CHAPITRE XL

 

La Confession

 

 

1 et 2. La confession véritable consiste à manifester, sincèrement et sans rien voiler, ses péchés au prêtre qui a les qualités requises par les lois (de l'Église). Notre-Seigneur (1) a imposé cette confession, en disant aux lépreux : « Allez, montrez-vous aux prêtres » (Luc, ch. 17, v. 14). Et saint Jacques : « Confessez donc vos fautes l'un à l'autre » (ch. 5, v. 16)

Une confession conforme à la vérité exige qu'elle soit entière, pure, discrète, fidèle et parfaite, selon cette parole des Lamentations de Jérémie : « Répandez votre cœur comme de l'eau devant la face du Seigneur » (ch. 2 v.19).

Le fait de « répandre » indique l'intégrité. Car les péchés dont on ne s'est jamais confessé, on ne doit pas intentionnellement les dire goutte à goutte, mais tous les péchés auxquels on peut penser, en même temps, il faut les répandre tous ensemble, devant un seul prêtre (2).

« Comme de l'eau », cela désigne la simplicité et la pureté de la confession. On ne doit pas faire sa confession par crainte servile ou par force, mais purement à cause de Dieu.

« Répandez votre cœur », on exprime par là la discrétion. Il n'y a pas que les paroles et les actes, ni les péchés d'omission ou de commission à confesser, il faut dire aussi les pensées mauvaises et les affections auxquelles on s'arrête, les intentions désordonnées ainsi que la volonté de nuire, les jugements malveillants et les soupçons téméraires. Car, au grand jour du jugement, dit Origène (3), ce sont les pensées qui accuseront les âmes et les défendront, non pas les pensées que nous aurons, alors, mais celles que nous avons maintenant en nous et dont la marque restera imprimée dans notre cœur comme sur de la cire.

« Devant la face du Seigneur », cela fait allusion à la fidélité de la confession et à sa perfection. Car il faut considérer toutes choses comme Dieu lui-même les connaît : là où nous ne reconnaissons qu'un péché lui dans sa sagesse, en connaît beaucoup.

 

3. Ce qui doit nous conduire à la confession véritable, c'est la rémission certaine des péchés et la purification de l'âme : « Si nous confessons nos péchés, écrit saint Jean (Ire lettre, ch. 1, v. 9), Dieu est fidèle et juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de notre iniquité. » De plus, la confession force le Père, le Fils et le Saint-Esprit au pardon et à la rémission, d'après cette parole : « Sans doute, Dieu connaît tout, il attend cependant les mots de l'aveu » (4). Car le Christ a de bonnes raisons d'intervenir en votre faveur ; le Père aussi a des motifs de pardonner, et tout ce que veut le Fils, le Père le veut, et le Saint-Esprit également.

 

4. Il a la preuve que sa confession est véritable, celui qui répand tous ses péchés comme l'eau, sorte qu'il n'en reste ni couleur comme dans l'effusion du lait, ni épaisseur ou saveur comme lorsqu'on répand de l'huile ou du sang, ni odeur comme dans l'effusion de vin ou de vinaigre. Il reste la couleur quand on avoue le péché sans dire l'occasion ou la provocation au mal, comme dans la gourmandise ou l'impureté. Il reste l'épaisseur ou la saveur, lorsqu'on dit ses péchés, mais en gardant sous silence l'intensité ou la durée des plaisirs qui absorbent totalement la raison ; il est écrit : (le péché) est entré comme l'eau au-dedans de lui, et comme l'huile il pénètre dans ses os (Ps. 108, v. 18). Enfin, il reste l'odeur du péché, lorsqu'on se confesse, sans parler de son déshonneur ou du mauvais exemple et du scandale d'autrui. Au contraire, celui qui se confesse bien, manifeste, avec son péché lui-même, ce qui l'a précédé et ce qui l'a suivi.

Confesser ses péchés avec nombre, poids et mesure, c'est la marque d'une confession véritable. On doit confesser le nombre de ses péchés ou leur fréquence, – parce qu'une blessure qui se renouvelle souvent est aussi plus lente à guérir ; leur mesure, c'est-à-dire leur durée : une maladie plus longue amène une mort plus rapide ; on doit enfin dire le poids ou la gravité du péché, car les circonstances de temps, de lieu (cimetière ou église), ou de personne (si c'est un clerc que l'on frappe ; si on commet un péché avec une personne consacrée à Dieu ou une femme mariée), rendent le péché plus grave.

 

5. Il a la preuve que sa confession n'est pas véritable, celui qui se confesse pour qu'on ne dise pas de lui qu'il n'a pas la foi, ou pour être estimé plus saint, ou pour qu'on ne lui refuse pas, à sa honte, la sainte communion. Ainsi la confession de Saül ne fut pas véritable ; il avait peur que le prophète Samuel ne le remplit de confusion devant le peuple (Ier livre des Rois, ch. 13, v. 8-13).

 

 

(1) Il y a d'autres paroles de Notre-Seigneur, qui fondent, mieux que celles-là, la nécessité de la confession : « Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel » (Matth., ch. 18, v. 18). Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez » (Jean, ch. 2, v.23).

(2) Le P. Truillet, pour rendre ce passage plus intelligible, l'a traduit largement ; voici sa traduction : « Répandez, ce qui signifie l'intégrité de la confession, car il n'est point permis de distribuer entre plusieurs prêtres les péchés graves qu'on n'a jamais accusés, ce qui n'est point répandre ses fautes, mais les laisser couler, pour ainsi dire, goutte à goutte. Il faut, au contraire, répandre aux pieds d'un seul et même prêtre tout ce dont notre mémoire nous rappelle, en ce moment même, le souvenir », p. 250, 251 ; et P. Berthier, p. 228, 229.

(3) Sur le 2e ch. de l'épître aux Rom. P. G. t. 14, col. 894.

(4) L'auteur ne nomme pas saint Ambroise, auquel il semble bien avoir emprunté cette phrase, en la changeant un peu. Au ch. 7 du 2e livre sur la Pénitence, saint Ambroise s'exprimé ainsi : « Le Seigneur sait tout, mais il attend votre parole, non pour vous punir, mais pour vous pardonner : Novit omnia Dominus, sed exspectat vocem tuam, non ut puniat, sed ignoscat. » P. L. t. 16 col. 510.