Douze vierges, un jour, devisèrent ensemble, Des charmes infinis de Jésus, leur époux, Dont l'insigne beauté rend les anges jaloux ; Et, comme l'univers n'a rien qui lui ressemble, Elles louaient l'Amour, l'Amour suave et doux. La Première disait: Mon coeur est tout de flamme Pour le nom adoré de Jésus, mon sauveur ; Et, comme sa vertu réconforte mon âme, Jamais amour humain ne sera mon vainqueur ! Jésus seul est parfait ! Jésus seul est aimable Et sa divinité nous le rend adorable. La Seconde disait : Oh ! que je l'aimerai, Quand je pourrai connaître où son amour commence Mais je l'ignore, hélas ma funeste indolence Me prive de ses dons car je vous avouerai Que, trop souvent coupable et toujours agitée De mille soins divers mon âme est tourmentée. La Troisième disait : Il vient toujours à moi Comme un ami bien tendre, et promet à ma foi De merveilleux joyaux, d'ineffables délices ; Mais, je ne sais comment et par quels artifices Il s'évade soudain, tel un hôte inconstant ; Et je suis vainement ses lumineuses traces, Pour le revoir encore et jouir de ses grâces. . . Certes, il est peu sage et peut-être imprudent, De chanter un beau jour, avant que les étoiles Ne brillent dans un ciel tout d'azur et sans voiles, La Quatrième disait: Il y va de l'honneur De n'exiger pour soi, paresseuse et frivole, Le prix du pur amour, qu'après que le labeur Est enfin terminé... Pour ceindre l'auréole, Il faut que tout vainqueur Au baiser de la Gloire ait disposé son coeur... Mais, on voit trop souvent ouvrier mercenaire, Refusant le labeur, se plaindre du salaire. La Cinquième disait: L'amour de mon Jésus Me cause tant d'alarmes, Que mon coeur et mes sens demeurent sous les larmes. Et je ne sais à qui parler de ses abus : J'ai beau me donner toute, il réclame sans cesse! Occupé jour et nuit à tromper ma faiblesse, Il fait à ma candeur mille et mille larcins, Sans que je puisse au moins déjouer ses desseins. Ce commerce inégal et le peu de largesse De mon divin amant, expliquent ma détresse. La Sixième disait : O l'étrange discours Et la folle requête Ainsi donc, tous les jours Notre Maître Jésus serait l'hôte prodigue ? A cet amour sans borne il faut mettre une digue. Femmes, vous côtoyez la route de l'erreur Et votre langue impie offense le Seigneur. C'est trop de liberté de sens ou de parole Que le vrai repentir inspire votre rôle ! Car, il faut pour parler de l'amour de Jésus, De crainte et de respect être moins dépourvus. La Septième disait : Mon âme est affamée De l'amour que Jésus a pour sa bien aimée ! Mais quand même j'aurais tout le trésor divin Qu'il peut verser à flots dans une âme qui l'aime, Il me paraîtrait vain Et ne suffirait pas, en dehors de lui-même, Pour apaiser ma faim. La Mort, lente à venir, me semble nécessaire A l'essor d'un amour que je veux satisfaire. La Huitième disait : Oui, le Seigneur Jésus Est l'aliment divin qu'on goûte dans la joie. A son banquet sacré les coeurs purs sont reçus Et, comme l'amour vrai jamais ne se fourvoie, Ses ardents zélateurs ne seront pas déçus. Il est mien, ce Jésus, et je suis toute sienne Rien ne peut. empêcher que mon âme appartienne A ce Dieu rencontré par un heureux hasard. Comme on ouvre une noix, je l'ouvris sans retard : Il faut être bien fou pour dédaigner l'amande ! Cachée à l'oeil profane, elle est douce et gourmande : Elle fait des élus les délices sans fin ; Et c'est elle qui peut satisfaire leur faim. Or, je veux sans détour vous dévoiler mon âme : Si j'avais tout pouvoir que comporte ma flamme, Jésus serait lui seul mon Seigneur et mon Dieu ; Tant il fait bon servir son amour en tout lieu, Et boire à son calice est, le meilleur dictame. La Neuvième disait : Que l'amour de Jésus, Hélas ! me laisse seule !.. Il me faut à toute heure Marcher en des chemins qui me sont inconnus ; Tout me trompe et me leurre ; Des douceurs de jadis rien ne me reste plus C'est comme une gageure Un état si pénible est pour moi plein d'ennui Jésus m'a pris mon coeur et bien loin s'est enfui La Dixième disait : Que l'amour est suave De mon Seigneur Jésus, dont je reste l'esclave! Il pénètre mon âme et me donne à goûter Son vin délicieux... Ma coupe est toute pleine Dieu bon ! puis-je sans perdre haleine, Vers de plus hauts sommets tendre encore et monter, Lorsque toute ravie en ta face sereine L'âme boit à longs traits ce breuvage de reine, Est-il d'autres amours qui puissent l'enchanter ? La Onzième disait : Que désirer encore ? Ne suis-je point perdue en celui que j'adore, Et dont l'attrait fait seul le bonheur des élus ? Ne suis-je point plongée en l'insondable abîme, Où l'on goûte avec Dieu la paix la plus intime ; Et dont l'âme ne revient plus ? La Douzième disait - Quel bien ne puis-je faire ? Ma volonté s'émeut : Il faut la satisfaire ? Car l'amour ne saurait demeurer inactif... L'amant de la vertu la pratique sans cesse Et, loin des passions, toujours contemplatif, Il adore sans fin la divine sagesse : Puis, son âme se plonge en l'essence de Dieu Et dans ce bain d'amour qui procure l'ivresse, Il goûte le bonheur, en tout temps, en tout lieu, Dans l'état de quiétude où l'âme satisfaite Mène la vie heureuse, ineffable et parfaite. Et les Vierges chantaient en l'extase d'amour : Quand l'Amour nous presse, Publions sans cesse, En de doux accords, Ses divins transports Chantons le mystère, Qui voile à nos yeux L' Amour sur la terre Et le montre aux cieux ! Oh ! comme il nous aima notre Père céleste, Qui, des hauteurs des cieux, fit descendre son fils, Pour guérir les humains de la mortelle peste, Et, par la mort d'un Dieu, rouvrir le Paradis ! Vivons à notre tour, comme vécut lui-même Ce divin Rédempteur d'où viennent tous les dons Il mettra sur nos fronts L'éternel diadème ; Afin que, par les pleurs, Arrivés à la gloire Et guéris des douleurs, Nous chantions la victoire De l'Agneau, Fils de Dieu, Mort pour briser nos fers et occir la mort même Du sublime géant qui ravit de ce lieu Vers les divins sommets, l'âme éprise qui l'aime. |