I

 

LE RÉCONFORT QUE NOUS APPORTENT

LES PHILOSOPHES PAÏENS NE PEUT NOUS SUFFIRE

 

 

Mon cher neveu, comprenez bien ceci : les sages, les moralistes, les philosophes du monde entier ont depuis longtemps étudié ce problème. Ils ont encouragé les hommes à n'accorder que peu d'importance à ces bienfaits dont l'apparition ou la disparition sont la cause de nos tourments, tels par exemple : la fortune, les bonnes grâces, les amis, la bonne réputation, les honneurs, etc... ou encore : la force, l'agilité, la gaieté, la santé. Toutes ces choses, quand elles nous arrivent, sont source de richesse et quand elles nous sont enlevées par hasard, par force, ou encore par la peur de les perdre, elles nous plongent dans le malheur et dans l'affliction. Car l'affliction ne paraît être autre chose qu'une espèce de chagrin, une douleur du corps, ou un accablement de l'esprit. Persuader au corps qu'il ne sent rien alors qu'il souffre, tous les arguments du monde n'y parviendraient pas. Mais persuader à l'esprit qu'il ne doit pas être atteint par les souffrances du corps, ni même par celles de l'âme, c'est à cela que les philosophes ont travaillé. Et là, ils ont trouvé des pensées très belles et très fortes pour soutenir les hommes contre le désespoir, les poussant à mépriser complètement la perte des biens de ce monde, la maladie, la douleur physique, une mort pénible.

 

Pourtant, bien que j'aie lu beaucoup de ces philosophes, je n'ai jamais trouvé que les raisons qu'ils nous donnaient fussent de nature à nous procurer un soutien suffisant. Car ils ne sont jamais assez profonds pour atteindre le niveau du suprême réconfort, en dehors duquel rien n'existe. C'est en Dieu qu'il faut chercher le soutien. C'est en supportant patiemment leurs souffrances que les hommes obtiendront sa faveur et recevront de sa main leur récompense au ciel. Par méconnaissance de ces fins dernières, ils ont fatalement laissé de côté les moyens d'obtenir ce suprême réconfort de la grâce divine, qui nous fait avancer et progresser vers le ciel. C'est pourquoi, je le répète, le secours apporté par les philosophes est loin d'être efficace.

 

Pourtant, si ces remèdes sont très insuffisants pour guérir nos maux, il y en a parmi eux qui ne sont point méprisables. Ils peuvent prendre place dans notre pharmacopée ; toutefois ils ne doivent pas être administrés par des humains mais seulement par le grand Guérisseur, qui est Dieu. C'est lui qui corrigera ce qu'il peut y avoir d'erroné dans l'ordonnance. Autrement, nous tomberions dans l'erreur de ces apothicaires peu scrupuleux qui, par esprit de lucre ou par sotte vanité, administrent à leur clientèle des médicaments de leur invention, et tuent bon nombre de malades assez simples pour mettre leur vie entre les mains de ces gens ignares.

Nous n'allons donc ni entièrement accepter ni complètement rejeter les raisons des philosophes, mais, tout en nous efforçant de les employer judicieusement, nous irons chercher les remèdes les plus efficaces contre ces maux de l'affliction et du désespoir auprès du Médecin par excellence, sans qui nous ne serions jamais prémunis contre cette mortelle maladie qu'est la damnation. L'Esprit de Dieu nous parle et nous prie de lui confier notre santé, et il nous dit : « Honore le médecin, car le Très-Haut l'a créé pour ton bien. » C'est pourquoi nous devons prier ce grand Médecin, Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont la sainte incarnation fut voulue par Dieu pour nous guérir de nos blessures mortelles et qui nous a sauvés en nous donnant son Sang et son Corps bénis. Prions-le aussi pour que, comme il a guéri notre maladie mortelle par son incomparable médecine, ainsi il lui plaise de mettre en nos esprits les remèdes qui nous fortifieront contre le désespoir, afin que notre ennemi le démon ne puisse, en nous incitant au murmure, à l'impatience, à la haine, changer la brève maladie de l'humaine souffrance en une affection sans remède, en la seule vraie mort, qui est la damnation éternelle.