La Naissance Intérieure du Verbe:





 La naissance du Verbe en nous n'est rien autre que la certitude du salut individuel, la béatitude éternelle réalisée sur terre, la liberté infinie reconquise, le triomphe de l'Amour et l'intronisation de la Paix.

 Il a été énormément écrit sur ce thème; mais, fidèle à notre habitude de contemplation directe, nous ne nous occuperons pas de ce que les précédents commentateurs ont dit avant nous, afin de laisser à l'intuition actuelle un champ tout à fait libre; si le temps nous en est accordé, ce sera seulement ensuite que nous conférerons notre étude avec les vieux textes pour la rectifier ou la compléter.

 Il faut d'abord définir la véritable nouvelle naissance; ensuite en rechercher les phénomènes préparatoires; décrire cette naissance autant que faire se peut; puis jeter un coup d'oeil sur la croissance du Verbe en nous; et enfin conclure par quelques indications pratiques.
 

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 Rappelons qu'en nous il y a l'âme éternelle, germe endormi de l'Absolu; et l'esprit immortel, dont les travaux réactionnent l'âme, la réveillent et fournissent les aliments nécessaires pour grandir et entretenir son feu.  C'est un des aspects de l'incendie qu'il tardait tant au Christ de voir s'allumer.  Et cette combustion produit la croissance mystique de Dieu en nous.

 Le côté par où l'âme se tient attachée au Père est ce même Christ qui, vivant dans l'Absolu, vit simultanément dans le relatif, et d'abord en nous.  Le côté par ou l'âme se répand sur les organismes invisibles ou visibles de l'individu, c'est la Vierge intérieure; mais ici, comme partout, les deux sont un, le Fils donnant l'être à Sa Mère; la Mère offrant au Fils son existence.

 On a adapté le fait historique de la naissance de Jésus à l'astronomie (saint Grégoire de Nysse, saint Augustin, Volney, Dupuis ), à l'astrologie (F.  Delaulnaye ), à l'alchimie (Madathanus, Pernéty), à la cosmologie (les Védas, les poètes grecs, Prudence), à la psychologie (saint Léon; 6e Sermon sur Noël, Bède le Vénérable, le P.  Gratry).  Les mystiques chrétiens, même des protestants comme Jacob Boehme, enseignent que, lorsque le Christ est né en nous, l'âme doit passer par des situations et des douleurs analogues à celles qu'Il a subies.

 Mais il faut noter que la vraie naissance mystique est un miracle très rare.  Le simple baptême ne la procure pas; les salutistes et les protestants qui se croient régénérés par le simple repentir sont également dans l'erreur.  Il est impossible que la Lumière croisse en nous si les Ténèbres y règnent.  Car beaucoup d'êtres invisibles, et même visibles, ne pourraient respirer sans mourir l'atmosphère trop vive du Ciel; et les charges que comporte cette illumination seraient écrasantes pour des épaules ordinaires.

 Les initiations de l'ancienne Sagesse, encore existantes de nos jours, parlent bien d'une nouvelle naissance; et elles procurent, en effet, à leurs néophytes le privilège de percevoir un monde invisible.  Mais c'est un monde parmi les milliers de mondes; tandis que la régénération christique nous donne l'entrée à l'unique Royaume éternel et surnaturel de Dieu.  Veuillez noter cette différence essentielle.

 Regardons le catholicisme.  Il y a deux catholicismes : celui de la foule et celui des contemplatifs.  Ces derniers seuls se préoccupent de la renaissance mystique.  Permettez-moi de vous parler un peu de notre religion.

 En théologie, la mystique s'occupe uniquement des états de conscience extraordinaires, à l'acquisition desquels la volonté ne peut rien, donnés par Dieu de pur don.  L'ascétisme est la méthode par laquelle le dévot se rend capable de recevoir ces grâces et de les supporter.
 Dans la voie ordinaire on progresse surtout par l'action, bien que ce soit la grâce qui nous donne la force d'agir; dans la voie mystique, c'est par la contemplation.

 Je dois ajouter, pour être impartial, que, malgré l'idée d'excellence que les théologiens attachent à la vie contemplative, quelques docteurs enseignent que l'union divine parfaite n'est pas inconciliable avec une existence très laïque.

 Il y a trois grandes écoles d'ascétisme catholique.  Celle des Dominicains, surtout intellectuelle et philosophique; celle des Franciscains, émotive et animique; celle des Jésuites, volitive; néanmoins, toutes trois présentent intégralement les mêmes grands principes.

 Mais, quelque répugnance que j'éprouve à faire des restrictions aux enseignements de L'Église, je dois dire que la régénération qu'elle nous offre n'est encore que partielle, puisqu'elle ne s'adresse qu'à la portion de l'être humain incarnée sur la terre.  Tandis que la régénération réelle s'étend sur l'être tout entier.

 C'est là une théorie aventureuse.  Oui, pour le moment; mais dans l'avenir peut-être deviendra-t-elle un dogme.  Souvenons-nous que saint Bernard proclamait déjà l'Immaculée Conception, et qu'il a fallu par conséquent sept siècles pour que l'intuition de ce contemplatif devienne un article de foi.

 Il est bon de dire aussi que la régénération constitue un travail fort dangereux si on le fait subir à un esprit non préparé.  Elle demande, en effet, la pureté de l'être complet; il faut que toutes nos cellules physiques, que tous les atomes de tous nos corps invisibles aient subi les épreuves et accompli leur tâche.  Cela représente un grand nombre de maladies physiques, de douleurs morales, d'angoisses intellectuelles; cela demande des existences multiples.

 Car cette régénération n'est pas une culture, un affinement, une sublimation de nos facultés.  C'est une greffe, une transplantation, une transmutation.  Il faut que tout meure en nous, pour que tout renaisse.  Il faut que la racine même de notre volonté, de notre individualisme soit transformée.

 La sagesse ancienne, on devait la conquérir dans des combats désespérés contre tel gardien formidable et sournois; souvenez-vous des cryptes thébaïques, des souterrains brahmaniques, du puits du Raguel.

 La connaissance vivante, nous l'obtenons aujourd'hui lorsque, sur la poitrine de l'Ami, derrière le rempart de Ses bras miséricordieux, nous regardons défiler les mondes, de l'infiniment grand jusqu'à l'infiniment petit.

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 Nous avons entr'aperçu le processus préparatoire de la régénération quand nous avons étudié le Précurseur.  Les personnages de l'Évangile, comme les lieux, existent aussi en nous, non pas comme des symboles, mais comme des organes psychiques mus par des facultés spirituelles.

 Ainsi au ternaire ascendant de Zacharie, d'Elisabeth et de Jean-Baptiste s'apparie le ternaire descendant de Joseph, de Marie et de Jésus.  Les trois premiers personnages sont la pénitence, l'action et le repentir; les trois autres sont le portement de la croix, la renonciation, et l'imitation du Christ.  Le premier ternaire, c'est notre esprit montant vers l'âme; le second, c'est l'âme descendant vers l'esprit.

 Contentons-nous de ces exemples sommaires.
 Tout homme porte en soi la Lumière; mais il faut la nourrir pour qu'elle transmue les organismes qui l'entourent.  Or, on l'étouffe presque toujours au lieu de l'alimenter; elle nous demeure pendant de trop nombreuses existences étrangère et inconnue.  On entretient cette vie qui est en nous avec les substances corrompues de l'égoïsme cupide, avec les odeurs vénéneuses de la matière, au lieu de les soumettre, par la pratique des vertus, à l'action purificatrice de la Lumière.

 L'évangéliste dit donc justement que les ténèbres ne veulent point de cette Lumière cachée dans leur sein, et que le monde ne la comprend pas, bien que ce soit Elle qui l'ait construit.  La maison ne connaît pas son architecte.

 Elle est ce Verbe, cette Parole du Père, vivifiant tout, donnant même aux mauvais la force qu'ils retournent contre Elle.  Elle parle surtout par la voix de la Conscience, bien que nous nous rendions sourds obstinément.  Elle nourrit l'âme.  Car si, chaque fois que nous satisfaisons nos désirs égoïstes, nous lésons une autre créature et déterminons dans le futur un trouble, une vengeance, une douleur; par contre, si, écoutant le Verbe dans notre centre, nous sacrifions nos inclinations, le milieu reçoit un bienfait, nous avançons d'un pas vers l'harmonie, nous imitons l'oeuvre du Père, et nous devenons capables d'une béatitude plus grande.

 Les mêmes explications se répètent pour l'histoire d'une race, et pour celle du genre humain tout entier.
 Pour que le Verbe descende rallumer l'Étincelle mourante dans l'homme individuel, il faut une conjonction du centre spirituel de cet homme avec le centre divin; il faut que le moi, vaincu par l'impossible, se retourne, d'un effort désespéré, vers Celui pour qui l'impossible n'est pas.  Le signe de la croix représente cette rencontre, dans l'univers, dans le zodiaque, dans chaque planète.

 Dans le monde des âmes aussi, ce Verbe habite depuis toujours et à jamais; mais pour que Sa présence devienne sensible, il faut que les vêtements de l'âme - nos corps - se replacent, par le repentir, la purification morale et la charité, dans l'axe du rayonnement divin.

 Quand un homme donne au Ciel la possibilité de descendre, avant l'incarnation pendant laquelle ce mystère doit se célébrer, l'Esprit-Saint plane sur l'esprit humain; de sorte que, lorsque s'opère la jonction de l'âme avec la personnalité, celle s'effraie de la personnalité de celle-là; et il faut qu'un ange vienne la rassurer, comme Gabriel convainquit Joseph de garder Marie, malgré les apparences.

 Il en est ainsi parce que.  si hauts que soient une personne, un moi, une volonté, ils restent toujours bien en deçà de la pureté de l'Esprit.
 Au point de vue psychique, pour que le Christ naisse, il faut que l'individualité (Joseph) et cette faculté encore inconnue, que l'on pourrait appeler l'imagination dans le sens le plus profond du mot, jusqu'alors actives et puissantes, aient reconnu leur nullité et soient ramenées à leur racine première, à l'état dans lequel elles se trouvaient lorsqu'elles commencèrent à travailler.  Lorsqu'elles sont épuisées, qu'elles ne peuvent plus rien faire qu'attendre, lorsqu'elles ne trouvent plus d'aliment à leur activité, dans la nuit, le Verbe naît; c'est la Vierge intérieure qui Le soigne; tandis que l'individualité (Joseph), les facultés physiques (le boeuf), et sensorielles (l'âne ) restent passives et impuissantes.

 Notre rencontre avec l'Époux peut avoir lieu; au moyen de l'intention qui préside à nos actes, ou par la renonciation, ou par l'anéantissement du moi; mais toujours au sein de la nuit la plus profonde.

 Il faut y voir cependant malgré ces ténèbres.
 Qui nous éclairera ? Trois lumières correspondantes aux trois modes de la rencontre; la grâce de Dieu, l'oubli des images créées, la renonciation à soi?même.

 Par la troisième lumière, l'Époux entre dans le coeur; par la seconde, dans l'âme intellectuelle; par la première, dans l'unité surconsiente de notre esprit.

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 Au sens individuel, les bergers représentent le système nerveux de la vie végétative, qui surveille jour et nuit le fonctionnement de l'organisme physique et qui, lors de l'illumination divine, est rénové, purifié et dynamisé.  Les Mages sont le système nerveux conscient; Hérode, c'est la volonté; l'étoile, c'est l'intuition mentale; Bethléem, l'étable et la nuit de la Nativité sont les trois dénuements nécessaires.
 Le boeuf et l'âne sont, comme nous venons de le dire, les facultés physiques et sensorielles, la vie corporelle.

 En réalité, rien ne nous arrive inopinément.  Toujours un signe nous annonce les visites et les événements.  Seul, le Verbe entre en nous, et S'y installe sans qu'il soit possible de prévoir l'instant miraculeux, parce que, seul de tous les êtres, Il ne dépend d'aucune circonstance; Il est libre.  C'est ce que nous montrent dans ce point de vue l'étoile, les anges, et surtout le refus par lequel les hommes ont accueilli leur Sauveur.

 Mais, il faut le dire à leur excuse, recevoir le Verbe n'est pas chose simple.
 Quand des amis viennent nous voir, on nettoie la maison pour leur faire honneur.  Or, les différents appartements qui composent l'homme sont plus difficiles à nettoyer; il y a le corps, qu'il faut purifier, puis l'esprit, si complexe, puis l'enveloppe presque impalpable de l'âme.

 Recevoir le Verbe dans son corps, ce n'est pas avoir peu à peu éliminé tels ou tels atomes chimiques par un régime alimentaire particulier; c'est avoir vaincu le mal dans nos molécules organiques.  En effet, l'homme est un tout dont les parties sont étroitement coordonnées; la sensation réagit en lui sur le sentiment et sur l'intellect; et chacun de ces deux derniers réagit sur les autres.  Quand donc la pensée ou le sentiment ou l'acte contiennent du mal, l'organisme physique se vicie beaucoup plus profondément que par le manque d'hygiène; pour purifier celui-ci, il faut donc purifier ses désirs.

 Recevoir le Christ dans notre corps électro-vital, ce n'est pas soumettre le système nerveux aux entraînements de la science occulte; c'est le rendre capable de toutes les besognes, c'est lui faire surmonter toutes les antipathies que le monde des corps peut lui présenter.

 Recevoir le Christ dans notre corps magnétique, c'est abandonner l'état du magiste qui réalise le noli ire, fac venire d'Eliphas Lévi; c'est abandonner l'attitude de celui qui, luttant pour la vie, veut dominer partout, comme les sectateurs modernes du « magnétisme personnel »; c'est abandonner l'attitude encore bien plus dangereuse de celui qui s'assied dans l'immobilité et qui essaie de tuer en lui le désir, ou le mouvement.  C'est, au contraire, s'oublier pour n !attendre aucune récompense du bien que l'on a pu faire.

 Recevoir le Christ dans notre corps astral, c'est abandonner le culte des dieux, pour se vouer au culte de Dieu.
 Recevoir le Christ dans notre corps animique, ou sentimental, c'est cultiver l'indulgence, la compassion, la charité.
 Le recevoir dans notre mental, c'est purifier la science et la pensée; c'est ne jamais les employer pour le mal, ni pour l'avantage personnel, c'est les tenir pour incertaines et impuissantes tant qu'elles ne s'appuient que sur la connaissance d'un fragment de la Nature.
 Recevoir le Christ dans notre volonté, dans le moi, n'a lieu que lorsque celui-ci est mort, lorsque tout acte nous est devenu indifférent par lui-même ou, si vous aimez mieux, quand tout ce qui se présente à faire nous devient un bonheur, le bonheur d'obéir, de faire la volonté du Père, malgré la fatigue qu'elle peut nous occasionner.

 Enfin, Le recevoir dans notre esprit ne se peut que lorsque la pauvreté essentielle est réalisée.  Nous verrons plus tard en quoi elle consiste.

 Or, nous sommes libres; nous pouvons accueillir la Lumière ou la chasser.  Il est vrai que notre passé, notre destin, selon ce qu'il fut, nous sollicite dans un sens ou dans l'autre; il arrive même un moment où nous ne pouvons plus soutenir le poids accumulé des conséquences de nos actes antérieurs; mais si alors nous demandons du secours, non pas en geignant, mais en luttant de toutes nos forces, le Ciel nous écoute et nous aide.

 Ce refus de la Lumière que nous formulons trop souvent est une conséquence, un karma, comme disent les Hindous; cela vient de ce que les filiations naturelles ne correspondent plus avec les spirituelles.  Un enfant est bien physiologiquement le fils de son père et de sa mère corporels, mais souvent, trop souvent, son esprit n'est pas semblable aux esprits de ses parents; et cette disparité nous affaiblit dans la lutte.

 La croissance du Christ intérieur est analogue - quoique non semblable - à tout développement biologique.  Elle comporte des douleurs et des joies, les unes et les autres subies dans le silence.  Ce n'est rien d'autre que la construction du corps de gloire; l'Esprit Saint fait office d'architecte; mais à la condition que l'homme nouveau lui accorde une collaboration constante, par l'amour de la souffrance.  Alors le ferment divin détruit tout en nous, pour tout réorganiser, sur un plan nouveau, et avec des éléments purs.

 Le courage qu'il faut au voyageur pour quitter le chemin battu, c'est l'appel du Verbe.  Chaque pas ne peut être fait que par la force indicible de ce cri.  Successivement, le marcheur abandonne son manteau, ses chaussures, son bâton, indispensables lorsqu'il suivait la grand'route, superflus dans les sentes solitaires qu'il parcourt.  L'air plus vif des régions vierges qu'il traverse change même la qualité de son sang.  Les escalades, les descentes, les plongeons dans les rivières décuplent ses forces; l'attente du danger aiguise ses sens.  De même que les fatigues physiques endurées pour un bel idéal ennoblissent le caractère, de même la constante préoccupation de ne nourrir que l'âme, de ne lui offrir que le seul aliment qui lui convienne : Dieu, c'est-à-dire le sacrifice finit par sublimiser et transfigurer la personne toute entière de ce voyageur intrépide.

 Si l'on cherche quelques points de repère sur ce long voyage, on les trouvera dans une adaptation des événements racontés par les Évangiles.  Ainsi le massacre des Innocents représente la mort des cellules physiques qui nourrissaient le feu de l'âme.  La fuite en Egypte, c'est la pénétration par ce feu des centres les plus corrompus de la personnalité.  L'adolescence inconnue du Christ, c'est le mystère silencieux dans lequel le grand oeuvre intérieur s'accomplit.  Les tentations, le baptême, les miracles, les prédications, la passion, la mort du Christ; autant de drames où le régénéré jouera le principal rôle avant de rentrer, enfin, dans la paix de son Seigneur.

 Les personnages évangéliques, les apôtres, les saintes femmes, les pontifes, les malades représentent tous des forces spirituelles.  Je préfère sur tous ces points ne pas donner de détails, par crainte des indiscrétions et pour prévenir les écarts possibles de chercheurs plus enthousiastes que prudents.  Il en est si peu, d'ailleurs, dont l'esprit soit assez fort pour supporter ces bouleversements.

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 Nous voici de nouveau parvenus à la fin du cycle de l'Enfance du Christ.  Vous qui avez bien voulu m'entendre jusqu'au bout, et vous aussi qui ne vous êtes pas arrêtés aux premières pages de ce livre, il est bon que vous sachiez que, parce que nous avons eu un souci commun.  le plus noble des soucis, nous voilà unis par un lien invisible mais réel, élastique mais impossible à rompre.  Le groupement vrai n'a besoin ni de formes, ni de statuts.  Il existe à l'instant même où les volontés se sont coalisées, et il persiste aussi longtemps que leur but demeure.  Or, notre but est immuable.

 Vous savoir intérieurement associés à des inconnus, dont peut-être le caractère, les opinions, la position vous déplairaient si vous les connaissiez, cela ne doit point vous mettre en défiance.  Au contraire, puisque cette incertitude est une possibilité de travail plus intense.

 Acceptez ceci comme la seule preuve que vous pussiez donner à notre Ami des encouragements qu'Il vous envoie.  Voilà tant de siècles qu'Il Se fatigue pour nous ! Si vous saviez quelle joie pure nos efforts Lui donnent ! Si vous saviez quels parfums dégagent pour Lui nos élans ! Nous sommes un troupeau conduit vers des pâturages printaniers.  Sachez que nous resterons ensemble tant que vous le voudrez bien.  Sachez que le Pasteur nous surveille du haut de la colline empourprée par les fleurs de l'épreuve.  Sachez que Ses chiens mystérieux nous gardent et nous défendent.  Avançons ainsi dans la joie ineffable, dans l'ivresse silencieuse de la Lumière, dans cette ambiance de douceur forte et de paix que répand autour de soi l'Espoir de notre Maître.

 Dans l'espace essentiel, dans ce lieu central où, d'une manière incompréhensible, toutes choses demeurent éternellement présentes, l'âme se tient aux côtés de son Seigneur, de son Époux, de son Ami.  Et, à force de subir ensemble des épreuves et des fatigues, les corps de l'Ame et les corps radieux du Verbe s'unissent, se greffent, et vont, à travers les royaumes de cette Nature, confondus par et dans la flamme éblouissante de leur mutuel Amour.

 C'est la Béatitude que je vous souhaite de mes voeux les plus fervents.