À SAINT JEAN L'ÉVANGÉLISTE

ET AUX BIENHEUREUSES MARIES

SUR LE CALVAIRE

 

 

Saintes personnes du Calvaire, plus heureuses mille fois dans l'abjection de ce lieu, que si le Tout-Puissant vous avait donné place sur les trônes les plus augustes de la terre ; après m'être abîmé aux pieds de notre commune souveraine, la digne dame de ce mont d’amour et de croix, je me viens prosterner aux vôtres, pour vous présenter cet ouvrage qui ne respire que l'intérêt de Dieu seul dans les saintes voies de ses souffrances.

 

Aimable favori de Jésus et de Marie, après notre incomparable mère, ce petit livre vous appartient par mille titres d'obligations inconcevables que j'ai à vos amoureuses bontés ; mais il est encore à vous comme au grand disciple de la croix aussi bien que de l'amour ; puisque notre divin Roi vous a fait le très grand honneur, (ô séraphins, soyez-en étonnés) de vous faire boire au calice que son Père éternel lui avait donné, et qu'il vous a fait un homme de douleur à son imitation. Aussi a-t-il voulu que vous fussiez le fidèle témoin de la consommation de ses douleurs sur la croix, et que dans cet état crucifiant tous les Chrétiens fussent élevés en votre aimable personne à la qualité glorieuse d'enfants de sa divine mère, qui nous a engendrés à Dieu au milieu d'une mer immense de peines qui pénétraient de toutes parts son cœur virginal au pied de la croix. Hélas ! Je ne m'étonne pas si, après cela, vous parliez si volontiers des souffrances, comme vous le fîtes bien paraître à sainte Élisabeth de Hongrie, à laquelle vous faisant voir sensiblement, comme à celle que le ciel avait mise par privilège sous votre particulière conduite, pour toute faveur vous lui fîtes la promesse que les croix ne lui manqueraient point.

 

Heureuse amante du Fils de Dieu, glorieuse sainte Madeleine, je viens ensuite vous offrir ce petit écrit, comme à celle qui a gardé une fidélité inviolable à la croix de notre bon Maître. Beaucoup d'eaux de toutes sortes de peines et contradictions n'ont pu éteindre les ardeurs de votre précieux cœur tout brûlant d'amour pour l'adorable Crucifié, dont il a été tant aimé, et d'une manière capable de ravir les plus sublimes intelligences des cieux, ces esprits du plus pur amour. Ces vues demandent avec justice, que les cœurs des fidèles vous aiment. Grande sainte, le mien veut s'acquitter de l'amour qu'il vous doit, au moins, selon son petit pouvoir : agréez charitablement ce petit témoignage qu'il vous en donne.

 

Bienheureuses Maries Jacobé et Salomé, je vous offre encore cet ouvrage de la croix avec les soumissions respectueuses et toutes les affections de mon âme. Bien des raisons m'y obligent, mais spécialement la dévotion très ancienne et immémoriale du diocèse d'Évreux pour vos saintes personnes, qui célèbre votre fête dans son étendue le 23 octobre, en fait une solennité de première classe en son église cathédrale, avec des honneurs qui ne sont pas communs, y ayant de plus dans cette église une chapelle particulière consacrée à votre gloire, où les peuples vont faire leurs dévotions et rendre leurs adorations à la très-adorable Trinité, qui vous a élevées, par sa grande bonté et miséricorde, à toute la gloire que vous possédez avec des privilèges si extraordinaires. De plus, plusieurs belles églises dédiées à Dieu sous l'invocation de votre saint nom, dans l'étendue de mon archidiaconé, me sont encore des motifs bien pressants de vous rendre quelques témoignages de mes respects. Mais l'alliance que le ciel vous a donnée avec Marie, mère de Jésus, et par conséquent avec Jésus fils de Marie, et surtout l'amour constant et fidèle que vous avez fait paraître pour ce Dieu-Homme crucifié, sont encore à mon égard des raisons qui m'engagent indispensablement à donner des marques de la haute estime que j'ai conçue de votre éminente sainteté, et des désirs ardents que je ressens qu'elle soit plus connue et plus aimée. Ah ! Que ne suis-je dans le pouvoir de faire connaître partout vos admirables excellences ! Que ne suis-je dans le pouvoir de les faire aimer à tant de peuples qui les connaissent si peu, et qui en sont si peu touchés ! Oui, ô grandes saintes, si je le pouvais, votre dévotion serait non-seulement la dévotion du diocèse d'Évreux, mais de tous les diocèses. Ô mon Seigneur et mon Dieu, augmentez-la de plus en plus dans les lieux où elle est établie, et donnez-la à ceux qui ne l'ont pas. Rendez-moi digne, selon la multitude de vos grandes miséricordes, de contribuer en quelque chose en votre vertu dans le diocèse d'Évreux, et spécialement dans l'étendue de l'archidiaconé que je tiens, et ne tiens purement que par une faveur extraordinaire de votre sainte mère, entre les mains de laquelle je l'ai mis, et mets encore entièrement aujourd'hui sous la protection du glorieux saint Taurin, premier apôtre et patron du diocèse d'Évreux (et j'écris ceci par une spéciale providence, le onzième d'août, jour de la fête de ce saint évêque), pour en disposer sans réserve selon votre bon plaisir.

 

Ô fidèle amant, ô fidèles amantes du Calvaire, recevez donc ce petit témoignage de mon amour et de mes respects, et obtenez-moi la bénédiction de l'adorable Jésus crucifié, et de sa virginale Mère, et à ceux qui liront ces petits traités pour l'honneur et la gloire de la croix de notre Sauveur, qui vit et règne avec le Père et le Saint-Esprit, dans les siècles des siècles.