LA CHARITE APPREND LA PRIERE



Il y a une préparation lointaine à la prière, qui est l'accomplissement de la Loi, les bonnes oeuvres, la résignation. S'il faut aimer pour prier, il faut d'abord être vertueux pour aimer. Il faut des fondations au temple, et des racines à l'arbre ; il faut donner de l'appétit à l'âme ; il faut, s'adressant à Dieu, employer le langage du Ciel, et on ne l'apprendra qu'en vivant de la vie du Ciel, de la vie de sacrifice. Il faut quitter le temporel pour partir vers l'éternel ; pour que le Père fasse notre volonté, il faut d'abord obéir à la Sienne. Le manque d'attention est un manque de ferveur. Etre attentif, c'est vouloir ; et impossible de vouloir sans aimer. En vérité, l'Amour est la clef de toutes les portes.

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Dans les purifications propres à faire exaucer nos prières il y a d'abord la charité ; l'acte de charité est le meilleur pour tout ; en outre, si l'on ne craint pas sa peine, qu'on s'abstienne de médire, non seulement d'une personne, mais même d'un animal, même d'un objet, même du temps... Un animal a de l'intelligence ; un objet, la pluie, tout cela, ce sont des êtres qui vivent. Le disciple du Christ se trouve en esprit dans la Maison du Christ où tout est vie, intelligence et amour. Nous sommes des serviteurs du Christ, du Verbe. Mais le vrai Verbe, c'est l'acte.

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Aimer la vie, c'est aider à ce qu'autour de soi tout vive mieux : c'est aussi bien replacer dans le champ une motte de terre lancée sur la route que mettre un tuteur à une branche froissée, secourir un animal malade, vêtir un pauvre, consoler un chagrin que répandre une découverte ou lancer une industrie qui donnera de l'aisance à quelque bourg famélique.

Or, demander de l'aide implique qu'on se fasse entendre du protecteur suprême duquel on espère tout ; il faut donc que notre esprit entre dans le Royaume de Dieu, c'est-à-dire que nous en observions la loi, et que notre coeur soit assez pur pour que ses supplications montent vers les cieux immatériels.

Ces deux choses : la prière et la charité vous semblent-elles trop simples et bonnes pour les enfants ? Essayez-les donc. Que diriez-vous de ce jeune homme qui, désirant renouveler les exploits des athlètes célèbres, se bornerait à lire des manuels de culture physique ? L'athlétisme moral exige aussi des entraînements effectifs. Et, si l'énergie avec une sensibilité riche et délicate sont les caractètes d'une personne morale puissante et noble, je ne connais pas d'école d'énergie supérieure à l'exercice de l'amour du prochain, je ne connais pas de culture de la sensibilité plus intense et plus fructueuse que la pratique attentive et quotidienne de la prière.

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Dans nos rapports avec les affligés nous ne devons, nous ne pouvons que prier. Si nous étions de vrais chrétiens, nous ne cueillerions pas un fruit, nous ne prendrions pas un aliment, nous ne commencerions aucun travail sans demander d'abord la permission du Père et Sa protection, car toutes choses appartiennent à Lui seul, et de Lui seul nous tenons tout. Omettre ce soin rend toutes nos oeuvres illégitimes.

Même une tasse de tisane offerte à un malade, nous devrions prier le Père qu'Il veuille bien la bénir, puisque nous ignorons tout de la vertu spéciale de ce remède, nous ignorons quelle plante en a fourni la matière, quels agents ont pu modifier ses propriétés d'espèce, où elle a fleuri, quelles mains l'ont touchée. La chimie botanique ne nous apprend-elle pas que les sucs végétaux se modifient d'après le sol, la saison, les heures même ? La chimie biologique ne nous apprendelle pas que notre organisme produit des réactions différentes suivant les passions qui nous agitent ? En face d'un malade, l'impatience agira physiquement d'une autre façon que la pitié, l'humilité autrement que la suffisance ; combien plus l'appel à Dieu ne doit-il pas rendre nos soins plus efficaces ?