PRÉCAUTIONS NÉCESSAIRES


Les textes canoniques, les textes apocryphes, les paroles attribuées à notre Maître, éparses dans les oeuvres religieuses des premiers siècles (Agrapha), ne relatent qu'un petit nombre entre les guérisons qu'Il opéra; ces écrits ne mentionnent même pas toutes celles qui furent connues des contemporains, et ils restent muets sur les procédés spéciaux dont Jésus Se servit parfois.

Croire qu'Il n'employa jamais que la prière, ce serait se former de Sa puissance une image trop réduite. Nous autres misérables, oui, nous ne devons, nous ne pouvons que prier, toute mainmise sur une force immatérielle constitue de notre part une violence usurpatrice. Si nous étions de vrais chrétiens; nous ne cueillerions pas un fruit, nous ne prendrions pas un aliment, nous ne commencerions aucun travail sans demander d'abord la permission du Père et Sa protection, car toutes choses appartiennent à Lui seul, et de Lui seul nous tenons tout. Omettre ce soin rend toutes nos oeuvres légitimes.

Mais Jésus, un avec le Père, forme réelle du Père dans ce monde de relativités, maître et seigneur des créatures, leur commande légitimement; Il en a le droit; Il n'a aucun compte à leur rendre de ce qu'Il exige d'elles, puisque c'est de Lui qu'elles tiennent l'être et la vie; et, quel que soit Son ordre, elles ont toujours tort si elles ne Lui obéissent pas. Cependant, semblable au fils respectueux qui, bien qu'assez habile pour cultiver seul le jardin familial, ne fait rien sans demander d'abord l'autorisation de son père, Jésus, quoique pouvant Se faire obéir de la mer et de la montagne, du démon et de la maladie, des anges et des hommes, ne réalise jamais aucun miracle, ne rend aucune initiative sans obtenir au préalable l'agrément de Son Père céleste; ensuite, Il exécute l'oeuvre par les moyens qu'Il juge convenables.

Nous autres, infimes, ne devons-nous pas imiter cette déférence jusque dans les choses les plus communes ? Et même une tasse de tisane offerte à un malade, nous devrions prier le Père qu'Il veuille bien la bénir, puisque nous ignorons tout de la vertu spéciale de ce remède, nous ignorons quelle plante en a fourni la matière, quels agents ont pu modifier ses propriétés d'espèce, où elle a fleuri, quelles mains l'ont touchée. La chimie botanique ne nous apprend-elle pas que les sucs végétaux se modifient d'après le sol, la saison, les heures même ? La chimie biologique ne nous apprend-elle pas que notre organisme produit des réactions différentes suivant les passions qui nous agitent ? En face d'un malade, l'impatience agira physiquement d'une autre façon que la pitié, l'humilité autrement que la suffisance; combien plus l'appel à Dieu ne doit-il pas rendre nos soins plus efficaces ?

Cette règle s'applique avec plus de rigueur encore aux thérapeutiques non matérielles, dont l'emploi exige la plus grande prudence. Voici pourquoi : Le fait que nous percevons le plus clairement et le plus complètement celles des formes de la vie universelle qui tombent sous nos sens et dont la physique, la chimie, l'histoire naturelle s'efforcent de découvrir les secrets, ce fait indique que le monde des corps constitue notre domaine actuel, que nous pouvons nous servir de ses productions, que nous devons l'améliorer par notre industrie, et l'emmener à notre suite vers le monde de l'Esprit par notre effort vers la sainteté. Nous avons le droit de rechercher dans les trois règnes tous les médicaments possibles; nous avons le devoir de faire connaître nos découvertes sans avarice et de rendre à Dieu l'hommage de reconnaissance qui Lui en revient. Mais nous sommes insatiables. Non contents d'exploiter les ressources infinies de la Nature physique, avant même de les avoir épuisées - car chacun de ses trois règnes, le minéral, le végétal et l'animal, contient à lui seul des remèdes à toutes les maladies - , nous nous aventurons en téméraires dans des domaines inconnus. Voici le magnétisme, merveilleux auxiliaire
certes, mais qu'il faudrait des mains pures pour admi-nistrer sans péril; voici le spiritisme qui trouble nos morts et déséquilibre les médiums; voici les arts magiques qui violen-tent les invisibles, les emprisonnent, les déportent ou les tuent; voici l'hypnotisme brutal; voici la suggestion qui enchaîne au lieu de libérer, qui provoque la révolte au lieu de guérir.

Or les plus puissants magnétiseurs ne connaissent pas plus le magnétisme que les plus forts athlètes ne connaissent les lois neuromusculaires. Or il y a des maladies qui résistent aux plus savants médecins. Or personne ne peut dire avec certitude ce que sont les esprits, les génies, les dieux, ni en quoi une suggestion diffère d'un ordre hypnotique, ou d'une concentration mentale, ou d'une émission de volonté. Sans doute, des centaines de livres parlent de tout cela, mais ils ne peuvent pas vous enseigner la vérité, parce que leurs auteurs ne sont pas dans la Vérité qui est le Verbe. Moi non plus, je sais bien que je ne possède pas cette connaissance parfaite; mais j'ai l'avantage, avec vous, de savoir que je ne sais rien. Parce que nous apercevons notre ignorance, nous nous en tenons au seul Christ et, de temps à autre, selon les besoins de l'heure, selon notre faiblesse, ce Christ nous montre la Vérité sur tel ou tel point.

Je ne vous dis là que des choses générales, parce que, si prudent que l'on soit devenu, si bas que l'homme puisse descendre dans la conscience de son néant, la tentation du Savoir reste toujours possible; une chute est toujours possible, et la possession d'un secret entraîne toujours une responsabilité. Tant que nous n'accomplirons pas complètement tous les devoirs, devoirs familiaux, sociaux, professionnels qu'engendre notre petite science du monde physique, Dieu ne nous dévoilera aucun des mystères invisibles, parce que nous ne saurions pas nous en servir sans dommage pour les autres ou pour nous-mêmes. Les disciples à qui le Verbe révèle quelque secret ne s'en servent que pour aider leurs frères, mais ne les communiquent pas, de peur que quelque imprudent ou quelque orgueilleux ne s'en empare.

On exhume aujourd'hui bien des doctrines qui prétendent conduire au maniement de ces forces inconnues; mais elles sont toutes dans l'erreur. Les énergies occultes qu'étudie l'ésotérisme ne sont que des fluides créés, c'est-à-dire soumis aux lois mécaniques de la relativité, dont l'action comporte des limites, et la mise en oeuvre des conditions précises. De même que toute la Nature, ils sont des reflets invertis d'autres forces, absolues, réelles, inconditionnées, qui appartiennent, celles-ci, au Royaume de Dieu, au monde de la Gloire dont Jésus est le chef; elles sont les agents de Ses miracles; leur action est insaisissable et parfaite; elles demeurent hors de l'atteinte de quiconque vit en dehors du Christ; et, d'ailleurs, parmi ceux qui travaillent sous la loi du Christ, très peu deviennent dignes d'en recevoir quelqu'une. La théologie les connaît sous les noms de grâces et de dons de l'Esprit Saint.

Notre terre ne porte jamais plus de trois serviteurs du Christ assez parfaits pour devenir les instruments de ces forces éternelles. Aucun d'eux cependant n'égale la perfection humaine de Jésus; et d'ailleurs la plus parfaite créature reste à jamais infiniment distante de la splendeur divine du Christ.

L'homme le plus sage ne fait rien d'autre que réciter une leçon recueillie par son être immortel; le thaumaturge le plus puissant, s'il est chrétien, ne manie qu'un feu prêté par le Ciel, ou, s'il n'est pas chrétien, qu'un feu dérobé par violence ou par ruse aux forges secrètes de la Nature. Seul, Jésus apparaît omnipotent et omniscient; seul, Il enseigne avec autorité; seul, Il commande de plein droit.

Ainsi l'humilité se trouve être la première condition nécessaire pour guérir au nom de Dieu; une humilité constante et plénière; une humilité qui contienne le pardon des offenses, leur oubli, et qui réduise l'amour-propre à une mesure tellement petite que les adversaires ne trouvent plus où la blesser; une humilité qui englobe toutes les obéissances et tous les renoncements, qui engendre la confiance, l'inaltérable joie, la douce paix, et qui répande alentour les suaves parfums des campagnes éternelles.

Nous ne savons pas jusqu'à quel point tout dépend du Père; les plus vénérés de Ses serviteurs, si étonnants que nous semblent leurs discours, n'ont pas vu jusqu'où s'étend, jusqu'où descend cette universelle dépendance. Le monde vit de Dieu; plus serrée encore que la trame indéchirable de l'infiniment petit, la trame de la Providence nous enveloppe et nous pénètre de toutes parts. Satan lui-même, tout gigantesque qu'il soit, ses formidables révoltes n'aboutissent qu'à élargir çà et là quelques mailles du vivant réseau de l'Amour. Quant aux révoltes des humains, elles seraient risibles si elles n'étaient pitoyables. Ce n'est pas le sentiment de notre faiblesse qui devrait nous rendre sages, mais bien plutôt celui de notre ingratitude; ce ne sont pas nos pauvres petits actes qui blessent le coeur paternel de Dieu, c'est leur principe de perversité.