DIEU SEUL

 

OU

 

LE SAINT ESCLAVAGE

DE L'ADMIRABLE MÈRE DE DIEU

 

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À LA VIERGE FIDÈLE

 

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Souveraine reine des anges et des hommes, abîmé dans mon néant, et me reconnaissant entièrement indigne de paraître en votre sainte présence, j'ose néanmoins, appuyé sur vos maternelles bontés, le sujet ordinaire de mes plus douces espérances, vous consacrer cet ouvrage qui ne respire que votre honneur et votre gloire, pour la seule gloire et le seul honneur de Dieu seul, qui est l'unique chose que je désire, et que je veux rechercher en toutes choses. L'oblation entière et irrévocable que je vous ai faite il y a longtemps de tout ce que je suis en l'être et en l'ordre de la nature, et de la grâce et de tout ce qui en dépend, de toutes les actions naturelles, indifférentes et bonnes que j'opérerai à jamais, m'ôte tout le pouvoir d'en user autrement. Ma vie, tant intérieure qu'extérieure, et généralement tout ce qui est mien, est plus à vous qu'à moi-même, et même, ô ma divine princesse ! n'ayant plus rien à moi, tout ce que j'ai vous appartient par mon état et condition de servitude, et je veux et désire de tout mon cœur aujourd'hui, dans un jour tout dédié en l'honneur du glorieux archange saint Michel et de tous les anges, en présence de tous ces esprits bienheureux que j'invoque avec les soumissions les plus respectueuses à mon secours, vous parlant avec l'un de vos plus véritables esclaves, et m'unissant à la sainteté de ses intentions, que vous ayez une puissance spéciale sur mon âme, sur mon état, sur ma vie, sur mes actions, comme sur des choses qui vous appartiennent tout de nouveau par un droit particulier, en vertu de l'élection que je renouvelle de dépendre entièrement de votre maternité et souveraineté, m'abandonnant à tous vos vouloirs, me livrant à tous vos pouvoirs et à tous les effets de votre souveraineté.

 

Tout mon regret est de n'avoir qu'un cœur et une vie pour vous donner. Mais, s'il m'est permis de donner quelque liberté à mes désirs, je voudrais avoir autant de cœurs et de vies qu'il y a d'étoiles au ciel, de gouttes d'eau dans la mer, d'étincelles au feu, de brins d'herbes sur la terre, pour vous les donner, pour vous les consacrer dans l'ordre de votre Fils bien-aimé et pour sa pure gloire. Mais au moins, puisque cela n'est pas en mon pouvoir, je ferai tout et je n'oublierai rien en la vertu de Notre-Seigneur Jésus-Christ, votre Fils adorable, pour vous gagner des cœurs et vous acquérir des esclaves.

 

Aimable Vierge, il est vrai que mon cœur se sent plus pressé que jamais de vous aimer, et, si je l'ose dire, il me semble qu'il vous aime, et il me paraît qu'il voudrait disputer avec tous les cœurs de votre amour. Mais, hélas ! que peut faire un misérable et chétif cœur comme il est ? Il appelle donc à son secours tous les neuf chœurs des anges, tous les cœurs des saints, et veut vous aimer par tous leurs amours ; et, comme tout cela ne le contente pas, il veut vous aimer par le divin cœur de Jésus. Je conjure ce cœur très aimable d'anéantir, par sa puissance et miséricorde, tout ce qui est contraire dans tous les cœurs à l'établissement de son règne, toutes les oppositions que les hommes y forment, tous les obstacles qu'ils y apportent, toute la force et les ruses des démons qui le combattent, pour y établir l'empire de son amour, afin que les hommes étant parfäitement assujettis à ses lois, vivant dans un état de servitude perpétuelle, ils soient, ô glorieuse Vierge, ses véritables esclaves et les vôtres.

 

Bénissez donc, ô Mère de bonté, cet ouvrage qui tend uniquement à cette fin, qui n'a point d'autre but que de vous donner des esclaves en l'honneur de l'état et forme de serviteur que le Verbe éternel a prise, s'anéantissant dans vos pures entrailles, et se rendant votre sujet. Bénissez-le de vos plus amoureuses bénédictions, afin qu'il serve efficacement à votre gloire. Mais que tous les esprits du ciel et de la terre vous bénissent, vous louent, vous aiment, vous remercient pour toutes vos grandes et innombrables miséricordes sur ma très chétive âme, pour les soins charitables qu'il vous a plu de prendre par l'excès d'une bonté incroyable de tout ce qui me regarde, par la très douce, très miséricordieuse et continuelle protection que vous m'avez donnée durant tout le cours de ma vie.

 

Votre très aimable cœur, ciel de gloire et de triomphe, image très accomplie du divin cœur de Jésus, trésor presque immense de toutes sortes de biens, m'a toujours été une source inépuisable de faveurs et de bénédictions. Ce cœur tout d'amour m'a toujours servi d'un doux asile dans toutes mes misères, dans tous les périls où j'ai été, dans tous les dangers où je me suis trouvé. Votre précieux cœur, ô Mère de la belle dilection, a été la douceur de ma vie, ma joie et ma consolation.

 

Votre saint nom, comme la tour de David d'où pendent mille boucliers et toute l'armure des plus forts, m'a servi de forteresse contre tous mes ennemis, et de lieu de retraite assurée pour y vivre dans une profonde paix parmi la guerre des hommes et des démons ; et de quelque côté que je me tourne, en quelque manière que je me regarde, je ne vois rien de bon en moi, je ne remarque aucune grâce qui ne vienne de vos libérales mains. Je vous ai, ma divine princesse, autant d'obligations que j'ai vécu de moments, il n'y a pas un seul instant de ma vie qui ne soit marqué de vos faveurs. En quelque lieu que j'aille, vos miséricordes me suivent, elles me préviennent, elles m'accompagnent ; et en quelque état que je puisse être, quelque chose qui m'arrive, vous me faites ressentir les aimables secours de votre puissante protection. Ah ! que ma langue s'attache plutôt au palais de ma bouche, que de cesser jamais de publier partout les infinies et incroyables obligations que j'ai à vos amoureuses bontés. Que je m'oublie plutôt de ma droite, que d'en perdre le souvenir. Tant que j'aurai une langue, je dirai partout que vous êtes la Vierge fidèle, et je voudrais que tous les membres de mon corps fussent changés en autant de bouches et de langues pour le dire plus à mon aise. Ah ! Que vive l'aimable ciel, qui me donnera lieu de le dire sans distraction, durant toute la bienheureuse éternité, à jamais, à jamais.