Calliste le Patriarche.

Calliste, qui portait le nom de Xanthopoulos et fut Patriarche de Constantinople, vécut au XIVème siècle sous Andronique II Paléologue, de 1350 à 1363. Disciple de Grégoire le Sinaïte (dont il rédigea plus tard la biographie), il fut moine au Mont Athos, dans la skite de Magoula en face du monastère de Philothée. Il vécut là vingt-huit ans avec son condisciple Marc. 11 se lia également d'une telle amitié avec Ignace, qui portait lui aussi le nom de Xanthopoulos, qu'ils étaient d eux deux comme une seule âme. Devenu Patriarche, et en route pour la Serbie, où il allait travailler à l'union et à la paix de l'Église, il passa par la Sainte Montagne. Là, Maxime le Capsocalyvite lui fit une prédiction teintée d'humour en disant : "Ce vieillard a perdu sa vieille femme". En effet, à peine arrivé en Serbie, Calliste échangea la vie mortelle contre l'incorruptibilité.
Il est, très vraisemblablement, l'auteur des "Quatre-vingt trois chapitres sur la prière"...

Citations :

21. C'est Dieu qui enseigne à l'homme la connaissance, ainsi qu'il est écrit. Mais comment enseigne-t-il ? Il donne la prière dans la sainte impulsion qui transmet lumineusement à celui qui prie la respiration continuelle de l'Esprit. Une telle prière sacrée est vraiment la demeure, la grande demeure de la grâce plus que bonne. Elle est un maître pour celui qui l'a reçue. Elle est manifestement comme un miroir du visage de l'âme. En elle l'intelligence voit clairement ses propres tendances, ses écarts, ses aliénations, ses acédies, ses fraudes. Et pas seulement cela. Elle est aussi l'air de la pureté, la splendeur de la contemplation, l'esprit de la tension de l'oeuvre divine vers Dieu, la flamme de feu des désirs ardents de Dieu, la simplicité de l'intelligence dégagée des formes, le silence loin de tout et la joie immense de l'émerveillement. En un mot, l'intelligence voit et connaît infailliblement par la prière ce que sont les états et les passions de l'âme. Elle est lumineusement initiée aux premières causes des principes qui donnent à l'âme son mouvement. Elle sert les unes et elle s'attache aux autres, autant que possible, successivement, dès lors qu'elles sont de toute manière dignes d'amour ou de sollicitude.
22. Si la sainte prière spirituelle n'était, comme on l'a dit, que le maître qui enseigne et signifie les devoirs de la vertu, ne serait-elle déjà pas digne de ces grandes choses ? Mais si elle n'est pas seulement un maître qui enseigne et signifie, mais aussi un consolateur qui mène à tout ce qui est naturellement de l'ordre des biens, de quelles offrandes sacrées ne serait-elle pas plus haute, de quelles louanges ne serait-elle pas au-delà ? Toutefois l'enseignement et la consolation ne servent relativement à rien, si l'enseigné et le consolé sont faibles. Il leur faut une puissance qui stimule leur désir. Si tu cherches, tu trouveras une fois pour toutes la prière, et tu découvriras en elle l'énergie qui conforte l'âme dans l'Esprit.
Tant est grand en ceux qui se vouent à la vertu un tel pouvoir de la prière. Et à bon droit. Car la prière qui respire, et pour ainsi dire la prière qui vit, fait monter du coeur un flux continuel. Et elle est manifestement telle par la communion et l'énergie de l'Esprit vivifiant. Trois choses sont donc des plus nécessaires : l'enseignement de ce qui convient aux spirituels, puis bien sûr la consolation dans les combats des oeuvres, enfin avant tout cela, la puissance qui soulage les actes et les difficultés. Notre Seigneur qui donne l'Esprit l'a dit : "Vous recevrez la puissance du Saint-Esprit qui viendra sur vous". Et cette puissance, il l'appelle précisément Consolateur et Maître qui enseigne, quand il dit: "Le Consolateur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera tout et vous rappellera ce que j'ai dit". C'est ainsi que par la prière est justement donnée à chacun, pour son bien, la manifestation de l'Esprit. À l'un est donné un esprit de sagesse; à l'autre un esprit de connaissance; à l'autre un esprit de guérison; et toutes ces choses qu'à mentionnées l'Apôtre, et qu'anime l'unique et même Esprit, lequel se partage en chacun comme il veut. C'est ce que révèle clairement l'enseignement de saint Paul.
À celui qui, d'une manière ou d'une autre, a part aux dons de l'Esprit sont nécessairement liées ces trois choses : la puissance plus haute que la nature, l'enseignement plus haut que le monde, et la consolation divine qu'ont révélée les saintes paroles du Seigneur, nous l'avons dit. Quand, par ailleurs, le Seigneur dit: "Sans moi vous ne pouvez rien faire ", il montre indubitablement que tout ce qui tend à agir a de toute nécessité besoin de la puissance divine. Et quand il dit : "N'appelez personne sur la terre votre maître, car vous n'avez qu'un mare et qu'un guide, le Christ" . il signifie clairement que l'homme a besoin de l'enseignement divin pour comprendre ce qu'il doit faire et ce qui lui vient de Dieu. Enfin quand il affirme: "Je demanderai au Père, et il vous enverra un autre Consolateur, l'Esprit de vérité, pour qu'il demeure toujours avec vous", il rappelle que la consolation est tout à fait nécessaire et inséparable de la grâce.
La distinction entre les charismes va donc pour ainsi dire de soi. En effet, autre chose est la sagesse, et autre chose en l'espèce la connaissance. La prophétie ne leur ressemble pas. Et les charismes des guérisons sont encore autre chose. Bref, chacun des dons de l'Esprit qu'a dénombrés l'Apôtre se distingue de l'autre. Cependant, quelle que soit la grâce, elle est parée des trois énergies de l'Esprit vivifiant que nous avons dites. Comment, en effet, l'intelligence créée recueillie dans un corps pourra-t-elle communier à ses propres biens et à la vertu, s'il ne lui est pas donné d'avoir part à la puissance plus haute que le ciel, que même les anges n'ont pas ? Et comment trouvera-t-elle le moyen d'avoir part au mystère plus haut que le monde, sans l'initiation de l'Esprit ? C'est dire qu'elle sera prise de vertige en parvenant à cette hauteur où la portent le grand don de Dieu et la ferme tension de la vertu, si elle n'a pas aussi découvert la sainte consolation du Dieu bon.
Que faut-il donc penser de la prière faite sous l'impulsion de l'Esprit, cette prière qui dispense à l'âme tout don spirituel et porte avec elle la puissance, l'enseignement et la consolation du Saint-Esprit ? De quelles louanges une telle prière ne serait-elle pas plus que digne ? Combien doivent l'honorer ceux qui l'ont reçue par la grâce ? Et combien doivent la chercher ceux qui ne l'ont pas encore, elle qui, par la sainte union, lie l'intelligence à Dieu dans le Christ Jésus, le Fils de Dieu en vérité ?
23. Quand, par la grâce, l'étude mesurée des choses qui entourent Dieu et le secours du souffle de l'Esprit vivifiant ont donné une claire pensée de Dieu à l'intelligence, que celle-ci se regarde elle-même et qu'elle considère sa propre faiblesse, et combien la négligence, l'oubli des devoirs, et donc l'ignorance de son oeuvre propre, l'ont éloignée de ce qu'elle doit faire. Ainsi toi qui travailles à te blâmer toi-même et à t'humilier devant le juste et le vrai, va continuellement vers Dieu par la prière, d'un esprit humble, dans la certitude et l'espérance de l'incompréhensible amour que Dieu porte à l'homme par ineffable bonté. Cet amour débordant nous fait approcher avec assurance du trône de la grâce, comme nous l'enseigne saint Paul. Car ce n'est pas en suivant nos voies que Dieu a coutume d'agir en nous : c'est en suivant sa compassion infinie. Ne cherchons donc pas à porter nos regards sur nous au temps de la prière. Mais regardons vers la force de pureté et de grande compassion qui est dans notre Dieu, notre Père plus que bon, afin d'avoir ainsi en nous, sans mal, son amour vraiment salutaire.