cela, parce que la chair est naturellement idolâtre d'elle-même, et le monde regarde et rejette comme inutiles toutes les mortifications du corps. Que ne dit-il point, que ne fait-il pointpour détourner de la pratique des austérités des saints, de chacun desquels il est dit, à proportion: "Corpus suum perpetuis vigiliis, jejuniis, flagelis, frigore, nuditate atque omni asperitatum genere in servitutem redegit, cum quo pactum inierat ne ullam in hoc saeculo ei requiem praeberet: Le sage, ou le saint, a réduit son corps en servitude par des veilles, par des jeûnes, par des disciplines, par le froid, la nudité et toute sorte d'austérités et il avait fait pacte avec lui de ne lui donner aucun repos en ce monde." Le Saint-Esprit dit de tous les saints qu'ils étaient ennemis de la robe souillée de leur chair: odientes (et) eam quae carnalis est, maculatam tunicam, Jud. 23. 202. [6] Afin que cette mortification extérieure et volontaire soit bonne, il faut nécessairement la joindre avec la mortification du jugement et de la volonté, par la sainte obéissance; parce que, sans cette obéissance, toute mortification est souillée de la volonté propre, et souvent plus agréable au démon qu'à Dieu. C'est pourquoi il ne faut faire aucune mortification considérable sans conseil. La demeure de la Sagesse est dans le conseil: Ego Sapientia habito inconsilio. [Pr 8,12] Celui qui se fie à soi-même se fie à un fol: Qui confidit in corde suo stultus est, Prov. 28. Le sage fait tout avec conseil : Astutus omnia agit cum consilo, Prov. 18. Quiconque veut ne point se repentir de qu'il a fait ne doit le faire qu'après avoir demandé conseil à un homme sage. C'est le grand conseil que le Saint-Esprit nous donne: "Fili, sine consilio nihil facias, et post factum non paenitebis, Eccli. 30. Consilium semper a sapiente perquire" Tob. 4. [Tb 4,19] Par le moyen de cette obéissance, l'amour-propre, qui gâte tout, est chassé; le plus petite chose devient très méritoire; on est à couvert de l'illusion du démon; on deviendra victorieux de tous ses ennemis, et on arrivera sûrement, et comme en dormant, au port du salut: iter quasi dormiendo confectum. Tout ce que je viens de dire est renfermé au grand conseil: Quittez tout, et vous trouverez tout, en trouvant Jésus-Christ, la Sagesse incarnée: Dimitte omnia, et invenies omnia [Imit Christi]. CHAPITRE XVII QUATRIEME MOYEN : UNE TENDRE ET VERITABLE DEVOTION A LA SAINTE VIERGE. 203. Voici enfin le plus grand des moyens et le plus merveilleux de tous les secrets pour acquérir et conserver la divine Sagesse, savoir: une tendre et véritable dévotion à la Sainte Vierge. [1. Nécessité de la vraie dévotion à Marie] Il n'y a jamais eu que Marie qui ait trouvé grâce devant Dieu pour soi et pour tout le genre humain, et qui ait eu le pouvoir d'incarner et mettre au monde la Sagesse éternelle et il n'y a encore qu'elle qui, par l'opération du Saint-Esprit, ait le pouvoir de l'incarner pour ainsi dire dans les prédestinés. Les patriarches, les prophètes et les saints personnages de l'ancienne Loi avaient crié, soupiré et demandé l'incarnation de la Sagesse éternelle; mais aucun ne l'avait pu mériter. Il ne s'est trouvé que Marie qui, par la sublimité de sa vertu, a atteint jusqu'au trône de la Divinité et a mérité ce bienfait infini. Elle est devenue la mère, la maîtresse et le trône de la divine Sagesse. 204. Elle en est la Mère très digne, parce qu'elle l'a incarnée et mise au monde comme le fruit de ses entrailles: Et béni est le fruit de votre ventre, Jésus. Ainsi partout où est Jésus, au ciel ouen terre, dans nos tabernacles ou dans nos coeurs, il est vrai de dire qu'il est le fruit et le rapport de Marie, que Marie seule est l'arbre de vie, et que Jésus seul en est le fruit. Quiconque donc veut avoir ce fruit admirable dans son coeur doit avoir l'arbre qui le produit: qui veut avoir Jésus, doit avoir Marie. 205. Marie est la maîtresse de la divine Sagesse, non pas qu'elle soit au-dessus de la divine Sagesse, vrai Dieu, ou qu'elle l'égale: ce serait un blasphène de le penser et de le dire; mais parce que Dieu le Fils, la Sagesse éternelle, étant soumis parfaitement à Marie comme à sa Mère, il lui a donné sur soi-mème un pouvoir maternel et naturel qui est incompréhensible, non seulement pendant sa vie sur la terre, mais encore dans le ciel, puisque la gloire, non seulement ne détruit pas la nature, mais la perfectionne. Ce qui fait que, dans le ciel, Jésus est, autant que jamais, enfant de Marie, et Marie, mère de Jésus. En cette qualité, elle a pouvoir sur lui et il lui est soumis en quelque manière parce qu'il le veut bien; c'est-à- dire que Marie, par ses puissantes prières et sa maternité divine, obtient de Jésus tout ce qu'elle veut; elle le donne à qui elle veut; elle le produit tous les jours dans les âmes qu'elle veut. 206. Oh! qu'une âme qui a gagné les bonnes grâces de Marie est heureuse! Elle se doit tenir comme assurée de posséder bientôt la Sagesse; car, comme elle aime ceux qui l'aiment, elle leur communique ses biens à pleines mains, et le bien infini, dans lequel tous les autres sont renfermés, Jésus, le fruit de son sein. 207. S'il est donc vrai de dire que Marie est, en un sens, la maîtresse de la Sagesse incarnée, que devons-nous penser de la puissance qu'elle a sur toutes les grâces et les dons de Dieu, et [de] la liberté qu'elle a de les donner à qui bon lui semble? Elle est, disent les saints Pères, l'océan immense de toutes les grandeurs de Dieu, le grand magasin de tous ses biens, le trésor inépuisable du Seigneur et la trésorière et la dispensatrice de tous ses dons. C'est la volonté de Dieu que, depuis qu'il lui a donné son Fils, nous recevions tout par sa main, et il ne descend aucun don céleste sur la terre qu'il ne passe par elle comme par un canal. C'est de sa plénitude que nous avons tout reçu, et s'il y a en nous quelque grâce, quelque espérance de salut, c'est un bien qui nous vient de Dieu par elle. Elle est si maîtresse des biens de Dieu, qu'elle donne à qui elle veut, autant qu'elle veut, quand elle veut et de la manière qu'elle veut, toutes les grâces de Jésus-Christ et tous les dons du Saint- Esprit, tous les biens de la nature, de la grâce et de la gloire. Ce sont les pensées et les expressions des saintsPères, dont je ne rapporte pas les passages latins afin d'abréger. Mais, quelques dons que nous fasse cette souveraine et aimable Princesse, elle n'est point contente si elle ne nous donne la Sagesse incarnée, Jésus son Fils; et elle est occupée, tous les jours, à chercher des âmes dignes d'elle, afin de la leur donner. 208. Marie, de plus, est le trône royal de la Sagesse éternelle. C'est en elle qu'elle fait voir ses grandeurs, qu'elle étale ses trésors et qu'elle prend ses délices, et il n'y a point de lieu dans le ciel et sur la terre, dans lequel la Sagesse éternelle fasse voir tant de magnificence et prenne tant de complaisances qu'en l'incomparable Marie. C'est pourquoi les saints Pères l'appellent le sanctuaire de la Divinité, le repos et le contentement de la Sainte- Trinité, le trône de Dieu, la cité de Dieu, l'autel de Dieu, le temple de Dieu, le monde de Dieu et le paradis de Dieu. Toutes ces épithètes et ces louanges sont très véritables, par rapport aux différentes merveilles que le Très-Haut a opérées en Marie. 209. Ce n'est donc que par Marie qu'on peut obtenir la Sagesse. Mais, si on nous fait un aussi grand don que celui de la sagesse, où la plaçerons-nous? Quelle maison, quel siège, quel trône donnerons-nous à cette princesse si pure et si brillante, que les rayons du soleil ne sont que de la boue et des ténèbres en sa présence. Peut-être me répondra-t-on que c'est seulement notre coeur qu'elle demande, que c'est lui qu'il faut lui donner, que c'est lui où il faut la placer. 210. Mais ne savons-nous pas que notre coeur est souillé, impur, charnel et rempli de mille passions, et par conséquent indigne de posséder une si noble et si sainte hôtesse, et que, quand nous aurions cent mille coeurs comme le nôtre à lui présenter pour lui servir de trône, ce serait toujours avec justice qu'elle mépriserait nos poursuites, qu'elle ferait la sourde oreille à nos demandes, et qu'elle nous accuserait même de témérité et d'insolence, pour vouloir la loger dans un lieu si infect et si indigne de sa majesté? 211. Que faire donc pour rendre notre coeur digne d'elle! Voici le grand conseil, voici l'admirable secret: Faisons entrer, pour ainsi dire, Marie en notre maison, en nous consacrant à elle, sans réserve, comme ses serviteurs et esclaves. Défaisons-nous, entre ses mains en son honneur, de tout ce que nous avons de plus cher, ne réservant rien pour nous; et cette bonne Maîtressse, qui ne s'est jamais laissée vaincre en libéralité, se donnera à nous d'une manière incompréhensible, mais véritable; et c'est en elle que la Sagesse éternelle viendra demeurer comme dans son trône glorieux. 212. Marie est l'aimant sacré qui, étant dans un lieu, y attire si fortement la Sagesse éternelle, qu'elle n'y peut résister. Cet aimant l'a attirée sur la terre pour tous les hommes, et il l'attire encore tous les jours dans chaque particulier où il est. Si nous avons une fois Marie chez nous, nous avons facilement et en peu de temps par son intercession la divine Sagesse. Marie est, de tous les moyens pour avoir Jésus-Christ, le plus assuré, le plus aisé, le plus court et le plus saint. Quand nous ferions les plus effroyables pénitences, quand nous entreprendrions les voyages les plus pénibles et les plus grands travaux, quand même nous répandrions tout notre sang pour acquérir la divine Sagesse, et que l'intercession et la dévotion de la Sainte Vierge ne se trouvâ[t] pas en tous ces efforts, ils seraient inutiles et incapables de nous l'obtenir. Mais si Marie dit un mot pour nous, si son amour se trouve chez nous, si nous sommes marqués à la marque de ses fidèles serviteurs qui gardent ses voies, nous aurons bientôt et à peu de frais la divine Sagesse. 213. Remarquez que non seulement Marie est la Mère de Jésus, le chef de tous les élus, mais encore elle est [la Mère] de tous ses membres; en sorte que c'est elle qui les engendre, les porte dans son sein et les met au monde de la gloire, par les grâces de Dieu qu'elle leur communique. C'est la doctrine des saints Pères et entre autre de saint Augustin, qui dit que les élus sont dans le sein de Marie, et qu'elle ne les met au monde que lorsqu'ils entrent dans la gloire. De plus, c'est à Marie que Dieu a ordonné d'habiter en Jacob, de prendre son héritage en Israël et de jeter des racines dans ses élus et ses prédestinés. 214. Il faut conclure de ces vérités: 1 qu'en vain on se flatte d'être enfant de Dieu et disciple de la Sagesse, si on n'est enfant de Marie; 2 que pour être du nombre des élus, il faut que Marie habite et jette des racines en nous, par une tendre et sincère dévotion envers elle; 3 que c'est à elle à nous engendrer en Jésus-Christ et Jésus-Christ en nous, jusqu'à sa perfection et la plénitude de son âge; en sorte qu'elle peut dire d'elle, avec plus de vérité que saint Paul ne disait de lui-même: "Quos iterum parturio, donec formetur in vobis Christus: Je vous engendre tous les jours, mes chers enfants, jusqu'à ce que Jésus- Christ, mon Fils, ne soit parfaitement formé en vous." [2. En quoi consiste la vraie dévotion à Marie] 215. Quelqu'un, désirant d'être dévôt à la Sainte Vierge, me demandera peut-être en quoi consiste la vraie dévotion à la Sainte Vierge. Je réponds, en peu de mots, qu'elle consiste dans une grande estime de ses grandeurs, une grande reconnaissance pour ses bienfaits, un grand zèle pour sa gloire, une invocation continuelle de son secours et une dépendance totale de son autorité, et un ferme appui et une confiance tendre en sa bonté maternelle. 216. Il faut se donner de garde des fausses dévotions à la Sainte Vierge, dont le démon se sert pour tromper et damner plusieurs âmes. Je ne m'arrêterai point à les décrire; il me suffit de dire que la vraie dévotion à la Sainte Vierge: 1 est toujours intérieure, sans hypocrisie et sans superstition; 2 tendre, sans indifférence et sans scrupule; 3 constante, sans changement et sans infidélité; 4 sainte, sans présomption et sans dérèglement. 217. Il ne faut pas être du nombre des faux dévôts hypocrites qui n'ont leur dévotion que sur les lèvres et sur leurs corps. Il ne faut [pas] être aussi du nombre des dévôts critiques et scrupuleux qui craignent de rendre trop d'honneur à la Sainte Vierge et de deshonorer [le Fils] en honorant la Mère. Il ne faut pas être de ces dévôts indifférents et intéressés qui n'ont point un amourtendre ni une confiance filiale envers la Sainte Vierge, et qui n'ont recours à elle que pour l'acquisition ou la conservation des biens temporels. Il ne faut pas être de ces dévôts inconstants et légers qui ne sont dévôts à la Sainte Vierge que par boutade et pour quelque temps, et qui se retirent de son service dans le temps de la tentation. Enfin il faut bien prendre garde d'être du nombre de ces dévôts présomptueux, qui, sous le voile de quelques dévotions extérieures qu'ils pratiquent, cachent un coeur corrompu par le péché; qui s'imaginent que, par ces dévotions à la Sainte Vierge, ils ne mourront point sans confession, et [qu']ils seront sauvés, quelque péché qu'ils commettent d'ailleurs. 218. Il ne faut pas négliger de se mettre dans les confréries de la Sainte Vierge, et surtout dans celle du saint Rosaire, pour en remplir les devoirs, qui sont très sanctifiants. 219. Mais la plus parfaite et la plus utile de toutes les dévotions à la Sainte Vierge, c'est de se consacrer tout à elle et tout à Jésus par elle en qualité d'esclave, lui faisant une consécration entière et éternelle de son corps, de son âme, de ses biens tant intérieursqu'extérieurs, des satisfaction et des mérites de ses bonnes actions, et du droit qu'on a d'en disposer, enfin, de tous les biens qu'on a reçus par le passé, qu'on possède à présent et qu'on possédera à l'avenir. Comme il y a plusieurs livres qui traitent de cette dévotion, il me suffit d'assurer que je n'ai jamais trouvé de pratique de dévotion à la Sainte Vierge plus solide, puisqu'elle est appuyée sur l'exemple de Jésus-Christ, plus glorieuse à Dieu, plus salutaire à l'âme, et plus terrible aux ennemis du salut; et enfin plus douce et plus aisée. 220. Cette dévotion bien pratiquée, non seulement attire Jésus-Christ, la Sagesse éternelle, dans une âme, mais encore l'y entretient et l'y conserve jusqu'à la mort. Car, je vous prie, que nous servira de chercher mille secrets et de faire mille efforts pour avoir le trésor de la Sagesse, si, après l'avoir reçue, nous avons le malheur de la perdre, comme Salomon, par notre infidélité? Il a été plus sage que nous ne serons peut-être jamais, et, partant, plus fort, plus éclairé; cependant il a été trompé, il a été vaincu, et est tombé dans le péché et la folie, et il a laissé tous ceux qui l'ont suivi dans un double étonnement de ses lumières et de ses ténèbres, de sa sagesse et de la folie de ses péchés. On peut dire que, si son exemple et ses livres ont dû animer tous ses descendants à désirer et rechercher la Sagesse, sa chute véritable, ou du moins le doute bien fondé qu'on en a eu, a empêché une infinité d'âmes de s'appliquer à la recherche d'une chose, à la vérité bien belle, mais bien facile à perdre. 221. Pour être donc, en quelque manière, plus sage que Salomon, il faut mettre entre les mains de Marie tout ce que nous possédons, et le trésor des trésors, Jésus-Christ, afin qu'elle nous le garde. Nous sommes des vaisseaux trop fragiles; n'y mettons pas ce précieux trésor et cette manne céleste. Nous avons trop d'ennemis sur les bras, et trop fins et trop expérimentés; ne nous fions pas à notre prudence et à notre force. Nous avons de trop funestes expériences de notre inconstance et de notre légèreté naturelle; soyons défiants de notre sagesse et de notre ferveur. 222. Marie est sage: mettons tout entre ses mains; elle saura bien disposer de nous et de ce qui nous apppartient à la plus grande gloire de Dieu. Marie est charitable: elle nous aime comme ses enfants et serviteurs; offrons-lui tout, nous n'y perdrons rien; elle fera tout réussir à notre profit. Marie est libérale: elle rend plus qu'on ne lui donne; donnons-lui ce que nous possédons, sans aucune réserve; nous en recevrons cent pour un, et, comme on dit, pour cent oeufs, un boeuf. Marie est puissante: rien n'est capable de lui ravir ce qu'on lui a mis entre les mains; mettons-nous entre ses mains; elle nous défendra et nous rendra victorieux de tous nos ennemis. Marie est fidèle: elle ne laisse rien égarer ni perdre de ce qu'on lui donne. Elle est la Vierge fidèle à Dieu et fidèle aux hommes, par excellence. Elle a gardé et conservé fidèlement tout ce que Dieu lui a confié, sans en perdre la moindre partie; et elle garde encore tous les jours, avec un soin particulier, ceux qui se sont mis entièrement sous sa protection et sa tutelle. Confions donc toutes choses à sa fidélité; attachons-nous à elle comme à une colonne qu'on ne peut renverser, comme à une ancre qu'on ne peut détacher, ou plutôt comme à la montagne de Sion qu'on ne peut ébranler. Quelque aveugles, quelque faibles et quelque inconstants que nous soyons de notre nature, et quelque nombreux et malicieux que soient nos ennemis, nous ne nous tromperons ni ne nous égarerons jamais et n'aurons jamais le malheur de perdre la grâce de Dieu et le trésor infini de la Sagesse éternelle. Consécration de soi-même à Jésus-Christ, la Sagesse éternelle, par les mains de Marie. 223. O Sagesse éternelle et incarnée! ô très aimable et adorable Jésus, vrai Dieu et vrai homme, Fils unique du Père éternel et de Marie toujours vierge! Je vous adore profondément dans le sein et les splendeurs de votre Père, pendant l'éternité, et dans le sein virginal de Marie, votre très digne Mère, dans le temps de votre incarnation. Je vous rend[s] grâce de ce que vous vous êtes anéanti vous-même, en prenant la forme d'un esclave, pour me tirer du cruel esclavege du démon. Je vous loue et glorifie de ce que vous avez bien voulu vous soumettre à Marie votre sainte Mère en toutes choses, afin de me rendre par elle votre fidèle esclave. Mais, hélas! ingrat et infidèle que je suis, je ne vous ai pas gardé les voeux et les promessesque je vous ai si solennellement faits dans mon baptême: je n'ai point rempli mes obligations; je ne mérite pas d'être appelé votre enfant ni votre esclave; et, comme il n'y a rien en moi qui ne mérite vos rebuts et votre colère, je n'ose plus par moi-même approcher de votre sainte et auguste Majesté. C'est pourquoi j'ai recours à l'intercession et à la miséricorde de votre très sainte Mère, que vous m'avez donnée pour médiatrice auprès de vous; et c'est par son moyen que j'espère obtenir de vous la contrition et le pardon de mes péchés, l'acquisition et la conservation de la Sagesse. 224. Je vous salue donc, ô Marie immaculée, tabernacle vivant de la Divinité, où la Sagesse éternelle cachée veut être adorée des anges et des hommes. Je vous salue, ô Reine du ciel et de la terre, à l'empire de qui tout est soumis, tout ce qui est au-dessous de Dieu. Je vous salue, ô Refuge assuré des pécheurs, dont la miséricorde n'a manqué à personne; exaucez les désirs que j'ai de la divine Sagesse, et recevez pour cela les voeux et les offres que ma bassesse vous présente. 225. Moi, N..., pécheur infidèle, je renouvelle et ratifie aujourd'hui entre vos mains les voeux de mon baptême; je renonce pour jamais à Satan, à ses pompes et à ses oeuvres, et je me donne tout entier à Jésus-Christ, la Sagesse incarnée, pour porter ma croix à sa suite tous les jours de ma vie, et afin que je lui sois plus fidèle que je n'ai été jusqu'ici. Je vous choisis aujourd'hui, en présence de toute la cour céleste, pour ma Mère et Maîtresse. Je vous livre et consacre, en qualité d'esclave, mon corps et mon âme, mes biens intérieurs et extérieurs, et la valeur même de mes bonnes actions passées, présentes et futures, vous laissant un entier et plein droit de disposer de moi et de tout ce qui m'appartient, sans exception, selon votre bon plaisir, à la plus grande gloire de Dieu, dans le temps et l'éternité. 226. Recevez, ô Vierge bénigne, cette petite offrande de mon esclavage, en l'honneur et union de la soumission que la Sagesse éternelle a bien voulu avoir de votre maternité; en hommage de la puissance que vous avez tous deux sur ce petit vermisseau et ce misérable pécheur, et en action de grâce [des privilèges] dont la Sainte-Trinité vous a favorisée. Je proteste que je veux désormais, comme votre véritable esclave, chercher votre honneur et vous obéir en toutes choses. O Mère admirable! présentez-moi à votre cher Fils, en qualité d'esclave éternel, afin que, m'ayant racheté par vous, il me reçoive par vous. 227. O Mère de miséricorde! faites-moi la grâce d'obtenir la vraie sagesse de Dieu et de me mettre pour cela au nombre de ceux que vous aimez, que vous enseignez, que vous conduisez, que vous nourrissez et protégez comme vos enfants et vos esclaves. O Vierge fidèle, rendez-moi en toutes choses un si parfait disciple, imitateur et esclave de la Sagesse incarnée, Jésus-Christ, votre Fils, que j'arrive, par votre intercession, à votre exemple, à la plénitude de son âge sur la terre et de sa gloire dans les cieux. Ainsi soit-il. Qui potest capere capiat. Quis sapiens et intelliget haec? [Mt 19,12; Os 14,10]
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