QUI EST JÉSUS 

 

   Le Verbe est la vie, l'intelligence, la conscience, la règle, le principe, le régent et le but de tous les êtres.  Si nous avions le regard clair, nous verrions que tout cela, c'est la Lumière des lumières.  Jésus n'est rien autre que l'incarnation de l'amour de Dieu; en Le suivant, on ne peut donc qu'aller au Père.  Et ceux-là qui Le méconnaissent ou Le nient, vont tout de même irrésistiblement vers Lui.   

   Le Dieu-Homme, le Christ-Jésus sait tout.  C'est le seul être qui se connaisse Lui-même totalement, ou alors, Il ne serait pas le Fils de Dieu.  Il peut donc seul dire d'où Il vient et où Il va.  Il sait ce que c'est qu'un jugement; c'est pour cela qu'Il ne juge pas.  Nous, nous ne savons pas ce que c'est qu'un jugement; aussi, cinquante fois par jour, jugeons-nous les choses et les êtres.  Jésus possède une science si profonde qu'elle est immédiate, et une puissance si parfaite qu'elle est immobile; Sa seule présence énonce et à la fois exécute le jugement.   

   Cette unité qui éclate.  irrésistible, en Lui, s'étend sur tous ceux qui L'acceptent.  Là où est un enfant de Dieu, là est Dieu : là où est un ami du Fils, là est le Fils et, par suite, le Père; identité sur-essentielle, inintelligible harmonie, union béatifique.  

   Ainsi, le monde est double.  Une armée s'essaie vers le haut et vers le centre, vers l'un; une autre, vers le bas, vers la circonférence, vers le multiple.  Et personne ne peut se tenir entre elles; Il faut marcher avec la première ou avec la seconde.  Il y a des déserteurs temporaires de l'un à l'autre drapeau; mais l'éducation ne peut se faire que selon les capacités; il y faut du temps.  Quand l'intelligence est petite, c'est par le coeur qu'arrive la Lumière.  Quand le coeur est perverti, c'est en affinant l'intellect qu'on nous fait avancer.  Voilà pourquoi l'Esprit n'est descendu ici-bas qu'à la suite du Christ, qui fut Son précurseur.  A mesure que Jésus S'éloigne de Son Père, l'Esprit S'étend de l'un à l'autre, comme le plus secret, le plus subtil et le plus fidèle des messagers; et, selon Sa nature, Il Se propage avec une irrésistible et victorieuse fécondité, partout où un de Ses souffles s'est fait sentir.   

   Jésus n'est donc jamais seul, même lorsqu'Il descend au fond des enfers; l'atmosphère du Ciel L'environne avec Ses habitants.  Les hommes non plus ne sont seuls nulle part; toujours les génies qui les ont fait naître se tiennent avec eux; mais c'est eux-mêmes qui les ont évoqués par leurs existences antérieures.  Aussi la régénération est-elle un travail immense qui s'effectue progressivement par la connaissance intellectuelle, animique et sensible de la vérité; et c'est la Vérité qui, à la fin, d'un seul geste, rend l'homme libre en lui donnant une seconde fois la vie.   

   En effet, la vérité est une substance vive.  Intellectuellement, elle consiste dans la vue des choses telles qu'elles sont, en dehors de l'équation personnelle et de la réfraction du milieu.  Le chercheur doit donc travailler sur lui-même et sur ce milieu.  Sur lui-même, par l'équilibre, l'harmonie, la pureté; sur le milieu, en lui infusant par ses actes sa propre sérénité.  Toute notion aboutit à une action; la notion du vrai nous servira donc à bien agir, à nous épargner les recommencements et, à la limite, elle nous libérera de la chaîne de causes à effets, c'est-à dire du monde.   

   Mystiquement, la vérité est une personne; et l'Évangile n'est que le résumé des moyens propres à nous unir à elle,  

   La raison ne comprend rien à tout ceci, non seulement la raison des philosophes, mais encore celle des ésotéristes.  Jésus explique cependant avec assez de clarté combien l'homme s'enchaîne au dieu qu'il sert et en devient peu à peu un insolvable débiteur.  Si un dieu plus riche paie notre créancier, nous ne gagnons rien à ce changement : pour nous libérer, il faudrait que celui qui paie puisse ne jamais nous rien réclamer.  Mais aucune créature n'est capable de cela; seul, l'être placé en dehors des relations naturelles pourrait le faire, parce qu'il est seul à l'abri du changement et du besoin.  Et un tel être, c'est Dieu, ou l'enfant direct de Dieu.   

   Ainsi le matériel et l'immatériel fonctionnent sur des lignes parallèles.   

   Nos esprits ont des parents : nos volontés aussi, et nos corps.  Comme il y a une complexion physiologique, fonction de l'atavisme, notre tempérament et notre caractère sont fonction de nos géniteurs invisibles.

 A la limite, c'est-à-dire au centre de notre personne, nous n'avons que deux pères : Dieu ou le diable.  Nous les exprimons, en les extériorisant ensuite d'une façon inévitable, par nos pensées, nos sentiments et nos actes.   

   Le diable est le cancer de la création, le grand obstacle le grand ennemi.
La première chose dont il soit l'adversaire, c'est la vie; c'est pour cela que le Christ l'appelle « meur- trier dès le commencement ».  Il s'oppose ensuite à l'image de la vie, à la vérité; c'est pourquoi il est « le père du mensonge ».  Et il en fut ainsi dès les premières et fraîches aurores du monde innocent et ignorant.   

   L'homme, au contraire, prérogative terrible, a la vérité en lui; il ne peut donc pas créer le mensonge; il n'en est que plus coupable lorsqu'il s'y efforce.  Son châtiment alors est de ne plus sentir la vérité.   

   C'est pourquoi celui-là seul peut la dire qui n'a jamais menti à ses frères, ni à lui-même, ni aux faits extérieurs, ni à ses convictions internes.  Or, si le Christ a subi toutes les tentations imaginables, jamais Il n'a succombé; il est facile de conclure que Lui seul est totalement véridique.   

   Après S'être établi comme envoyé du Père, Jésus montre aux Juifs que Sa parole est la vérité, puisque celui qui la garde surmonte la mort et arrive à la vie éternelle.  Faisant un pas de plus, Il affirme connaître Celui dont Il tient Sa science et Sa force; Il affirme encore avoir vu Abraham, et termine par ces mots explicites : « Avant qu'Abraham fût, je suis ».  Les auditeurs ont été ainsi amenés de la notion d'un prophète à celle de prophète sur-éminent, puis à celle d'une entité aussi ancienne que le monde.  En effet, le Verbe Jésus est le premier-né de toutes les créatures et la fleur suprême de leur effort universel.