Tome 4 - Livre 7 - Ch.1 à 31
P.5 à 89
Révélations Célestes de Sainte Brigitte de Suède
les Apparitions, extases et locutions sont approuvées par trois papes et par le concile de Bâles,
Du voyage que sainte Brigitte devait faire à Jérusalem, et des biens de ce voyage.
Sainte Brigitte, étant à Rome et étant une fois en oraison, commença à penser à l’enfantement de la Sainte Vierge, et à la souveraine bonté de Dieu qui avait voulu se choisir une Mère si pure; et lors son cœur s’enflammait d’amour en telle sorte pour la Sainte Vierge, qu’elle disait dans son coeur : ô ma Dame, Reine du ciel, mon cœur se réjouit tellement que le grand Dieu vous ait choisie pour sa Mère et qu’il vous ait voulu élever à une si grande dignité, que j’aimerais mieux endurer les peines éternelles de l’enfer que vous voir privée un seul moment d’une gloire si excellente et d’une si éminente dignité; et elle était enivrée de la douceur de cet amour et aliénée des sens, étant suspendue en l’extase d’une sublime contemplation. Et lors la Sainte Vierge lui apparut, disant : Voyez, ma fille! je suis la Reine du ciel; et d'autant que vous m’aimez d’un amour si grand, je vous annonce que vous irez en pèlerinage en la sainte cité de Jérusalem, quand il plaira à mon Fils, et de là, vous irez à Bethléem, et là je vous montrerai en même lieu la manière dont j’ai enfanté mon Fils Jésus-Christ, car il le veut ainsi.
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Du glaive de douleur qui perça l’âme de la Sainte Vierge.
Pour le jour de la Purification
Le jour de la Purification de la Sainte Vierge Marie, lorsque sainte Brigitte, épouse de Jésus-Christ, était à Rome, elle fut ravie, et vit au ciel que quasi toutes choses se préparaient pour cette grande fête; et lors elle vit aussi comme un temple d’une beauté admirable, et là était ce vénérable Siméon, vieux et juste, préparé à recevoir l’enfant Jésus entre ses bras avec un grand et sensible désir et joie indicible; elle voyait aussi la Sainte Vierge qui venait avec une grande honnêteté, portant le petit Jésus pour l’offrir au temple, selon la loi du Seigneur. Après, une grande multitude d’anges, de saints de divers ordres, de vierges saintes et autres dames qui allaient devant la Sainte Vierge, et
l’entouraient avec une grande joie et dévotion, devant laquelle un ange portait un glaive fort long et large et tout sanglant, qui signifiait les douleurs que la Sainte Vierge avait endurées en la mort de son Fils, préfigurées par le glaive que le juste Siméon avait prédit, qui outrepercerait son cœur, d’où vient que, toute la cour céleste se réjouissant, il fut dit à l’épouse : Voyez quel honneur et gloire on fait aujourd'hui à la Reine du ciel en cette fête, pour le glaive de douleur qu’elle a souffert en la passion de son cher Fils. Et lors cette vision disparut.
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De saint François qui apparut à sainte Brigitte.
Pour le jour de saint François.
Le jour de la fête de saint François, en son église qui est à Rome au-delà du Tibre, ce saint apparut à sainte Brigitte, épouse de Jésus-Christ, lui disant : Venez à ma chambre, pour manger et boire avec moi. Ce qu’oyant, elle se disposa soudain à s’en aller visiter Assise; y étant arrivée, elle y demeura cinq jours; et proposant de s’en retourner à Rome, elle entra en l’église, afin de se recommander, elle et les siens, à saint François. Et lors ce saint lui apparut : Vous, soyez la bienvenue, dit-il. Je vous ai conviée à ma chambre, afin de manger et boire avec moi. Sachez néanmoins que cette maison n’est pas ma chambre, dont je vous ai parlé, mais ma chambre est la vraie obéissance que j’ai toujours chèrement gardée, de sorte que je n’ai jamais été sans maître, car j’ai eu toujours avec moi un prêtre à qui j’ai obéi fidèlement en tous ses commandements, et ce fut là ma chambre. Faites-en de même, car cela plaît à Dieu. La viande qui me rassasiait grandement était tirer, voire arracher mon prochain de la vanité du siècle pour servir Dieu de tout cœur. Et lors j’avalais ce morceau comme les plus douces viandes. Ma boisson était cette joie que j’eus, quand je vis quelques-uns de ceux que j’avais convertis, aimer Dieu de toutes leurs forces, s’adonner et s’occuper à la contemplation et à l’oraison, instruire les autres à bien vivre, imiter et embrasser la vraie pauvreté; ma fille, cette boisson réjouissait mon âme, de sorte que j’avais en dégoût tout ce qui était du monde.
Mangez donc en cette chambre, mangez une telle viande et buvez une telle boisson, buvez-la donc, afin qu’avec Dieu vous soyez réfectionnée éternellement.
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Il est ici parlé d’une révélation touchant le corps de saint Thomas l’apôtre.
Il semblait à une certaine personne veillant en oraison que son cœur était enflammé du divin amour et tout plein de joie spirituelle, de sorte que son corps manquait de forces pour le supporter. Lors elle ouït une voix qui lui disait : Je suis le créateur de toutes choses, et le Rédempteur. Sachez donc que la joie que vous ressentez en l'âme, c’est mon trésor, car, comme il est écrit, l’esprit souffle où il veut et on entend sa voix, mais on ne sait pas d’où il vient ni où il va.. Je donne ce trésor à mes amis en diverses manières et en divers dons : néanmoins je vous veux parler d’un autre trésor qui n’est pas encore dans le ciel, mais est encore avec vous en terre. Ce trésor, ce sont les reliques des saints et les corps de mes amis : soit qu’ils soient pourris, soit qu’ils soient récents, convertis en poudre ou non, ils sont toujours certainement mon trésor.
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Mais vous me pourriez demander, l’Écriture même le disant : Là où est votre trésor, là est votre cœur, comment mon cœur est maintenant avec ce trésor, savoir, avec les reliques des saints.
Je vous réponds : La grande délectation de mon cœur est en ceux qui ont été honorés et glorifiés de merveilles, et sont canonisés par les souverains pontifes, et de leur donner les récompenses éternelles selon les volontés, foi et travaux de ceux qui les visitent. Partant, mon cœur est avec mon trésor. Partant, je veux que vous sachiez pour certain qu’en ce lieu, il y a un mien trésor très-choisi, savoir, les reliques de saint Thomas l’apôtre, et en aucun lieu, il n’y en a avec autant d’abondance qu’en ce lieu, sans être divisées. En effet, quand cette cité fut ruinée, où le corps de cet apôtre fut mis, lors ce trésor fut transféré par ma permission par quelques miens amis en cette cité (d’Ortone); or, maintenant il demeure là comme caché, d'autant que les princes de ce royaume étaient disposés comme David dit : Ils ont des bouches, et ne parlent point. Ils ont des yeux, et ils ne voient point. Ils ont des oreilles, et ils n’oient point. Ils ont des mains, et ne touchent point. Ils ont des pieds, et ne marchent point, etc. Comment donc, étant de la sorte, pourront-ils rendre un tel honneur à ce trésor, eux qui sont contre moi? Quiconque donc m’aime et mes amis, aimant plutôt mourir que de ne m’aimer et que de m’offenser en la moindre chose, ayant encore la volonté et le pouvoir de m’honorer avec ma grâce et de le commander aux autres, celui-là exaltera et honorera mon trésor, savoir, les reliques de ce mien apôtre, lequel je choisis et j’élus.
On doit donc pour certain assurer et dire que comme les corps de saint Pierre et saint Paul sont à Rome, de même les reliques de saint Thomas sont en Ortone.
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L’épouse dit : O Seigneur, les princes de ce royaume n’ont-ils pas fait édifier ces églises, et ne leur ont-ils pas fait de grands dons?
Notre-Seigneur lui dit : Oui, certes, et ils m’offraient force argent pour m’apaiser; mais plusieurs de leurs aumônes me furent déplaisantes, à raison de leurs mariages faits contre les statuts des saints Pères; et bien que ce que les souverains pontifes ont permis soit assuré et qu’on le doive tenir et observer, néanmoins, d’autant que leur volonté était corrompue et qu’ils s’efforçaient d’agir contre les statuts de l’Église, cela doit être jugé au jugement divin.
ADDITION.
Sainte Brigitte étant allée à Ortone, il arriva qu’il fallut qu’elle et ses compagnons demeurassent sans logis au serein, au froid, et une grande pluie les assaillit environ vers l’aurore. Et lors, Jésus-Christ lui parla et lui dit : Les tribulations assaillent l’homme pour deux raisons, ou pour une plus grande humilité et humiliation, comme le roi David qui fut affligé, afin qu’il fût plus humble et plus avisé; comme Sara, femme d’Abraham, qui fut prise par le roi, pour sa plus grande consolation et honneur. De même vous en est-il arrivé : j’avais inspiré à vos âmes de ne passer outre ce jour-là, mais vous n’avez pas voulu croire, c’est pourquoi vous avez souffert cette affliction. Entrez dans la cité. Mon serviteur Thomas, mon apôtre, vous donnera ce que vous désirez.
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Notre-Seigneur apparut encore à Ortone, disant sur le même sujet : Mon épouse, je vous ai dit que saint Thomas, mon apôtre, était mon trésor. Certainement cela est vrai, car saint Thomas est véritablement la lumière du monde; mais les hommes aiment plus les ténèbres que la lumière.
Lors apparut aussi saint Thomas, disant : Je vous donnerai le trésor que vous désirez depuis si longtemps, et en ce moment, sans qu’aucun me touche.
Il sortit donc, du coffre où étaient les reliques du saint, un fragment d’un os de saint Thomas, que sainte Brigitte reçut et qu’elle garda avec grande révérence.
Révélation touchant l’instruction d’Elzéar, fils de la comtesse d’Arian.
Louange et gloire soient au Dieu tout-puissant, de qui toutes choses bonnes procèdent, et spécialement pour les choses qu’il a faites, étant petit enfant, par la grâce duquel il nous faut demander, afin que l’amour que vous avez envers Dieu s’augmente de jour en jour jusques à la mort!
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Certainement ce roi puissant et magnifique édifia une maison en laquelle il mit sa fille bien-aimée, la confiant à la garde d’un certain homme, lui parlant en ces termes : Ma fille a de mortels ennemis, c’est pourquoi vous la devez garder avec toute sorte de soins. Il y a donc quatre choses auxquelles vous devez diligemment prendre garde avec une grande attention et soin : 1° qu’on ne fouille le fondement de la maison; 2° qu’aucun ne passe par-dessus les murs; 3° que personne ne perce les murailles; 4° qu’aucun ennemi n’entre par les portes.
Vous devez, Monsieur (1), entendre spirituellement cette parabole, que je vous écris de la part du divin amour, Dieu, scrutateur des cœurs, m’en est témoin! Par la maison, j’entends votre corps, que le Roi du ciel a fait de terre; par la fille du Roi, j’entends votre âme, créée par la vertu de Très-Haut et mise en votre corps; par le gardien, j’entends la raison humaine, qui gardera votre âme selon les arrêts et décrets du Roi éternel; par le fondement, une bonne, ferme et constante volonté, car il faut bâtir sur icelle toutes les bonnes œuvres par lesquelles l’âme est très-bien défendue. Partant, puisque telle est votre volonté, que vous ne voulez vivre pour autre fin que pour suivre les volontés de Dieu, lui rendant tout l’honneur que vous pourrez par paroles et par œuvres, lui obéissant et le servant de corps, de biens et de toutes vos forces, afin de garder votre âme de toute impureté et la consigner ès mains de votre Créateur, oh! qu’avec une grande vigilance il vous faut garder ce fondement, c’est-à-dire, votre volonté, avec le gardien, qui est la raison, de peur que quelqu’un avec ses machines ne le fouille, au grand dommage de l’âme. J’entends par ceux qui s’efforcent de fouiller ce fondement, ceux qui vous disent : Monsieur, soyez laid; épousez une femme belle, noble et riche, afin que vous vous réjouissiez des enfants et des héritages, et soyez affranchi des tentations et afflictions de la chair. D’autres vous disent que, si vous voulez être prêtre, vous tâchiez d’être docteur, de vous enrichir des biens de l’Église, les ayant ou par prières ou par présents, car lors vous aurez l’honneur mondain pour être savant, et serez glorifié par vos amis et honoré des serviteurs, à raison des richesses.
(1) Elzéar.
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Que si quelqu’un s’efforce de vous persuader ces choses, faites soudain réponse à la raison, disant que vous préférez endurer toutes les afflictions de la chair que perdre la chasteté. Répondez aussi qu’à l’honneur de Dieu et à la défense de la foi catholique, pour le bon exemple de tous, pour la réduction des errants et pour tous ceux qui auront besoin de science, vous voulez étudier et être docteur, que vous ne voulez rien désirer par-dessus la nécessité de votre corps et de votre famille en cette vie, et voulez rejeter les superfluités qui ne servent qu’à ostentation. Dites aussi que si quelque dignité ecclésiastique vous arrive, la divine Providence en disposant ainsi, vous désirez disposer sagement de cela même à l’honneur de Dieu et l’utilité du prochain, et de la sorte, la raison pourra chasser tous les ennemis qui désirent fouiller le fondement, c’est-à-dire, la bonne volonté. La raison doit aussi prendre garde incessamment et soigneusement que quelqu’un ne surpasse et ne franchisse la hauteur des murs, par laquelle j’entends la charité, qui est la plus sublime de toutes les vertus.
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Sachez donc pour certain que le diable ne désire rien tant que de sauter par-dessus ces murs; de là vient qu’il s’efforce tant qu’il peut que la mondaine charité et l’amour charnel surmontent l’amour divin; de là vient, Monsieur, que toutes fois et quantes que l’amour mondain voudra supplanter l’amour divin dans votre cœur, vous devez lui envoyer soudain au-devant le jugement, avec les commandements divins, disant que vous aimez mieux souffrir la mort du corps que vivre pour offenser par paroles ou par œuvres un Dieu si clément et si doux, voire que vous ne voulez épargner ni la vie, ni les biens, ni les amis, ni les âmes, afin de pouvoir plaire à Dieu seul et l’honorer en tout, et que vous choisissez les plus grandes tribulations plutôt que d’apporter aucun dommage, peine ni désolation à votre prochain, de lui causer scandale ou affliction, mais que vous voulez plutôt aimer votre prochain, selon le commandement de Dieu.
Si vous faites de la sorte, vous témoignerez que vous aimez Dieu plus que vous-même, et votre prochain comme vous-même. Lors la raison, qui est ce gardien, peut assurément se reposer en cela, savoir, que pas un ne pourra franchir la hauteur des murailles. Par les murailles, j’entends les quatre délectations de la cour céleste, que l’homme doit avec une grande considération voir et désirer intérieurement : la première est désirer avec ferveur de voir Dieu en la gloire éternelle, et de posséder les richesses qui ne manquent jamais. La deuxième est désirer d’entendre les accords et les voix mélodieuses des anges, qui louent sans fin ce grand Dieu et l’adorent incessamment. La troisième est souhaiter de tout son cœur et d’un fervent amour de louer éternellement Dieu comme les anges. La quatrième est désirer jouir des consolations éternelles des anges et des saints, d’où il faut noter que comme, l'homme étant en la maison, de quelque côté qu’il se tourne, les murailles l’environnent, de même aussi, qui désire ces quatre choses, savoir, voir Dieu en sa gloire, ouïr louer Dieu par les anges, le louer avec eux et jouir de leurs consolations, certainement, de quelque côté qu’il se tourne, de quelque œuvre qu’il s’occupe, lors il sera toujours conservé entier, de sorte qu’il semblera que, demeurant en cette vie avec les anges, il conversera avec Dieu.
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Oh! Que votre ennemi, Monsieur, désire de percer ces murailles, d’arracher du cœur tels désirs et plaisirs, d’embrouiller votre esprit, et de lui suggérer de bien différentes choses qui peuvent nuire à votre âme!
Partant, le gardien, c’est-à-dire, la raison, doit prendre garde à deux chemins par lesquels l’ennemi a accoutumé d’entrer dans le cœur : 1° l’ouïe; 2° la vue. Par l’ouïe, il y vient suggérer des chants de syrène et des plaisirs séculiers, la musique de divers instruments, sonnant mélodieusement; ouïr des fables et des discours inutiles, par lesquels tout autant que l'homme s’élève en soi-même par la superbe, tout autant il s’éloigne de Jésus-Christ. Que la raison donc y visite, disant : Comme le diable en a haine l’humilité que le Saint-Esprit inspire aux cœurs des hommes, de même, avec la grâce de Dieu, j’aurai en haine toute sorte de pompe et toute la superbe du monde, que le malin esprit suggère aux cœurs des hommes par son inflammation pestifère et mortifère, et il me sera aussi odieux que la puanteur des animaux morts et corrompus.
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Par la vue, l’ennemi a accoutumé d’entrer pour percer lesdites murailles, portant avec soi plusieurs instruments, savoir, de toutes sortes de métaux, diverses choses diversement diversifiées, des pierres précieuses, des vêtements honorables, des palais, des châteaux, des héritages, des étangs, des bois, des vignes, et autres choses grandement estimées par les mondains. Si on désire passionnément les choses susdites, les murailles seront bientôt dissipées, c’est-à-dire, les plaisirs célestes. Il faut donc que la raison, comme un gardien, les prévienne avant que la délectation de ces choses surprenne le cœur, disant : Si jamais j’ai en ma puissance quelques choses de ce que nous avons vu ci-dessus, je les mettrai en coffre, où les larrons et la teigne ne sont point à craindre; et Dieu aidant, je ne l’offenserai point en aucune de ces choses, ni ne me séparerai point de Jésus-Christ et de la société de ceux qui le servent pour toutes ces choses-là.
Par les portes de cette maison j’entends toutes les choses nécessaires au corps, lesquelles le corps ne peut refuser, comme manger, boire, dormir, etc. être triste quelquefois, quelquefois joyeux. Il faut donc que la raison prenne soin à ces portes nécessaires, et avec crainte résiste incessamment aux ennemis, afin qu’ils n’entrent en l’âme. Partant, comme en la réfection, il faut se donner garde que l’ennemi ne s’y glisse par la superfluité, qui rend le corps paresseux au travail et au service de Dieu, il faut de même prendre garde que, par la grande abstinence, qui rend le corps impuissant à rien faire, l’ennemi n’y entre.
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Que la raison prenne encore garde que, pour l’amour mondain, faveur et amour des hommes, soit que vous soyez seul, soit que vous soyez avec votre famille, soit quand les hôtes arriveront, vous fassiez multiplier avec raison les mets, et fassiez du bien à tous par amour divin, ne recherchant point pourtant la pluralité des viandes trop délicates. Après, prenez garde avec raison que, comme il faut prendre le boire et le manger avec modération, il faut aussi avec autant de crainte modérer le sommeil, afin que le corps soit prompt au service de Dieu et mieux rangé, afin que le temps des veilles soit bien employé au service de Dieu et à des œuvres sortables, chassant la stupidité d’un sommeil intempéré.
Or, si quelque trouble vous attaque ou quelque rancune, que la raison et la crainte de Dieu y remédient promptement, de peur que, par colère ou impatience, vous ne soyez privé de la grâce divine et que vous n’attiriez sur vous l’ire de Dieu. Si quelque consolation ou joie remplit votre cœur, que la raison imprime profondément dans votre cœur la crainte de Dieu, afin que, par l’aide de Jésus-Christ, votre consolation soit modérée, selon qu’il verra vous être plus utile.
ADDITION.
Sainte Brigitte étant à Naples, les secrets du cœur d’Elzéar, qui fut ensuite cardinal, lui furent révélés, et quelques autres choses signalées qui lui devaient arriver, lequel, les ayant ouïes, vécut mieux.
Chapitre 6
L’an 1361, au mois de mai, le jour de saint Urbain, pape, Jésus-Christ avertit sainte Brigitte de se préparer au voyage de Jérusalem.
Lorsque l'épouse de Jésus-Christ était à Rome, où elle demeurait continuellement, un jour, étant ravie, Notre-Seigneur lui apparut et lui dit : Préparez-vous à aller en pèlerinage à Jérusalem pour visiter mon sépulcre et les autres lieux qui sont là, et vous sortirez de Rome quand je vous le dirai.
Chapitre 7
Il est ici traité que le pape et les prêtres, bien qu’ils soient pécheurs et qu’ils ne soient point hérétiques, ne perdent point la puissance d’absoudre.
Il me semblait que, rendant grâces au Dieu tout-puissant et à la Vierge Marie, sa très-digne Mère, la Mère de Dieu me parlait en oraison, me disant les paroles suivantes : Dites à ce frère, mon ami, qui m’a envoyé par vous cette prière, que la vraie foi est, et la parfaite vérité, que si quelqu’un, par l’instigation du diable, avait commis tous les péchés desquels il se confesserait avec contrition et résolution de s’amender, et qu’il demandât humblement pardon à Dieu avec une grande charité et miséricorde, il n’y a point de doute que soudain Dieu tout miséricordieux serait préparé à le recevoir
avec une grande joie, comme un père charitable qui verrait son cher enfant retourner à lui, affranchi de quelque grand scandale ou de quelque mort déshonorable et sans comparaison; la miséricorde divine remet avec plus d’amour les fautes et les péchés à ses serviteurs, que les pères ne pardonnent à leurs enfants, à ceux, dis-je, qui s’humilient, qui se repentent, qui demandent ma miséricorde, et qui font résolution de vouloir plutôt mourir que de m’offenser, et enfin désirent de tout leur cœur être amis de Dieu.
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Partant, dites au même frère de ma part que, pour sa bonne volonté et mon oraison, par la bonté divine, tous ses péchés lui seront pardonnés. Dites-lui encore que, pour l’amour de mon oraison, dit la Sainte Vierge à sainte Brigitte, l’amour qu’il a envers Dieu s’augmentera toujours jusques à la mort et ne diminuera point. Dites-lui d’ailleurs qu’il plaît à Dieu, mon Fils, qu’il demeure à Rome, prêchant, donnant bon conseil, oyant les confessions, enjoignant des pénitences salutaires, à moins que son prélat ne l’envoie hors la ville pour quelque affaire légitimement nécessaire. Qu’il reprenne aussi les autres frères avec charité, paroles douces et par doctrine salutaire, afin qu’ils se retirent de leurs fautes; qu’il fasse en sorte qu’ils gardent leur règle et qu’ils s’amendent avec humilité.
C’est pour cela aussi que je lui déclare que les messes qu’il dit, ses prières et ses lectures me sont agréables; que comme il se garde de la superfluité des viandes, du boire et du dormir, il se garde aussi de la trop grande abstinence, afin qu’il ne manque ni ne défaille jamais ès œuvres divines et oeuvres manuelles; qu’il ait aussi des vêtements non superflus, mais nécessaires, selon la règle de saint François, de peur que de la superfluité ne s’ensuivent la superbe et la cupidité; ma récompense lui sera d’autant plus abondante que ses vêtements seront vils.
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Qu’il obéisse aussi avec humilité à son prélat en tout ce qui n’est pas contre Dieu et ce que ce frère pourra faire. Dites-lui aussi de ma part qu’il réponde à ceux qui disent que le pape n’est pas le vrai pape, et que ce que les prêtres font à l’autel n’est pas le vrai corps de Jésus-Christ : Vous tournez le derrière à Dieu, c’est pourquoi vous ne le voyez pas. Tournez donc la tête vers Dieu, et vous le verrez; car la vraie foi est que le pape qui est sans hérésie, bien qu’il soit chargé d’une quantité d’autres péchés, pourtant n’est jamais si mauvais à raison de ses péchés ni de ses mauvaises œuvres, qu’il n’ait toujours la pleine puissance et autorité de lier et de délier les âmes, laquelle puissance il a eue par saint Pierre et l'a reçue de Dieu. Certainement, il y a eu des papes, avant Jean, pape, qui sont ensevelis dans l’enfer; néanmoins, ce qu’ils ont fait avec raison et justement, l’Église l’approuve devant Dieu. Je dis de même que les prêtres sont vrais prêtres, consacrent et font le corps de Jésus-Christ, bien qu’ils soient chargés de péchés, et s’ils ne sont hérétiques, touchent et traitent vraiment Dieu sur l'autel, et administrent les autres sacrements, bien qu’à raison de leurs péchés, ils soient indignes devant Dieu de la gloire céleste.
Chapitre 8
Notre-Dame prie pour le Frère susdit et pour ceux qu’il lui recommande.
La Sainte Vierge dit à sainte Brigitte : Dites à ce Frère, mon ami, qu’il ne vous est pas licite de savoir si l’âme de Jean est en enfer ou au ciel, ni des péchés qu’il a emportés avec lui, quand, après la mort, il est venu devant le jugement de Dieu. Mais dites-lui que les Décrétales qu’il a données pour savoir si Jésus-Christ avait de propre, ne contiennent aucune erreur contre la foi catholique ni quelque hérésie. Et de fait, moi qui ai engendré le vrai Dieu, je rends témoignage que mon Fils Jésus-Christ avait une chose de propre, qui était sa tunique, que j’avais faite de mes mains, et cela est témoigné aussi par le prophète en sa personne, disant : Ils ont jeté le sort sur ma robe. Prenez garde qu’il ne dit pas : Sur notre robe, mais : Sur ma robe.
Sachez aussi que quand je le revêtais de cette tunique pour l’utilité de son corps, mes yeux fondaient en larmes, et mon corps séchait de douleur et était affligé d’une grande amertume, d’autant que je prévoyais bien comment on le dépouillerait de cette robe le jour de sa passion, quand, nu et innocent, il serait crucifié par les Juifs. Et c’est sur cette tunique que les bourreaux jetèrent le sort, et pas un n’usa jamais de cette robe que mon cher enfant.
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Sachez aussi que tous ceux qui disent que le pape n’est pas le vrai pape, ni que les prêtres ne sont point vrais prêtres, ni bien ordonnés, ni que ce qu’ils consacrent sur l'autel n’est pas le vrai corps de mon Fils, que tous ceux qui sèment ces erreurs sont bouffis de l'esprit du diable de l’enfer. Mais d'autant que les mêmes hérétiques ont commis de si grandes impiétés et des péchés si horribles contre Dieu, étant remplis de l’iniquité diabolique, ils sont damnés, chassés et séparés des chrétiens, au tribunal de la Majesté divine, comme un Judas, qui fut chassé du nombre des apôtres, à raison de ses démérites trop impies, ayant trahi mon cher Fils. Sachez néanmoins que tous ceux qui se voudront amender obtiendront miséricorde.
Notre-Seigneur commande à sainte Brigitte d’aller à Jérusalem.
Le Fils de Dieu dit à son épouse sainte Brigitte : Allez maintenant, et retirez-vous de Rome pour aller à Jérusalem. Pourquoi vous plaignez-vous de l’âge? Je suis le Créateur de la nature. Je puis affaiblir et affermir la nature. Il me plaît que vous y alliez. Je serai avec vous; je vous dirigerai et vous ramènerai à Rome, et vous pourvoirai plus que jamais de tout ce qui vous sera nécessaire.
Défense que les prêtres soient mariés.
Réjouissez-vous éternellement, ô précieux corps de Dieu, en un honneur perpétuel, en continuelle victoire, en éternelle puissance, avec votre Père et le Saint-Esprit, avec la Vierge Marie, votre très-digne Mère, et avec toute la cour céleste! Louange vous soit, ô Dieu éternel, et actions de grâces infinies, parce qu’il vous a plu de vous faire homme, et avez voulu que le pain fût transubstantié en votre corps, par vos saintes paroles, et l’avez donné en viande comme par un excès d’amour pour le salut de nos âmes!
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Il arriva une fois à une personne qui était profondément plongée en l’oraison, qu’elle ouït une voix qui lui disait : O vous à qui sont faites les faveurs d’ouïr et de voir les choses spirituelles, écoutez maintenant ce que je vous veux manifester de cet archevêque qui a dit que, s’il était pape, il donnerait licence à tous les prêtres de se marier, croyant et pensant que cela serait plus agréable à Dieu que de voir les prêtres vivre avec tant de dissolution; il disait encore que, par ce mariage, s’éviteraient tant de péchés charnels; et bien qu’en cela il n’entendît pas la volonté de Dieu, néanmoins il était ami de Dieu. Or, maintenant, je vous déclarerai la volonté de Dieu sur cela, car j’ai engendré le Dieu même, et vous signifierez cela à cet archevêque, lui parlant en ces termes : A Abraham fut donnée la circoncision longtemps avant que la loi fût donnée à Moïse, et au temps d’Abraham, les hommes étaient gouvernés selon qu’ils entendaient et selon qu’ils voulaient, et néanmoins plusieurs étaient lors amis de Dieu.
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Mais après que la loi fut donnée à Moïse, lors il plut plus à Dieu que les hommes vécussent selon la loi que selon leur volonté. Il en fut de même du précieux corps de mon Fils, car quand il eut institué le saint Sacrement de l’autel, qu’il fut monté au ciel, lors cette loi ancienne était encore gardée, savoir, les prêtres de Jésus-Christ vivaient en un mariage charnel, et néanmoins plusieurs d’iceux étaient amis de Dieu, d'autant qu’ils croyaient en simplicité que cela était agréable à Dieu, comme il lui fut agréable au temps des Juifs, et cela fut observé plusieurs années par les apôtres chrétiens. Mais cette coutume et observance était abominable et odieuse à toute la cour céleste, et à moi, qui ai engendré le corps de mon Fils, de voir que des mariés touchassent de leurs mains le corps précieux de mon Fils au saint Sacrement, car les Juifs, en leur ancienne loi, n’avaient que l’ombre et la figure de ce sacrement; mais les chrétiens ont maintenant la vérité même, savoir, Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme en ce sacrement sacro-saint.
Mais après quelque temps que les prêtres anciens observaient cela, Dieu, par l’infusion de son Esprit, le versa au cœur du pape, pour qu’il ordonnât que désormais les prêtres qui consacreraient le corps précieux de Jésus-Christ ne seraient point mariés ni ne jouiraient des délices infâmes de la chair. Et partant, par l’ordonnance divine et par son juste jugement, il a été justement ordonné que les prêtres vivraient en la chasteté et continence de la chair, autrement qu’ils seraient maudits et excommuniés devant Dieu, et dignes d’être privés de l’office de prêtres, néanmoins que ceux qui s’amenderaient véritablement avec résolution de ne plus pécher, obtiendraient miséricorde de Dieu.
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Sachez aussi que si quelque pape donne aux prêtres licence de se marier charnellement, lui-même sera damné de Dieu par la même sentence, comme celui qui aurait grandement péché, à qui on devrait, selon le droit, arracher les yeux couper les lèvres, le nez et les oreilles, les pieds et les mains, et le corps duquel devrait être tout ensanglanté et congelé de froid; et d’ailleurs qu’on devrait donner ce corps mort aux oiseaux et aux bêtes sauvages : il en arriverait de même à ce pape qui voudrait donner licence aux prêtres de se marier, contre la susdite ordonnance divine, car ce pape serait soudain privé de la vue et ouïe spirituelle, de la parole, des œuvres spirituelles, et toute sa sapience spirituelle défaudrait spirituellement; et d’ailleurs, son âme descendrait en enfer pour y être éternellement tourmentée et être la proie des démons. Voire si saint Grégoire le pape eût établi cette loi, il n’eût jamais obtenu miséricorde de Dieu, s’il n’eût révoqué une telle sentence.
D’une révélation concernant l’état d’une reine de Naples.
Je suis le Créateur et le Dieu de toutes choses. J’ai donné aux anges et aux hommes le libre arbitre, afin que ceux qui voudraient faire ma volonté demeurassent avec moi éternellement, et que ceux qui contreviendraient fussent séparés de moi. C’est pourquoi quelques anges sont devenus démons par malice, qui ne voulurent ni m’aimer ni m’obéir. Après, ayant créé l’homme, le diable, voyant ma dilection à son égard, non-seulement a été fait mon ennemi, mais a ému contre moi une guerre, excitant Adam à la prévarication de mes préceptes : et lors le diable prévalut, moi le permettant. Depuis, le diable et moi sommes en discorde et combattons, car je veux que l'homme vive selon mes volontés, et le diable s’efforce de faire que l'homme cherche et suive ses désirs; c’est pourquoi dès que j’ai ouvert le ciel par mon sang, le diable a été privé du droit qu’il semblait avoir, et les âmes dignes ont été sauvées et affranchies de la servitude. Lors aussi une loi a été établie qu’il fût en la volonté de l’homme de me suivre, moi qui suis son Dieu, pour obtenir la couronne éternelle; que s’il voulait suivre les désirs de Satan, qu’il souffrît les supplices éternels.
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C’est de la sorte donc que moi et le diable nous combattons, désirant les âmes comme les époux désirent leurs épouses, car je désire les âmes pour leur départir la gloire éternelle, et le diable, pour les assaillir des peines, confusions et douleurs éternelles.
Écoutez ce que cette Reine m’a fait : j’ai permis qu’elle fût exaltée au royaume, etc.
ADDITION.
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Notre-Seigneur parle, disant : Écrivez qu’est-ce que fait,
1° une pure confession de tout ce qu’on a fait, ayant une ferme volonté de s’amender selon le conseil de son confesseur.
2° Qu’elle pense diligemment en quelle manière elle a versé en son mariage et en son gouvernement, car elle me doit rendre raison de tout.
3° Qu’elle ait la volonté de satisfaire à ceux à qui elle doit, et de restituer ce qu’elle sait être mal acquis, d'autant que l’âme est en danger, tandis qu’elle est détenue, et ne profite rien de donner beaucoup, si on ne paie.
4° Qu’elle ne charge point ses sujets par ses nouvelles inventions, mais que plutôt elle les décharge, car Dieu exauce les gémissements et les cris des misérables.
5° Qu’elle ait des conseillers justes et non cupides, et qu’à tels est le jugement, qui aiment la vérité et qui ne flattent point, qui ne se veulent point enrichir, mais sont contents du nécessaire.
6° Que tous les jours cette reine se souvienne à certain temps des plaies et de la passion de Jésus-Christ, car de là l’amour de Dieu est renouvelé dans nos cœurs.
7° Qu’elle ramasse certain temps les pauvres; qu’elle leur lave les pieds; qu’elle les réfectionne; qu’elle aime ses sujets d’une charité sincère; qu’elle accorde les dissensions, consolant ceux qui sont injustement offensés.
8° Qu’elle distribue ses dons avec discrétion et selon ses moyens, ne chargeant les unes et soulageant les autres, les enrichissant, mais sagement, relevant quelques-uns et n’opprimant personne.
9° Qu’elle ne considère pas plus l’argent des défaillants que la justice, mais qu’ayant pesé la quantité et qualité du délit, là où elle verra plus d’humanité, elle y porte plus de compassion, chassant toute cupidité.
10° Qu’elle mette toute la peine qu’elle pourra, afin que le royaume demeure en paix après sa mort, car je lui prédis qu’elle n’aura point d’enfant de son ventre.
11° Qu’elle soit contente de la couleur et beauté naturelle dont Dieu l’a ornée, car la couleur étrangère déplaît grandement à Dieu.
12° Qu’elle embrasse une plus grande humilité, et qu’elle s’excite à une plus grande contrition de ses péchés, car elle est devant moi la ruine de plusieurs âmes, une prodigue dispensatrice de mes biens, la verge et la tribulation de mes amis.
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13° Qu’elle ait la crainte continuelle dans le cœur, car il y a longtemps qu’elle avait plutôt mené la vie d’une prostituée que d’une reine.
14° Qu’elle retranche d’elle les mauvaises coutumes et les femmes adultères d’auprès d’elle, et qu’elle emploie le reste du temps, qui est bien court, à mon service, car jusques à maintenant, elle m’a tenu comme un homme qui ne penses pas à ses péchés. Qu’elle craigne maintenant et qu’elle vive en telle sorte, de peur qu’elle ne ressente la rigueur de mes jugements; autrement, si elle ne m’écoute, je la jugerai, non comme reine, mais comme apostatrice et ingrate, et la ferai fouetter de la tête jusques aux pieds, et elle sera en opprobre à moi, aux anges et aux hommes!
D’ailleurs, écrivez, dit Jésus-Christ, en petits mots ces choses : Le Saint-Esprit vous enflammera. Envoyez par mon évêque à la reine ce que vous voyez. Elle voyait en ses vêtements quelque saleté et ordure; et cette reine était ce singe qui se plaît aux mauvaises odeurs, flairant le derrière puant; et le venin est dans le cœur, y demeure, et elle se jette dans les précipices.
D’ailleurs, il lui semblait que cette reine avait une couronne d’osier toute pleine d’ordures, et qu’elle était assise nue sur une poutre qui allait tomber. Et soudain elle vit une vierge merveilleusement belle qui lui dit : Cette femme opiniâtre et audacieuse, qui semble devant les hommes la maîtresse du monde, devant Dieu est abjecte comme vous voyez. Et la Vierge ajouta, disant : O femme, pensez au commencement et à la fin; ouvrez les yeux de votre esprit, et voyez que vos conseillers haïssent mortellement votre âme.
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Elle vit encore une autre reine qui semblait être assise en un siège doré, et deux Éthiopiens étaient devant elle, un à la droite et l’autre à la gauche. Celui qui était à la droite dit : O femme-lionne, je t’apporte le sang : prends-le et épanche-le, car le propre désir d’un lion est d’épandre le sang. Celui qui était à gauche dit : O femme, je t’apporte du feu : prends-le, car ta nature est comme de feu, et jette-le dans l’eau, afin que ta mémoire soit dans l’eau, comme elle a été en terre.
Et après apparut une Vierge d’une beauté incroyable, de la présence de laquelle les Éthiopiens s’enfuirent; elle dit : Cette femme est en danger, si elle est en prospérité; si elle est affligée, cela lui profitera beaucoup pour la vie éternelle; mais elle ne veut pas renoncer à ses volontés ni être affligée selon Dieu. Partant, si on l’abandonne à ses volontés, elle ne sera utile pour elle, ni ne servira de consolation à pas un.
Le Fils de Dieu apparut, disant : Cette femme me fait d’autres plaisirs, et partant, pour l’amour des prières de mes amis, je lui veux montrer de fuir l’opprobre des hommes et les dommages de son âme, si elle obéit; autrement, elle n’évitera point ma justice, d'autant qu’elle n’aura pas voulu ouïr la voix de son père.
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La Mère de Dieu parle de M. Gomecé à saint Brigitte, lui disant : Conseillez-lui de faire le droit et l’équité où il pourra. Que s’il sait qu’il ait des choses mal acquises, il ne retarde point de les restituer. Qu’il se donne aussi garde de n’imposer point de nouvelles charges à ses sujets; qu’il soit content de ce qu’il a, car il lui suffit, s’il le dépense avec discrétion et modération. Qu’il fuit aussi les femmes comme le venin, hormis la sienne. Qu’il ne fasse point la guerre à aucun ni n’y assiste point, sinon qu’il sache avoir juste droit et raison de ce faire. Qu’il fréquente les confessions, reçoive plus souvent le corps de Jésus-Christ, et occupe son esprit certains jours à la mémoire de la passion de mon Fils et de ses peines.
Notre-Seigneur parle d’Antoine de Carlette, disant : Dites à la reine qu’il lui permette de demeurer en son rang; que s’il monte plus haut, ce sera au dommage de son âme, et lui ni ses amis ne se réjouiront point de son ascendant. Et toutes choses sont arrivées comme elles avaient été prédites.
Il est ici traité de quelques doutes de l’archevêque de Naples, et de la résolution d’iceux.
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Notre-Seigneur parle à son épouse, disant : Dites à cet archevêque que, s’il veut être nommé évêque, il ne doit point imiter les mœurs et les coutumes de plusieurs de ceux qui ne sont pas recteurs de l’Église. J’ai reçu le corps de la Vierge, pour accomplir cette loi par paroles et par œuvres, qui avait été de toute éternité établie en la Divinité, ouvrant le ciel par le sang de mon cœur, et illuminant ma voie par mes paroles et par mes œuvres, afin que tous se servissent de mon exemple pour gagner la vie éternelle. Mais de vrai, les paroles que j’ai dites et les œuvres que j’ai faites au monde, sont comme oubliées et négligées au monde, au mépris desquelles nul n’a tant contribué que les prélats de l’Église, qui sont pleins de superbe, de cupidité et de pourriture, de dilection corporelle, lesquelles choses sont contraires à mes commandements et aux décrets honnêtes de mon Église sainte, que mes amis ont établie avec grande dévotion après mon ascension, ayant accompli mes volontés au monde; car ces mauvais prélats de mon Église, remplis de la malignité de l’esprit malin, ont laissé aux hommes des exemples pestifères et mortifères des âmes, et partant, il faut que j’exige d’eux la justice tout entière, faisant sur eux des jugements rigoureux, les effaçant du livre de vie dans le ciel, et les plaçant, dans les abîmes infernaux, auprès de Lucifer, pour y être tourmentés éternellement. Or, vous devez savoir que quant à ceux qui se voudront amender avant la mort, m’aimant de tout leur cœur, et qui se garderont des péchés, je serai tout prêt à leur faire miséricorde.
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Dites-lui donc quasi de votre part ces paroles : Monsieur, il arrive quelquefois que, d’une noire cheminée, sort une belle fumée, utile et grandement nécessaire pour faire de belles et excellentes œuvres, et néanmoins, il ne faut pas alors louer la cheminée à raison de la noirceur, mais la louange, l’action de grâces et l’honneur sont dûs à l’ouvrier de ses œuvres. Semblablement c’est une chose indigne de trouver quelque utilité en mes conseils, d'autant qu’alors ce n’est pas à moi, mais à Dieu, qui a fait toutes choses et qui a la parfaite volonté de bien faire, qu’il faudra rendre grâces infinies et un service amoureux. Monsieur, je commence à vous parler des choses qui touchent le salut de plusieurs, vous conseillant, si vous voulez avoir l’amitié divine, de ne promouvoir point aux ordres sacrés, ni par vous ni par les autres, ceux qui n’auront point été examinés très-exactement; il faut qu’ils soient trouvés capables en vie, science et mœurs, afin qu’ils puissent dignement s’acquitter de leur office, et que ce témoignage vous en soit rendu par des personnes sages, pieuses et dignes de foi, prenant garde que tous les autres évêques de votre archiépiscopat en fassent de même, car personne ne saurait croire combien grande est l'indignation divine contre les évêques qui promeuvent aux ordres ceux qu’ils n’ont pas diligemment examinés. Que s’ils font cela à la supplication des autres, soit par négligence et paresse ou par crainte de déplaire, ils rendront au jour du jugement rigoureusement raison de ce fait.
Je vous conseille aussi de savoir combien et quels sont ceux qui ont charge des âmes en votre diocèse, et que, pour le moins une fois l’an, vous les convoquiez devant vous, et que vous traitiez avec eux, tant du salut de leurs âmes que de celles qu’ils gouvernent. Que si tous ne peuvent en même jour s’assembler, donnez-leur un temps et jour fixes où tous les ans ils viennent à vous, de sorte que pas un ne puisse s’excuser en l'année de prendre conseil de vous; que vous leur prêchiez aussi quelle vie doivent mener ceux qui ont un office si digne.
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Sachez aussi que les prêtres qui ont des concubines et célèbrent les messes, sont autant agréables à Dieu que les habitants de Sodome, que Dieu a submergés en enfer; et bien que la messe soit la messe en soi, et de même vertu et efficacité, néanmoins le baiser de paix que tels prêtres donnent en la messe, est autant agréable à Dieu que le baiser de Judas, par lequel il trahit le Sauveur de tout le monde. Partant, autant que vous pourrez, retirez-les de ce bourbier par paroles douces, par paroles dures, par menaces et par punition; oui, efforcez-vous de les retirer de ce bourbier, afin qu’ils s’efforcent de mener une vie chaste, puisqu’ils doivent toucher un si saint et si auguste sacrement, et l'administrer de leurs mains aux fidèles chrétiens.
D’ailleurs, avertissez les autres prélats, chanoines et prêtres qui sont sous le régime de votre église, de se corriger, ni que personne ne croie pas qu’ayant évité la sodomie, la fornication leur soit permise, car les uns et les autres seront condamnés aux supplices éternels.
Je vous conseille aussi que le train de votre famille ne soit point trop grand pour avoir de la vanité, mais qu’il soit modéré selon la nécessité du gouvernement de votre office et selon que votre état l'exige. Partant, les prêtres qui seront en votre compagnie, ayez-les plutôt pour rendre bon témoignage de vous, que pour la pompe et vanité, et qu’ils soient plutôt en petit nombre qu’en grand. Quant aux prêtres qu’on nourrit pour chanter l’office divin, ou pour apprendre, ou pour enseigner aux autres, ou pour écrire, ayez-en tout autant qu’il vous plaira; et il est très`-expédient que pour ceux-ci, vous ayez un soin particulier de leur correction et du salut de leur âme.
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Que vous preniez aussi garde à ce que chacun de vos serviteurs aient son office. Que s’il y en a de superflus pour la vanité, qu’on les renvoie, de peur que votre cœur ne soit élevé, ayant une plus grande famille que vos ancêtres. Quant à ceux que vous tenez plus familiers, il faut que vous songiez incessamment au salut de leurs âmes, sondant avec soin comme un vrai père de famille leurs actions, leur vie, corrigeant leurs mœurs, les réglant et les dressant comme un bon père de famille, afin qu’ils apprennent à fuir le vice, à embrasser la vertu et à aimer Dieu sur toutes choses. De fait, il est plus agréable à Dieu et plus utile à vous que vous n’ayez aucun familier en la maison, s’il ne veut acquiescer à vos saints et salutaires conseils ni amender ses fautes.
Quant aux vêtements, je vous conseille de n’en avoir jamais que trois paires à la fois et de donner tout le superflu à Dieu. Quant aux lits, aux meubles et à tout ce dont il est besoin pour la table, il faut que vous en ayez seulement le nécessaire et l'utile, et que vous donniez le reste à Dieu. Quant à la vaisselle d’argent, n’en retenez que le nécessaire, et non le vain, et de ceux qui mangent à votre table.
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Tout ce qui sera superflu, donnez-le d’un esprit gai à Dieu, car ceux qui sont hors de votre table peuvent manger en vaisselle d’étain, de terre, de bois ou de verre, sans honte, car la coutume qui est maintenant en la maison des évêques, où l’or et l'argent abondent trop, est grandement abominable devant Dieu, qui s’est soumis à toute sorte de pauvreté pour l'amour de nous, voyant que la superfluité était grandement dommageable aux âmes. D’ailleurs, donnez-vous garde de la pluralité des mets et de la friandise exquise d’iceux, de la vanité des chevaux de grand prix, mais contenez-vous dans la modestie de leur prix, car ces chevaux ne sont nécessaires qu’à ceux qui combattent pour la défense de la justice, pour la protection de la vie, et non pour la superbe; mais que, pour les saintes fins, ils s’exposent aux dangers de la vie, car je vous dis que les prélats qui montent de grands chevaux pour leur superbe et vaine gloire, tout autant de fois le diable monte sur leur cœur. Je sais en effet une personne qui vit des diables comme des Éthiopiens, qui, quand les prélats et cardinaux levaient les pieds par esprit de superbe pour monter sur leurs grands chevaux, levaient et haussaient les pieds sur le col, y montaient et s’y asseyaient par dérision; et toutes fois et quantes que ces prélats piquaient de leurs éperons leurs chevaux par vanité, tout autant de fois les Éthiopiens, levant leur tête de joie et contentement, poussaient et excitaient leurs cœurs au mal.
Je vous conseille encore de faire que vos vicaires promettent par jurement que, de la part de votre office, ils ne feront rien contre votre justice. Que s’ils contreviennent à leur jurement, punissez-les selon la justice. Que si vous faites comme il a dit, vous aurez votre conscience en bon état.
Je vous conseille encore, pour la consolation des âmes de vos défunts, sur lesquelles vous m’avez interrogée, pour savoir si elles étaient en purgatoire ou non, et quelles aumônes il fallait faire pour elles : je vous dis que vous devez faire dire tout un an deux messes tous les jours, et que vous réfectionniez deux pauvres aussi tous les jours, et donniez toutes les semaines un florin de monnaie aux pauvres.
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Dites aussi aux prêtres qu’ils corrigent leurs paroisses pour les manifester; que s’ils ne veulent les corriger, corrigez-les vous-même. Or, si vous en connaissez quelqu'uns qui agissent contre Dieu et qui manquent manifestement contre la justice, quand ils seraient les plus grands tyrans, de sorte que vous ne pourriez exercer la justice, dites-leur lors doucement et prudemment qu’ils se corrigent; que s’ils ne veulent obéir, laissez-les au jugement de Dieu, qui regardera votre bonne volonté, car il ne faut pas qu’un agneau doux montre les dents contre les loups furieux, car le loup se rendrait plus farouche; néanmoins on doit les protéger contre le danger de leur âme avec amour et charité, comme le père fait à ses enfants quand ils lui sont contraires, car vous n’êtes pas tenu de laisser les corrections pour la crainte de votre corps, si ce n’est que le danger des âmes ne s’ensuivît.
De l'âme du fils de sainte Brigitte. Des jugement et accusation, etc.
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La Sainte Vierge Marie parla à sainte Brigitte disant : Je veux vous dire comment j’ai fait avec l’âme de Charles, votre fils, quand elle était séparée de son corps. Certainement, j’ai fait avec lui comme fait la personne qui assiste une femme en ses couches, et qui veille à ce qu’aucun accident n’arrive au nouveau-né, prenant aussi garde que les ennemis ne puissent tuer l’enfant : j’en ai, dis-je, fait de même, car de fait, j’ai été auprès de votre Fils Charles un peu avant qu’il rendît l’esprit, afin de lui ôter de la mémoire l’amour charnel, afin que, par le mouvement de cet amour, il ne fît quelque chose contre moi par pensée ou par œuvre, ou qu’il ne voulût omettre quelque chose qui plût à Dieu, et qu’il ne voulût faire quelque chose contre la divine volonté au dommage de son âme. Je l'ai trouvé aussi en ce moment où il ne souffrait pas seulement une dure peine de la mort, mais de la peur qu’il avait de son inconstance et de ne se souvenir pas de Dieu, ou de désespérer. Je l’ai gardé en telle sorte, gardé son âme de ses ennemis mortels, c’est-à-dire, des démons, que pas un ne le pouvait toucher; mais soudain que son âme fut sortie du corps, je la reçus en ma garde et protection, d’où vient que les troupes des démons s’enfuirent bientôt, bien que leur malice tendît à la dévorer et à la tourmenter éternellement.
Mais comment le jugement dudit Charles a-t-il été fait? Je vous le dirai quand bon me semblera.
Après l’intervalle de quelques jours, la Sainte Vierge apparut à sainte Brigitte qui veillait en l’oraison, et lui dit : La divine bonté veut que vous voyiez maintenant le jugement de l’âme de votre fils, quand elle sortit du corps, qui fut rendue en un moment devant l’incompréhensible majesté divine. Cela vous sera montré par intervalles, par similitudes corporelles, afin que vous le puissiez mieux comprendre.
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Donc, en la même heure, sainte Brigitte se vit porter en un grand et beau palais, où elle se voyait, et où elle voyait Notre-Seigneur Jésus-Christ assis en son siège de Juge, comme un empereur qui a sa couronne en sa tête, accompagné d’une infinité d’anges et de saints; et auprès de lui, elle voyait sa très-digne Mère attentive au jugement.
Elle voyait encore devant le juge une âme nue comme un enfant qui vient de naître, craintive, effrayée et quasi aveugle, de sorte qu’elle ne voyait rien de ce qui était en sa conscience, mais comprenait bien ce qu’on faisait dans le palais. Un ange était à la droite du Juge auprès de l’âme, et un diable à gauche, mais ni l’un ni l’autre ne touchaient point l'âme. Lors enfin le diable cria, disant : Oyez, ô Juge tout-puissant, je me plains devant vous qu’une femme, qui est ma Dame et votre Mère, que vous aimez tant que vous l’avez rendue puissante sur le ciel, sur la terre et sur les diables de l’enfer, m’a fait certainement injustice touchant cette âme qui est ici assistante, car je devais, selon le droit et la justice, la prendre dès qu’elle fut séparée de son corps, et la présenter au jugement; et voici que cette femme, votre Mère, s’en est saisie, dès qu’elle a trépassé, et l'a présentée en jugement en sa puissante tutelle.
Et lors Marie, Mère de Dieu et Vierge, répondit en ces termes : O diable, oyez ma réponse. Quand vous fûtes créé, vous compreniez bien cette justice qui était en Dieu de toute éternité, aussi au-delà du temps et sans principe; vous eûtes aussi le libre arbitre de faire ce qui vous plairait le plus, et bien que vous ayez plutôt choisi de haïr Dieu que de l'aimer, vous entendez néanmoins ce qu’il devait faire selon la justice .
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Je vous dit donc qu’il appartenait plus,selon la justice, de présenter cette âme devant le Juge qu’à vous, car quand cette âme était dans le corps, elle eut un grand amour envers moi, pensant souvent en son esprit que Dieu m’avait daigné faire sa Mère, et qu’il m’avait sublimement exaltée et avantagée sur toutes les créatures; et de là elle commença d’aimer Dieu avec tant de ferveur qu’elle disait dans son cœur : Je me réjouis tellement que Dieu ait voulu exalter la Sainte Vierge, sa Mère, sur toutes les créatures, que je ne changerais pas cette joie avec toutes les joies du monde; voire je la préfère à tous les plaisirs du monde; voire elle eût plutôt voulu pâtir le supplice de l'enfer que vouloir que la Sainte Vierge diminuât en un seul point sa grandeur et sa dignité. Partant, que bénédictions soient rendues pour cette grâce-là, et pour la gloire dont il a comblé sa très-chère Mère! oui, que grâces en soient rendues éternellement!
Partant, voyez, ô diable, voyez maintenant avec quelle volonté celui-ci est mort. Que vous en semble donc? N’était-il pas plus juste que son âme vînt en la défense de mes mains avant le jugement de Dieu, ou dans les vôtres, pour être tourmentée cruellement?
Le diable répondit : Le droit ne voulait pas que cette âme tombât en mes mains, puisqu’elle vous a plus aimée que soi-même, avant que le jugement fût fait. Mais bien que la justice le voulant ainsi, vous lui ayez fait cette grâce avant le jugement, néanmoins, après le jugement, ses œuvres la condamneront à être punie par mes mains.
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Maintenant, ô Reine, je vous demande pourquoi vous avez chassé tous les démons de la présence de son corps, quand l’âme sortait, de sorte que pas un de nous ne lui a pu donner quelque horreur ou lui causer quelque effroi.
La Vierge Marie répondit : J’ai fait cela à raison du grand amour qu’il me portait et pour la grande joie qu’il a eue que je fusse Mère de Dieu : c’est pourquoi je lui ai impétré de mon Fils la grâce que nul esprit malin ne s’approcherait de lui, en quelque lui qu’il fût ni où il est maintenant.
Après cela, le diable parla au Juge, disant : Je sais que vous êtes la justice et la patience même; vous ne jugez pas moins l’injustice au diable qu’à l’ange : jugez-moi donc cette âme, car en cette sagesse que j’ai eue quand vous m’avez créé, j’avais écrit tous ses péchés; je les avais aussi gardés en la malice que j’avais quand je descendis du ciel, car lorsque cette âme fut parvenue en cet état de discrétion qu’elle pouvait entendre que ce qu’elle faisait était péché, lors la propre volonté l’attirait plus pour vivre en la superbe du monde et dans les voluptés charnelles qu’à y résister.
L’ange répondit : Quand, premièrement, sa mère entendait que sa volonté se portait au péché, soudain elle y remédiait par des œuvres de miséricorde et par prières continuelles, afin que Dieu en eût pitié et qu’il ne s’éloignât point de son devoir, à raison de quoi il obtint la crainte de Dieu. Partant, tout autant de fois qu’il tomba dans les péchés, il s’allait confesser dès l’instant.
Le diable répondit là-dessus : Il faut que je raconte ses péchés. Et dès qu’il voulut commencer, il s’écria, et se plaignait, et cherchait en son chef et membres qu’il semblait avoir, et il semblait tout tremblant et troublé, et il dit : Malheur à moi, misérable! J’ai perdu ma longue peine, car mon écriture est, non-seulement effacée, mais encore abolie; voire tous mes codes sont brûlés, dans lesquels j’avais écrit ses péchés; je ne me souviens pas plus du temps où il a péché que de ses péchés.
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L’ange dit alors : Les larmes de sa mère, ses oraisons ont fait cela, de sorte que Notre-Seigneur, compatissant à ses larmes, a donné à son Fils telle grâce qu’il eût la contrition de chaque péché qu’il avait commis, faisant une humble confession, poussé à cela par les feux du divin amour, c’est pourquoi ses péchés sont effacés et abolis de ta mémoire.
Le diable répondit, assurant qu’il en avait un sac plein d’écritures, par lesquelles il montrerait que ce soldat avait voulu corriger et amender sa vie, mais qu’il n’en avait rien fait : c’est pourquoi, dit-il, je suis obligé de le tourmenter jusques à ce qu’il ait satisfait par la peine, puisqu’il n’avait eu soin de s’amender durant sa vie.
L’ange répondit : Ouvrez votre sac, et demandez jugement sur les péchés pour lesquels vous êtes obligé de le châtier.
Cela étant dit, le diable cria comme un fol, disant : Je suis dépouillé de ma puissance, car non-seulement le sac m’est ôté, mais aussi les péchés dont il était rempli. Le sac était paresse et lâcheté, dans lequel j’avais mis toutes les causes et raisons dont il devait être puni, d'autant que sa lâcheté lui avait fait omettre de faire ce qu’il devait.
L’ange répondit : Les larmes de sa mère ont pris le sac et effacé les écritures, tant elles étaient agréables à Dieu!
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Le diable répondit : J’ai encore quelques choses à dire, savoir, ses péchés véniels.
L’ange répondit : Il eut la volonté de sortir de son pays pour aller en pèlerinage visiter les lieux saints, laissant ses biens et ses amis, visitant les lieux sacrés avec grande peine, et il a accompli cela, se préparant, dès qu’il a été digne d’obtenir de l’Église indulgence de ses péchés. Il désirait encore apaiser Dieu par l’amendement de ses péchés, d’où vient que toutes les causes que vous dites avoir été écrites sont abolies.
Le diable répondit : Je dois pourtant le punir pour tous les péchés véniels qu’il a commis, car ils ne sont point effacés par les indulgences, car il y en a mille milliers qui sont écrits en ma langue.
L’ange répondit : Étendez la langue et montrez l’écriture.
Le diable répondit avec un grand cri comme un fol : Malheur à moi! Je n’ai pas un seul mot à Dieu, car ma langue m’est coupée avec toutes ses forces.
L’ange répondit : Sa mère a fait cela par ses prières continuelles et par ses travaux assidus, car elle aimait son âme de tout son cœur : c’est pourquoi il a plu à Dieu, par la charité de sa Mère, de pardonner tous les péchés véniels qu’il avait commis dès son enfance jusques au dernier période de sa vie, c’est pourquoi votre langue défaut par la force de la sienne.
Le diable répondit : J’ai encore une chose dans mon cœur que je garde soigneusement et que personne ne pourra effacer : c’est qu’il a acquis quelques choses injustement, lesquelles il ne s’est pas souvenu de rendre.
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L’ange répondit : Sa mère satisfit à cela par prières, oraisons et œuvres de miséricorde, de sorte que la rigueur de la justice a été flétrie par les douceurs de la miséricorde, et Dieu lui donna une parfaite volonté, sans pardonner à ses biens, de vouloir satisfaire à tous, selon qu’il avait eu quelque chose injustement. Or, Dieu a pris cette volonté pour l’effet, car il ne voulait point vivre plus longtemps. Il faut donc que ses héritiers y satisfassent comme ils pourront.
Le diable répondit : Si je n’ai puissance de le punir pour ses péchés, il faut que je le châtie pour n’avoir exercé les bonnes œuvres et acquis les vertus, quand il eut un bon sens et un corps sain, car les vertus et les bonnes œuvres sont les trésors qu’il devait apporter avec lui dans le ciel. Permettez-moi donc de suppléer à cela avec peines et afflictions, et en ce qu’il a manqué ès œuvres vertueuses.
L’ange dit : Il est écrit qu’on donnera à celui qui demande, et qu’on ouvrira à celui qui heurte. Écoutez donc, ô diable! Sa mère a heurté avec persévérance, par ses prières amoureuses, à la porte de la miséricorde, pour lui, l’espace de trente ans, épanchant plusieurs larmes, afin que le Dieu de son cœur daignât verser son Saint-Esprit en son cœur, de sorte que son fils eût donné pour le service de Dieu ses biens, son corps et son âme, car l’amour de ce soldat était si ardent qu’il ne se plaisait à vivre que pour suivre la volonté divine.
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Et voici que Dieu, étant dès longtemps prié, versa en son cœur le fruit de ses bénédictions, et la Mère de Dieu suppléa à tout ce qui lui manquait concernant les armes spirituelles, et des vêtements que les soldats du ciel doivent avoir pour entrer en la gloire du souverain Empereur. Les saints aussi, placés au royaume céleste, que ce soldat a aimés, étant au monde, lui ont donné consolation de leurs mérites et l'ont assisté par leur intercession. Il a thésaurisé un trésor comme les pèlerins qui changent tous les jours les biens périssables en biens éternels; et d'autant que lui en a fait de même, il obtiendra la joie et l’honneur éternel pour le désir qu’il a eu d’aller à Jérusalem, et de ce qu’il a désiré d’exposer sa vie en bataille pour remettre la terre sainte au domaine des chrétiens, afin que le saint sépulcre de Notre-Seigneur eût la due révérence, s'il eût été suffisant et capable pour cela, il l’eût fait. Partant, criez, ô diable! Vous n’avez rien à dire sur ce manquement : il n’a pas tenu à lui.
Le diable répondit : Il lui reste une couronne, car si je lui en pouvais faire quelqu'une imparfaite, je le ferais franchement.
L’ange repartit : Il est certain que tous ceux qui se surmonteront, se repentant de leurs péchés, se conformant aux volontés divines et aimant Dieu de tout leur cœur, obtiendront la grâce de Dieu. Il plaît encore à Dieu de leur faire une couronne de sa couronne triomphante, de son précieux corps, s’ils sont purifiés selon la rectitude de la justice : partant, ô diable, il n’est pas convenable que vous contribuiez en rien à sa couronne.
Lors le diable, oyant ces choses, s’écria et rugit impatiemment, disant : Malheur à moi, d'autant que toute ma mémoire est ôtée! Je ne me souviens plus en quoi ce soldat a suivi mes volontés! et, ce qui est plus admirable, j’oublie comment il s’appelait quand il vivait au monde.
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L’ange répondit : Sache qu’il s’appelle maintenant fils de larmes.
Le diable, criant, dit : Oh! que maudite est cette truie, sa mère, qui a un ventre si long qu’elle y a pu contenir tant de larmes! Elle est maudite de moi et de tous mes compagnons.
L’ange dit : La malédiction redonde en l’honneur de Dieu, et bénédiction à tous ses amis!
Lors Jésus-Christ, Juge, parla, disant : Retire-toi, diable ennemi. Après il dit au soldat : Venez, ô mon bien-aimé! Et soudain le diable s’enfuit.
Lors l’épouse, voyant ceci, dit : O vertu éternelle et incompréhensible, vous êtes Dieu incompréhensible, ô Jésus-Christ! Vous versez dans les cœurs toutes les bonnes pensées, l’oraison et les larmes; vous cachez vos dons et vos faveurs, donnant pour eux les prix éternels. Or, honneur, service et actions de grâces vous soient rendus de toutes les créatures, ô mon Dieu très-doux! Vous m’êtes très-cher et plus cher que le corps et l’âme.
L’ange parla aussi à la même épouse, lui disant : Vous devez savoir que cette vision vous est, non-seulement montrée pour votre consolation, mais aussi afin que les amis de Dieu entendent combien il se plaît à nous bien faire, à raison des prières, oraisons et larmes de ses amis qui prient et font de bonnes œuvres pour l’amour des autres avec amour et persévérance. Vous devez aussi savoir que ce soldat, votre fils, n’eût pas eu une telle grâce, si, dès son enfance, il n’eût eu la volonté d’aimer Dieu et ses amis, et de s’amender des chutes du péché.
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De l’indulgence et de la grâce qu’ont les pèlerins en visitant le saint Sépulcre.
Le Fils parlait à l’épouse : Quand vous entrâtes dans le temple dédié par mon sang, vous étiez tellement purifiée des fautes commises, comme quasi si lors vous étiez lavée dans le baptême; et pour les peines que vous avez prises venant en ce lieu, et pour les dévotions que vous y avez rendues, quelques âmes de vos proches parents ont été délivrées du purgatoire, sont entrées dans le ciel et jouissent de ma gloire, car tous ceux qui viennent en ce lieu avec une volonté parfaite de s’amender et de mener une meilleure vie, ne voulant plus retomber en leurs premières fautes, leurs péchés leur sont pardonnés, après s’être dûment confessés, et la grâce augmente en eux.
De la passion de Notre-Seigneur, que sainte Brigitte vit à Jérusalem.
Pour le jour de la Passion
Lorsque j’étais au mont de Calvaire, dit sainte Brigitte pleurant amèrement, je vis Notre-Seigneur tout nu, flagellé, conduit par les Juifs pour être crucifié, et il était soigneusement gardé par eux. Je vis lors aussi un trou en la montagne, et les bourreaux préparés pour exercer leur cruauté sur Jésus-Christ; et se tournant vers moi, il me dit : Considérez qu’en ce trou de la pierre, le pied de ma croix fut fiché.
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Et soudain je vis en quelle manière les Juifs avaient fiché la croix et l’avaient affermie avec de grands coins de bois, afin qu’elle ne branlât point; et puis, on mit des degrés et des tables, afin que les bourreaux, étant montés là, pussent me crucifier avec dérision et moqueries. Et moi, je suis monté très-franchement, lui dit Notre-Seigneur, comme un agneau sans tache, doux et mansuet, conduit à la boucherie. Et étant monté là, j’étendis mes bras, non par contrainte, mais franchement; et ayant ouvert ma main droite, je la posai sur la croix, laquelle les bourreaux cruels et barbares crucifièrent soudain, la perçant avec un gros clou, à la partie où les os étaient plus solides; et tirant et étendant la main gauche, ils la crucifièrent de même. Après, ayant tiré le corps outre mesure et ayant joint les pieds, ils les crucifièrent avec deux clous, et ils étendirent avec tant de véhémence le corps et les membres que quasi les nerfs, les veines et les muscles se rompaient. Ce qu’ayant fait, ils remirent sur ma tête la couronne d’épines, laquelle ils m’avaient ôtée pour me crucifier, les épines poignantes de laquelle percèrent si bas que mes yeux furent soudain remplis de sang, ainsi que tout mon visage, mes oreilles et ma barbe; et soudain après, les bourreaux retirèrent les câbles attachés à la croix, et la croix demeura seule, et Jésus crucifié en icelle.
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Et lors étant remplie de douleur, je regardais la cruauté des Juifs. Je vis aussi la Mère de Dieu plongée dans les douleurs, abîmée en ses pleurs, et consolée par saint Jean, et par les autres sœurs, qui étaient lors non guère loin de la croix, à droite. La douleur de la Mère transperça tellement mon cœur qu’il me semblait qu’un glaive outreperçait mon cœur d’une amertume incomparable; et enfin, la Mère, se levant comme anéantie de douleur, regarda son Fils, soutenue des deux sœurs, étant toute ravie dans les excès des douleurs, vivante et animée de la douleur du glaive. Le Fils, la regardant avec les autres, ses amis tous éplorés, la recommanda à saint Jean d’une voix pleurante. Je connaissais bien à son geste et à sa voix que son cœur était outrepercé de douleur comme d’un glaive, de voir la douleur de sa Mère. Lors ses yeux très-aimables et beaux apparaissaient à demi morts; sa bouche était sanglante et ouverte, son visage pâle, sa face avalée, anéantie et toute sanglante; tout son corps était livide, meurtri, et languissant à raison du sang qui coulait toujours. Sa peau et la chair vierge de son corps étaient si tendres et si délicates que le moindre coup qu’on lui donnait paraissait au dehors. Il s’efforçait quelquefois de s’étendre sur la croix, à cause de l’excès de la douleur qu’il ressentait, d'autant que la douleur de tous ses membres montait sur le cœur et le vexait cruellement d’un martyre trop amer, et de la sorte, sa mort était prolongée avec un tourment très-cruel et une douleur qui n’a point d’égale; et lors, étant dans les angoisses de la douleur et proche de la mort, il cria à son Père d’une haute et pleurante voix, disant : O Père, pourquoi m’avez-vous délaissé? Il avait alors les lèvres pâles et la langue sanglante, le ventre enfoncé adhérent au dos, comme si au-dedans il n’y eût pas eu d’entrailles. Il cria encore pour la seconde fois avec une grande douleur : O Père, je remets mon esprit en vos mains; et élevant un peu la tête, soudain il l’abaissa, et ainsi, il rendit l’esprit. Ce que sa Mère voyant, elle trembla toute par l’excès de la douleur qu’elle souffrait; peu s’en manqua qu’elle ne tombât à terre, si les sœurs ne l’eussent soutenue.
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Lors ses mains se retirèrent du lieu où elles étaient attachées à raison du grand poids du corps, et de la sorte, son corps se soutenait sur les clous des pieds. Or, ses doigts et ses mains étaient plus tendus qu’auparavant; ses épaules étaient comme collées à la croix. Lors enfin les Juifs qui étaient là commencèrent à crier contre la Mère, se moquant d’elle. Les uns disaient : Marie, ton Fils est mort maintenant. D’autres lui disaient des paroles de moquerie, et un de la troupe vint avec une grande furie et donna un coup de lance au côté droit avec une telle violence que quasi la lance passa de l’autre côté. Lorsqu’on arrachait la lance du corps, il sortit un grand ruisseau de sang qui teignit toute la lance. La Mère de Dieu, voyant cela, trembla avec un grand gémissement, de sorte qu’on lisait sur sa face que son cœur était outrepercé d’un glaive de douleur.
Or, ces choses étant accomplies, les troupes se retirant, quelques-uns des amis déposèrent le corps de Notre-Seigneur de la croix, que sa Mère reçut entre ses bras, lequel ils mirent sur mon giron. Je nettoyai toutes ses plaies et son sang; je fermai ses yeux, les baisant, et l’enveloppai en un drap pur et net; et de la sorte, ils le conduisirent au sépulcre avec un grand pleur et une grande douleur.
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Notre-Seigneur se plaint à sainte Brigitte de ce que les princes de la terre ni les prélats n’ont point en mémoire sa passion.
Notre-Seigneur parla après cela à sainte Brigitte, lui disant : Ce que vous avez vu ci-dessus et ce que j’ai souffert par-dessus, les princes de la terre ne le considèrent point, ni ne méditent point sur les lieux où je suis né et où j’ai souffert. Certes, ils sont semblables à un homme ayant un lieu désigné pour mettre les bêtes farouches, dans lequel, envoyant ses chiens à la chasse, il se plaît à voir la course des chiens et des bêtes farouches : de même sont les princes de la terre et les prélats de l'Église, et quasi tous les états du monde regardent avec plus d’avidité les plaisirs terrestres que ma mort, ma passion et mes plaies. Partant, je leur enverrai encore par vous mes paroles, que s’ils ne changent leur cœur et ne le convertissent à moi, ils seront condamnés avec ceux qui ont divisé mes vêtements et ont mis le sort sur iceux.
ADDITION.
Le Fils de Dieu dit à sainte Brigitte : Cette cité (1) est Gomorrhe, ardente en luxure, superfluité et ambition : c’est pourquoi son édifice tombera; elle sera désolée, diminuée, et ses habitants s’en iront et gémiront sous le faix de la douleur et de la tribulation; ils défaudront, et leur confusion s’épandra bien loin, car je suis justement en colère contre eux.
(1) Famugusta.
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Quant au duc qui est coupable de la mort de son frère, Jésus-Christ dit : Il dilate sa superbe; il se glorifie de son incontinence; il ne considère pas le mal qu’il fait à son prochain; s’il ne s’humilie, je lui ferai selon la maxime commune : Il ne pleure pas peu qui pleure après la mort, comme celui qui pleure avant icelle; il n’aura pas une plus douce mort que son Frère; voire il en aura une plus dure, s'il ne se corrige bientôt.
Notre-Seigneur parle du confesseur de ce duc : Ce Frère-là ne vous a-t-il pas dit que ce duc est bon et qu’il ne peut mieux vivre, excusant son incontinence scandaleuse. Tels ne sont pas confesseurs, mais décepteurs, qui semblent des brebis simples, mais de fait, ne sont que des renards et des dissimulés : tels sont ces amis qui proposent et conseillent aux hommes les grandeurs et les abaissements pour la considération d’un peu de temporel. Partant, si ce Frère eût demeuré dans le couvent, il n’eût pas tant péché, ne se fût pas préparé un supplice si cruel, et eût acquis une plus grande couronne. Or, maintenant, il n’échappera pas à la main de celui qui le reprendra et l’affligera.
Quelques-uns conseillèrent à sainte Brigitte de changer de vêtements et de noircir sa face à cause des Sarrasins. Notre-Seigneur lui dit là-dessus : Ne changez point de vêtements; ne noircissez point votre face. Je suis puissant et sais tout; je ne crains rien et puis vous défendre. Je suis la sagesse, la toute-puissance même, moi qui prévois tout et puis tout : partant, tenez la manière accoutumée en vos vêtements, et soumettez votre face et vos volontés à moi, car moi qui ai gardé Sara de la main de captivité, je vous garderai en mer, en terre, et comme il est expédient, ma providence pourvoira à vos nécessités.
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La Mère de Dieu parle de l’évêque Alphonse : Cet évêque, mon ami, vous doit aimer comme mère, comme maîtresse, comme fille, comme sœur : comme mère, à raison de votre âge et pour la maturité de vos conseils, qu’il doit toujours chercher; comme maîtresse, pour la grâce que Dieu vous a donnée, qui montre par vous les secrets de la sapience infinie; comme fille, d’autant que, vous enseignant et vous consolant, il pourvoit à ce qui vous est le plus utile; comme sœur, vous avertissant quand il en sera besoin; les avertissant et incitant par parole et par exemple à ce qui est le plus parfait.
D’ailleurs, la Sainte Vierge dit au même évêque : Vous devez être comme celui qui porte de belles et bonnes fleurs, qui sont mes paroles, qui sont aux sages plus douces que le miel, plus perçantes et plus aiguës que les flèches, plus puissantes et plus efficaces pour obtenir la récompense. Celui qui porte ces fleurs se doit donner garde des vents, des pluies, du chaud : des vents de la vaine et mondaine éloquence; de la pluie d’une vaine délectation; du chaud d’une faveur mondaine, car celui qui se glorifie de ces choses fait qu’on méprise ces fleurs, et lui-même se montre moins capable de les porter.
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Notre-Seigneur parle ici de la reine de Cypre : O Brigitte, conseillez trois choses à la reine de Cypre: 1° qu’elle ne retourne point en son pays (cela n’est pas expédient), mais qu’elle s’arrête au lieu où elle est, pour servir Dieu de tout son cœur;
2° qu’elle ne se marie point, prenant un second mari, car il est plus agréable à Dieu qu’elle pleure les péchés qu’elle a commis, et supplée par la pénitence le temps mal employé qu’à penser à de secondes noces;
3° qu’elle induise ceux de son royaume à la concorde et charité, et qu’elle s’efforce que les bonnes mœurs et la justice y soient louablement exercées, et que la communauté ne soit chargée de nouvelles charges;
4° qu’elle oublie les maux qu’on a commis contre son mari, et cela pour l’amour de Dieu, et qu’elle ne s’en venge point, car je suis Juge et je jugerai pour cela;
5° qu’elle nourrisse son Fils avec l’amour divin, lui donnant des conseillers justes, non cupides, familiers, pudiques, bien composés et sages, desquels il puisse apprendre à craindre Dieu, à gouverner justement, à compatir aux misérables, à fuir le flatteur comme le venin, à chercher le conseil des justes mêmes, des pauvres, humbles et méprisés;
6° qu’elle s’habille modestement et renonce au fard et autres artifices de la vanité, car toutes ces choses sont odieuses à Dieu;
7° qu’elle ait un confesseur qui, ayant quitté le monde, aime plus les âmes que les présents, qui ne dissimule point les péchés, et n’ait point honte ni crainte de les reprendre, et qu’elle lui obéisse, en ce qui concerne le salut de son âme, comme à Dieu;
8° qu’elle considère la vie des saintes reines et des autres femmes, et qu’elle s’informe comment l’honneur de Dieu s’accroîtra;
9° qu’elle soit raisonnable en ses dons, payant ses dettes et les louanges des hommes, car il est bien plus agréable à Dieu de donner peu ou rien que de ne payer ses dettes et d’incommoder le prochain.
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Le Fils de Dieu parle du couronnement d’un nouveau roi : C’est un grand et pesant fardeau d’être roi; c’est un grand honneur et grandement fructueux. Il est donc convenable que le roi soit mûr, expert, prudent, juste, laborieux et plus amateur du bien de son prochain que de sa propre volonté, c’est pourquoi anciennement les royaumes étaient bien gouvernés, d'autant qu’ils élisaient un roi qui voulût, sût et pût gouverner justement ses sujets.
Maintenant, les royaumes ne sont point des royaumes, mais puérilités, radoteries et larcins; car comme le larron cherche les manières, le temps comment il pourra mettre des embûches et comment il pourra prendre sans être remarqué, de même les rois maintenant cherchent des inventions comment leur tige sera élevée, comment ils pourront remplir leur bourse, comment ils pourront accortement charger les sujets qui rendent franchement la justice pour en tirer du lucre temporel, mais ils n’aiment pas la justice, afin d’obtenir la récompense éternelle; c’est pourquoi le sage dit sagement : Malheur au royaume dont le roi est un enfant qui, vivant délicatement et ayant des flatteurs délicats, ne se met en peine du bien commun ni de son avancement! Mais d’autant que son enfant ne portera point l’iniquité du père, partant, s’il veut profiter et remplir la dignité du nom de roi de Cypre, qu’il obéisse aux paroles que j’ai dites et qu’il n’imite point les mœurs de ses prédécesseurs. Qu’il dépose les légèretés d’enfant et qu’il marche par la voie royale, ayant de tels assistants qu’ils craignent Dieu et n’aiment pas plus les présents que son honneur et le salut de leur âme. Qu’il haïsse les flatteurs, et qu’il ait avec lui ceux qui ne craignent pas de dire la vérité; autrement, ni l’enfant ne se réjouira en son peuple, ni le peuple en celui qu’il a choisi.
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Du choix du logis que sainte Brigitte fit en l’hôpital.
La Mère de Dieu dit à sainte Brigitte : En ce lieu de la montagne de Sion, il y a deux sortes de personnes : les unes aiment Dieu de tout leur cœur, les autres veulent avoir Dieu, mais le monde leur est plus agréable que Dieu; et partant, afin que les bons ne soient scandalisés et qu’occasion n’en soit donnée aux lâches et exemple à la postérité, il vaut bien mieux que vous logiez au lieu désigné pour les pèlerins que de loger ailleurs. Mon Fils pourvoira à tout ce qui vous sera nécessaire.
Des avertissements pour le roi de Cypre.
L’épouse sainte Brigitte écrit au roi de Cypre et au prince d’Antioche, et lui donne des conseils :
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1° Qu’un chacun fasse avec son confesseur une confession générale de tout ce qu’il a commis contre la volonté divine, et qu’après il reçoive le corps précieux de Notre-Seigneur avec crainte et amour.
2° Que vous soyez unis tous deux ensemble au vrai amour, de sorte que vous ne soyez qu’un cœur en Dieu pour son honneur, pour sa gloire et pour l'utilité de vos sujets.
3° Que tous deux (1) soyez unis en amour avec vos sujets, pardonnant, pour l’amour de la passion de Jésus-Christ et de sa mort, à tous ceux qui, de conseil, d’effet ou faveur, ont été cause ou occasion de la mort de Pierre, roi et votre père, les recevant tous en votre charité et amour de tout votre cœur, afin que Dieu vous daigne recevoir en sa miséricorde, et afin qu’il vous veuille aussi affermir en votre gouvernement pour son honneur et gloire.
4° Que, puisque la divine Providence vous a établis gouverneurs de ce royaume, vous y apportiez toute la diligence que vous pourrez, à prendre conseil, et à conseiller efficacement avec une âme fervente de charité, tous les prélats, tant séculiers que réguliers, que tous leurs sujets se corrigent en toutes les choses esquelles ils se sont écartés du saint état des Pères, leurs prédécesseurs, spirituellement ou temporellement, afin de vivre selon le premier état de leurs prédécesseurs. Qu’ils réforment donc au plus tôt leur état en tout et par tout, afin qu’eux et leurs sujets, étant vraiment amendés, obtiennent l’amitié de Dieu, et soient rendus dignes de prier Dieu qu’il daigne, par sa miséricorde, renouveler l’état de la sainte Église universelle en la sainteté des vertus.
5° Que, pour cette grande charité que Dieu a eue pour vos âmes, vous aimiez aussi celles de vos sujets, conseillant à votre peuple militaire que, s’il a offensé en quelque chose, il en fasse soudain pénitence et se corrige, et que tous ceux qui sont sous l’obéissance de l’Église romaine, qui sont parvenus aux ans de discrétion, se confessent humblement, se réconcilient avec le prochain qu’ils ont offensé, et s’accordent, et que s’étant amendés, ils reçoivent le corps de Jésus-Christ; après, qu’ils mènent une vie catholique, vivent avec fidélité dans le mariage, ou en veuvage, ou bien en l’état louable de virginité, observant tout ce que la saint Église commande, y poussant tous les familiers domestiques, sujets, et tous ceux qu’ils pourront, à en faire de même, tant par leurs paroles que par leurs bons exemples, et par les œuvres de charité, les induisant à en faire et les affermissant en leurs saintes entreprises; et sachez pour certain que tous ceux qui ont voulu obéir au corps, souffriront le dommage en leur âme.
(1) Éléonor, reine de Cypre, et son fils, aussi roi de Cypre.
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6° Que vous disiez à tous les prélats qu’ils avertissent efficacement et souvent leurs prêtres, savoir, les recteurs des églises; que chacun regarde si, en la paroisse, il y a quelqu'un qui persiste en quelques péchés publics, en l’offense de Dieu et au mépris de la sainte Église; et ceux qu’il trouvera vivre impudemment en ces péchés publics, qu’il les avertisse efficacement du danger de leur âme, et leur enseigne les manières et les remèdes spirituels par lesquels ils puissent s’en retirer et humblement s’amender. Or, s’ils ne veulent obéir, mais désirent vivre en leurs péchés publics, que les recteurs des paroisses ne manquent pas de les dénoncer aux supérieurs et aux évêques, afin que l’opiniâtreté de ces gens-là soit punie par les évêques, sans avoir égard à leur puissance temporelle, et Dieu vous commande de prêter main forte aux évêques pour cet effet, afin que, par votre secours et faveur, les susdits pécheurs soient corrigés et amendés, et qu’ils obtiennent la miséricorde de Dieu.
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Sainte Brigitte eut une révélation à Jérusalem touchant le royaume de Cypre, laquelle elle publia devant le roi et son conseil.
Il arriva à une personne qui veillait et priait, que, étant suspendue en extase et étant ravie, elle voyait en esprit un palais d’une incompréhensible grandeur et d’une beauté inouïe. Elle voyait aussi, assis entre les saints en un siège de majesté, Jésus-Christ, qui dit ces paroles : Je suis la vraie charité. Tout ce que j’ai fait de toute éternité, je l’ai fait par amour; semblablement tout ce que je fais et ferai procédera de mon amour. Mon amour est si immense et si incompréhensible en moi maintenant qu’il l’était le jour de ma mort et passion, quand, par ma mort, comme par excès d’amour, je délivrai des limbes tous mes élus qui étaient dignes d’une telle rédemption et affranchissement. Que s’il était possible que je mourusse tout autant de fois qu’il y a d’âmes en enfer, je souffrirais pour chacune d’elles comme je souffris lors pour toutes; mon corps serait encore disposé à souffrir toutes ces choses avec une franche volonté et parfaite charité.
Or, il est maintenant impossible que mon corps puisse encore mourir ou souffrir quelque peine ou tribulation; il est de même impossible que quelque âme qui, après ma mort, a été condamnée à l’enfer, sorte jamais de là, ni qu’elle jouisse jamais de la gloire céleste dont jouissent les saints, et mes élus de la glorification de mon corps; mais elles ressentiront les supplices en la mort éternelle, d'autant qu’elles n’ont pas voulu jouir du fruit de ma mort, ni n’ont voulu suivre ma volonté pendant qu’elles ont vécu au monde. Au reste, sur les offenses qui m’ont été faites, il n’y a point autre juge que moi, c’est pourquoi la charité que j’ai montrée aux hommes se plaint quasi devant ma justice, c’est pourquoi je touche à la justice de juger là-dessus selon ma volonté
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Or, maintenant je me plains des habitants du royaume de Cypre, comme s’ils étaient un seul homme, mais je ne me plains point des hommes qui y demeurent, qui sont mes amis, qui m’aiment de tout leur cœur et suivent en tout ma volonté, mais je me plains de tous ceux qui me méprisent, qui résistent incessamment à ma volonté et me contrarient.
Je parlerai donc à eux comme à une seule personne : O peuple de Cypre, mon adversaire, écoutez et considérez diligemment ce que je vous dis. Je vous ai aimé comme un père aime son cher enfant, qu’il a voulu élever aux grands honneurs. Je vous ai donné un honneur où vous pouviez avoir tout ce qui vous était nécessaire, avec abondance pour la nourriture et entretien de votre corps. Je vous ai envoyé le feu de mon Saint-Esprit et sa lumière, afin que vous compreniez la foi chrétienne, à laquelle vous vous étiez fidèlement obligé, et vous vous étiez soumis aux lois de la sainte Église avec humilité. Je vous ai aussi placé au lieu qui était convenable à mon serviteur, savoir est, entre mes amis, afin que, par vos labeurs, terres et combats corporels, vous puissiez obtenir dans mon royaume la couronne précieuse. Je vous ai aussi porté longtemps dans mon cœur, c’est-à-dire, dans le sein de mon amour, et vous ai gardé comme la prunelle de mon œil, lorsque vous étiez assailli par les adversités et les tribulations; et quand vous avez gardé mes préceptes et avez été obéissant aux statuts de la sainte Église, lors certainement une infinité d’âmes sont venues du royaume de Cypre dans le ciel pour jouir éternellement de la gloire éternelle avec moi.
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Mais d'autant que vous faites maintenant votre volonté et tout ce qui plaît à votre cœur, ne me craignant point, quoique je sois votre Juge, ni ne m’aimant point, quoique je sois votre Créateur, qui vous ai même racheté par une mort très-dure, que vous avez crachée de votre bouche comme chose désagréable et puante; et d’autant que vous avez logé le diable en votre cœur, vous m’avez chassé de là comme un larron, et vous n’avez pas plus de honte de pécher devant moi que les animaux irraisonnables.
Partant, ma justice veut et mon juste jugement demande que vous soyez chassé du ciel par mes amis, et que vous soyez plongé dans les abîmes de l’enfer au milieu de mes ennemis; et sachez cela sans en douter, que mon Père, qui est en moi et en qui je suis, et que le Saint-Esprit qui est en nous deux, me sont témoin qu’il n’est jamais sorti de ma bouche que la vérité : c’est pourquoi sachez véritablement que quiconque se gouvernera comme vous et ne se voudra amender, ira en enfer parla même voie qu’y allèrent Lucifer, à raison de sa superbe, Judas, qui me vendit à raison de sa cupidité, et Zambri, qui tua Phinées à cause de sa luxure. Il pécha certainement avec la femme contre mon commandement, c’est pourquoi son âme fut damnée dans l’enfer.
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Partant, ô peuple de Cypre, je vous annonce que si vous ne voulez vous corriger et vous amender, j’effacerai toute la postérité du royaume de Cypre, de sorte que je ne pardonnerai pas même aux pauvres ni aux riches; oui, je la ruinerai en telle sorte en brief qu’on n’en parlera plus, comme si vous n’aviez jamais été au monde. Or, je planterai de nouvelles plantes au royaume de Cypre, qui garderont mes commandements et m’aimeront de tout leur cœur.
Mais néanmoins sachez pour certain que si quelqu'un de vous se veut amender et retourner à moi avec humilité, je lui irai au-devant et lui parlerai avec joie comme un pieux pasteur, le levant sur mes épaules et l'apportant à mon bercail. J’entends par mes épaules que, par le bénéfice de ma passion et de ma mort que j’ai soutenues en mon corps et en mes épaules, celui qui s’amendera sera participant de ma mort, et recevra avec moi au royaume céleste une éternelle consolation.
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Sachez aussi pour certain que vous, qui êtes mes ennemis, qui habitez audit royaume, n’étiez pas dignes qu’un tel avertissement vous fût envoyé; mais quelques-uns qui sont en ce royaume, qui me servent fidèlement et m’aiment de tout leur cœur, m’ont fléchi par leurs larmes et prières à ce que je vous fisse entendre le danger de vos âmes, ce qui a été montré à quelques-uns de mes amis, que des âmes innombrables du royaume de Cypre descendent en enfer et sont repoussées du ciel. Or, je dis les paroles susdites à ceux qui sont sous l’obéissance de l’Église romaine, qui m’ont voué la foi
catholique et romaine, et s’en sont retirés par les œuvres contraires. Mes les Grecs qui savent que tous les chrétiens doivent avoir une même foi et être sujets à une même Église, avoir un seul mien vicaire général en tout le monde, savoir, le pontife romain, qui doit être par-dessus tous, et qui néanmoins ne veulent point se soumettre au pasteur de l’Église romaine et à mon vicaire, et subjuguer spirituellement et humblement leur superbe sous lui, soit à raison de la cupidité, soit à raison de la pétulance charnelle, soit pour quelque autre chose qui touche le monde, sont indignes d’obtenir miséricorde et pardon quand ils sont morts. Mais les autres Grecs qui voudraient savoir la foi romaine, mais ne peuvent, mais qui, s’ils la savaient, la tiendraient fidèlement et s’y soumettraient humblement, et se contiennent et gardent des péchés en la foi où ils vivent pieusement, à ceux-là, miséricorde leur est due après la mort dans les supplices, quand ils seront appelés à mon jugement. Que les Grecs sachent aussi que leur empire, royaumes et domaines, ne seront jamais assurés ni en paix, mais seront toujours sujets à leurs ennemis, desquels ils souffriront de grands dommages et de longues misères, jusques à ce qu’ils s’assujettissent à l’Église romaine avec humilité et charité, se soumettant à ses lois et à ses constitutions.
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Or, sainte Brigitte ayant ainsi vu ces choses et les ayant ouïes en esprit, la vision disparut, et sainte Brigitte demeura en l'oraison avec crainte, et suspendue en admiration.
Il est ici traité d’une commination de damnation éternelle aux religieux des Frères mineurs ayant de propre.
Pour le jour de saint François.
Actions de grâces infinies, humble service, louange et honneur soient à Dieu en sa puissance et majesté éternelle, à Dieu qui est un Dieu en trois personnes! Il a plu à la divine bonté que sa très-digne humanité m’ait dit en l'oraison ce qui suit :
Oyez, vous à qui il est donné d’ouïr spirituellement; voire tenez assurément en la mémoire ces paroles : Il y avait un homme qu’on nommait François, qui, s’étant éloigné de la superbe mondaine, de la cupidité et de la délectation vicieuse de la chair, et s’étant converti à la vie spirituelle de la pénitence et perfection, obtint lors la vraie contrition de tous ses péchés et une parfaite volonté de s’amender, disant : Il n’y a rien en ce monde que je ne veuille franchement laisser pour l’honneur et la gloire de Dieu; il n’y a aussi rien de si dur en cette vie que je ne veuille de bon gré embrasser pour l'amour de Jésus, faisant tout ce que je pourrai pour son honneur, selon les forces de mon corps et de mon âme, et je pousserai tous les autres à en faire de même, et les affermirai en cela, afin qu’ils aiment Dieu sur toutes choses et de tout leur cœur.
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La règle de saint François, que ce moine a embrassée, n’a point été dictée par l’esprit humain, ni de la prudence, mais de moi, selon mes volontés. Chaque parole qui est écrite en icelle a été inspirée par moi à ce saint, et après ce fut lui qui donna aux autres cette règle. De même toutes autres règles des religions que mes amis ont entreprises, gardées et enseignées aux autres et qu’ils ont présentées, n’ont point été composées de leur esprit et de leur sapience humaine, mais par l’inspiration du Saint-Esprit.
Les Frères de saint François, qui s’appellent mineurs, ont tenu et observé cette règle, quelques années fort spirituellement et dévotement, selon ma volonté, dont le diable, ennemi ancien, conçut une grande envie et trouble, d'autant qu’il ne pouvait vaincre ni surmonter ces Frères par tentations et déceptions. Le diable chercha donc où il pourrait trouver un homme dans lequel et avec l’esprit duquel il pût mélanger son malin esprit; enfin, ayant trouvé un prêtre qui pensait ces suivants discours : Je voudrais être en tel état où je puisse avoir l’honneur du monde et la délectation de mon corps, et que je puisse là amasser et entasser tant d’argent qu’il ne me manquât jamais rien qui touchât à mes nécessités et voluptés : je veux donc entrer en l’ordre de saint François, et feindre d’être fort humble et obéissant. Et de la sorte, le prêtre susdit entra dans ledit ordre. Soudain le diable entra dans son cœur, et de la sorte, ledit prêtre fut religieux de cet ordre. Le diable considéra néanmoins en soi que saint François voulait tirer force gens du monde avec son obéissance très-humble pour avoir de grands prix dans le ciel : de même ce Frère, qui sera appelé adversaire, d'autant qu’il contrarie à la règle de saint François, tirera plusieurs du même ordre, de l’humilité à la superbe, de la pauvreté raisonnable à la cupidité, de la vraie obéissance à faire sa propre volonté et à suivre les délectations du corps. Quant ce Frère adversaire entra en l'ordre de saint François, soudain il commença à penser par l’aide de la suggestion de l’ennemi : Je me montrerai si humble et si obéissant qu’on me réputera saint. Quand les autres jeûnent et gardent le silence, je ferai lors le contraire avec mes particuliers compagnons, savoir, en cajolant, mangeant debout; néanmoins ce sera si secrètement que pas un ne le saura ni ne l’entendra.
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Je ne puis pas aussi, pensait-il, selon cette règle, tenir de l’argent, ni or, ni aucune autre chose, c’est pourquoi je veux faire un ami particulier qui me gardera secrètement l’or et l'argent, afin que je me serve de cet argent selon mes cupidités. Je veux aussi apprendre les arts libéraux et les sciences, afin d’être honoré et que je puisse avoir quelque dignité en l’ordre, et partant, pouvoir avoir des chevaux, des vases d’argent, de belles robes et des ornements précieux. Que si quelqu'un me reprend pour ceci, je lui répondrai que je fais cela pour l’honneur de mon ordre. Si je pouvais aussi tant faire que d’être évêque, je serais lors heureux et fortuné pour la vie que je voudrais lors mener, car lors j’aurais ma propre liberté et je jouirais de tous les contentements de mon corps. Écoutez donc qu’est-ce que le diable avait suggéré à ce Frère de l’ordre de saint François.
De fait, il y a plusieurs Frères dans le monde qui, ou par œuvre ou par affection, tiennent la même règle que ce diable avait suggérée à ce frère adversaire, et certes en plus grand nombre que ceux qui gardent la règle que j’ai inspirée à saint François. Sachez néanmoins que, bien que ces Frères, et de saint François, et du Frère adversaire, soient pêle-mêle tant qu’ils vivent au monde, je les séparerai néanmoins à la fin, moi qui suis leur Juge, et je jugerai les Frères de la règle de saint François, pour demeurer éternellement avec moi ès joies ineffables et avec saint François. Mais ceux qui suivent la règle des Frères adversaires, seront jugés aux peines éternelles au profond de l’enfer, s’ils ne veulent se corriger et s’humilier avant de mourir; et ce n’est point de merveilles, car ceux qui devaient donner au monde des exemples d’humilité et de sainteté, lui donnent des exemples de mauvaise édification, de cupidité et de superbe.
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Et partant, qu’ils sachent que, tant ceux-là que tous les autres auxquels la règle défend d’avoir rien de propre, et néanmoins en ont contre la règle, voulant en cela m’apaiser, en me donnant quelque partie de leurs présents abominables, me sont en haine ni ne sont dignes d’aucune bonne récompense. Il me serait bien plus agréable qu’ils observassent la sainte pauvreté selon leur vœu, que s’ils m’offraient tout l’or et l'argent qui sont au monde.
Sachez, vous aussi (1) qui oyez mes paroles, qu’il ne vous eût été licite d’avoir cette vision, si ce n’est pour l'amour d’un mien bon serviteur qui de tout son cœur m’a prié pour ce dit Frère, qui désirait par charité aussi lui donner quelques conseils fort utiles.
Cela étant ouï, la vision disparut.
(1) sainte Brigitte
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Enfantement de la Sainte Vierge.
Pour le jour de la Nativité.
Lorsque moi, Brigitte, étais à Bethléem, je vis une Vierge enceinte, affublée d’un blanc manteau et d’une subtile et fine tunique, au travers de laquelle je voyais la chair virginale, le ventre de laquelle était grandement plein, d'autant qu’elle était prête à enfanter. Il y avait avec elle un honnête vieillard, et tous deux avaient un bœuf et un âne; et étant, entrées dans une caverne, le vieillard, ayant lié le bœuf et l’âne à la crèche, porta une lampe allumée à la Sainte Vierge, et la ficha en la muraille, s’écartant un peu de la Sainte Vierge pendant qu’elle enfanterait.
Cette Vierge donc se déchaussa, quitta son manteau blanc, ôta le voile de sa tête et le mit auprès d’elle; et je vis ses cheveux beaux à merveille, comme des fleurs éparpillées sur sa tunique, sur ses épaules. Elle tira lors de son sein deux draps de fin lin et deux de laine, très-blancs et très-purs, pour envelopper l’enfant; et elle portait encore deux autres petits draps de lin pour le couvrir et lui lier la tête; et elle les mit auprès d’elle, afin d’en user à temps et saison.
Or, toutes choses étant ainsi prêtes, la Sainte Vierge, ayant fléchi le genou, se mit avec une grande révérence en oraison; et elle tenait le dos contre la crèche, et la face levée vers le ciel vers l’orient; et ayant levé les mains et ayant les yeux fixés au ciel, elle était en extase, suspendue en une haute et sublime contemplation, enivrée des torrents de la divine douceur; et étant de la sorte en oraison, je vis le petit enfant se mouvoir dans son ventre et naître en un moment, duquel il sortait un si grand et ineffable éclat de lumière que le soleil ne lui était en rien comparable, ni l’éclat de la lumière que le bon vieillard avait mise en la muraille, car la splendeur divine de cet enfant avait anéanti la clarté de la lampe; et la manière de l'enfantement fut si subtile et si prompte que je ne peux connaître et discerner comment et en quelle partie elle se faisait.
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Je vis incontinent ce glorieux enfant, gisant à terre, nu et pur, la chair duquel était très-pure. Je vis aussi la peau secondine (1) auprès de lui enveloppée et grandement pure. J’ouïs lors les chants mélodieux des anges, et soudain le ventre de la Vierge, qui était enflammé, se remit en sa naturelle consistance, et je vis son corps d’une beauté admirable, tendre et délicat.
Or, la Vierge, sentant qu’elle avait enfanté, ayant baissé la tête et joint les mains, adora l’enfant avec grande révérence et lui dit : O mon Dieu et mon Seigneur, soyez le très-bien venu! Et lors l’enfant, pleurant et comme tremblotant de froid et de la dureté du pavé où il gisait, s’émouvait un peu, et étendait ses bras, cherchant quelque soulagement et la faveur de la Mère. La mère le prit lors en ses bras, le serra sur son sein, et l’échauffa sur sa poitrine avec des joies indicibles et avec une tendre et maternelle compassion. Et lors s’asseyant à terre, elle le mit en son giron et prit de ses doigts son nombril, qui soudain fut coupé, d’où il ne sortit ni sang ni aucune autre chose; et après elle l’enveloppa de petits drapeaux de lin et de laine, et avec des langes et des liens, elle serra son petit corps avec un bandeau qui était cousu en quatre lieux à la partie du drap de linge, et après, elle lui lia la tête.
(1) Quelques théologiens soutiennent que cet enfantement fut sans cette peau, à raison de la pureté.
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Ces choses étant accomplies, le vieillard entra, et se prosternant à deux genoux, adorant l’enfant, il pleurait de joie.
La Sainte Vierge ne changea point de couleur en cet enfantement; elle ne fut point infirme, ni aussi les forces corporelles ne lui diminuèrent point comme les autres femmes ont accoutumé. Il n’y parut autre chose, sinon que les flancs se retirèrent à la première consistance en laquelle ils étaient avant qu’elle conçût. Après elle se leva, ayant son cher enfant entre les bras, et saint Joseph et elle le mirent en la crèche, et l’adorèrent à genoux avec des joies indicibles.
Même sujet que dessus.
La Sainte Vierge Marie m’apparut, disant : Ma fille, il y a bien longtemps que je vous avais promis en Reine qu’en Bethléem je vous montrerais la manière de mon enfantement; et bien que je vous en aie montré quelque chose à Naples, savoir, en quelle posture j’étais quand j’enfantai mon Fils, sachez néanmoins pour certain que je demeurai en telle manière que vous me voyez maintenant à genoux, priant seule dans l’étable, car je l’ai enfanté avec tant de joie que je ne ressentis aucune peine quand il sortit de mes flancs; mais je l’enveloppai soudain des linges purs que j’avais préparés depuis longtemps.
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Joseph, voyant cela, fut ravi d’admiration, et se réjouit grandement de savoir que j’avais enfanté sans aide. Mais d'autant que Bethléem était occupé à raison du dénombrement qu’Auguste faisait de son peuple, néanmoins on ne divulgua point les merveilles de Dieu; et partant, sachez que, bien qu’il y ait des hommes qui s’efforcent de dire, selon le sens humain, que mon Fils est né par la voie commune, la vérité néanmoins est sans doute qu’il est né comme je vous ai dit autrefois et comme vous l’avez vu.
Comment les pasteurs le vinrent adorer.
Je vis aussi en même lieu où la Sainte Vierge et Joseph adorèrent Jésus en la crèche, que lors les pasteurs et ceux qui gardaient les troupeaux vinrent pour adorer l’enfant; et l’ayant vu, ils l’adorèrent soudain avec une grande révérence et joie; après, ils s’en retournèrent, louant et glorifiant Dieu en tout ce qu’ils avaient vu et ouï.
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Comment les rois adorèrent Jésus-Christ.
La même Mère de Dieu me dit : Ma fille, sachez que quand les trois rois mages vinrent à l’étable pour adorer mon Fils enfant, je savais bien auparavant leur arrivée; et quand ils entrèrent et adorèrent, mon Fils se réjouit, et de joie il avait lors le visage plus gai. Je me réjouissais grandement d’une joie ineffable et spirituelle, considérant leurs paroles et leurs actions, les conservant et les examinant dans mon cœur.
De l'humilité du Fils de Dieu et de la Vierge.
La Mère de Dieu parle, disant : La même humilité est maintenant en mon Fils en la puissance de sa Divinité, qu’il eut lorsqu’il était en la crèche, gisant entre deux animaux; et bien qu’il sût toutes choses selon la Divinité, il parlait néanmoins selon l’humanité : de même, étant maintenant assis à la droite du Père, il entend tous ceux qui parlent de lui avec amour, et leur répond par les inspirations des influences du Saint-Esprit, à quelques-uns par des paroles et pensées, à d’autres comme bouche à bouche, comme il lui plaît : de même moi, qui suis Mère de Dieu, je suis aussi humble maintenant en mon corps qui est par-dessus toutes les créatures, que quand je fus épousée à Joseph. Mais toutefois vous devez savoir pour certain que Joseph sut du Saint-Esprit que j’avais fait le vœu de virginité à Dieu, et que j’étais pure en paroles, œuvres, pensées et intentions; et il m’épousa pour m’avoir pour sa maîtresse, pour me servir, et non pour sa femme.
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Je sus aussi avec certitude par le Saint-Esprit que ma virginité demeurerait entière éternellement, bien que, par une secrète disposition divine, je fusse mariée; mais après que j’eus consenti à l’ambassadeur de Dieu, Joseph, voyant que mon ventre grossissait par vertu du Saint-Esprit, s’épouvanta grandement, ne soupçonnant rien de sinistre contre moi, mais il se souvint de ce que les prophètes avaient dit, que le Fils de Dieu naîtrait d’une Vierge; il se réputait indigne de servir une telle Mère, jusqu’à ce que l'ange lui apparût en songe et lui commandât de ne rien craindre, mais de servir avec charité. Moi et Joseph ne réservâmes rien des richesses, si ce n’est ce qui nous était nécessaire pour vivre à l’honneur de Dieu; nous quittâmes le reste pour l’amour de Dieu. Or, l'heure de la naissance de mon Fils s’approchant, que j’avais fort bien prévue, je vins selon la prescience divine en Bethléem, portant avec moi une robe très-pure et des draps pour mon Fils, desquels pas un n’avait jamais eu l’usage, desquels j’enveloppai celui qui était né de moi avec toute sorte de pureté. Et bien que je n’eusse pas prévu que, de toute éternité, je devais être assise aux sièges sublimes sur toutes les créatures et sur les hommes; et quand je l’aurais su, je ne dédaignais pas de préparer et de servir à saint Joseph tout ce qui lui était nécessaire, et à moi-même; et comme je fus humble, connue de Dieu seul et de saint Joseph, de même je suis maintenant humble, assise au siège le plus sublime, prête à présenter à Dieu toutes les oraisons et demandes raisonnables. Mais je réponds à quelques-uns par les inspirations divines; à d’autres, je leur parle plus intimement, comme il plait à Dieu.
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Du temps de la mort de Notre-Dame, et de son sépulcre.
Sainte Brigitte dit : Quand j’étais en la vallée de Josaphat au sépulcre de la Sainte Vierge en oraison, la Vierge m’apparut, éclatant d’une incomparable beauté, disant : Considérez, ma fille : j’ai vécu quinze ans au monde après l’ascension de mon Fils, et tout autant encore qu’il y a de jours depuis l’ascension de mon Fils jusques à ma mort; et étant morte, je demeurai gisante dans mon sépulcre l’espace de quinze jours. (1) Après, je fus portée au ciel avec un grand honneur; les vêtements dont j’étais revêtue demeurèrent en ce sépulcre, et je fus revêtue des vêtements dont mon Fils est revêtu. D’ailleurs, sachez qu’il n’y a dans le ciel aucun corps humain, sinon celui de Jésus-Christ et mon corps. Retirez-vous donc aux terres des chrétiens; amendez-vous de mieux en mieux, et vivez le reste de vos jours avec une grande précaution, puisque vous avez visité les lieux où mon Fils et moi avons vécu et avons été ensevelis.
(1) Les opinions sont diverses touchant la résurrection de la Sainte Vierge; la plus probable me semble celle d’après trois jours.
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Notre-Seigneur avertit les habitants de Naples par la suivante révélation, publiée devant l’archevêque, etc. de bien vivre; et il les menace autrement.
Sainte Brigitte veillant, étant en oraison et en la sublime contemplation, et étant ravie, Jésus-Christ lui apparut, lui parlant en ces termes : Oyez, vous à qui Dieu a donné la grâce d’ouïr et de voir les choses spirituelles, et écoutez diligemment, et tenez en votre esprit ce que vous oyez maintenant, car vous l’annoncerez de ma part aux nations. Ne dites pas ces choses ici pour vous acquérir de l’honneur ou quelque louange humaine, ni aussi ne les taisez pas par la crainte de quelque empire humain et de peur de quelque mépris, d'autant que ces choses ne vous sont pas tant seulement montrées pour l’amour de vous, mais encore, pour l’amour des prières de mes amis, vous seront montrées celles qui suivent, car quelques-uns de mes élus de la cité de Naples m’ont prié de longues années de tout leur cœur pour mes ennemis qui sont en la même cité, afin que je leur montrasse quelque faveur par laquelle ils se puissent retirer de leurs péchés et mauvaises habitudes, et se convertir salutairement, aux prières desquels ayant donné effet, je vous donne ces paroles que je désire que vous écoutiez attentivement.
Je suis Créateur et Seigneur de toutes choses, tant sur les diables que sur les anges, et pas un n’évitera mon jugement.
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Le diable a péché contre moi en trois manières : par superbe, envie et arrogance, c’est-à-dire, par amour-propre. Certainement il fut si superbe qu’il a voulu être seigneur sur moi, afin que je fusse son sujet; il me portait aussi une si grande envie, que, s’il eût été possible, il m’eût tué, afin qu’il fût Seigneur et pût occuper mon trône. Sa volonté propre aussi lu fut si chère qu’il ne se souciait point de la volonté de Dieu, pourvu qu’il pût accomplir la sienne; c’est pourquoi il tomba des cieux, et d’ange, il a été fait diable dans les abîmes de l’enfer. Et après, voyant sa malice, sa grande envie qu’il avait contre l’homme, je lui montrai ma volonté et donnai mes commandements aux hommes, afin que, les accomplissant, ils puissent me plaire et déplaire au diable. Après, poussé par l’amour que je portais aux hommes, je suis venu au monde et ai pris la chair de la Sainte Vierge; je leur ai enseigné en personne la vraie voie de salut par œuvres et par paroles, et afin de leur montrer et manifester mon amour infini, je leur ai ouvert le ciel par mon précieux sang.
Mais qu’est-ce que ces hommes, mes ennemis, me font maintenant? Ils méprisent mes commandements; ils me chassent de leurs cœurs comme un poison mortifère; ils me crachent de leurs bouches comme une chose pourrie, et ont horreur de me voir comme un lépreux, qui est extrêmement puant.
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Or, ils embrassent le diable et ses œuvres de tout leur cœur et œuvres, ils l’introduisent dans leurs cœurs, faisant sa volonté franchement et avec plaisir, et suivant ses mauvaises suggestions : c’est pourquoi, par mon juste jugement, ils seront récompensés en enfer avec le diable d’un supplice éternel, car pour la superbe qu’ils adorent, ils auront la confusion éternelle, de sorte que les anges et les diables diront : Ils sont remplis de confusion jusques au sommet. Pour leur cupidité insatiable, chaque diable les remplira de leur venin pestifère, en sorte que, dans leurs âmes, il n’y aura rien de vide qui ne soit rempli de ce venin. Pour la luxure dont ils brûlent, ils seront privés éternellement, comme des animaux insensés, de la vision divine, mais ils en seront éloignés et seront privés de leurs voluptés déréglées. Au reste, sachez que, comme tous les péchés sont très-graves, aussi le péché véniel, si l’homme met son affection et délectation en lui avec volonté et mépris, est fait mortel, savoir, quand on y met sa dernière fin. Partant, sachez qu’il y a deux sortes de péchés que je vous nommerai, qui attirent tous les autres péchés, qui semblent néanmoins véniels; mais d'autant qu’on s’y plaît avec volonté d’y persévérer, finalement c’est ce qui fait qu’ils sont mortels, attirant aux mortels.
Les citoyens de Naples commettent bien d’autres péchés abominables que je ne veux pas nommer : le premier est qu’on farde et plâtre les visages vivants comme ceux des statues des idoles, afin qu’ils paraissent plus beaux que je ne les ai faits.
Le deuxième péché est que les femmes usent de nouvelles formes et façons de vêtements, de sorte qu’elles en sont difformes, et cela à raison de leur superbe, et afin d’être vues plus belles et plus lascives en leurs corps que je ne les ai créées, afin que, les voyant telles, les hommes et les femmes soient enflammés et provoqués à la concupiscence.
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Partant, sachez pour certain que toutes fois et quantes qu’ils plâtrent et peignent leurs visages de céruse ou de vermillon, etc. tout autant d’inspirations divines se retirent d’elles, et le diable s’en approche; tout autant de fois qu’elles revêtent leurs corps de vêtements indécents, tout autant de fois les ornements de l’âme sont déchirés, et le règne et la puissance du diable sont augmentés.
O mes ennemis, qui faites telles choses et qui commettez d’autres péchés avec effronterie, pourquoi négligez-vous ma passion, et pourquoi ne considérez-vous pas que j’ai été lié à la colonne, étant tout nu, et fouetté cruellement; comment, nu, j’étais en la croix et criais sur le gibet, rempli de plaies, couvert de sang? Hélas! Pourquoi ne jetez-vous vos yeux sur moi, quand vous fardez et plâtrez votre face? la mienne n’a-t-elle pas été couverte de sang? Vous ne prenez pas aussi garde à mes yeux, comment ils furent obscurcis, étant couverts de sang, et comment ils étaient livides de sang et de larmes. Pourquoi ne jetez-vous pas les yeux sur ma bouche, sur mes oreilles et sur ma barbe? Ne voyez-vous pas comment ils étaient pleins de sang, combien le reste du corps était traité inhumainement! Pourquoi ne considérez-vous pas comment, tout livide et mort, j’étais pendu au gibet pour l’amour de vous, et là étais moqué et méprisé de tous, afin que, par une telle considération, vous ne m’offensiez jamais, puisque je suis votre Dieu, mais que vous m’aimiez de bon cœur, et que de la sorte, vous puissiez éviter les lacets de Satan, desquels vous êtes horriblement liés et attachés.
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Mais hélas! Toutes ces choses sont effacés de votre esprit, c’est pourquoi vous faites comme les femmes de mauvaise vie qui aiment la volupté et la délectation sensuelle, et non pas les enfants : en effet, quand elles ressentent l’enfant en vie dans leur ventre, elles en procurent soudain l’avortement par des herbes et par autres choses, afin qu’elles ne soient privées des voluptés infâmes et d’une délectation continuelle et mortifère, et que de la sorte elles croupissent incessamment dans le bourbier. Vous en faites certainement de même, car moi, votre Créateur et votre Rédempteur, je visite tout le monde de ma grâce, poussant vos cœurs, car j’aime tous les hommes. Mais quand vous ressentez dans vos cœurs quelque mouvement d’amour et de contrition, ou quand, entendant ma parole, vous concevez quelque bonne volonté, vous en procurez soudain l’avortement, savoir, en excusant ou diminuant vos fautes et prenant plaisir en icelles, et même en voulant à votre damnation persévérer en icelles. C’est pourquoi vous faites la volonté du diable, le mettant dans vos cœurs, et me chassant de la sorte avec mépris; c’est pourquoi vous êtes sans moi, et moi je ne suis pas avec vous, et vous n’êtes point en moi, mais dans le diable, d’autant que vous obéissez à ses suggestions et à ses volontés.
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Partant, comme j’ai dit, je donnerai et prononcerai mon jugement, et non ma miséricorde; ma miséricorde est qu’il n’y a pas pécheur si grand à qui ma miséricorde soit refusée, s’il la demande avec un cœur humble et parfait.
Partant, mes amis doivent faire trois choses, s’ils se veulent réconcilier avec ma grâce :
1° qu’ils fassent pénitence et qu’ils s’excitent de tout leur cœur, d’autant qu’ils ont offensé leur Créateur et leur Rédempteur;
2° une pure confession, et que de la sorte, ils amendent tous leurs péchés, faisant pénitence et restitution selon le conseil d’un sage confesseur, car lors je m’approcherai d’eux et le diable s’enfuira;
3° que quand ils auront fait cela avec amour et ferveur, ils communient avec volonté de ne plus retomber en leurs péchés, faisant résolution de persévérer à bien faire.
Quiconque donc s’amendera de la sorte, je lui irai soudain au-devant comme un père pieux va au-devant de son fils qui est errant, et je lui donnerai mes grâces plus franchement qu’il ne pouvait espérer ni penser, et lors je serai en lui et lui sera en moi, et il vivra avec moi, et je le réjouirai éternellement. Mais quant à celui qui persévérera en ses péchés et en sa malice, sans doute ma justice fondra sur lui; car comme fait le pêcheur qui, voyant les poissons se jouer dans l’eau en leur plaisir et contentement, jette son hameçon en l’eau, et sentant que les poissons y sont pris, les tire un à un et les tue jusques à ce qu’il les ait tous pris, j’en ferai de même à mes ennemis qui persévèrent en leurs péchés : je les consumerai peu à peu en cette vie mourante en laquelle ils se plaisent charnellement et temporellement, et à l’heure qu’ils n’y penseront pas et qu’ils seront plongés en leurs grandes délectations, lors je les ravirai de la vie mourante et les priverai de la vie éternelle, et les abandonnerai dans les peines, d'autant qu’ils ont mieux aimé faire et accomplir leurs volontés désordonnées et corrompues que de suivre mes commandements.
Or, ces choses ayant été ouïes de la sorte, la vision disparut.
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Il est ici traité des répréhensions à ceux qui n’instruisent leurs serviteurs, des sortilèges, etc.
Sainte Brigitte écrit à Monseigneur Bernard archevêque de Naples, disant : Révérend Père, à cette personne que vous connaissez bien, étant en l’oraison, ravie et suspendue en la sublime contemplation, la Vierge Marie apparut, lui parlant en ces termes :
Je suis la reine du ciel qui vous parle. Je suis comme un jardinier en ce monde, car quand le jardinier voit souffler quelque vent impétueux qui nuit aux plantes et aux arbrisseaux de son jardin, il y va soudain, les liant et les soutenant avec des perches et échalas, remédiant autant qu’il peut à ce qu’ils ne se gâtent, ne se rompent, ne se déracinent : j’en fais de même, étant Mère de miséricorde, au jardin de ce monde, car quand je vois que les vents impétueux des tentations s’élèvent, que les orages des suggestions de Satan soufflent contre les cœurs des hommes, soudain j’ai recours à Dieu, mon Fils, avec mes prières, les aidant et impétrant qu’il verse dans leurs cœurs des inspirations du Saint-Esprit, par lesquelles ils soient aidés, appuyés, confirmés, et enfin conservés des vents impétueux des tentations du démon infernal, afin que le diable ne surmonte point les hommes, dissipant leurs âmes et l’esprit de dévotion, et que les hommes, acceptant mon aide et mon secours avec humilité de cœur, soient soudain affranchis des tentations du diable, et demeurant constants en l’état de grâce, apportent à Dieu et à moi le fruit de suavité en temps et saison.
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Mais ceux qui méprisent les secours de mon Fils et les miens, et se laissent emporter au vent des tentations par les instigations de Satan et par ses œuvres, sont déracinés de l'état de grâce, et sont conduits par le diable, par les désirs et les œuvres illicites, jusques à ce qu’ils soient plongés dans les fondrières de l'enfer, pour y endurer les peines éternelles.
Or, maintenant, sachez qu’en la cité de Naples sont commis des péchés divers en nombre, horribles en qualité, abominables et cachés, lesquels je ne nommerai pas. Mais je vous parlerai de deux espèces de péchés manifestes, qui déplaisent grandement mon Fils, à moi et à toute la cour céleste : le premier est qu’ils achètent des païens et infidèles pour leur service, et même quelques seigneurs ne se soucient point ni ne veulent point qu’ils soient baptisés ni qu’ils se convertissent à la foi chrétienne. Que si quelques-uns d’iceux sont baptisés, après le baptême, leurs maîtres ne se soucient point de les faire instruire en la foi chrétienne et de les disposer à la réception des autres sacrements de l’Église, non plus qu’avant leur conversion, d’où vient qu’ils commettent mille péchés et ne savent revenir au sacrement de pénitence et de la sainte et auguste communion pour être restaurés et rétablis en l’état de salut, de la divine réconciliation et de la grâce. D'ailleurs, quelques autres tiennent leurs servantes esclaves avec autant d’abjection et d’ignominie que si elles étaient des chiennes, les vendant, et qui pis est, les exposant aux vilenies et ordures, pour gagner de l’argent, argent de turpitude et d’abomination.
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D’autres les tiennent en leurs maisons comme des prostituées pour eux et pour les autres, et cela est grandement abominable devant Dieu et devant moi, devant les anges et devant les hommes. D'autres exaspèrent et rudoient tellement leurs esclaves par paroles et coups, que quelques-uns viennent en de grands désespoirs et en volonté de se suicider. Ce péché déplaît grandement à Dieu et à toute la cour céleste car Dieu aime ces esclaves comme ses créatures, et pour les sauver, il est venu au monde, prenant la chair humaine, souffrant la mort et la passion en la croix.
Sachez aussi que ceux qui aiment ces païens et infidèles à intention de les faire chrétiens avec volonté de les instruire et de les former en la foi chrétienne et en la vertu, et avec intention de leur donner la liberté en la vie, ou quand les maîtres mourront, en telle sorte néanmoins qu’ils ne soient point hérétiques, tels maîtres méritent beaucoup et me sont agréables; mais sachez pour certain que ceux qui font le contraire seront grandement punis de Dieu.
La deuxième espèce de péché est que la plus grande partie des hommes et des femmes consultent les sorciers, les devins et autres infâmes enchanteurs, pour diverses intentions et desseins, car quelques-unes leur demandent qu’ils fassent en sorte qu’elles puissent engendrer, d’autres afin d’être aimées avec passion, d’autres pour savoir les choses futures, d'autres la santé en leurs maladies. Tous ceux qui s’en servent et les tiennent en la maison sont haïs de Dieu, et tant qu’ils persévéreront en ces mauvais desseins, ni la grâce ni l’amour du Saint-Esprit ne seront jamais répandus en leur cœur.
Mais ceux qui feront pénitence de tels péchés et s’amenderont avec humilité, avec propos de n’y retomber jamais, obtiendront miséricorde de mon Fils.
Et la vision disparut.
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D’un doute qu’avait un évêque de ne résider point en son diocèse, à raison qu’il gouvernait un marquisat aux marches d’Ancone.
Que Dieu soit éternellement béni pour ses biens. Ainsi soit-il! Monsieur et mon révérend Père, selon l’humble recommandation que vous en avez faite à Brigitte, que vous ne connaissiez pas, de prier Dieu pour vous avec toute humilité, à quoi je vous dis vraiment en ma conscience que je suis une inutile pécheresse et du tout indigne, vous m’avez écrit que je vous récrivisse quelques conseils spirituels pour le salut de votre âme.
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Dieu, ayant égard à votre foi et humilité, a voulu satisfaire à vos saints désirs, n’ayant point égard à vos péchés, mais à votre amoureuse demande, car hier, moi indigne, je priais pour vous Notre-Seigneur. Il m’apparut en esprit, me disant par similitude : Or, vous à qui la faveur est faite d’entendre et de comprendre les choses spirituelles, écoutez, et sachez pour certain que tous les évêques, abbés et tous les bénéficiers ayant charge des âmes, qui, laissant leurs églises, les brebis qui leur sont commises, et qui, tenant d’autres bénéfices ou offices à intention et volonté d’y être plus honorés des hommes et pour être rehaussés à un plus grand éclat dans le monde, bien qu’ils ne
dérobent rien en ces offices et qu’ils n’y commettent aucune injustice, néanmoins, d’autant qu’ils se glorifient en ces charges et honneurs, et laissent leurs églises et leurs brebis pour cela, eux et ceux qui se comportent de la sorte, sont devant Dieu comme des pourceaux revêtus des habits pontificaux et des ornements sacerdotaux, comme on dirait par similitude :
Il y avait un grand seigneur qui avait invité ses amis à un souper. A l’heure du souper, ces pourceaux, ainsi revêtus, entrèrent dans le palais devant ce seigneur et devant ceux qui soupaient. Or, le seigneur leur voulant donner des viandes délicates, ils n’en voulurent point, mais ils commencèrent à grogner et à gronder comme des pourceaux, désirant avidement manger du gland ou des viandes viles. Or, le seigneur, voyant cela et ne l’entendant point, détesta leur façon de faire avec abomination; et soudain il dit à ses serviteurs, étant en colère et en indignation : Chassez-les dehors de mon palais, afin qu’ils s’assouvissent et se rassasient de gland sordide, car ils sont indignes de la viande qui est préparée pour mes amis.
Donc, o mon révérant Père et seigneur, j’ai entendu que vous deviez faire de la sorte, savoir, qu’en conscience vous jugiez si les brebis de votre évêché qui vous sont confiées, sont bien et spirituellement gouvernées en votre absence, selon le salut de leurs âmes, ou non; si elles sont aussi bien conduites, et que d’ailleurs vous voyiez que vous êtes fort utile, pour le plus grand honneur de Dieu et le salut des âmes au régiment du marquisat, vous y pouvez demeurer selon la volonté de Dieu, pourvu que le désir d’honneur ou la vanité du gouvernement ne vous séduire.
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Or, si votre conscience vous dicte le contraire, je vous conseille qu’ayant quitté le gouvernement du marquisat, vous retourniez à votre église pour gouverner les brebis de Jésus-Christ, qu’il vous a confiées spécialement pour les repaître personnellement par paroles, exemples et œuvres, avec toute sorte de soins, non comme un mercenaire, mais comme un bon pasteur.
Pardonnez-moi, ô mon seigneur, si je vous écris telles choses, étant une femme ignorante et une pécheresse indigne. Je prie notre bon et vrai Pasteur qui a daigné mourir pour ses brebis, de vous donner la grâce du Saint-Esprit, afin que vous gouverniez bien ses brebis, et que, jusques au dernier soupir de votre vie, vous fassiez sa sainte volonté.
Plainte que Dieu fait de tous les pécheurs. De leur ingratitude, et des menaces pour les ramener à leur devoir.
J’ai vu un grand palais semblable à un ciel serein, dans lequel étaient les compagnies célestes comme des atomes innombrables et reluisants quand le soleil les touche. En ce palais admirable était un trône éminent sur lequel était assise une personne d’une beauté incompréhensible et d’une puissance démesurée, les vêtements de laquelle étaient d’un éclat extraordinaire et d’une clarté non encore vue. Et une Vierge était debout devant ce trône, laquelle était honorée de tous les citoyens célestes comme Reine des cieux.
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Mais celui qui était assis sur le trône dit : Oyez, vous tous, mes ennemis, qui vivez au monde, car je ne parle point à mes amis qui suivent mes volontés. Oyez, ô tous, prêtres, évêques, archevêques, et tous les degrés inférieurs de l’Église. Oyez, ô religieux de quelque ordre que ce soit. Oyez, ô rois, ô princes et juges de la terre, et tous les serviteurs. Oyez, ô reines et princesses, maîtresses et servantes, et tous, de quelque qualité et condition que vous soyez, petits et grands qui habitez le monde, oui, oyez les paroles que je vous dis maintenant, moi qui vous ai créés. Je me plains de ce que vous vous êtes retirés de moi, et avez donné la foi au diable, mon ennemi; vous avez laissé mes commandements et avez suivi les volontés de Satan; vous avez obéi à ses suggestions, ne considérant point que je suis Dieu immuable, éternel et votre Créateur, qui suis descendu du ciel aux flancs de la Sainte Vierge et ai conversé avec vous. Je vous ai ouvert la voie par moi-même, et vous ai montré les conseils par lesquels vous monteriez au ciel. J’ai été nu, flagellé, méprisé, couronné d’épines, et tiré si fortement en la croix que tous mes membres furent desemboîtés; j’ai ouï tous les opprobres et ai souffert une mort contemptible, une douleur continuelle et une douleur trop amère pour votre salut. Vous, ô mes ennemis, vous ne prenez pas garde à toutes ces choses, d’autant que vous êtes trompés; c’est pourquoi vous portez le joug et la charge du diable, avec une suavité fallacieuse, et vous ne savez ni ne ressentez la douleur qui vous opprimera sans fin; ni ces choses ne vous suffisent point, car votre superbe est si grande que si vous pouviez monter au-dessus de moi, vous le feriez franchement.
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Votre volupté charnelle vous est si chère que vous aimeriez mieux être séparés de moi que d’être privés d’elle. D'ailleurs, votre cupidité est insatiable comme un sac troué, car il n’y a rien qui puisse assouvir vos cupidités. Partant, je jure en ma Divinité que, si vous mourez en l'état où vous êtes, vous ne verrez jamais ma face, mais vous serez si profondément submergés en enfer, que tous les diables seront sur vous, vous affligeant sans consolation aucune; à raison de votre luxure, vous serez remplis d’un venin très-horrible et diabolique; pour la cupidité, vous regorgerez de douleur, d’angoisses, et serez participants de tous les maux qui sont en enfer.
O mes ennemis abominables, ingrats et dégénérés, je vous vois comme des vers morts en l’hiver, c’est pourquoi vous faites ce que vous voulez et y prospérez; c’est pourquoi je me lèverai en été, et lors vous garderez le silence et vous n’échapperez pas de mes mains. Mais, ô mes ennemis, d'autant que je vous ai rachetés par mon sang et que je ne recherche rien que vos âmes, partant, retournez encore à moi avec humilité, et je vous recevrai gratuitement comme des enfants; secouez le joug pesant de Satan, et souvenez-vous de mon amour, et vous verrez en votre conscience que je suis bon et doux.
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Ici Jésus prédit la mort de sainte Brigitte.
Il arriva, cinq jours avant la mort de sainte Brigitte, souvent appelée épouse de Jésus-Christ, que Notre-Seigneur lui apparut devant l’autel qui était en sa chambre, et se montrant à elle avec un visage riant, lui dit : Je vous ai fait comme un époux a accoutumé de faire, qui se cache de son épouse, afin qu’elle le désire avec plus d’ardeur : de même en ce temps, je ne vous ai point visitée de consolations, d'autant que c’était le temps de votre épreuve. Partant, étant maintenant éprouvée, allez-vous-en et préparez-vous, car il est temps que j’accomplisse ce que je vous ai promis, savoir : devant mon autel, vous serez habillée en moniale, de sorte que, non-seulement vous serez réputée être mon épouse, mais aussi moniale et Mère en Uvasten. Mais aussi sachez que vous mourrez à Rome où vous êtes, et il me plaît de pardonner à vos labeurs et peines, et de prendre la volonté pour l’effet. Et se tournant vers Rome, il dit en la plaignant : O ma Rome! Ô ma Rome! le pape te méprise et ne prend point garde à mes paroles, mais il prend le douteux par le certain, c’est pourquoi il n’ouïra plus ma voix, car il met en sa volonté le temps de ma miséricorde.
Entre toutes les dernières paroles des révélations que je vous ai faites, qu’on mette cette commune que je vous ai faite à Naples, dit Jésus-Christ, car mes jugements seront accomplis sur toutes les nations qui ne retournent à moi avec humilité, comme je vous l’ai montré.
Or ces choses et plusieurs autres qui ne sont ici écrites, la susdite épouse de Jésus-Christ les a dites et dénombrées à quelques personnes qui étaient là présentes, auxquelles elle disait les avoir vues avant sa mort.
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Après, Jésus-Christ lui dit : D’ici à quinze jours, un matin vous mourrez, après que vous aurez reçu les saints et augustes sacrements, et qu’ayant appelé et parlé en détail aux personnes dont je vous ai parlé; et dites-leur ce qu’il faut qu’elles fassent, et de la sorte, vous viendrez entres leurs mains à votre monastère, c’est-à-dire, en ma joie, et votre corps sera mis en Uvasten.
Le cinquième jour s’approchant sur l’aurore, Jésus-Christ lui apparut derechef, la consolant. La messe étant dite et ayant reçu les sacrements de la main des personnes susdites, elle rendit l’esprit.