CHAPITRE XIII

Les Deux Bêtes


Nous entrons maintenant au coeur du récit du grand drame final que doit subir la terre avant sa transformation, son renouvellement ; ce qui, nous l'avons dit, ne signifie pas forcément sa destruction totale. Et, plus nous avancerons maintenant dans notre étude, plus il nous sera impossible de ne pas voir que notre époque semble bien réaliser déjà une bonne partie de l'Apocalypse, en préparation tout au moins.
L'Apôtre décrit au début de ce chapitre la Bête sortant de la mer portant 10 cornes couronnant 7 têtes aux noms de blasphèmes. Pour Jean, cette bête existe réellement ; il la voit où elle est, et pourraient encore la voir ceux à qui cette vision serait permise. Mais sa descente ici-bas est la cause du redoublement de ce qu'on peut appeler le mal collectif, et, en réalité, cette bête n'a jamais cessé son action au cours des siècles ; de nos jours, elle est plus visible encore. Les 10 cornes représentent les 10 formes du mal que nous connaissons et que peuvent facilement repérer ceux qui, suivant Jésus, ne marchent plus dans les ténèbres.
Le mensonge général, l'hypocrisie élevés à la hauteur d'un principe par les gouvernements de beaucoup de pays, la divinisation de l'homme et de l'intelligence humaine, la corruption dans les idées, dans les philosophies, la doctrine du moindre effort, la négation de la beauté du travail, l'avilissement moral atteignant toutes les classes de la société, l'athéisme déclaré franchement, ou dissimulé sous des spiritualismes vagues déformant l'idée de Dieu. Telles sont les principales formes du mal que l'approche de la Bête a tendance de répandre de plus en plus. Quant aux blasphèmes, hélas ! ils sont partout et s'étalent librement, dans les livres, les revues, et dans presque toutes les manifestations extérieures de l'intelligence humaine.
L'examen détaillé de la description de la Bête a conduit les commentateurs à essayer de savoir quels pays sont plus particulièrement désignés.
Fidèle au principe que j'ai adopté, je crois préférable de penser que, si certains pays pourraient peut-être avoir été d'avance montrés par l'ours et le léopard, on ne peut rien affirmer, et, du reste, le mal est général. On a voulu voir dans les 10 cornes 10 pays restes de l'empire romain. J'y consens, mais rien ne m'y fait plus particulièrement penser. Une des têtes de la Bête a été blessée dans le combat avec St Michel, mais le Ciel a permis qu'elle guérisse pour que l'épreuve donnée aux hommes soit plus dure, car ce fait provoquera l'enthousiasme chez ceux qui se laisseront séduire (V. 5). « Il fut donné à la Bête une bouche pouvant parler orgueilleusement et blasphémer », nous fait penser à une incarnation du mal sous forme humaine se rapportant à l'apparition de l'Antéchrist prédite ,par les prophètes.
Les blasphèmes se répandront, et ont déjà largement commencé de se répandre par les livres, les tableaux, l'image les objets d'art ; qui finiront par remplir presque toute la terre.
La guerre sourde, le plus souvent très patente à certaines époques du passé, que Satan a faite aux élus et aux saints redoublera de violence à ce moment, et il sera permis que beaucoup, selon la prophétie du Christ Lui-même, soient vaincus, c'est-à-dire mis à mort. Cette violence sera à peu près générale sur toute la terre (V. 7. 8).
L'Antéchrist semble devoir séduire la majorité des hommes sauf ceux dont les noms sont écrits sur le Livre dd l’Agneau.
Mais ces crimes attireront sur leurs auteurs des réactions pareilles et nous retrouvons la phrase évangélique (« Celui qui frappe par l'épée périra par l'épée »). Et ce tableau nous fait comprendre ce qu'il a fallu, ce qu'il faudra alors de patience et de foi aux saints pour durer et tenir ferme jusqu'au bout.
On montre ensuite à Jean une deuxième bête : elle va agir en même temps que la première et en sa présence. Son pouvoir lui vient de celle-ci. La deuxième bête semble donc préciser la descente sur la terre sous forme humaine de l'Antéchrist, qui entraînera tous les hommes à adorer la première Bête, c'est-à-dire le mal. Quelle sera l'apparence extérieure de ]'Antéchrist ? Comme il aura deux cornes semblables à celles de « l'Agneau », cela nous conduit à supposer qu'il sera beau comme Jésus, avec cependant une asymétrie dans les traits peu apparente pour tous, mais sensible, pour ceux qui ne seront pas séduits. Sa parole sera forte comme celle d'un dragon. Les versets qui suivent nous décrivent ses immenses pouvoirs et ses procédés de gouvernement. Il pourra commander au tonnerre et faire descendre le feu (certain feu), ce qui n'est pas synonyme. Il séduira les hommes par les plus éclatants (prodiges, guérira les malades et ressuscitera les morts (en apparence). Tous les hommes seront tellement attirés qu'il n'aura aucun mal à se faire adorer dans les temples : en particulier, même dans le temple de Jérusalem reconstruit (c'est peut-être le sens des paroles évangéliques : « l'abomination de la désolation »). Il ordonnera d'y ériger sa statue, à laquelle il donnera la parole par des prestiges V.15) ; c'est elle qui dénoncera et fera mettre à mort tous ceux qui, amenés à ses pieds, refuseront de l'adorer. Enfin, n'est-on pas frappé par la ressemblance, l'analogie parfaite entre les derniers versets et les procédés qui seraient probablement employés par certains partis politiques extrêmes s'ils venaient à un pouvoir absolu ? Tous les hommes qui auront accepté d'adorer l'Antèchrist recevront une marque spéciale qui leur permettra seule d'acheter et de vendre, de sorte que les serviteurs de l'Agneau ne pourront plus se nourrir. Ce n'est évidemment qu'une analogie, mais elle est frappante. Le chapitre donne en chiffres le nom que portera l'Antéchrist : 666. Faut-il chercher à les interpréter par des calculs ? seuls S'y risqueraient avec succès ceux à qui Jésus a révélé , tous les secrets de son Père. Pour nous, nous ne voulons pas nous aventurer, car nous pourrions aboutir à une erreur aussi énorme que celle d'un commentateur qui, en traduisant le nom de Napoléon en lettres grecques, est péniblement parvenu à retrouver le nombre 666 ! je crois mon ignorance plus prudente.