DIEU SEUL

ou

Le saint esclavage de l’admirable Mère de Dieu

 

PREMIER TRAITÉ

 

CHAPITRE PREMIER

De la dévotion de la très sainte Vierge en général,

et en particulier de la dévotion de son saint esclavage

 

 

L'incomparable évêque de nos jours, le grand saint de la dévotion de ces derniers siècles, que nous pouvons dire avoir été choisi de Dieu pour l'établir et la réveiller dans les cœurs des fidèles, dans l'excellent livre qu'il a composé de l'Introduction à la vie dévote, dont toutes les paroles, animées de l'esprit de Dieu qui les a dictées, portent une onction sacrée dans les âmes, enseigne que la véritable dévotion ne présuppose pas seulement l'amour de Dieu, mais que même elle n'est autre chose que l'amour de Dieu, qui s'appelle dévotion, lorsqu'il nous fait opérer soigneusement, fréquemment et promptement ; et que, comme il appartient à la charité de nous faire faire généralement et universellement tous les commandements de Dieu, il appartient aussi à la dévotion de nous les faire faire promptement et diligemment. C'est pourquoi celui qui n'observe pas tous les commandements de Dieu, ne peut être estimé bon ni dévot, puisque, pour être bon et dévot, il faut avoir, outre la charité, une grande vivacité et promptitude aux actions charitables. La charité donc, selon le témoignage de ce grand saint, étant un feu spirituel, quand elle est fort enflammée, elle s'appelle dévotion.

 

Mais, comme il n'est pas possible d'aimer Dieu véritablement, sans avoir de l'amour pour celle qu'il a choisie pour sa très digne Mère, de même il est nécessaire d'avoir de la dévotion pour la très sacrée Vierge, si l’on est véritablement dévot à Notre-Seigneur Jésus-Christ. C'est donc en lui, par lui et pour lui, qui est notre unique tout en toutes choses, que nous devons aimer la plus aimée, la plus aimante et la plus aimable des pures créatures ; et puisque la dévotion est un amour qui fait que nous servons avec une volonté prompte et affectionnée, il faut avoir une promptitude et une affection spéciale d'aimer la glorieuse Mère de Dieu, et de lui rendre service, et généralement de faire tout ce que nous reconnaissons lui être agréable.

 

Et d'autant que l'amour suppose la connaissance, ne pouvant pas aimer ce que nous ignorons, chacun doit être persuadé par la foi des excellences et des grandeurs de l'admirable Vierge Marie, qui la rendent digne de tout l'honneur et de toute la vénération que peut mériter la plus noble et la plus parfaite des créatures ; c'est pourquoi l'âme dévote de cette auguste Souveraine du ciel et de la terre a une très haute estime de ses excellences et grandeurs, de l'éminence de sa grâce et de sa gloire, et elle n'en parle qu’avec admiration et étonnement ; et, après en avoir pensé et dit tout ce qu'elle peut concevoir de grand et de plus glorieux, elle sait que les merveilles que le Dieu tout-puissant a opérées en elle surpassent incomparablement toutes ses pensées, aussi bien que toutes les expressions qu'elle en pourrait faire. Elle ne la voit que comme un abîme de grandeurs, où il faut que tout esprit se perde, avouant qu'elle ne peut être connue parfaitement que de celui-là seul qui l'a créée et enrichie de tant de dons et de grâces ; c'est ce qui produit en elle des respects extraordinaires pour sa personne sacrée, et pour tout ce qui regarde son service, un désir pressant de lui plaire, une confiance amoureuse en sa miséricorde et bonté, un zèle très ardent qu'elle soit connue, honorée, invoquée et aimée, et elle n'oublie rien, et fait tout pour procurer par tous les moyens possibles l'établissement de sa dévotion en toutes sortes de lieux et de personnes.

 

Or, la dévotion de l'esclavage consiste non-seulement en une volonté prompte et affectionnée à servir la Mère de Dieu, mais elle engage absolument à son service, elle ne lui rend pas quelques honneurs en de certains temps, mais elle l'honore en tous temps, non-seulement par quelques actions, mais par toutes ses actions, dont elle lui cède le droit ; en sorte que la personne, non-seulement est à la très sainte Vierge, mais elle y est autant qu'on le peut être, sans autres bornes ou limites que celles que prescrit le Dieu d'infinie majesté, qui est le seul saint en ses saints, le seul grand en toutes leurs grandeurs, le seul aimable en toutes les grâces qui les rendent dignes d'amour ; toutes les créatures, en sa divine présence, n'étant rien, et n'étant ce qu'elles sont qu'en lui seul ; et on ne les doit aimer et honorer que pour son seul amour et sa seule gloire.