THEOLOGIE DES ROSE-CROIX



Nous sommes heureux de donner à nos amis la primeur d'un fragment de l'ouvrage de Sédir Histoire et Doctrines des Rose Croix qui paraîtra cette année aux éditions A.-L. Legrand, à Bihorel (S.-I.)

Si l'on interroge la commune doctrine d'Hénoch et de Moïse, ces deux hommes mystérieux dont le genre de mort indique l'initiation, on verra que la théologie primitive, antédiluvienne puis-je dire, de l'institut rosicrucien se réduit aux données suivantes, en admettant toutefois que je n'aie pas commis d'erreurs dans la lecture de ces textes vénérables.

Et, tout d'abord, il existe un seul vrai Dieu dont tous les autres ne sont que les lieutenants. Ce Dieu un Se manifeste à l'homme par le fait seul de la réciprocité de leurs existences à l'un et à l'autre. Et l'homme qui Le cherche à travers les innombrables formes de l'existence universelle, Le découvre en s'apercevant que ces formes ne sont que les signes relatifs de Ses perfections absolues.

Ainsi le Maître du monde apparaissait aux patriarches préhistoriques, tout d'abord comme la Réalité absolue, puis comme la Vie universelle, enfin comme l'ensemble les rapports incessants qui unissent toutes les étincelles de cette Réalité avec toutes les formes de cette Vie. C'est ce que le christianisme nommera, dans l'année platonique suivante: le Père, le Fils et le Saint Esprit, se déployant selon l'harmonie dans le Royaume des Cieux

Ces trois pôles de la divinité s'expriment dans l'enceinte de l'Absolu, si je puis employer cette formule; et cette expression, ce sont les anges, lesquels deviennent, en passant dans l'enceinte du Relatif, des démons, des hommes, ou des dieux, par une dépolarisation de leur volonté.

Le dénombrement, ou plutôt la classification de ces anges diffère suivant l'aspect sous lequel on les envisage; car leur nombre demeure constant puisque le point de vue d'où on les observe est fixe. Ceux là seuls qui ont parcouru l'univers tout entier et qui ont reçu des propres mains du Verbe éternel le baptême de l'Esprit peuvent changer sans fin leurs postes d'observation. Le Rose-Croix, quoique infiniment plus élevé que la masse des amateurs d'ésotérismes, est encore assez éloigné de cette liberté totale.

Quoi qu'il en soit, on peut étudier les agents constitutifs de l'univers sous l'aspect de leur essence, de leur forme et de leur mouvement. On les groupera, dès lors, sous l'une ou l'autre des nomenclatures que fournissent en abondance les monuments hiéroglyphiques de l'antiquité. En tous cas, ces agents ou principes cosmogoniques se réfèrent toujours dans leur état le plus simple:

aux trois éléments de l'essence divine,
aux douze éléments limitatifs de l'univers,
aux sept éléments d'évolution agissant au sein de la masse de l'oeuf cosmique.

Ces vingt deux Elohims, pour leur rendre le nom que Moïse leur donna, sont vingt deux extériorisations de la puissance divine; ce sont des êtres intelligents, puissants et libres. Tant qu'ils demeurent dans leur pureté primitive, rien ne trouble l'harmonie du plan un; c'est en se combinant, par des actes volontaires, qu'ils commencent le travail de la création, travail tout de même voulu par Dieu, puisqu'on ne peut l'accomplir que par la vie dont Il est la source première. Analogiquement, les formes matérielles de la création future complète seront aussi les signes le la puissance divine.

Ce sont ces Elohims qui, en se groupant dans la sphère de l'Absolu, forment telles fonctions divines, comme le Père, le Verbe, l'Esprit, la Vierge Sagesse, la Cité céleste, les Vieillards, les Livres, etc., etc. Ils représentent tout l'infini du possible pré-créaturel. Dans la création actuelle l'homme en connaît un certain nombre; dans une création antérieure, ou dans une future, il se pourrait que Dieu Se révèle autrement que par la Trinité, ou que tout autre forme essentielle du monde, qui nous apparaît nécessaire, soit tout à fait différente.

Le Père est la base indispensable le tout; Il est au centre, ou plutôt à l'origine de tout être, caché sous un mystère inviolable; Il crée tout, Il qualifie tout, Il modifie tout. Il mobilise tout; Il est le foyer de tous les pôles, le mètre de toutes les quantités, l'origine de tous les mouvements, le schéma de tous les organismes.

L'Esprit est partout; Il constitue la substance même et l'atmosphère du Royaume de Dieu; Il établit toutes les relations entre les habitants de ce Royaume, sans jamais revêtir de forme; Il spécifie, dans l'Absolu, les volontés du Père; Il est le grand organisateur et le grand semeur des étincelles de la Lumière divine; Il unit le Père au Fils et le Fils au Père; Il supplée mêmes pour ainsi dire, le Verbe dans l'oeuvre de la création; Il l'accommode, l'adapte, le rend assimilable aux êtres surnaturels et aux naturels; Il localise et Il universalise; Il limite enfin la portion du Néant sur laquelle l'Exister va se produire.

Le Fils ou Verbe, l'aspect de Dieu le plus proche de nous, et le moins incompréhensible, est unique dans son essence: la Vie absolue, l'Etre. Lorsqu'Il reste indépendant de toute substance, Il est immuable; lorsqu'Il se décide Il revêt des formes, les mouvements et des temps. C'est alors que l'âme de l'homme peut, non pas Le comprendre, mais Le sentir. Il est l'action du Père, et tous les êtres tiennent de Lui la faculté d'agir; dans cet état, Il revêt une triple forme, ce qui fait que les hommes L'adorent sous des noms différents, soit qu'Il Se manifeste dans la pureté où Il sort du sein du Père, soit qu'Il Se cache sous les dissonances du concert universel, dans le monde du binaire, soit qu'Il S'efforce de reprendre les volontés irrégulières des êtres pour les ramener à l'unité primitive. Chacune de ces trois formes se déploie selon un mode qui lui est propre, mais dont l'examen nous entraînerait à tracer toute une ontologie. Enfin, ce Verbe et Ses sous multiples se modifient, de quatre façons, dans leur activité soit qu'ils se présentent simplement au milieu qu' ils se proposent d'évertuer, soit qu'ils s'entourent d'abord pour cela de leurs auxiliaires subordonnés, soit qu'ils se revêtent de la substance des créatures sur lesquelles ils veulent agir pour se mettre tout à fait à leur portée, soit enfin qu'ils s'incarnent dans l'esprit même d'une ou plusieurs de ces dernières afin de leur porter un secours plus efficace. Ces verbes, le central et ses innombrables sous-multiples, agissent toujours, dans un lieu donné, au centre de ce lieu, dans l'endroit qui offre l'image temporelle de la perpétuellement active Éternité; ils sont toujours au présent: c'est leurs rayons émanés qui subissent l'action du Temps. Enfin, ils achèvent de s'individualiser, toujours afin d'être mieux utilisés par les créatures individualistes, en se spécialisant selon les modes intellectuels propres à chaque classe de ces dernières.

Ainsi l'univers est le signe de Dieu; l'agglomération du chaos reçoit la lumière vitalisante du Verbe; toutes les molécules substantielles s'animent dès lors; elles prennent contact, se mêlent, se séparent, se groupent, luttent, se transforment et s'harmonisent peu à peu, selon que l'Esprit les pénètre et les attire vers le centre éternel qui leur a donné naissance.

Les nomenclatures des sous multiples du Verbe sont assez nombreuses pour que le chercheur puisse facilement en recueillir dans les diverses traditions et les rectifier sur les modèles indiqués par les Rose-Croix de 1614; la Bible et ce livre caché dans le tombeau le Rosenkreutz: le Tarot.