L'AMITIÉ SPIRITUELLE

 

 

Avoir un ami intime et pouvoir lui donner son affection, avoir quelqu'un en qui reposer son esprit et décharger son cœur, c'est là une grande consolation en cette vie. On converse agréablement avec lui, comme on écoute volontiers quelque cantilène lorsqu'on est triste. Au milieu des misères de ce monde, un ami est un abri sûr. Tu pourras te confier à lui comme à un autre toi-même. Tes inquiétudes et tes ennuis trouveront en lui un remède. Il sera triste si tu l'es, se réjouira de tes succès et t'aidera dans tes doutes. Tu l'introduiras à l'intime de ton cœur et tu te lieras à lui au point qu'absent de corps, il sera toujours présent en ce lieu de ton esprit où tu te parles à toi-même. Loin du tumulte du monde, seul avec lui, tu trouveras le repos dans l'union intime de ton âme avec la sienne, union toute pénétrée de la douceur de l'Esprit-Saint. En cette vie, nous ne pouvons donc goûter le fruit de la charité qu'avec ceux que nous n'aimons pas seulement d'un amour de raison mais pour lesquels nous avons de la sympathie. Parmi eux, une place spéciale est réservée à ceux auxquels une amitié spirituelle nous lie plus étroitement.

 

Pour que personne maintenant ne vienne critiquer cette forme très sainte de la charité, Notre Seigneur Jésus, qui condescendit à compatir à tout ce qui est humain, nous a donné un exemple de cette charité qu'on n'accorde pas à tous, mais qu'on réserve à un seul. Il a laissé saint jean reposer la tête sur sa poitrine en signe d'une affection toute particulière. Et comme un parfum imprègne davantage celui qui s'approche de plus près de la source dont il émane, saint Jean a puisé au cœur du Christ plus de richesses spirituelles que les autres. Bien que le Maître ait aimé tous ses disciples d'un suprême amour, c'est à cette prérogative d'une amitié plus intime que saint Jean dût d'être surnommé : « Le disciple que Jésus aimait » (Joa. 19).