LE MIROIR DE LA CHARITÉ

 

INVOCATION

 

 

Parlez, Seigneur, apprenez-moi à vous aimer, à vous aimer de tout mon cœur, de tout mon esprit, à vous saisir au plus profond de mon être, vous, mon unique bien et ma seule joie.

 

Mais qu'est-ce que l'amour, ô mon Dieu ? N'est-ce pas un plaisir de l'esprit d'autant plus agréable et intense qu'il est chaste, sincère et généreux ? Oui, il y a dans le cœur un palais que vous goûte et un œil qui vous voit : le cœur est capable de vous contenir, vous, l'infini. Qui vous aime, vous saisit ; et il saisit dans la mesure où il aime, parce que vous êtes amour, vous êtes charité. Lieu d'abondance où s'enivrent vos amis, se perdant eux-mêmes pour passer en vous. Comment ? En vous aimant, Seigneur, en vous aimant de tout leur être. Ah ! qu'un peu de votre tendresse infinie adoucisse mon amertume pour que mon âme connaisse un avant-goût de ce qu'elle doit désirer en soupirant tout au long de son pèlerinage ! Que sa faim et sa soif soient déjà cet avant-goût ! Ceux qui vous mangent, ont encore faim et ceux qui vous boivent, ont encore soif. Ils ne seront rassasiés que lorsqu'apparaîtront votre gloire et cette douceur infinie que vous cachez à ceux qui vous craignent et ne révélez qu'à ceux qui vous aiment.

 

D'ici là, je vous chercherai, Seigneur, je vous chercherai en vous aimant. Il vous cherche celui qui va vous aimant, puisque, vous trouver, c'est vous aimer d'un amour parfait. Que votre créature vous aime, quoi de plus naturel ? N'est-ce pas vous qui lui avez donné ce pouvoir de vous aimer, que ne possèdent pas les créatures privées de raison ou de sensibilité ? Celles-ci ont leur nature, leur espèce, leur ordre, mais il n'est pas de leur nature de pouvoir être heureuses, car elles ne peuvent vous aimer. Ces créatures contribuent par la beauté, la bonté et l'ordre que vous avez mis en elles, à la gloire de ces autres créatures, qui, elles, peuvent être heureuses, parce qu'elles peuvent vous aimer.