SOLILOQUE (a).

 

1. Mon coeur, je t'en conjure, ne sois pas un coeur insensé, un coeur brisé qui ne peut retenir la sagesse. Mais souviens-toi des chemins que tu as parcourus, et examine quelle différence il y a entre la voie que tu as suivie jusqu'a ce jour et celle par laquelle il faut tendre vers Dieu. Considère-le : «autant le lever du soleil est distant de son couchant ( Psal, CII, 12), » autant ces deux routes sont éloignées l'une de l'autre, parce que celle par laquelle tu as marché est pleine de légèreté, d'oisiveté, de dissipations corporelles et d'autres vaines délectations. Tu n'ignores point que celui « qui est mou et dissolu, est frère de celui qui dissipe son travail (Prov. XVIII, 9). » En vérité, tes oeuvres n'ont pas de vigueur, mais plutôt elles sont relâchées. Je l'avoue, parfois, tu penses à vouloir corriger tes moeurs ; tu désires résister davantage aux désirs de la chair; veiller avec plus de soin pour chanter les louanges de Dieu, soumettre en toutes choses le corps à l'âme, fuir l'oisiveté ; t'éloigner de tout ce qui est vain et inutile, te livrer avec plus d'ardeur à la prière et à la méditation. Voilà ce que tu te proposes : mais jamais, ou bien rarement, tu mets la main à l'oeuvre, que dis-je ? si parfois tu commences, tu Unis si misérablement, que tes ennemis disent avec raison : « Cet homme a mis la main à l’oeuvre, mais il n'a pu achever. (Luc. XIV, 30 ). » Parfois, quand tu dois t'appliquer à la prière ou à la méditation, la torpeur s'empare de toi, le sommeil t'accable, des pensées superflues t'amusent et t'illusionnent. Et, bien des fois, pour que le temps de la prière se dépense en désirs, tu dors, et si quelque secours plus fort de la grâce était sur le point de t’être accordé, la paresse de la chair te l'enlève, en sorte que le corps se fortifie et l'âme reste faible. O condition vraiment injuste et par trop cruelle ! La servante dévore dans les voluptés les biens de sa maîtresse, et la maîtresse meurt de faim ? Aussi à l'approche du combat, le plus faible doit être terrassé parle plus fort ? Et n'est-ce pas ce qui a lieu lorsque la chair ne veut pas se contenter du temps destiné à ses commodités, du boire, du manger et du dormir, mais cherche encore, en abusant du temps de la prière, à priver l'esprit de ses ressources ?

2. O temps vraiment heureux, digne de tout respect et de toute application; temps qui résume toutes les époques, temps pendant lequel on gémit et on pleure pour les jours passés inutilement, et on rend

 

a Cet opuscule n'est pas de saint Bernard ; néanmoins, il fut édité sous son nom par Gretser, à Ingostad, en 1617, d'après la bibliothèque des Chartreux d'Erford

 

honneur et gloire à Dieu pour ceux qu'on a employés avec profit! Qui dira, comme il faut, combien grande est l'utilité de ce temps? Quand l'oraison frappe saintement, semblable à un message de l'âme, ce n'est pas le paradis, c'est la porte du royaume du Fils de Dieu qui s'ouvre avec force; on y montre ce que l'âme recherche, on y donne ce qu'elle demande. A cet heureux moment, si l'âme est aveugle, elle sera éclairée : si elle est infirme, elle sera guérie; si pauvre, enrichie; si nue, habillée; si faible, fortifiée; si chancelante, rendue constante ; si incertaine pour n'importe quel sujet, confirmée ; si froide dans l'amour de Dieu, elle est enflammée des ardeurs de la sainte charité; si elle est insensée et dépourvue de raison, elle devient sage et docte.   En ce temps, « on goûte » aussi, et « on voit combien le Seigneur est doux (Psalm. XXXIII, 9). » C'est le temps aussi du loisir spirituel, qui est l'énergie et la force, animant tous les saints travaux. Car, si on goûte un peu et avec douceur à l'objet pour lequel on travaille, le feu, qui fait qu'on se livre à ce labeur s'enflamme avec autant de douceur que de force. Que dirai-je encore? Ce sera la fin de toutes les tribulations et la force de toute vertu. Alors, par l'heureux effet d'une oraison parfaite, tous les ennemis sont subjugués avec force, et leur vigueur est réduite à néant. Quant aux vertus, elles sont augmentées par la grâce du Saint-Esprit, et très-fortement assurées. Alors aussi, l'homme voit ce qu'il y a à couper et à retrancher dans son esprit et dans ses mœurs, et la confession le fait ensuite disparaître. Bien plus alors, les taches sont aussi purifiées par la rosée des larmes, et les superfluités sont entièrement déracinées par le soc de la sainte contrition. Bien souvent, Jésus en voyant le cultivateur de sa vigne, tout entier consacré à ce travail, descend, lui aussi dans sa vigne, aide l'ouvrier, arrache les plantes inutiles, et rejette ce qui est superflu. Ensuite il exalte ce qui est humble, plante des herbes utiles, arrose les terres arides, élève les constructions nécessaires, et, ainsi que je l'ai dit, éclaire les ténèbres, réchauffe ce qui est froid, ouvre ce qui est fermé et découvre ce qui est caché. Bref, il se met à tout réformer, en sorte qu'en cette vigne, on ne pourrait plus rien trouver de tortueux. O véritablement heureuse la vigne dans laquelle vous descendez au moins une fois, avec une telle plénitude de grâces, ô bon Jésus! En effet, je ne dirai jamais qu'il ne connaît point, par expérience, les joies intérieures, l'homme qui la cultive, puisqu'il se glorifie d'avoir au moins dans une circonstance, un si grand hôte, bien plus, un. si puissant collaborateur. Il ne sera plus ignorant désormais,celui quia en un si habile et si grand maître. Que peut ignorer, en effet, celui dont la sagesse n'a pas de nombre ! O que de choses le cultivateur a pu apprendre de la bouche de son compagnon de travail.

3. Mais, après le départ de Jésus, la vigne sera-t-elle vendangée par l'ennemi? Non, vous répondrai-je, si toutefois c'est Jésus qui se retire de lui-même, sans être chassé par relui qui cultive sa vigne. Je crois bien plutôt, qu'après avoir fait l'expérience de la douce présence du divin maître, il brûle pour lui d'un amour si vif, qu'il ne le laisse partir qu'après en avoir été béni, et lorsqu'il a placé des « anges » pour veiller sur sa «vigne », et qu'il ne lui a promis de revenir bientôt. Je dis aussi, que cet heureux serviteur est prompt et attentif à faire tout ce qui peut lui procurer promptement le bonheur de voir Jésus. Aussi il se montre actif dans ses veilles ; il demeure fort dans la prière, fort par la patience; il se met humblement aux pieds de tous; il est désireux d'obéir à tous, en sorte qu'il n'y a point d'oeuvre si petite qu'elle soit, à laquelle il ne concoure, il devient tout embrasé de charité, très-serviable et infatigable dans les services qu'il rend aux autres pour l'amour de Jésus, aussi, cette âme peut-elle et doit-elle à juste titre être appelée l'Epouse de Jésus. O que de fois, rappelle-t-elle par de très-saints désirs ce divin maître ; dans quelle prière continuelle ne cesse-t-elle de crier après lui : «Revenez, ô mon bien-aimé (Cant. II, 17.) » Parfois, tu rencontreras de pieux désirs de ce genre à la porte du royaume, où ils frappent et disent : « Nous voulons voir Jésus (Joan. XII, 21). » A cela rien d'étonnant, ils sont satisfaits sur l'heure. Le portier leur ouvre : il sait, en effet, que Jésus l'entend ainsi, il l'a appris par une fréquente expérience. Ces désirs entrent, ils s'avancent, ornés de pauvreté et d'humilité comme de parures très-précieuses ; ils arrivent au trône de Dieu, s'y arrêtent, s'inclinent et disent : O Seigneur Jésus, vous avez prononcé ces paroles, « encore un peu de temps et vous ne me verrez plus, et encore un peu de temps et vous me verrez (Joanu XVI, 16); » mais ce peu de temps est vraiment long et pesant à l'âme qui vous désire. Vous avez dit aussi : «Je m'en vais et je viens à vous. » Quand viendrez vous à nous ? ô bon Jésus, nous avons paré votre lit nous y avons mis fleurs sur fleurs, tous les préparatifs qui étaient en notre pouvoir, et nous les avons faits, et l'Epouse ne peut supporter davantage le retard de votre présence : « parce qu'elle languit d'amour » et brûle du désir de vous voir. O messagers vraiment heureux, qui apportez une si bonne nouvelle de votre maîtresse à celui dont les yeux sondent les secrets des cœurs, et qui, à cause du respect qu'on a pour elle, trouvez accès devant une si grande gloire, êtes reçus favorablement de la part de Jésus, et vous abreuvez su torrent de telles voluptés. Ensuite, Jésus leur dit : « Je viendrai de nouveau à vous, » et leur donne des arrhes qu'ils doivent mettre en réserve pour eux et apporter à l'Epouse. Ces messagers accourent dans leur joie et avec des transports merveilleux, tellement que, si vous les voyiez se précipiter avec tant de force, vous croiriez qu'ils sont ivres; ils le sont réellement, non de vin, mais « de l'abondance de la maison » de celui qui est enivré, ils font retentir de leurs cris toute la cour céleste, depuis les Chérubins et les Séraphins jusqu'aux derniers ordres des anges. Jésus leur disant à l'égard de son Epouse.... « Ceignez-vous et préparez-vous, » afin que vous veniez aussi vers l'Epoux. Ils viennent remplis d'admiration, et, encore saisis d'étonnement, ils se mettent à raconter avec quelle faveurs ils ont été accueillis et s'écrient : « Nous avons contemplé des merveilles aujourd'hui (Luc. VIII,16) ; » des choses tout-à-fait ineffables et, à leur vue, notre raison a été saisie, et notre intelligence s'est comme évanouie.

4. Au fait, «Nous avons vu selon. ce que nous avons,ouï-dire (Psal. XLVII, 9), » et bien plus encore, « nous avons entendu raconter des choses glorieuses de la cité de Dieu » et de ses habitants, mais plus glorieuses et plus dignes            d'éloges sont les grandeurs de la cité dans laquelle nous étions entrés. Ses murailles et ses places sont d'or très-pur, ses tours sont bâties de diamants, toutes ses pierres en sont admirables, ses contre-forts, sont de jaspe; elle est fondée sur les saphir, ses portes étincellent de pierres précieuses,et toute l'enceinte de ses remparts est de smaragde et de pierreries. Tous ses habitants sont dans la joie et transportés d'allégresse, parce qu'un transport perpétuel rayonne sur leur tète : ils possèdent le bonheur et la réjouissance. En cet heureux séjour, il n'y aura ni mort, ni deuil, ni cri, ni langueurs pas de vieillesse, nulle fraude, nulle crainte; de l'ennemi: il n'y a qu'un cri de joie, qu'un coeur embrasé : ô quelle sécurité ? Tous, en effet « sont assis dans la beauté de la paix et dans les :tentes de la confiance et dans un repos plein d'opulence (Isa . XXXII, 18 ). » O éternité opulente, opulente d'une richesse prodigieuse. Tout ce qui plait se présente à souhait, tout ce qui peut contrister est écarté. Là retentissent constamment les instruments de musique des saints ; là se fait entendre la douce symphonie des musiciens, là, devant le trône de Dieu, les Anges et les Archanges chantent une hymne à la gloire du Seigneur. Dieu lui-même est. présent à son peuple, il est son diadème d'allégresse et sa couronne de joie. Il est leur récompense, leur parterre et leur lieu de pâturage. Là ils se nourrissent, sans ressentir les dégoûts de la satiété. La joie leur sort par tous les pores. Dieu est toute suavité, toute liberté et, pour tout dire en un mot, il est tout en tout. Oh! avec quelle douceur résonnent en sa présence les cantiques des cantiques. D'un côté et de l’autre, on entend : « Le Seigneur est grand, il est trop digne de louanges (Psal. XLVII, 1). » Et pour abréger davantage,il n'est point de lieu, en ce séjour, où on ne chante le cantique de la joie dans toutes ses places tous les habitants disent louange, « honneur et gloire, bénédiction et toute action de grâce à notre Dieu dans les siècles des siècles. Amen (Apoc. VII, 42). » Nous         ne parlons que de ce que nous avons vu, ce n'est pas une parabole, mais l'expression exacte de la vérité. Réalités saintes, « que les yeux n'ont pu voir, que les oreilles n'ont pu entendre et qui n'ont pu entrer dans le cœur des hommes .( I. Cor. II, 9).,»

5. Tandis que les messagers s'entretenaient ainsi avec l’Épouse, de la gloire de l'Époux, et lui annonçaient Son « arrivée », un feu divin brilla, feu qui a coutume de marcher en présence de ce bien-aimé et de le précéder, feu qui éclaire les obscurités, réchauffe ce qui est froid, pend aux tièdes leur chaleur première, et prépare une voie pour arriver au corps, en consumant la moindre rouille de péché. Cet Époux glorieux, descendant du haut de son trône, se hâte avec humilité vers son Epouse. Celle qui est au dessus de toute louange, la reine des cieux, la mère de l'Epoux, portant le vêtement d'or des vierges, parée de mille ornements « variés » semblables à des pierreries étincelantes, daigne être la compagne de route de son fils. L'Archange saint Michel, se porte plein de joie et de transport). leur rencontre, avec toute la multitude de l'armée céleste. O qu'elle est douce la mélodie des voix qui chantent les louanges de l'Epoux et félicitent son Epouse ! L'Epouse n'ignore rien de tout cela : elle s'avance, elle aussi, avec les siens,         au devant de l'Epoux, en chantant avec entrain: « O que mon bien-aimé vienne à son jardin ». L'Epoux entre dans l'appartement de celle qu'il aime, mais avec quelle joie et avec quelle gloire ? Qui pourra le dire ? O comme il trouve ce lieu de repos couvert des fleurs des bonnes œuvres et des saintes méditations ! cette âme sainte prend son repas avec l'objet de son amour ! O heureux banquet, où le maître de la table est le repas et le convive, table sacrée que les Anges entourent de leur ministère empressé. Je laisserai ceux qui en ont fait l'expérience parler de ce festin. Qui mettra en doute que l'Epoux ait apporté les clefs de ses trésors, pour ouvrir sans retard celui que l'Epouse préfère, afin qu'elle y entre avec confiance, prenne ce qui lui convient et en jouisse saris défaut et sans dégoût; je ne puis dire et peut-être je ne sais point ce que l'Epoux a apporté de plus.

6. Tu viens d'entendre, mon coeur, des choses que tu n'as jamais éprouvées et qui te sont inconnues : mais sache que déjà l'Epouse jouit des embrassements désirés de son bien-aimé. Tu as ouï tout cela, ô mon coeur : mais rougis, regrette d'avoir passé dans une inutilité complète, un temps si précieux. Que de fois, au jour du combat, les ennemis t'ont trouvé faible ! La rigueur du froid qui te glaçait ne te permettait pas de fuir : pourquoi cela ? Parce que tu as négligé le temps où tu devais être armé contre tes ennemis, « être éclairé contre tes ténèbres », vêtu dans le temps rude. Quoi encore? Tu as succombé, tu t'es courbé, « tes portes ont été brisées » et tes gonds rompus, « les ennemis » ont pénétré dans ton enceinte et « ont porté la main sur tous les objets précieux » qui s'y trouvaient. Hélas, que de fois, au milieu des ténèbres, la lumière était non pas obscurcie, mais éteinte dans ta tente ! Parce que, engourdi par la torpeur, tu as cessé d'ajouter le bois au bois, c'est-à-dire les oeuvres aux oeuvres. Et cette parole s'est réalisée en toi : « qu'on prive les noces de leurs flambeaux (Job. XXXVIII, 15 ). » Ces flambeaux qui allument le doux et heureux incendie qui, une fois enflammé, désire brûler sans cesse. Heureux celui qui sentira en lui, le feu de l'amour de Jésus allumé, même une seule fois. Il ne cesse de l'alimenter du bois des bonnes œuvres pour l'empêcher de s'éteindre, ce qui ne manquerait point d'arriver si le bois des bonnes œuvres venait à faire défaut. O coeur misérable et vil ! si tu avais marché dans la voie des commandements de Dieu, depuis le jour où tu y es entré, si la prospérité ne t'avait point souvent séduit ou l'adversité abattu, situ n'avais point prêté l'oreille « aux fables des impies » qui te retenaient dans le chemin, tu aurais éprouvé plus de choses encore que tu n'en as entendues, tu aurais été le sentier du roi des anges : tu ne serais point en ce moment « une caverne de voleurs, tu pourrais aussi être un vase digne des trésors célestes cachés toujours en toi, des milliers d'Anges t'auraient entouré et défendu.

7. Mais tu as été double d'esprit et inconstant dans toutes tes voies (Jac. 1, 8) : » aussi te vois-je encore placé au milieu des serviteurs de l'enfer. O mon cœur, que tu es véritablement insensé, toi qui peux jouir avec tant d'abondance des biens célestes et éternels, et qui t'efforces d'une façon digne des bêtes, de t'absorber dans les occupations terrestres et caduques qui, au temps de la prière, ont envahi ton esprit. Si la beauté d'une créature éphémère et les richesses trompeuses de ce monde te ravissent, pourquoi la beauté du Créateur éternel et la gloire du royaume céleste, qui n'auront jamais de fin, ne te séduiraient-elles pas davantage ? Une marque assurée que tu n'aimes pas ton Créateur, c'est que, à son amour, tu préfères celui de la créature. Situ prétends aimer l'un et l'autre, tu ne dis pas la vérité : parce que a l'ami de ce monde est l'ennemi de Dieu (Jac. IV, 4). » Si parfois tu viens et    tu apportes le parfum de la contrition pour oindre les pieds de Jésus, « les mouches » en y venant « mourir, lui font perdre sa suavité (Eccle. X, 9). » Si tu as pris la résolution de pratiquer le bien et de fuir le mal,           en un clin d'oeil, tu ne rougis point de faire le contraire.

8. Que reste-t-il donc, sinon que si Jésus s'était proposé de te faire du bien, tu en sois frustré? Mais ce qui est bien plus grave, c'est que souvent en te donnant la grâce, il a fait comme celui qui c ras semble des richesses et les met dans un sac percé (Agg. I, 6), »            de même qu'il ne trouve rien au temps du besoin, ainsi Jésus, loué pour ses bienfaits, par ses amis, n'a reçu de toi aucune louange: mais toutes ses faveurs ont péri en toi parce qu'elles ont été frustrées de l'action de grâces et des cantiques qu'elles méritaient. Hélas 1 que de fois aux heures de la psalmodie, le bon maître a pu te dire : « ma maison sera appelée une maison de prières, et tu en as fait une caverne de voleurs (Matth. XXX, 13). » Et encore : « Enlevez d'ici tous ces objets, et ne faites point de la demeure de mon père un lieu de trafic et de négoce. « Et derechef : « Ce peuple m'honore du bout des lèvres, mais son coeur est loin de moi (Matth. XV, 8). » Combien de fois donc est tombée sur toi cette malédiction dont voici la teneur: « Maudit l'homme: qui fait avec négligence l'oeuvre de Dieu (Jerem. XLVIII, 10). » Tous ces maux sont venus sur toi, parce que tu n'as pas entendu la voix de celui qui a dit . « Je te montrerai, ô homme, ce qui est bien, ou ce que l'on exige de toi, c'est de pratiquer la loi, d'accomplir la justice, et de marcher avec vigilance sous l'oeil de ton bien (Mich. VI, 8). » Je vois entièrement réalisée en toi, cette parole du Prophète : « Le coeur de l'homme est pervers et insondable (Jerem XVII, 9). » Parfois, lorsque le Seigneur Jésus s'est présenté àta porte, te criant, parce    que « le temps de la taille était venu (Cant. II, 12), » de te lever et d'aller à la vigne avec les autres épouses, ou bien de sortir de ton repos et « de prier pour ne point entrer en tentation (Matth. XVI, 41) : » toi, comme un pilote endormi, tu as sommeillé au milieu de la mer, et, semblable à celui dont les tempes furent percées d'un clou (Judic. IV, 21), tu étais sorti sans méfiance comme Dina (Gen. XXXIV, 1), ou, plus encore, tu voulais t'occuper des affairés du monde. O que de fois au temps de la louange et de la prière tu fortifiais ton camp, tu construisais pour les autres des retranchements des princes, et, tout en priant, tu emportais seul des fortifications que des rois avec foutes leurs armées ne pouvaient enlever. Dis-moi. je t'en prie, quand tu établissais ces camps pour les autres, à qui avais-tu laissé la garde de ton propre camp, déjà assiégé par les princes des ténèbres? Il n'avait pas abandonné le sien         celui qui disait : « Je me tiendrai debout pour me garder, et je fixerai mes pas sur le mur qui me protège, et j'entendrai ce que l'on me dira, je verrai ce que j'aurai à répondre à qui m'attaquera (Habac. II, 1), » ou bien, tu taillais les vignes des autres, non par charité, mais par de vains soupçons, voulant « arracher une paille de l'ail du prochain, et laissant une poutre dans le tien (Luc. VI, 41). » A certaine époque tu es rentré, mais tard; bien plus, chose douloureuse ! tu n'as plus su revenir à ta vigne : enfin, tu es venu la travail1pr, mais qu'est-il arrivé? Les ennemis étaient vénus, « ils avaient renversé la muraille, vendangé la vigne (Isa. V, 5), » en sorte qu'ils ont laissé peu de raisins : « les épines et les ronces, s'y sont multipliées » et ont étouffé ce qui aurait échappé aux ravages des ennemis.

9. Tous ces malheurs, tu aurais pu les éviter, en allant avec ton épouse, à tes vignes. Car il n'a pas dit : allez, mais : « allons. » D'autres saintes âmes y sont allées, et tu as appris avec quel profit elles l'ont fait. Elles attendent l'époque de sa visite avec joie et allégresse, avec certitude et avec fruit, parce qu'elles ont des fruits très-agréables à servir à l'Époux. Mais en toi, qu'a trouvé ce divin Époux, sinon des raisins sauvages? Assurément si tu ne te corriges pas, tu attendras en tremblant le jour redoutable du juge. Je crains que Jésus ne dise souvent de toi : « Plût au ciel que tu fusses froid ou chaud, mais parce que tu es tiède, je commencerai à te vomir (Ap. III, 15). » Cela vient de ce que souvent tu te livres au repos, ou, si quelquefois tu fais des lectures, c'est plutôt afin d'instruire les autres que pour te corriger. O vrai maître d'erreur, qui n'as jamais été disciple de la vérité, pourquoi instruis-tu les autres sans t'instruire toi-même ? O étude vraiment déréglée, d'aimer mieux balbutier de sa langue, que garder dans le cœur et pratiquer dans la conduite ! Aussi, tu n'as assurément jamais atteint la sagesse! Apprends que ton « arc » doit être « tendu » dans ta main (Job. XXIX, 20) : car « Jésus a commencé par faire, et puis il enseigna (Act. I, 1). » O mon coeur, tu as entendu tes nombreuses misères, et certainement tu as vu tes propres maux arriver en quantité incalculable. Je crains néanmoins qu'il n'en arrive encore plus, « lorsque Jérusalem sera scrutée le flambeau à la main        (Sophon. I, 12). » Voilà le chemin que tu as suivi jusqu'à ce jour; mais je te conseille d'aller avec moi vers l'épouse de Jésus, et d'apprendre la sagesse de sa bouche, car elle marche dans la voie de Dieu, et dé goûter ses leçons en suivant ses exemples.

10. Voyons d'abord sa vie active, imitons-la, afin d'arriver par ses mérites à la vie contemplative. Voyez avec quelle énergie elle « châtie son corps et le réduit en servitude (Cor. IX, 27), » et le contraint à servir l'esprit en tout ce qu'il désire. Quelle force dans les actions, dévouée envers tous, n'étant à charge à personne, toujours pleine de compassion pour les nécessités de ses fières, elle ne considère point en quoi ils ont besoin d'être aidés, mais en quoi elle peut les aider. Tant que sa main ne tombe point de fatigue, elle est toujours à l'oeuvre, elle y est la première, elle y est la dernière. Si elle ne peut aider de la main, elle aide au moins du doigt. Si elle ne peut aider du doigt, elle se montre, par les sentiments, très-disposée à faire tout ce qu'elle pourra : elle néglige ses besoins pour satisfaire ceux des autres : que dis-je ? plus les besoins sont généraux, plus elle les regarde comme lui étant particuliers : en sorte qu'on ne la voit pas appliquée à ses intérêts, tant qu'elle a à remplir le moindre office de charité ou de piété. Elle ne considère point que l'action soit basse et humble, qu'il s'agisse de chose petite ou grande, rien ne lui coûte pour l'amour de l'Époux, toujours elle médite cette parole « Jésus n'est pas venu pour être servi, mais pour servir (Matth. XX, 28). » Et encore : «que celui qui voudra être le plus grand parmi vous, soit le serviteur de tous. » « Qui est infirme » sans qu'elle compatisse? qui souffre sans qu'elle ne souffre aussi? « Elle pleure avec ceux qui pleurent et se réjouit avec ceux qui sont dans la joie (Rom. XII, 15). » Elle travaille de même et ne se fatigue pas: elle souffre et ne gémit point. Quelquefois elle est écrasée sous le fardeau et n'en sent nullement le poids. Elle est tournée en dérision et n'y prend pas garde. Elle est réellement devenue pour elle-même, « un vase perdu (Psalm. XXX,13), » toujours prête à soulager les nécessités de tous ses frères.

11. O sainte et admirable charité, qui convertit l'amertume en douceur, en choses molles celles qui sont rudes, les âpres en suaves quelles délices ne fait-elle point de plus ressentir? O que son aspect est pieux, que son extérieur est agréable !Ses yeux sont pudiques et toujours attachés à la terre, ils ne recherchent point curieusement les négligences des autres; bien plus, si elle apercevait quelque grand mal commis par le prochain, son coeur très-pur, ne consentirait jamais à le croire : et si le fait était trop évident, elle l'excuserait au moins à raison de l'intention : ses paroles sont toujours saintes, pudiques et en petit nombre. Jésus est l'objet de ses méditations, de ses discours, de son imitation. Oh ! que de temps il faudrait attendre pour entendre sortir de sa bouche des paroles qui sentissent lé monde, je ne parle point de celles qui sont malicieuses, mensongères et impudiques! Son rire est toujours modeste, sa démarche toujours humble, son unique désir est de plaire à Jésus. La garde qu'elle exerce sur ses sens extérieurs et intérieurs est telle, que rien ne pénètre dans son coeur qui puisse en offenser son divin possesseur. Combien forte est en elle la vertu de patience! Car plus les tribulations et les désagréments l'éprouvent, plus elle se montre invincible. Sans parler des paroles, je crois que les mêmes coups ne sauraient réussir à troubler jamais, soit au dehors soit au dedans, son calme et son égalité. Elle préfère les réprimandes et les observations aux louanges. O qu'elle est pacifique à l'égard de ceux qui s'efforcent trop souvent de ravir la paix du coeur des autres et elle conserve toujours cette paix dans son coeur et dans ses oeuvres ! Nous avons vu l'Épouse opérer au dehors des choses admirables et ineffables : que sera-ce si nous voyons son intérieur ! Prions l'Époux, demandons-lui qu'il nous soit permis d'arriver à l'Épouse: quelles consolations pensez-vous qu'elle recevra, au milieu de la chaleur du travail et des fatigues, lorsque le temps du repos sera venu et qu'elle sera descendue à l'ombre de l'arbre de la croix de Jésus?

12. O avec quelle révérence l'Épouse s'adonnera-t-elle à chanter les louanges de son Époux, en sa présence, elle qui, au dehors, l'a suivi avec tant d'ardeur! elle repasse dans son cœur les sentiments qu'elle exprime de bouche, elle ne sera pas à moitié dans cet heureux séjour présente de corps, elle y sera présente de coeur . Il est ordonné à tous les sentiments d'entrer, aux choses de l'extérieur de s'éloigner, on fait fermer les portes de l'appartement, afin que toutes les fibres de l'être s'appliquent avec sécurité et attention, à célébrer Jésus. Après avoir méprisé tout le reste, le coeur se dirige seul vers Jésus : la langue le loue, l'apaise et le prie : elle l'invite, tous les sens se trouvent retenus dans le respect de la discipline. Après un jour passé dans les louanges de Jésus et dans les bonnes oeuvres, l'Épouse s'approche du repos, mais d'abord se présente le temps de l'inquiétude. Elle entre avec les siens au lieu de la réunion, elle examine si « la vigne a été » bien ou « mal gardée; » et si « la muraille » qui la ferme « a été renversée, » elle cherche à savoir par la négligence de quel gardien ce malheur est arrivé, et le produit de la vigne a été perdu. Quand elle l'a trouvé, que ce soit la vue ou le goût, l'ouïe ou l'odorat, la langue, les mains ou les pieds, elle lui adresse une réprimande très-sévère, ou bien elle le corrige, en lui ordonnant de veiller plus exactement à l'avenir. Et, si l'un de ses serviteurs se trouve négligent dans la célébration des louanges de Dieu ou dans quelque autre action concernant son service, elle le reprend pareillement, et lui ordonne de prendre garde désormais.

13. Elle examine ensuite, s'il y a des lumières, à cause des ténèbres qui approchent, des vêtements à cause du froid, des secours, « à cause des craintes de la nuit. » Si elle trouve qu'il n'y a pas tout ce qui est nécessaire, bien qu'il soit tard, elle envoie annoncer à son Époux, ce qui manque à sa bien-aimée dans sa tente, et le fait prier de vouloir bien, avec sa clémence ordinaire, être prêt à veiller à sa garde, jusqu'à ce, que, avec son secours, elle pourvoie, pour l'avenir, aux besoins des siens. Mais si elle trouve que tout est bien préparé, elle bénit son Époux en ses dons, et, après avoir fait une prière fervente pour la garde des siens et pour la sienne propre, elle ferme avec soin toutes les issues de l'appartement, elle entre dans le secret de sa demeure, et, là, que fait-elle? Je l'ignore. Cependant, si Jésus daignait y consentir, je lui demanderais de me permettre d'y pénétrer avec l'Épouse comme une suivante, afin de recueillir des informations plus complètes, mais tant que l'Épouse est, je ne dis pas assise, mais livrée au travail « à l'ombre » de l'arbre, bien qu'il ne lui soit pas utile de s'y trouver, il la protégera néanmoins contre l'ardeur des tentations, mais quand en mangera-t-elle le fruit? Le temps en est peut-être venu, depuis qu'elle est entrée dans le secret de son appartement. Il semble qu'elle ne peut pas manquer de le faire, car il y a longtemps qu'elle travaille avec inquiétude et, sans doute, elle a bien faim. O bon Jésus, faites-moi voir les mets dont elle se nourrit! est-ce que « sa nourriture n'est pas de faire votre volonté? » Il en est ainsi, bien plus, tout ce qui la console dans son travail, c'est de ne jamais s'écarter ou de ne s'éloigner que très-peu de votre volonté. L'unique récompense qu'elle désire pour toutes ses fatigues, c'est de vous aimer seul, de marcher sur vos traces, d'obéir à vos ordres et de n'être jamais séparée pour toujours de vous. O bon Jésus, si dans la « carrière » votre amour cause de telles délices, quelles jouissances procurera-t-il « au terme,» puisque vous êtes la joie commune de tous les bienheureux ! Nous n'avons point encore vu l'intérieur de l'appartement, ô qui nous y introduira, qui nous fera voir les fleurs dont doit être ornée la couche d'un monarque si élevé? Est-ce que les violettes qui sont sur le lit nuptial de l'Épouse, ne sont pas les humbles origines de votre naissance, ces lis, les emblèmes de votre très-chère chasteté, et ces roses, qui ont empourpré ce lieu de repos, le « sang » versé dans votre très-douce passion ?

14. Nous n'avons pas encore vu la couche de l'Épouse, il ne nous est point permis de lavoir. O si tu entrais dans l'appartement de cette âme sainte! Tu y trouverais une table très-digne, la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et, sur cette table, un pain très-saint, « renfermant toutes les délices et toute suavité (Sap. XVI, 20). » Ce pain, c'est celui que Jésus adonné à ses disciples, le soir de la Cène, c'est son corps, si tristement traité par les impies. Qui pourra regarder comme vil ce pain de l'Épouse quand c'est lui qui nourrit la multitude des esprits bienheureux ? O terre véritablement heureuse, qui nous as donné ce pain ! Je vous louerais volontiers, mais je ne sais quels éloges faire de vous. Vous avez porté dans votre sein celui que le ciel et la     terre ne pouvaient contenir. Que votre nom soit couvert de louanges dans les siècles des siècles. Amen.

15. Oh! quel doux breuvage tu trouveras devant l'Épouse ! c'est le sang de Jésus, sorti de son corps et aussi frais que s'il avait été répandu hier ou aujourd'hui. L'Épouse se contentera-t-elle de ce pain et de ce breuvage? Nullement. Elle aura encore d'autres mets précieux; les fouets, la couronne d'épine, les clous et la lance qui ont blessé son Époux; et certainement, les langes même dont l'Enfant-Dieu avait été enveloppé lorsqu'il était couché dans sa crèche » ne lui feront point défaut. Voilà ce qui la nourrit: fortifiée par ces aliments, elle devient plus puissante que ses ennemis, Elle y trouve des délices et elle devient agréable à son Epoux. Toujours occupée à considérer ces objets, elle devient la compagne des anges. Qu'ils ne te paraissent point vils, sache bien « qu'ils sont plus doux que le rayon de miel, » et plus agréables « que l'or et le topaze. » Je ne te ferai pas l'éloge de l'humilité de l'Épouse, mais sache qu'elle en est remplie. Si elle n'était établie sur le fondement stable de l’humilité, cette louable maison de vertus que tu as contemplée, ne pourrait se. tenir. Que nul ne pense que l'Époux laisse jamais son épouse sans garde: peur veiller sur elle.: Que l'on sache, au contraire, que le lit de Jésus « est entouré de soixante guerriers choisis parmi les plus vaillants (Cant. III, 7) , ni le jour; ni la nuit, ils ne cesseront » de chanter  ses louanges (Isa. LXII, 6) : ou, si on le préfère je dirai qu'elle est entourée de la constance comme d'un mur; bâtie avec des contreforts, et gardée sur ses remparts par les anges mêmes; qu'au milieu du camp, s'élève une haute tour, solide et très-belle, que je désignerai à juste titre sous le nom de tour de la charité. C'est à son sommet que réside constamment l'Épouse et que parfois l'Époux vient habiter avec elle, en sorte que voyant de loin les dangers, elle peut plus sûrement les éviter avec l'aide de son. Époux.

16. O mon coeur, je t'ai dépeint comme j'ai pu l'Épouse de Jésus, autant que Dieu dans sa douceur en a fait la grâce à un pauvre comme moi, et je t'ai engagé dans le Seigneur, à l'imiter avec le plus de dévotion possible. Si tu es fidèle à cette pratique, si souvent «tu viens t'asseoir à l'ombre » de cet arbre, tu éprouveras des jouissances plus grandes que celles dont je tuai entretenu. Et si tu ne peux de suite comprendre tout cela, je te recommande principalement trois choses, « D'abord, » d'éviter l'orgueil de toutes tes forces; « secondement, » de suivre humblement l'humble Jésus ; « troisièmement, » de saisir au plus tôt sa charité. Ne crains pas, tu ne seras pas longtemps assis (si pourtant tu es assis avec persévérance) sans « cueillir » des fruits « de cet arbre. » Prends garde que les avertissements ne te soient donnés inutilement, comme il en a été de plusieurs de ceux que Jésus t'a donnés; c'est-à-dire de l'aimer « de toute ton âme, de tout ton coeur, de toutes tes forces (Luc. II, 27); » de « renoncer à tout ce que tu possèdes, de te renoncer toi-même, de prendre ta crois et de le suivre » avec humilité jusqu'à ce que tu deviennes « son compagnon » dans la gloire (Matth. XVI, 24). Il a dit lui-même . « Que celui qui voudra être le premier, » soit ici-bas « le serviteur » et le ministre de tous, à l'exemple du Fils de l'homme qui n'est «pas venu pour être servi mais pour servir (Matth. XX, 17). » Jusques à ce jour, ces paroles et mille autres semblables t'ont trouvé sourd, parce que attirée vers beaucoup d'objets, ton affection ne cherche nullement à comprendre Jésus; et, qui plus est, si ton amour avait été mille fois dirigé tout entier vers Jésus, jamais il ne serait parvenu à mériter d'une manière quelconque l'amour de ce divin maître. Et si tu l'as quelque peu aimé, ce n'a pas été de toutes tes forces. Or, on doit l'aimer en toute chose et par-dessus tout. De même aussi tu as renoncé à quelque chose mais non point à toutes.. tant que la volonté a encore quelque force en toi.

17. Oh, si tu avais considéré quels maux saurait t'occasionner ta volonté! tu aurais vu que c'est elle qui cause tout péché, toute misère, toute séparation et toute guerre entre Dieu et toi. Toujours elle attaque la volonté de Dieu, hélas, et très-souvent, elle en triomphe, et tous les maux entrent en toi par son moyen. As-tu « renoncé à tout, » lorsque tu possèdes si fortement cette racine de tout péché. Tant que cette racine très-vicieuse n'aura pas été extirpée, nulle vertu, nul salut ne pourra s'établir en toi. Ne sois donc point « un auditeur oublieux; » mais nuit et jour, lis la passion de Jésus, et imite, en toutes ses actions, l'épouse de Jésus : a prends sa croix » et, à son exemple, cours fortement après Jésus, pressé d'un ardent désir de le suivre; prie, supplie, conjure, que cette mauvaise et pernicieuse volonté te soit enlevée, crie et dis Seigneur Jésus, que votre sainte «volonté s'accomplisse (Matth. VI, 10),» cette volonté « bien plaisante et parfaite, » qu'elle se réalise comme au ciel, et de la même manière en moi, misérable, qui ne suis que « terre » et que cendre : jusqu'à ce que Jésus-Christ, l’Epoux de l'Eglise, qui est digne de toute louange, achève sa volonté en moi: en sorte, que comme il est « un » avec son Père, ainsi il me rende «un et consommé » en lui par le lien de la charité, afin que dans les siècles infinis des siècles je ne m'écarte jamais, même en la chose la plus minime, de ce qui lui fait plaisir. Amen.

 

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