DE CERTAINS HÉRÉTIQUES PESTILENTIELS ET DE LEUR QUADRUPLE ERREUR.
En notre époque périlleuse, on peut rencontrer des hommes pervers, tout à fait écartés (de la voie) du ciel, qui, bien que ne menant ni la vie contemplative ni la vie active, néanmoins prétendent être les plus sages et les plus saints du monde : Ce sont les hommes oisifs, dépouillés des apparences de toutes choses, qui dans la pure et simple nature, sans la grâce et les vertus divines, au-dessus de la raison, se renferment en eux dans leur propre essence ; et là, trouvent et goûtent le repos ; et, sans voile, le dépouillement (la nudité). Et c'est là (le but) suprême où la nature peut atteindre sans la grâce et les vertus. Mais, parce que ces hommes n'ont nullement reçu le baptême de l'esprit du Seigneur et de la véritable charité, ils ne peuvent découvrir et contempler ni Dieu ni son glorieux royaume dans son essence ; mais ils trouvent leur essence propre, une paix tranquille et exempte d'apparences ; et là, ils se persuadent qu'ils jouissent de l'éternelle béatitude. De là, naissent et germent quatre espèces d'hérésies et de maux multiformes qui sont de nature à désoler le monde.
La première espèce est l'ennemie de l'Esprit saint, de sa grâce, de sa miséricorde. La deuxième est contraire à notre Père céleste et à sa puissance. La troisième s'acharne contre Jésus-Christ et sa très noble humanité. La quatrième est opposée à Dieu et à toute la sainte Eglise catholique.
« Il est des êtres vils et tout épris d'eux-mêmes, Qui, loin de chercher Dieu, Dont la, lumière brille, en tout temps, en tout lieu, Pensent trouver en eux leurs délices suprêmes. |
DE LA PREMIÈRE ERREUR QUI COMBAT CONTRE DIEU ESPRIT-SAINT
Ceux qui appartiennent à la première espèce disent qu'ils sont l'essence de Dieu, au-dessus des personnes de la divinité ; et c'est pourquoi ils sont inactifs (oisifs) comme s'ils n'étaient pas : car l'essence de Dieu n'agit pas, mais l' Esprit Saint opère. Ils pensent donc qu'ils l'emportent sur l'Esprit Saint lui-même ; et qu'ils n'ont besoin ni de lui ni de sa grâce : car ils disent, non seulement que nulle créature mais que Dieu lui-même ne peut leur donner ou leur enlever quelque chose.
Ils ont pour sentences : que leurs âmes .sont de la substance de Dieu ; et qu'à leur mort, ils doivent redevenir ce qu'ils étaient auparavant ; de même qu'un verre d'eau puisée à la fontaine, si on la verse de nouveau dans la source elle-même, redevient ce qu'elle était auparavant.
Ils disent en outre que, si quelqu'un parcourait l'univers céleste, il ne trouverait (avec eux) nulle distinction, nulle différence angélique, spirituelle, d'ordre, de gloire, de récompense ; puisqu'ils pensent qu'il n'y a rien là, si ce n'est une simple et bienheureuse essence exempte de toute action. Ils ajoutent, qu'après le dernier jour du jugement, tous les hommes, les bons comme les mauvais, en même temps que Dieu lui-même, ne doivent être qu'une seule et même essence divine, qui, pendant toute l'éternité, cessant toute action, doit vaquer à un repos sans fin.
Et c'est pourquoi ils ne veulent rien savoir, connaître, vouloir aimer, penser, glorifier, louer, désirer, posséder. Car ils veulent être au-dessus de Dieu et sans Dieu, ne rechercher et ne trouver Dieu en rien, enfin être absolument indépendants de toutes choses. Et ils appellent cela, parfaite pauvreté d'esprit.
Mais cette sorte de pauvreté ne se rencontre nullement dans le ciel, ni en Dieu ni dans les anges, ni dans les saints, ni dans les justes de l'univers : Elle est donc la pauvreté diabolique et infernale. Car dans les enfers il n'y a ni connaissance, ni amour, ni louange, ni action de grâces, ni vertu ; ni vérité, ni sagesse, ni justice ; mais le déshonneur, l'ignominie, le tourment, le feu du Tartare, la misère et le malheur sempiternel. Or ceux qui sont nés du Saint-Esprit, vivent en lui et se vouent à toutes les vertus, ceux-là certes connaissent, aiment, cherchent, trouvent, goûtent et possèdent la grâce et la gloire, ainsi que les joies éternelles et immenses que donnent la possession de Dieu même. En effet, les véritables pauvres d'esprit sont morts à eux-mêmes en l'amour, vivants dans le Saint-Esprit, et jouissants; de l'éternelle béatitude.
D'ailleurs ceux qui, par eux-mêmes, sans l'esprit du Seigneur, sans sa grâce, s'efforcent de s'élever, bien qu'ils trouvent en eux-mêmes dans leur fonds, le repos : cependant ne sauraient rencontrer au-dessus de leur essence et de leur nature, ce en quoi consiste l'éternelle béatitude. Car ils pêchent contre le Saint-Esprit, qui est le donateur et le distributeur de toute grâce, de toute charité, de toute gloire, et de l'infinie béatitude. C'est donc là, le premier genre d'hérésie ou de perfidie, dans lequel, de notre temps, quelques hommes insensés et aveugles errent, et vont se précipiter dans les abîmes de la damnation.
« Ils pensent l'emporter sur toute la nature Et, dans leur fol orgueil, qui les égale à Dieu,` Ils font le créateur comme la créature... Sans nul élan d'amour, malgré leur imposture, Ils ont trouvé la paix et bornent là leur voeu... Mais, en ce calme étrange, ils n'ont pas vu l' abîme Entr'ouvert sous leurs pas ; Et, croyant du bonheur atteindre enfin la cime, Ils voient dresser leur juge aux lueurs du trépas. » |
CHAPITRE XX
DE LA SECONDE ERREUR OU HÉRÉSIE CONTRE DIEU LE PÈRE.
Si j'eusse voulu, je ne serais ni fait, ni créé. Dieu en effet ne sait, ne veut, ne peut ,quoi que ce soit sans moi ; puisque, un avec Dieu, j'ai créé moi-même et toutes choses ; de ma main (puissance) dépendent le ciel, la terre et toutes les choses créées ; et tout honneur attribué à Dieu l'est aussi à moi-même, puisque en mon essence je suis Dieu par nature. C'est pourquoi je n'ai ni espérance, ni amour, ni confiance, ni croyance en Dieu, je ne puis ni prier, ni adorer Dieu ; car je n'attribue à Dieu, au-dessus ou en dehors de moi, ni prérogative, ni honneur. Il n'y a en effet en Dieu nulle distinction de personnes, ni Père, ni Fils, ni Saint-Esprit. Il n'est que Dieu, et avec lui, moi-même je suis un, tout comme lui-même ; avec lui j'ai créé toutes choses, et sans moi il n'est rien. Considère je te prie, lecteur, combien infâme et détestable est cette perfidie, cette hérésie. Certes, ceux qui pensent ainsi, et qui ont cette persuasion, sont indociles, insensés et inaptes à recevoir et comprendre la vérité pure (sincère) de la foi catholique. C'est jusqu'à cette hauteur, cette indignité, cette folie, qu'ils poussent leur superbe spirituelle. Et ils ne s'émeuvent nullement, quand même ils auscultent les sacrés mystères et les arcanes de l'Eglise ; et qu'ils entendent ce qui est de foi chrétienne, divulgué et enseigné par la parole et les écrits des apôtres, eux-mêmes : à savoir que Dieu le Père céleste a créé de rien le ciel et la terre et tout ce qu'ils contiennent, le Soleil, la lune, tous les éléments, toutes les créatures, et au-dessus de toutes ces choses qu'il a fait les anges dans le ciel ; et le premier homme, du limon de la terre; et qu'il a inspiré en lui le souffle de vie ; et que, de ce premier (homme) lui-même, nous sommes tous sortis. Or, comment Dieu crée l'âme, nous le soumettons à sa science et à sa vérité. Enfin ce que dit le Prophète : (Dieu) lui-même nous a faits, et non pas nous: Ipse (Deus) fecit nos et non ipsi nos.
Certes, c'est là notre foi Catholique, que dès l'origine du monde, Dieu a créé les anges et tous les autres êtres, et non que nous nous sommes faits nous-mêmes. C'est pourquoi, ce Lucifer que Dieu avait élevé et orné au-dessus de tous (les êtres), lorsqu'il prétendit à la ressemblance de Dieu, fut précipité dans le Tartare. Et ces infortunés, qui non seulement veulent être semblables à Dieu, mais Dieu lui-même, sont pires que Lucifer lui-même et tous ses adeptes, et subissent, comme je le crains, une condamnation plus terrible.
« Que cet homme chassé du Paradis terrestre, Et traînant son boulet de misère et de deuil, Dès que de cette vie il a franchi le seuil, Puisse, élevant son front jusqu'à Dieu, d'où vient l' Etre, Se comparer à Lui, Se prétendre l'égal de Celui Dont l'appui, Est l'unique ressort de tout ce que la vie Fait, pour un peu de temps, se plaindre, aimer, agir, Et souffrir, Et mourir... je le demande au ciel : Est-il pire folie ? » |
DE LA TROISIÈME ERREUR QUI S'ATTAQUE AU FILS DE DIEU ET A SON HUMANITÉ.
En effet, tout ce qui lui a été donné par Dieu, m'a été donné pareillement, non moins certes qu'à lui. Et bien que lui-même soit né d'une vierge, je n'en fais aucun cas, car c'est une chose absolument accidentelle, d'où ne provient aucune sainteté, aucune béatitude : c'est, en ce qui me regarde, comme s'il était né d'une courtisane. Mais il fut envoyé dans la vie active pour me servir, vivre et mourir pour moi ; et moi je suis envoyé dans la vie contemplative, beaucoup plus sublime que l'active. Quand je rentre en moi-même, oisif et dépouillé des formes, des figures et des nuances, je me trouve l'éternelle sagesse de Dieu, celle qu'il est lui-même dans sa divinité. S'il lui eût été donné de vivre plus longtemps, son âme eût atteint la vie contemplative que je réalise moi-même. Ainsi donc, tout l'honneur dont il jouit est aussi mon partage, et celui de tous ceux qui sont parvenus à cette sublimité de vie. Car nous sommes un avec lui, aussi bien dans sa nature divine que dans sa nature humaine ; et pour ce motif, comme j'ai dit, tout l'honneur qui lui est rendu m'est également attribué. Dans le Sacrement même (de l'autel), quand se fait l'élévation de son corps, se fait aussi la mienne; quand il est transféré, je le suis pareillement ; car je suis avec lui-même, chair et sang, une même et inséparable personne.
Il est aujourd'hui plusieurs formes de cette hérésie, qu'en vérité je n'ai pas encore entendu (soutenir).
Mais à tous ces hérétiques les divines écritures, la foi Catholique, notre Seigneur Jésus-Christ lui-même et tous les justes répondent :
Vois et considère, hérétique aveugle et insensé, combien il est étrange que tu pousses la folie et l'aberration du jugement et de l'esprit, jusqu'à te croire Fils de Dieu par nature.
Le Père céleste lui-même engendre de lui éternellement son Fils, seconde personne en la divinité ; et par le même Fils, qui est son éternelle sagesse, il a fait de rien le ciel, la terre et toutes choses ; et lorsqu'il les faisait, il n'a pas pris conseil de toi, qui n'étais pas encore ; et quand même tu fusses déjà sorti du néant, il n'avait pas besoin de ton concours et de ton avis.
Et lorsqu'il créa le premier homme, il eut pleine connaissance de toi aussi, mais tu n'en as aucun souvenir. Il connaît bien le dernier jour, où il doit juger le Monde, mais tu ne le connais pas. C'est lui-même qui conserve, régit, modère, ordonne le ciel, la terre et toutes les créatures, sans se servir nullement de ta sagesse. Lui, connaît parfaitement tout ce qui est, tout ce qu'il pourrait faire : toi, tu ne te connais pas toi même. Et, bien que dans la sagesse de Dieu, tu aies vécu éternellement, selon l'idée en dehors de toi-même, tu n'es pas pour cela la sagesse même de Dieu.
Ainsi pareillement, bien que Dieu vive en toutes créatures, et toutes les créatures en Dieu, cependant les créatures ne sont pas Dieu, et Dieu les créatures. Car ce qui est créé et ce qui est incréé demeurent toujours deux, et sont incommensurablement distants l'un de l'autre. Et quoique Dieu se soit fait homme et homme Dieu, cependant la divinité n'est pas l'humanité, ni l'humanité la divinité, mais dans toute éternité elles restent deux, le créé et l'incréé, Dieu et l'homme. En vérité le Verbe éternel du Père a pris notre chair, notre sang et notre âme vivante, de telle sorte que le Christ de deux natures est Dieu et homme. Car éternellement il a été engendré de la substance du Père, vrai Fils de Dieu et vrai Dieu ; et temporellement il est né vrai homme, en notre nature, de la substance de la bienheureuse Vierge Marie, mère sans tache ; et de la sorte, il est le Fils de Dieu et de la Vierge mère, et les deux par nature. Selon l'humanité en effet, il est très saintement et toujours Fils de la Vierge Marie, et son corps a été formé de son sang très noble et très pur, par l'opération du Saint-Esprit. Ainsi, dans notre nature il est le vrai et propre Fils de la même Vierge, et nul autre que lui seul. De même il est le Fils éternel de Dieu, engendré de la divine nature du Père, et nul autre que lui-même. Et de cette manière, le même Christ Jésus est le Fils de Dieu et de la bienheureuse Vierge Marie, Dieu et homme, ayant en vérité deux natures, mais une seule personne qui est celle du Fils de Dieu lui-même; et son humanité, c'est-à-dire son corps et son âme, est exaltée, honorée et glorifiée dans le ciel et sur la terre, au-dessus de tout ce que Dieu a créé, ou doit créer encore à jamais.
De là, aveugle et impudent hérétique, tu peux concevoir clairement que tu n'es pas le Christ, Fils de Dieu, Dieu et homme par ses deux natures ; mais que tu es pleinement dans l'erreur et l'absurdité. Dès lors, quand tu dis que tout ce que Dieu a donné à l'humanité du Christ, il te l'a donné également à toi, et rien en moins sans nulle exception, c'est un mensonge si insensé et si infâme, qu'on peut même le voir de ses yeux et toucher de ses mains. Dieu en effet a donné à l'humanité du Christ Jésus toute puissance dans le ciel et sur la terre, sur toutes créatures ; c'est pourquoi il remettait les péchés aux pécheurs qui l'imploraient et le désiraient ; et en outre leur conférait sa grâce ; il ressuscitait les morts, en rappelant leurs âmes des enfers et leurs corps du sépulcre ; tout ce qu'il touchait ou s'approchait de lui avec foi, était guéri de tous maux, tout ce qu'il voulait, il le pouvait ; à ceux qui croyaient en lui, tout ce qu'ils demandaient, il le leur donnait corporellement ou spirituellement, en tant qu'il connaissait leur être utile ou salutaire.
Une telle puissance, Dieu ne te l'a certes pas donnée, ô homme insensé et misérable. Ajoute à cela, que l'âme du Christ était si riche des dons de Dieu, qu'elle connaissait Dieu son créateur et toutes les créatures dans le ciel et sur la terre, demême les paroles, les actions, les pensées de tous les mortels ; et distinctement, tout ce qu'elle voulait connaître. Elle savait aussi tout le présent, le passé, l'avenir depuis le commencement du monde jusqu'au dernier jour, et rien ne lui était caché dans le ciel et sur la terre. C'est pourquoi il prédit sa passion, ses tourments et sa mort, et cela distinctement comme il devait (les) souffrir ; ainsi, que sa résurrection au troisième jour, sa glorieuse ascension dans le ciel, la mission du Saint-Esprit, dans tous ceux qui se prépareraient à sa réception ; et enfin, sa venue pour le jugement, à la fin des temps, afin de juger les bons et les mauvais. Et toutefois, tu oses dire, ô homme vil et misérable, que le Christ Jésus a été envoyé dans la vie active, afin de te servir et de mourir pour toi. et les autres mortels ; mais que s'il eût pu vivre plus longtemps, il serait parvenu à la vie contemplative, plus sublime que l'active, et à laquelle tu es parvenu toi-même. Mais sois bien assuré, ô homme perdu et plusaveugle que la taupe, que l'âme du Christ fut (et est) plus illuminée de la sagesse de Dieu, plus sublimement et perspicacement contemplative que tous les mortels qui furent (sont) ou seront jamais. Quant à toi, tu n'es doué ni de la vie contemplative, ni de la vie active, ni absolument d'aucune vertu qui plaise à Dieu, et puisse assurer ton salut et ta béatitude. Mais, comme le chien dormant qui songe tenir entre ses dents un morceau de chair est heureux ; et lorsqu'il s'éveille, sentant qu'il n'a rien s'attriste ainsi il advient pour toi. Car la fausse et vaine paix te trompe à tel point, que tu t'imagines être le contemplateur de Dieu, tandis que tu ne sais rien ou peu de chose de Dieu.
En effet, dans ton retour sur toi-même, dégagé des images (des choses), au-dessus de la raison, sans considération, plus haut que toutes les facultés de ton âme, tu découvres l'essence (simple) nue de ton âme, libre et dégagée de la nature elle-même, ainsi qu'elle a été créée par Dieu ; et tu penses qu'elle est Dieu, et que toi-même tu es Dieu, et la sagesse même de Dieu, le Christ Jésus, Dieu et homme. Mais tu erres de toute l'étendue du ciel. Car tu es persuadé que tu es le Christ, ou absolument un avec lui-même, et que toute gloire rendue à lui même t'est, à part égale, dispensée à toi. Cette persuasion est hérétique, et répugne à toute vérité. - Nous adorons en effet le Christ, nous croyons et nous espérons en lui, car il est notre Dieu. Mais si nous te rendions les mêmes hommages, nous serions certes perfides, hérétiques, exécrables et maudits comme toi. - Tu affirmes en outre, ô le plus pervers de tous les hommes 1 que le corps du Christ est ton corps ; car tu penses que tu es sa chair et son sang très saints, absolument un avec lui, et que où son corps très saint est consacré, élevé et porté dans le Sacrement, le tien l'est aussi ; et c'est pourquoi, tu n'éprouves aucun désir de vénérer son corps, tu n'as pour lui ni respect ni honneur, tu n'éprouves pas le besoin de contempler l'adorable Sacrement, pas plus que le caniche qui vient avec sa maîtresse dans les parvis sacrés ; et quand le prêtre élève de ses mains tremblantes le sacrement très saint, c'est, pour toi, comme .si tu regardais un mur.
Mais prends garde, âne entêté et lourd (grossier) : je vais t'apprendre la vérité elle même.
Dans la dernière cène, lorsque le Seigneur Jésus consacra son corps très saint et son sang précieux, il prit le pain dans ses mains augustes et vénérables, et levant les yeux au ciel vers Dieu son Père tout Puissant, rendant grâces, il bénit (ce pain), le rompit et le donna à ses disciples, en disant Prenez et mangez-en tous : Car ceci est mon corps : Hoc est enim corpus meum. Or, parce que le même Christ Jésus est la, vérité éternelle, il ne peut ni mentir, ni nous tromper. Ensuite de la même manière, prenant aussi le calice dans ses mains saintes. et vénérables, rendant également grâces à son Père céleste, il bénit (ce vin) et le donna à ses disciples, en disant : Prenez et buvez en tous : Car ceci est le calice de mon sang qui sera versé pour vous et pour beaucoup, ,en rémission des péchés. Hic est enim calix sanguinis mei (etc) qui pro vobis et pro multis effundetur in remissionem peccalorum.
Toutes les fois que vous accomplirez ce sacrifice, vous le ferez en mémoire de moi, c'est-à-dire de ma charité, de ma passion et de ma mort.
C'est ainsi, en vérité, que le Christ lui même a établi, dès l'origine, ce sacrifice de son corps très saint et de son sang précieux : ce dont tous les Saints Evangélistes rendent témoignage, ainsi que le culte et les exercices de la Sainte Eglise, qui datent de ce temps où le Seigneur Jésus envoya le Saint-Esprit sur les Apôtres et tous les croyants, qui s'étaient préparés à le recevoir. Et jamais il n'y eut de saint qui pût ou osât affirmer, que le corps et le sang du Christ étaient son propre corps et son propre sang. Bien plus, la bienheureuse et toujours vierge Marie mère de Dieu elle-même, ne put dire que le corps de son fils était son corps, puisque le corps (du Fils de Dieu) n'est que de lui-même, Dieu et homme, et n'est absolument d'aucun autre. Et c'est pourquoi nous honorons et nous adorons son corps dans le vénérable sacrement, le même corps qui fut crucifié et torturé par amour, nous l'offrons au Dieu Tout-Puissant, pour nos péchés, et pour l'utilité et le salut de toute la sainte Eglise.
Et toi cependant, tu ne lui attribues aucune prérogative d'honneur et de louange ; et bien qu'il soit né d'une vierge, tu veux que ce soit là un accident, et tu n'en fais aucun cas, pas plus que s'il était né d'une vile prostituée. Mais c'est un blasphème contre Dieu et contre la très pure vierge mère de Dieu, que tu compares, ô crime épouvantable ! à une femme de perdition, elle qui de toute éternité a été choisie, par dessus toutes les créatures, pour être la mère de Dieu. Quand même tu ne ferais aucun autre mal, pour cela seul tu es digne d'être précipité dans le Tartare, et d'y être brûlé vivant dans les flammes, comme un hérétique exécrable, maudit et rejeté de Dieu, de tous les saints et de toute la sainte Eglise Catholique. Mais cependant, la clémence la grâce et la bonté de Dieu sont infinies, et lui-même a rempli le Christ Jésus, son Fils, de tous les dons, de toutes les richesses de la grâce et des vertus, lui a donné toute puissance dans le ciel et sur la terre, au-dessus de toutes les créatures ; et le Christ lui-même a souffert la mort par amour.
Aie donc pitié de toi-même, sois plein de confusion, abaisse et humilie profondément ton coeur superbe et corrompu ; mais ne tombe pas dans le désespoir ; cherche au contraire et implore la grâce' et le pardon ; prosterne-toi aux pieds de notre Seigneur Jésus, de sa très digne et vénérable mère ; et ainsi sans aucun doute tu obtiendras le pardon de tous tes péchés.
« Quand l'homme corrompu se compare à Dieu même, Il imite l'orgueil criminel de SATAN... Quand il s'égale au Christ, la victime suprême, De sa damnation il devient l'artisan... Désormais, de son coeur s'évapore la grâce, Et pèse sur son front l'éternelle menace, Puisque des dons divins il méprise l'auteur... S'il veut pour ses péchés trouver un rédempteur, Il doit répudier cette doctrine infâme ; Et dans les flots sacrés purifier son âme. » |
CHAPITRE XXII
DE LA QUATRIÈME ERREUR OU
HÉRÉSIE QUI RÉPUGNE AUX DIVINES ÉCRITURES ET A TOUTE L' EGLISE.
Egalement, cette vie éternelle que nous avons dans la sagesse de Dieu, et de laquelle Saint Jean l'Evangéliste dit : ce qui a été fait, était vie en lui-même : Quodfactum est in ipso vita erat ; ils la méprisent de même ; et ils s'élèvent au-dessus d'eux-mêmes et de toutes créatures, de Dieu même et de la divinité ; et ils affirment que ni Dieu, ni eux-mêmes, ni bienheureux, ni damnés, ni action, ni repos, nulle créature, et enfin ni bien ni mal n'existe. Et c'est pourquoi ils s' imaginent qu'ils ont perdu leur essence créée, et qu'ils sont devenus néant, de même que, selon leur jugement, Dieu n'est rien (n'existe pas). Et comme il est certain que le ciel et la terre et tout ce qui a été fait par Dieu, possède son essence ou son être (propre) cependant ces hérétiques disent que ni Dieu, ni eux-mêmes n'existent.
L'éternelle sagesse de Dieu dit elle-même:
Je suis l'alpha et l'omega, le principe et la fin de toutes les créatures : Ego sum alpha et omega,principium et finis. Et le Seigneur Dieu dit à Moïse : Parle ainsi aux fils d'Israël : Celui qui est, m'a envoyé vers vous : Qui est, misit me ad vos. Et de même : Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob : Ego sum Deus Abraham, Deus Isaac et Deus Jacob. Et le divin Bernard : Dieu, dit-il, n'est pas une partie, mais tout : Non est, inquit, pars aliqua Deus, sed tolum.
Mais ce que dit le Prophète : L'insensé dit, en son coeur, Dieu n'est pas : Dixit insipiens in corde suo, Non est Deus : cela arrive pour toi, hérétique, lorsque tu affirmes que Dieu n'est rien, et que dans ce néant tu découvres toutes choses : Ce qui, en vérité, est un mensonge impudent et manifeste. Si en effet tu n'es rien, tu ne cherches et ne trouves rien. Et si toi-même tu n'es rien, et Dieu n'est rien, toutes créatures ne sont rien ; car Dieu vivant est le conservateur de tout ce qu'il a fait, et lui-même vit en nous et nous en lui-même ; il est l'opérateur vivant et éternel. Et il nous donne en vérité sa grâce, et exige de nous de perpétuelles actions vivantes, à savoir : que nous le connaissions, que nous le confessions, que nous l'aimions, que nous lui rendions des actions de grâces : ce sont là les sempiternelles actions vitales, que lui-même fait en nous et en même temps que nous. C'est en lui en effet qu'elles trouvent leur principe ; et par lui, elles se consomment et s'achèvent, en lui-même. Mais, au-dessus de ces actions, il n'est rien autre chose que la jouissance de lui, avec lui-même, en l'éternelle béatitude.
Car lui-même est notre vie, et il est aussi tout ce que, soit dans la vie temporaire, soit dans l'éternelle, nous désirons justement, et qui nous est nécessaire. Enfin lui-même est l' Etre vivant et sempiternel, plus sublime, plus profond, plus grand, plus haut que tout ce qu'il a créé ou peut créer encore. Courage donc, lecteur pieux, relève ton âme: Tout ce qui est, est Dieu ou créature. Mais aujourd'hui certains hommes, d'esprit brouillon, ne craignent pas d'affirmer qu'ils ne sont rien, et que Dieu également n'est rien. Or c'est l'impossible ! Car être et n'être pas ou n'être rien sont contraires : Il en est ainsi cependant pour eux. Dieu, en effet, a créé toutes choses de rien. Mais ce néant qu'ils sont eux-mêmes, demeura en reste à Dieu, et il ne put le faire ; car c'est le péché, la fausse paix, la désobéissance : ce néant eux-mêmes le firent. Tout ce que Dieu a fait est quelque chose ; mais sans lui (comme dit Saint Jean) le rien a été fait (le néant a été fait) c'est-à-dire le péché. En vérité, le premier néant du péché a été fait dans le ciel. Car, lorsque Dieu créa les hiérarchies et les ordres angéliques, il leur donna le précepte d'agir, de lui obéir, de l'aimer, de le louer, et lui rendre grâces, Ceux qui se conformèrent à cette loi, furent confirmés dans leurs attributions, et jouissent, dans la gloire de Dieu, de l'éternelle béatitude. Ceux qui se montrèrent insoumis, et méprisèrent par orgueil le précepte et l'action de Dieu, furent précipités du ciel dans l'affreux néant du péché, et dans la fausse quiétude (le repos dans le mal) ; de telle sorte qu'ils ne peuvent jamais connaître Dieu, le louer, l'aimer, jamais lui rendre grâces, jamais accomplir un acte de vertu. Car le néant du péché et sa fausse quiétude creuse comme un abîme entre eux et Dieu, de telle sorte qu'ils ne peuvent jamais s'unir et s'allier.
Mais, on peut remarquer aisément que le néant en lui-même n'est ni bon ni mauvais, ni heureux ni malheureux, ni riche ni pauvre ; ni Dieu, ni créature.
Et cependant, certains fous osent dire que l'essence de l'âme n'est rien, et ainsi de Dieu et de l'essence des âmes contemplatives (qui ont trouvé leur repos en Dieu). C'est là, certes, une chose absolument controuvée et hérétique. Dieu est en effet tout en tous, l' Etre éternel, tout puissant, immense, incréé et créateur de toutes choses ; et toutes ces créatures multiples en sont une preuve et un témoignage, pour les yeux intellectuels. En effet il vit lui-même, par sa grâce, dans les facultés de notre âme ; et il exige de nous, que nous opérions des actes éternels de bénédiction. Puisque lui-même est l'acte éternel, par nos bonnes actions éternelles nous lui sommes semblables, nous demeurons toujours avec lui, acquérant toujours -des augmentations et des accroissements de grâce plus grande et plus abondante. IL vit aussi dans l'essence simple (nue) de notre âme, par lui-même, au-dessus de sa grâce et de nos bonnes actions ; et là, unis avec lui-même, nous sommes exaltés dans la sainte et bienheureuse vie.
Mais entre cette union avec Dieu, qui est au-dessus de nous, et la ressemblance que nous avons de lui en nous, nous interposons nécessairement les oeuvres saintes qui lui sont très agréables, que lui même nous ordonne et nous conseille, et sans lesquelles nous ne pouvons lui être unis, ni être Saints on bienheureux.
« Dieu, c'est l'Etre parfait, la suprême sagesse C'est l'amour infini qui se donne sans cesse Il crée, et c'est encore afin de se donner ; Il frappe quelquefois, et c'est pour pardonner Mais le Néant qu'est-il ?... l'absence de tout être Le contraire de Dieu, l'erreur et le péché ; C'est le gouffre effrayant où s'en va disparaître, Dans l'éternelle nuit, ce qui s'est détaché, Oh ! l'insigne folie ! |