Sermon pour la fête de saint Benoit (suite)
LES JUGEMENTS DU SAGE
« La langue du sage prononce ses jugements » (Ps. 36, 30).
Les jugements de Dieu sont profonds, ceux des hommes sont douteux. Les jugements dont les hommes usent, ou abusent, sont de quatre sortes. L'homme porte des jugements sur lui-même, sur les autres, sur ses rapports avec les autres, enfin, sur les rapports des autres entre eux. Bienheureux qui ne s'y trompe jamais i
L'homme porte un double jugement sur lui-même. Il se fait une opinion de lui-même et agit en conséquence. Cette action est un jugement aussi car on agit d'après l'opinion qu'on a de soi. Par exemple, s'il se sent peu de chose, il ne craindra pas les tâches humiliantes ; s'il se juge pécheur, il aimera faire pénitence. L'opinion que l'homme se fait de lui-même doit être sévère, mais sa réaction doit être prudente. Par exemple, je me sens vil, misérable, pécheur, quand je me rappelle tant de péchés commis en paroles, pensées et actions. Ce sentiment me pousse au repentir et mon âme voudrait endurer les veilles et les labeurs d'une vie rude et austère. Dans ce passage de l'opinion que je me fais de moi-même à la réaction qui en est la conséquence, il faut agir avec prudence. Ne quid nimis. Rien d'excessif.
Le jugement que l'homme porte sur les autres est double également. On peut juger leurs actes ou leurs intentions. Parfois nous disons : « Un tel a fait cela qui est mal », mais parfois aussi nous disons : « Ce n'est pas mal en soi, mais il l'a fait avec une mauvaise intention ». Le sage, quand il prononce de tels jugements sur les autres, est très prudent quand il s'agit de juger de leurs intentions ; quant à leurs actions, il use de bienveillance, cherchant toujours à les excuser dans la mesure du possible.
Le jugement qu'un homme porte sur ses rapports avec les autres, doit être humble et sincère. Humble, de peur de se croire meilleur qu'eux ; sincère, pour ne pas se laisser entraîner par la passion. Enfin, dans les conflits des autres entre eux, il doit être pacifique et juste. Il doit essayer de faire régner la paix en la rendant à chacun, mais si la paix ne peut être obtenue, il doit être juste sans faire acception de personne.
