LETTRE LXIII
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rte de l'église 38 - CH-1897 Le Bouveret (VS)

LETTRE LXIII. (Fin de l'année 401.)

 

Saint Augustin se plaint auprès de son ami et collègue sévère qu'il ait ordonné sous-diacre, pour le retenir dans son diocèse, un ecclésiastique qui avait rempli dans le diocèse d'Hippone les fonctions de lecteur.

 

AUGUSTIN ET LES FRÈRES QUI SONT AVEC MOI AU BIENHEUREUX ET VÉNÉRABLE SEIGNEUR SÉVÈRE, SON BIEN-AIMÉ FRÈRE ET COLLÈGUE DANS LE SACERDOCE, AINSI QU'AUX FRÈRES QUI SONT AVEC LUI, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

 

1. Si je dis tout ce que l'intérêt de ma cause me force à dire, que deviendra la charité ? Si je me tais, où sera la liberté de l'amitié? Après avoir hésité, je me suis décidé à vous adresser non point des reproches, mais ma justification. D'après une de vos lettres, vous vous étonnez que nous ayons voulu supporter avec douleur ce qu'une réprimande aurait pu faire cesser, comme si le mal déjà fait ne restait pas déplorable, même après qu'on y a remédié autant qu'on l'a pu, et comme s'il ne fallait pas surtout supporter ce qui une fuis reconnu mal fait ne peut pas être défait. Cessez donc de vous étonner, mon très-cher frère. Timothée a été ordonné sous-diacre à Sousane, contre mon avis et ma volonté, tandis que nous délibérions encore sur le parti qu'il fallait prendre à son égard. Je m'en afflige toujours, quoiqu'il soit retourné auprès de vous, et, en ceci, je ne me repens point d'avoir accédé à votre volonté.

2. Ecoutez ce que nous avons fait par nos reproches, nos avertissements, nos prières, avant même qu'il fût parti d'ici, afin que vous ne pensiez plus que rien n'a été blâmé avant son retour auprès de vous. D'abord, nous lui avons reproché de ne pas vous avoir obéi et d'être parti pour aller vers votre sainteté, sans avoir consulté notre frère Carcédonius, ce qui a été le commencement de notre tribulation ; nous avons repris ensuite le prêtre et Vérin, parce que nous avons découvert que ce sont eux qui ont fait ordonner Timothée. A la suite de ces reproches, ils ont confessé que toutes ces choses avaient été faites mal à propos, et ont demandé leur pardon; nous aurions été dès lors impitoyables, si nous n'avions pas cru à leur repentir. Ils ne pouvaient pas faire que ce qui a été ne fût pas ; le seul but de notre réprimande était de les amener à reconnaître et à déplorer leurs torts. Personne n'a échappé à nos avertissements, pour que de telles choses ne se reproduisent point, et qu'on ne s'expose pas à encourir la colère de Dieu; ensuite et principalement nous avons repris Timothée, qui se disait forcé par son serment d'aller vers vous; nous lui avons dit, et nous espérions que, prenant en considération nos entretiens à ce sujet, votre sainteté pourrait bien ne pas vouloir admettre auprès de vous quelqu'un qui était déjà lecteur ici, de peur de scandaliser les faibles, pour lesquels le Christ est mort, et de peur de blesser la discipline de l'Eglise, dont malheureusement on s'occupe si peu : ainsi dégagé de son serment, il aurait tranquillement servi Dieu, à qui nous devons rendre compte de nos actions. Nos avis ont amené notre frère Garcédonius à accepter patiemment tout ce qui sera décidé sur Timothée, (78) pour le maintien nécessaire de la discipline ecclésiastique. La correction par les prières nous touche nous-mêmes; nous recommandons à la miséricorde de Dieu notre administration et nos conseils, et si quelque indignation a mordu notre coeur, nous prions Dieu de nous guérir de sa main droite comme avec un remède souverain. Voilà comment nous avons beaucoup corrigé, soit par les reproches, soit par les avertissements, soit par la prière.

3. Et maintenant, pour ne pas rompre le lien de la charité, et pour ne pas être possédé par Satan, dont nous connaissons les desseins, que devons-nous faire, si ce n'est de vous obéir, à vous, qui avez cru qu'il était impossible de réparer ce qui s'est passé autrement qu'en rendant à votre juridiction celui en qui vous vous plaignez qu'elle ait été blessée. Notre frère Carcédonius lui-même, après un vif mouvement de dépit, pour lequel je vous demande de prier pour lui, a consenti de bonne grâce à ce parti, parce qu'il a vu le Christ dans votre personne; et, tandis que je me demandais s'il ne fallait pas retenir Timothée jusqu'à ce que je vous eusse envoyé une nouvelle lettre, c'est lui-même qui, craignant pour vous une nouvelle peine, a coupé court à ma discussion, et a non-seulement permis, mais demandé instamment que Timothée vous fût rendu.

4. Pour moi, frère Sévèxe, je remets ma cause à votre jugement, car je sais que le Christ habite dans votre coeur, et par le Christ, je vous demande de le consulter lui-même, lui qui gouverne votre âme qui lui est soumise; demandez-lui si un homme qui avait commencé à lire dans mon église, non pas une fois, mais une seconde et une troisième fois, à Sousane où il accompagnait le prêtre de ce lieu, à Tours. à Cizan, à Verbal, ne peut pas, ne doit pas être regardé comme lecteur (1). De même que nous avons réparé, comme Dieu le voulait, ce qui s'est fait malgré nous, ainsi réparez vous-même ce qui a été fait à votre insu : Dieu le veut également. Je ne crains pas que vous compreniez peu la brèche qui serait faite à la discipline ecclésiastique, si l'évêque d'une autre Eglise, qu'un clerc aurait juré de ne jamais quitter, lui permettait de rester avec lui, par la raison qu'il ne veut pas le rendre parjure. Assurément celui qui ne le souffrira

 

1. Le concile de Milève trancha cette question le 27 août 402. Quiconque aura lu, même une seule fois, dans une église, ne doit  pas être retenu par une autre église.

 

point, qui ne permettra point à ce clerc de demeurer auprès de lui parce que son serment n'a pu engager que lui-même, gardera la règle de paix, sans blâme possible de personne.

 

 

 

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