L'INITIATION CHRISTIQUE 

(conférence du17 Avril 1912)
 
 
« PERSONNE NE MET UNE PIECE DE DRAP NEUF A UN VIEUX VETEMENT...  ». 
 (MATTHIEU IX, 16.) 

   
   IL est bien téméraire, quand on ne dispose que d'une heure, d'entreprendre l'étude d'un aussi vaste sujet. Mais tous les sujets ne dépassent-ils pas nos limites ? Et ne peuvent-ils pas, tous, nous conduire à un panorama ignoré des cimes éblouissantes du Vrai ? En outre, le thème de cette causerie me permettra de donner mon avis sur plusieurs points que je considère comme essentiels. De plus en plus, à mesure que les années s'écoulent, la bataille, dans les mondes de l'occulte, devient tumultueuse; des pièges subtils sont tendus et des appâts séduisants offerts au chercheur, à tous les détours du sentier. Il faut, pour que vous puissiez juger, décider, choisir votre route, que vous connaissiez toutes les opinions. Naturellement, je crois être dans le vrai; les théories d'éclectisme, aujourd'hui à la mode, sont vides de sens. Car pourquoi parler, si l'on pense propager des erreurs ? Si la conviction la plus absolue ne nous anime pas, notre voix est morte; c'est un bruit inutile et vain.  
 
   Mais je ne veux ni ne dois entraîner personne par moi-même. Si vraiment c'est de la Vérité que je vous parle, ce n'est pas moi qui vous la ferai reconnaître, c'est elle-même qui prononcera, au tréfonds de vos coeurs, les mots invincibles, définitifs et certains. Dans les royaumes du spiritualisme, les routes sont si nombreuses, les bifurcations si fréquentes, à peine les parcourt-ondepuis quelques dizaines d'années, que la fatigue nous vainc, le désir désespéré nous consume d'apercevoir un phare, d'entendre enfin la voix réconfortante d'un Ami secourable ! 

   Et, plus on s'enfonce dans les profondeurs du spiritualisme, plus vite viennent cette langueur et cette soif.  
 
   Ne vous scandalisez pas si je viens à vous comme possédant cette Certitude, voyant cette Lumière et connaissant cet Ami. Et, si je les tenais pour provisoires, je n'aurais pas le droit d'affirmer tout à l'heure certains axiomes. Vous voudrez donc bien ne pas voir dans ce que je vais vous dire des attaques dédaigneuses; je pense seulement que l'on donne à tort aujourd'hui à l'éclectisme et au dilettantisme le nom respectable de la tolérance. Toutes les opinions sont respectables, toutes les opinions contiennent une part de vérité; mais celles qui dépassent le niveau de l'intelligence ne sont plus des mélanges de faux et de vrai; elles sont, à cause de leur hauteur, tout à fait fausses ou tout à fait vraies.   
   Où trouver le critérium infaillible ? Dans le Savoir, répond la Sagesse antique; dans l'Amour, répond la Sagesse christique. Nous allons confronter les enseignements de Notre Jésus avec ceux de Ses prédécesseurs humains, au quadruple point de vue de l'Initiation, de la Connaissance, de la Morale et de la Perfection finale; et nous essaierons, s'il plaît à Dieu, de conclure, en quelques paroles, au choix définitif de la route spirituelle.  

 *  *  *

   Et d'abord, qu'est-ce que l'Initiation ? C'est l'ensemble des travaux qui rendent un homme conscient d'un autre mode de la vie universelle que celui du plan physique terrestre. Tel le néophyte de l'hellénisme et du christianisme, tel le dwidjà du brahmanisme. Il faut, pour cela, mourir à la matière, et renaître à une vie invisible, mais réelle, objective, substantielle.  
 
   Comme les plans invisibles sont innombrables, il y a d'innombrables initiations. Les unes sont des vanités, des phraséologies; d'autres sont spéculatives, d'autres pratiques. A notre époque, il ne reste guère des mystagogies antiques que les cadres. Ainsi la Franc-Maçonnerie offre un tableau assez complet de l'initiation des Pyramides; le catholicisme est un rajeunissement du brahmanisme, surtout quant à la liturgie. Les fraternités européennes plus ou moins fermées ne tiennent pas leurs promesses; les soi-disant Rose-Croix contemporains ignorent tout d'Helias Artista. Celui qui a « lu tous les livres » et qui veut aller plus avant se croit obligé de partir pour les pays lointains où la tradition affirme que vivent dans le silence les derniers adeptes. Cependant, la Vérité se tient au fond de notre être, dans une attente silencieuse, infiniment plus belle et plus complète, immuable, éternelle, béatifiante. Mais laissons cela.  
 
   La science secrète de la matière, c'est l'alchimie; la science de la force, c'est la magie; celle de l'homme, c'est la psychurgie; et celle des essences extra-terrestres, c'est la théurgie des Anciens. Ces quatre degrés de la Connaissance ont existé de tous temps; aujourd'hui encore on les distribue en certains centres de la Chine, de l'Inde, de la Perse, de l'Arabie et de l'Afrique septentrionale. Il faut les vouloir et les conquérir; on ne les donne pas; on indique la route, et le candidat avance à ses risques et périls et selon ses forces. Combien d'anecdotes ne pourrais-je pas vous raconter à ce sujet; combien d'histoires attristantes d'existences gâchées, sombrant dans une manie quelconque, pour s'être attaquées à des gardiens trop forts. Lisez le Zanoni de Bulwer Lytton et surtout le magnifique Axël du génial Villiers de l'Isle-Adam; vous y verrez exactement comme les détenteurs de la science secrète sont peu pitoyables aux échecs des candidats.  
 
   Au contraire, le Christ dit : « Ne brisez pas le rameau froissé; n'éteignez pas le lumignon qui charbonne encore ». C'est que les hommes, si sages soient-ils, ne possèdent pas la longanimité, parce qu'ils se sentent toujours esclaves du Temps. Même ces adeptes admirables, dont les noms peu connus s'auréolent d'un prestige de surhumanité, dont la constance héroïque et l'abnégation profonde savent persister pendant des existences dans les mêmes recherches, dont l'ambition personnelle est morte et dont l'être, à force de volonté, n'est plus que l'incarnation d'un principe métaphysique, ces dieux enfin, ils connaissent la crainte de l'échec. 
  
   Mais le Père, Son Ange, le Fils, et leur Gloire mutuelle, l'Esprit, possèdent le calme très patient de la toute-puissance et de l'éternité. 
  
   Les créatures ne peuvent enseigner que du dehors au dedans; il faut que l'instructeur impressionne un des sens de l'élève; un adepte ou un génie nous enseigne en parlant au double, au corps astral, ou au corps mental; c'est toujours par une enveloppe du moi que l'initiateur humain atteindra ce moi. Seul le Père et ceux qu'II missionne peuvent parler directement au moi. Ainsi l'initiation christique est essentielle, une, interne, suprême; voilà pourquoi elle ne peut se conquérir, mais seulement se recevoir.  
 
   Chaque religion renferme un ésotérisme, mais ce n'est pas l'ésotérisme qui extériorise une religion; c'est la religion, ou plutôt quelques-uns de ses représentants, qui extraient de la doctrine générale une doctrine secrète. Les religions représentent, dans un certain sens, la grande route, facile, sûre, mais plus longue; les initiations, ce sont les raccourcis, les chemins du contrebandier, pénibles, dangereux, mais qui mènent plus vite aux cimes de neige immaculées d'où l'âme peut prendre son essor pour l'Infini. 
  
   Ou plutôt, il en est ainsi pour toutes les religions, sauf pour la religion chrétienne. En effet, de même que les clefs des arcanes évangéliques se trouvent, non dans des hiéroglyphes, mais dans le coeur de l'étudiant, de même la parole du Christ est la grande route ou la coursière, selon l'énergie du pèlerin, selon qu'il est un modéré ou un violent. La « violence » ici n'est pas du tout l'effort volontaire de l'adepte; c'est quelque chose de tellement en dehors des catégories mentales raisonnables, c'est un effort tellement surhumain, une abnégation si absolue que je crains, en vous en donnant un exemple, de vous scandaliser; je crains de ne pas savoir vous faire comprendre cette ivresse éperdue qui jette à la mort les coeurs incendiés par la torche de l'Amour. Il est des extases que le verbe des plus grands poètes affaiblit en les exprimant; à plus forte raison serais-je présomptueux de vouloir les décrire. Si l'un de vous porte en soi cette violence, il trouvera bien seul l'occasion de l'employer. 
  
   S'initier est une grande affaire. Il ne suffit pas de se dire ou de se croire Rose-Croix; il ne suffit pas de rompre un pain avec cérémonial, de discourir sur des symboles, de réussir quelques curiosités alchimiques, ni d'agir à distance volontairement. Méfions-nous de la littérature; à notre époque, le moindre écrivain se fait appeler « cher Maître » et le moindre amateur d'occultisme, « Maître » tout court.   
   Réagissons contre ce goût du compliqué, de l'étrange et du mystérieux; il n'est si fort que parce que notre culture nous fait artificiels. On quitte la religion ordinaire parce que la science exacte semble plus profonde; mais quand on a sondé le vide de celle-ci, on se précipite dans les sciences fantastiques.  Que nous sommes naïfs ! Que les Orientaux ont raison de nous considérer comme des sauvages, de nous envoyer parfois des systèmes absurdes et des messages fallacieux !  
 
   Ils possèdent cependant l'arcane véridique, comme nous. Qui a pu descendre aux cryptes du Dekkan, lire l'Y-King, parler aux dignitaires de Bénarès ou aux illuminés de Roum, de Médine ou de Fez, a vu que tous les signes, tous les schémas et tous les caractères disent la même chose; que le cabinet de réflexion maçonnique, l'Imitation de Jésus-Christ, les règles des ordres contemplatifs promulguent un même précepte. Et cet axiome fondamental, unique, universel, s'énonce : Charité, humilité, prière. Mais qu'on le déchiffre en français, en sanscrit, en hébreu, en parvi, ou en quelqu'un des mille idiomes initiatiques, on pense : oui, je connais cela; et on passe à la page suivante. Ces trois mots précisément contiennent tous les secrets, tous les secours, toutes les sciences; hélas ! sans eux, on n'arrive à rien, dans le grand oeuvre psychique, qu'à la maladie, à la folie ou à la mort. 
  
   La grande faute des initiations humaines, c'est qu'elles ont enseveli ces trois verbes illuminateurs sous des monceaux de rites, d'entraînements, d'arcanes et de recettes. Elles les ont défigurés par le culte de toutes sortes de dieux; elles les ont invertis, même, criminellement, de façon que certaines écoles, et non des moins savantes, ni des moins puissantes, font servir ces purs flambeaux à l'exaltation de l'orgueil spirituel. Ceci est une des raisons pour lesquelles le Christ dénonce si obstinément tous les pharisaïsmes. 
  
   L'archétype de ces trois vocables est la Lumière que Jésus vint rallumer. C'est contre elle que, depuis deux mille ans, se coalisent toutes les forces de l'argent, de la matière, de l'égoïsme et de l'intelligence déifiée. Les Césars qui tuèrent tant de chrétiens firent beaucoup moins de mal que ces dignitaires des ésotérismes orientaux qui, au second siècle, tinrent à Alexandrie un conciliabule secret.  Là furent prises telles mesures propres à capter les forces populaires issues de la parole d'un obscur Galiléen; là furent recueillies les légendes, composés les épisodes, faussées les dates de la vie de Jésus, sur le lit de Procuste du symbolisme hermétique, afin d'obtenir un type nouveau d'adepte, conforme au modèle millénaire des hiérophantes.  
 
   On pourrait croire que j'accuse ces initiés de faux; il n'en est rien. C'étaient des hommes sincères, que l'orgueil aveuglait; ils ne comprirent rien au Christ, pas plus que leurs descendants aujourd'hui n'y comprennent quelque chose. Tout ce qui, dans l'histoire de Jésus, ne rentrait pas dans les cadres de leur logosophie, ils crurent tout simplement que c'étaient des racontars populaires, et ils biffèrent. Je comprends leur état d'âme. Un initié n'avance, ou ne croit avancer, que par sa propre énergie. En réalité il reçoit bien de l'aide, mais il est persuadé ne rien devoir qu'à sa force; sa confiance en lui-même est son meilleur atout dans cette partie formidable qu'il a engagée contre le Destin. Il lui faut donc à l'avance un but précis; sans quoi ses efforts divergent, fusent et s'évanouissent. Mais ce qu'il ne voit pas, c'est ceci : par le fait qu'il se fixe un but, il limite son ascension, il circonscrit son action, il entoure d'une muraille ses perspectives intérieures. Son domaine est plus ou moins vaste, suivant sa puissance instinctive, animique, intellectuelle ou volitive; mais ce domaine est clos. Et tout le libre infini qui s'étend par delà est pour lui comme s'il n'existait point. 
 
   Au contraire, le Christ dit : « Tu n'es rien, tu ne peux rien par toi-même, mais tu peux tout si tu fais que Dieu habite en toi. Tes efforts les plus héroïques ne valent que comme les signes de ta bonne volonté; ils attirent la grâce, ils rendent possible la descente de l'Esprit; sans ces efforts, l'Esprit pourrait bien venir chez toi : Il peut tout; mais Sa présence te réduirait en cendres. Il faut donc que tu fasses les mêmes travaux que tes frères, que le paysan, que l'ouvrier, que le citoyen, que le savant; mais avec la persuasion profonde que tu demeures tout de même un serviteur inutile. Alors, je viendrai à toi selon la volonté de mon Père...  ». 
  
   Si enfin nous considérons la technique des mystagogies, nous relèverons entre elles et la voie évangélique des différences capitales. Les premières s'adressent à un des principes de l'être humain; elles sont abstraites, spéculatives, et sans espoir de recours en cas d'insuccès. La seconde est générale, pratique, vivante, humaine en un mot; et celui qui échoue, même soixante-dix-sept fois sept fois, la bonté de Jésus ne se lasse jamais.  
 
   Regardez, en effet, le soufi; qu'il se trompe en quelque point de ses myriades d'invocations, les forces qu'il a commencé de mettre en branle retournent sur lui; de même pour le Mantra-Yogui, comme pour le Srotapatti. Si le débutant taoïste, dans sa petite pagode forestière, laisse, au bout de deux ou trois ans de solitude, sa méditation dévier, ou sa tension volitive faiblir, il est écrasé. Si le Parivradjakà, dans le caveau souterrain qui sert aux initiations brahmaniques, au bout de trois semaines de jeûne et de ténèbres, remonte au grand jour sans avoir soutenu les regards terribles des dieux d'En bas, le voilà fou pour le reste de sa vie. Ce n'est pas sans raison que les Anciens appelaient l'épilepsie le mal sacré et que le peuple, en Orient, respecte les fous. Ce sont souvent des explorateurs malchanceux de l'invisible. 
  
   Et, restant dans notre Europe, si vous parvenez à mettre la main sur les cahiers manuscrits que l'on se transmet, de supérieur en supérieur, dans quelques communautés contemplatives, vous verrez qu'il y a une initiation, en théologie pratique. Le plus connu de ces rituels, c'est les Exercices de saint Ignace de Loyola. Il existe en librairie; je ne serai donc pas indiscret à vous en parler. Il consiste en une série de méditations sur la vie de Jésus-Christ et sur les dogmes, mais des méditations où, par la force imaginative, il faut voir et entendre les scènes et les personnages. On admet très peu de candidats à suivre la série complète de ces exercices; un directeur est imposé qui parle au novice et le guide heure par heure. A la fin doit se produire la descente de la grâce illuminative. L'épreuve, qui n'est pas indiquée, consiste en ce dilemme que se pose forcément le disciple. Ou ces visions sont autosuggérées, et alors toutes les réalités théologiques sont subjectives et la volonté est le seul Dieu; ou ces visions sont objectives et, quoi qu'on fasse, elles ne se produiront que par le bon plaisir divin. Ceux des novices qui ne savent pas résoudre par eux--mêmes l'énigme de la liberté humaine et de la prescience divine deviennent des fatalistes quiétistes ou des athées. Et les directeurs, qui savent les reconnaître, les gardent alors dans les bas emplois de la Compagnie. 
  
   L'initiation évangélique pure, au contraire, est essentiellement pratique. Elle éprouve uniquement le moi. En cas de succès, elle procure la connaissance intellectuelle et le pouvoir psychique correspondant; en cas d'insuccès, elle offre au néophyte, après un peu de repos, une nouvelle épreuve.  Ces épreuves, ce sont les misères de la vie quotidienne : pertes d'argent, trahisons, maladies, chagrins; le disciple reste le fils, l'époux, le père, le citoyen, l'ouvrier, l'industriel qu'il était avant d'avoir demandé son avancement. Ce sont des problèmes usuels qu'il doit résoudre : soutenir ou abandonner un procès, créer une entreprise, consentir des prêts ou les refuser, se réconcilier ou non. L'effort est fourni par le coeur et par les facultés de réalisation. Il n'est besoin ni de livres, ni de régimes, ni de voyages. Et chacun peut, seul à seul avec soi-même, demander en secret la Lumière, puisque Jésus, Maître et Ami, est constamment à la porte de notre coeur à chacun.  
 
   Ah ! si l'on savait avec quelle affectueuse et brûlante sollicitude Il attend notre demande, comme on dirait tout de suite les paroles vers la Vie et comme on résisterait à l'épreuve !  
 

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   Vous voyez maintenant combien l'initiation humaine est circonférencielle et la régénération christique centrale.  
  
   Les méthodes ésotériques de connaissance sont nombreuses et mériteraient une étude approfondie.  Elles ont été construites par des hommes riches d'un trésor multiséculaire; elles contiennent une infinité d'observations ingénieuses, des vues géniales, des remarques subtiles et suggestives; et les collèges hindous, entre autres, ont fait, depuis le milieu du XIXe siècle, de grands efforts pour communiquer à la race blanche quelques-unes de leurs expériences psychologiques. Ces méthodes ne sont pas bonnes pour les Européens. Donnant au mental une force et une régularité admirables, elles produisent toutefois dans l'interne des réactions nocives à longue échéance. En tout cas, la méditation exclusivement intellectuelle, l'entraînement psychique volontaire créent toujours, quelles que soient les précautions dont on s'entoure, une sorte de déséquilibre dynamique; la tête n'est qu'une partie du corps, l'intellect qu'un organe de réflection; et il ne faut pas, prendre l'image de la vie pour la vie elle-même. 
  
   Les anciens sages avaient prévu cette dispolarisation et, pour y remédier, ils enseignaient une culture fluidique (diététique, respiration, automagnétisme) et une culture animique développant artificiellement la dévotion, l'amour. Et ces entraînements étaient interchangeables. 
  
   Essayons de nous rendre compte des défauts de ces méthodes. Contempler Dieu est impossible; le dévot non chrétien commence donc par Le contempler dans Ses créatures, signes partiels de Ses perfections. C'est comme si on disait que, en mathématiques, l'infini est la somme d'une série de nombres finis. Ou bien le dévot tient la création comme sans terme; alors son Dieu est un concept insaisissable, un abstrait; de là à identifier cette cause première avec la Pensée, il n'y a qu'un pas; au pas suivant, on retombe dans la théorie de l'illusion universelle, où le sujet pensant lui-même n'est pas certain d'exister. Tel fut le bouddhisme primitif : « O moines, dit Gautama, si on affirme que le moi existe, ce n'est pas exact; mais si on prétend que le moi n'existe pas, ce n'est pas vrai non plus ». 
  
   Quant aux facultés transcendantes, on peut les développer chez un sujet ou sur soi-même. Mais, pour que les connaissances qu'elles procurent soient exactes, il faut que l'instrument de perception soit parfait, que l'objet à percevoir reste fixe, et que l'on connaisse l'indice de réfraction du milieu. Or aucune de ces trois conditions n'est réalisable; ou alors il faudrait supposer résolu ce problème de la connaissance. Beaucoup de chercheurs commettent une telle pétition de principes. 
  
   Vous allez me dire : Où avez-vous découvert une méthode meilleure que celles dont les initiés vantent l'excellence, et dont l'emploi a produit les monuments les plus magnifiques du génie ?  
 
   L'Évangile contient cette méthode surexcellente; mais, pour la découvrir et la réaliser, il faut la force surnaturelle de la foi. « Cherchez d'abord, dit Jésus, le Royaume de Dieu, et tout le reste vous sera donné par surcroît ». Ce « reste », ce qui n'est pas le Royaume de Dieu, c'est justement tout ce que les hommes cherchent dans la Nature, tout ce qu'ils espèrent du Relatif. Le Royaume de Dieu, c'est le pays où règnent l'amour pur, la fraternité, la paix. Et, en vérité, celui qui aime son prochain comme soi-même sait tout; je vous dis cela, parce que je l'ai vérifié, non pas sur moi, mais sur un homme, le seul que j'aie connu qui aimât réellement son prochain : argent, temps, science, bonté, il prodiguait tout; jamais il ne pensa à lui, jamais il ne s'inquiéta de savoir comment il vivrait le lendemain; jamais les plus redoutables importuns ne furent éconduits. Or cet homme savait tout en effet; il résolvait aussi bien une question de calcul intégral, qu'il indiquait à quel endroit d'un désert on trouverait des ruines, ou les mouvements de la Bourse la semaine suivante. J'ai toujours vérifié l'exactitude parfaite de la moindre de ses indications. D'où vient une faculté aussi miraculeuse ? 
  
   Celui qui vit en Dieu, dont la seule nourriture est l'accomplissement de la volonté céleste, vit dans la Vérité; la Vérité vit en lui; et sa présence, invisible aux yeux de la chair, est sensible aux yeux des entités immortelles. Or tout a un esprit. C'est pourquoi l'esprit de cette table est obligé de dire à un tel homme, s'il le lui demande, le nom de l'ouvrier qui l'a façonnée, ou de la forêt d'où provient son bois. Devant la Vérité aucun mensonge, aucune erreur ne peuvent se soutenir. 
  
   Telle est la connaissance vivante; elle nous donne, au lieu du rapport approximatif d'un objet avec un sujet, l'essence réelle de cet objet.   

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   Quant à la Morale, le principe en est universel, non seulement sur cette planète mais dans toute la création. Ce sont les conséquences qui varient. Tous les êtres visibles et invisibles, infernaux et paradisiaques, n'ont qu'une seule loi : vivre les uns pour les autres. 
  
   Les différences des morales terrestres sont extérieures, et alors la sociologie, l'ethnographie nous en découvrent facilement les causes; ou intérieures, et, pour en connaître, il faut analyser le principe théologique au nom duquel on les a formulées. 
  
   Toute initiation qui place la tête au-dessus du coeur, l'Intelligence au-dessus de l'Amour, est une inversion de la synthèse patriarcale et de la doctrine du Verbe incarné. Elle met l'image à la place de l'objet. Sa morale sera personnelle, volontaire, humaine. Elle ne connaîtra pas de sauveurs, mais des frères aînés; ils ne s'offrent point en victimes; ils compatissent seulement ou donnent une aide momentanée. L'effort de libération d'après ces systèmes monte de bas en haut, du dehors au dedans; il lui faut une fondation matérielle. On cultive successivement le corps physique, puis le fluidique, puis l'astral, le mental, et ainsi de suite, selon la profondeur de la volonté. Rien de plus logique, de plus raisonnable, de plus positif. Aussi peut-on dire que les initiés sont moins des spiritualistes que des matérialistes transcendants. En tout cas, ils ne touchent point au mysticisme. 
  
   Pardonnez-moi ces images un peu grosses. Nous n'avons pas le temps d'étudier les détails; il faut que mon esquisse soit accusée, que les ombres et les lumières s'y opposent vigoureusement pour que les figures s'en impriment dans votre mémoire. 
  
   Cet effort parti du moi, c'est Marc-Aurèle, Socrate, Pythagore; c'est le bouddhisme et le taoïsme primitifs; c'est Ibsen et Nietzsche; c'est aussi, il faut le dire, au risque de vous scandaliser, ce trop célèbre Tolstoï, qui n'a de christique que le vocabulaire. Il est clair que cette morale ne peut nous monter plus haut que nous-mêmes; elle ne nous sortira donc jamais du créé, quoi qu'en disent ses protagonistes. 
  
   L'Évangile ignore l'adeptat. Toute l'ascétique, la lutte contre les passions et le portement des épreuves n'est que le Précurseur destiné à disparaître à mesure que va croître la Lumière; non plus la gloire pourtant si belle de quelque paradis créé, mais la splendeur même du Royaume incréé. C'est le repentir, la pénitence; le disciple creuse en soi-même le moule où descendra - peut-être - la forme du Verbe qui lui correspond. Cette descente, c'est la nouvelle naissance, la libération vraie; c'est l'Esprit pur, et non l'esprit d'un dieu, d'un génie, d'un rishi ou d'un dragon. En un mot, le Christ affirme replacer l'homme dans l'Absolu. Aucun adepte ne peut que monter à la cime du relatif, à ce zéro métaphysique qui est le pivot immobile des librations universelles. 
  
   Où est le mérite, dira-t-on ? Que devient la valeur de l'homme, son libre arbitre ? Il ne m'est pas possible d'abuser de votre patience jusqu'à vous redire Pélage, saint Augustin, Boehme, Jansénius et Molinos; ce que je vous affirme, c'est que l'antinomie de la prescience divine et de la liberté humaine n'existe que dans notre intellect. Un jour viendra, je l'espère, où vous vérifierez par l'expérience ce que j'atteste en ce moment. Il suffit de vous souvenir, pour la rectitude de notre travail, que la réintégration mosaïque, l'adeptat brahmanique, la délivrance bouddhique sont trois états complètement opposés entre eux et encore plus opposés avec le salut dont parle l'Évangile. L'unité des religions est une chimère, pour de longs siècles encore; avant qu'elle se réalise, il faudra que ces religions se transforment du tout au tout.  
 
   L'Évangile ajoute à la notion ancienne de la puissance et de la liberté de l'homme, que cet être, quoique possédant en lui une semence d'éternité, ne peut y atteindre par ses propres forces, puisque ces forces sont relatives, limitées, finies. Ce passage du Relatif à l'Absolu, pour rapide qu'il soit, constitue seul le vrai salut. Mais Celui-là seul peut nous le faire franchir qui est cet Absolu, cet Infini, cet Éternel. Celui-là, c'est le Verbe, c'est le Christ Jésus.  
 

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   La perfection initiatique est l'adeptat; la perfection évangélique est l'accomplissement de la volonté divine. Pour toutes deux, il faut une nouvelle naissance; la première est naturelle, la seconde est surnaturelle.  
 
 En théorie, l'adepte possède l'omniscience et la toute-puissance; en réalité, aucun des adeptes que j'ai connus ne savait tout, quoiqu'ils eussent réponse à tout; et encore moins pouvaient-ils tout. Soyons pondérés. Tout connaître, cela veut dire que le Père nous admet dans Ses conseils; tout pouvoir, cela signifie qu'II nous donne le commandement des cohortes angéliques. Or aucun homme, aucun dieu, aucune créature n'a encore reçu de telles prérogatives. Restons sur la terre; le champ du merveilleux y est encore bien vaste; et, cependant, celles des promesses de l'ésotérisme qui s'y réfèrent restent exagérées. 
  
   Voyez l'alchimie. Chimiquement, elle est vraie; on peut fabriquer un corps qui possède toutes les propriétés de l'or, sans en être; spirituellement, elle est fausse, parce que l'or, comme chaque forme de la matière, n'est tel qu'en vertu d'un principe supra-terrestre qui échappe à l'emprise de l'intelligence humaine. L'initié peut agir sur le physique, le fluidique et l'astral; il ne peut rien sur l'essence verbale des êtres.  
 
   Voyez en psychologie transcendante. Les livres d'occultisme sont remplis d'histoires d'élixirs mystérieux, au moyen desquels les adeptes prolongent pendant des siècles leur existence terrestre.  Cela est exact; il existe des procédés secrets, il existe des hommes assez savants et assez forts pour les utiliser. Mais ce que le chercheur ne remarque pas, c'est que de tels individus sont des criminels.  Chacun a, en effet, mérité une certaine somme d'intelligence, de bien-être, de puissance et de vie physique. Mais, de même que le financier ne peut accumuler les millions sans semer la ruine autour de lui, l'adepte, qui n'a droit qu'à quatre-vingts ans d'existence, ne peut en prendre cent ou deux cents que s'il dépouille de cette vie physique d'autres êtres humains. Qu'on n'invoque pas le prétexte d'un but supérieur; tout bien obtenu par un procédé mauvais n'est plus un bien. Notre existence ne nous appartient pas; notre corps non plus; rien de nous-mêmes ne nous est propre. Comment arrêter le cours de ces évolutions, en nous et hors de nous, sinon par une tyrannie égoïste et orgueilleuse ? S'il était permis de violer le secret d'autrui, je vous aurais raconté l'histoire récente d'un adepte qui vivait depuis presque mille ans sur terre et qui s'est vu obligé de restituer tous les dols anciens qu'il avait commis. J'ai vu aussi, pour citer le cas contraire*, ressusciter un homme dûment mort et lui accorder une prolongation d'existence; mais le thaumaturge avait pourvu à tous les suppléments de force que les créatures attachées à l'âme de ce mort étaient en droit de recevoir.  
 
   Ainsi ne prenons pas à la lettre toutes les grandiloquences des livres d'occultisme.  

   Beaucoup de sociétés secrètes affirment influer sur les événements politiques; et la plupart se réclament de diverses fraternités ésotériques. Personne n'ignore ces interventions occultes dans le monde entier, en Europe aussi bien qu'en Chine. Et il n'est pas nécessaire de creuser beaucoup le tuf des légendes pour découvrir que toutes ces associations dépendent de deux ou trois centres et ces centres, de quelques individus inconnus, sédentaires ou errants, mais qui savent admirablement dissimuler leurs véritables occupations.   

   Il y a, dans ces conjectures, pas mal d'erreurs sur un fond de vérité. Tout est bien double dans le collectif social comme dans l'individu; il existe bien, dans toute religion et dans tout gouvernement, une hiérarchie secrète à côté de la hiérarchie extérieure. De temps à autre, certains dieux envoient bien des missionnaires auprès des autorités politiques ou ecclésiastiques; tels, furent, autrefois, saint Bernard, le Cosmopolite et Cagliostro, pour ne citer que ceux-là, et pour respecter le secret de certaines interventions plus récentes. Enfin, l'armée de Dieu et celle des Ténèbres, qui se combattent dans l'univers, se combattent aussi sur la terre; mais l'armée de Dieu est une; l'armée des Ténèbres est multiple, et ses différents groupes se tirent souvent les uns sur les autres. C'est pour cela qu'il est si rare de trouver un initié qui ne considère pas comme magie noire les systèmes autres que le sien. 
  
   L'Évangile condamne toutes les sciences occultes et toutes les associations secrètes, parce que toutes comportent des assassinats ou des révoltes. L'homme n'est pas ici pour commander, mais pour se soumettre; loi dure à l'orgueil, loi douce à l'amour. Tous sont conduits; et ceux-là qui pensent être les plus indépendants sont les plus menés. Il n'y a que deux êtres qui savent ce qu'ils font : le Seigneur de la terre, l'homme libre délégué par le Verbe, et le Prince de ce monde, le lieutenant de Lucifer. Tous deux se gardent inconnus, parce qu'ils ont besoin de solitude et de silence; tous deux sont incompris, mais le Seigneur l'est davantage que le Prince, parce qu'il y a moins de lumière que de ténèbres dans le coeur des hommes.   

   Voyez le Christ. Qui fut moins compris ? Toutes les sectes se L'arrachent; et les peuples se sont entretués au nom des fausses images qu'ils se firent de Lui. Pour le philosophe, ce fut un agitateur; pour l'anarchiste, un anarchiste; et les hommes d'autorité se réclament de Lui; pour le spirite, Il est un médium; pour le magnétiseur, Il n'agit que par les fluides; l'hermétiste Le tient pour un mage et le bouddhiste, pour un futur Bouddha.  
 
   Et pourtant Jésus est tout autre; Il est d'abord Notre Jésus, à nous tous, qui Le crucifions sans relâche, par l'acte, par la parole, par la pensée; Il n'est pas un guide qui se retourne pour lancer une corde au voyageur en péril; rien de commun entre Lui et le Bouddha; Bouddha signifie, dans la langue des Temples, le connaissant, le savant; Jésus signifie le vivant. Jésus n'a jamais été essénien; tout ce que Jacolliot et Notovitch racontent de voyages et d'initiations dans l'Inde est fantaisiste; Jezeus Christna sont des mots impossibles en sanscrit. Le Christ n'a pas, comme le prétend le Talmud, volé dans le Temple de Jérusalem le Tétragramme; Il n'a jamais eu besoin de leçons, ni d'exercices. Dès l'âge de trois ans, Il fit en Egypte ce que l'on appelle des miracles, en y délivrant des âmes enchaînées. C'était un homme, oui; mais cet homme - parfait - contenait la totalité de la Lumière divine. 
  
  En disant : « Qui me voit, voit mon Père », Il ne faisait pas un jeu de mots métaphysique; Il exprimait un fait, une réalité substantielle. Il fut, Il est, Il demeurera le Maître de la Vie. Il nous a aidés, non pas de loin, par des voeux, mais en descendant avec nous, en chargeant notre fardeau, en assumant nos fatigues. Il a connu toutes les douleurs humaines et, ce qui est plus extraordinaire, Il a résisté à toutes les joies. Quand Il expira sur le Calvaire, c'était peut-être la dixième ou la douzième fois qu'en Perse, à Rome, en Espagne, en Egypte, aux Indes, au Thibet, Il subissait les chaînes et les supplices. Car toute Son histoire a été savamment faussée, souvenez-vous-en.  
 
   Le Christ est le seul Maître digne de ce nom, parce qu'II a souffert volontairement toutes les servitudes; Il est le seul Ami, parce qu'II a accepté le mal de chacun de nous; Il est le seul Initiateur, parce que, seul, Il connaît l'absolu, le relatif, et tous les infinis. Il est la Voie, parce que les créatures ne peuvent avancer qu'en suivant la trace éclatante de Ses pas. Il est la Vérité, parce que rien n'existe que par Lui. Il est la Vie, parce qu'II fut le premier-né du Père et qu'II sera présent encore dans des milliards de siècles, quand cette immense Nature, purifiée, embrasée, flamboyante, s'élèvera vers les gloires éternelles. 
  
   L'initiation évangélique ne propose qu'un seul but : l'accomplissement de la volonté du Père; qu'un travail : l'amour fraternel; qu'une méthode : la résignation et la demande. Elle ne s'adresse qu'au coeur; elle n'emploie aucun entraînement; elle ne nécessite aucun régime. Elle est assez simple pour qu'un enfant la comprenne et parfois plus terrible que les austérités effrayantes des rishis séculaires.  Elle est silencieuse, mais la voix de son disciple peut retentir jusque par delà les constellations; elle est douce, car d'un sourire l'Ami nous donne la force pour un siècle de travaux; mais, malheureusement, elle est très inconnue, parce que les hommes ne courent qu'après l'étrange, le rare et le brillant.  
 
   Car ni la science ni les miracles ne prouvent la spiritualité. Il existe actuellement un homme qui a opéré des guérisons par milliers; il se considère comme très supérieur au Christ; vous voyez donc que le dieu de l'orgueil confère des pouvoirs à ses partisans. Je connais, parmi nos contemporains, sept ou huit messies nouveaux, qui se croient tous des réincarnations authentiques du Christ; l'Amérique n'a-t-elle pas eu l'incarnation du Saint-Esprit ? Ceux qui prétendent, plus modestement, réconcilier le pape et le grand lama, divulguer la science intégrale, ou établir un empire universel, ne sont pas très rares.  
 
   Vous donc, Messieurs, qui commencez ces études mystérieuses, vous aussi qui les continuez depuis longtemps, ayez de la prudence. Calmez d'abord vos curiosités; tout vient à son heure; défiez-vous des fascinations de toute nature; prenez garde à ceux qui se tiennent dans les coulisses et dont les hommes les plus admirables en apparence peuvent n'être que les marionnettes.  
 
   Etudiez, comparez. De même que la Nature fait croître les herbes qui guérissent les contusions dans les lieux escarpés où les chutes sont fréquentes, de même elle nous offre les moyens de nous tirer de tous les mauvais pas où nos imprudences nous jettent. Toute créature naît dans le milieu qui lui correspond; nous, Européens, nous sommes sous la parole du Christ; elle contient toute la nourriture spirituelle de nos âmes; et elle seule la contient.  
 
   Soyons raisonnables. l'Évangile nous semble trop enfantin ? Commençons à réduire en actes ses conseils si simples; nous constaterons bientôt qu'il n'y a pas de besogne plus absorbante; et nous n'aurons plus de temps pour discuter si le Logos est triple ou septuple. Nous ne comprenons pas la transsubstantiation ? Allons d'abord à notre ennemi, tendons-lui la main, invitons-le à notre table, en mémoire de ce Jésus, aux paroles si peu savantes; ensuite, nous comprendrons.  
 
   Telle est la seule méthode, saine et rapide, dont les fruits durent par delà la mort. Dès l'origine du monde, cette vérité se fit connaître; mais les hommes l'obscurcirent et la déformèrent à maintes reprises. Aujourd'hui, vous avez expérimenté le vide de la science matérialiste, et de la religion uniquement formaliste; mais vous vous êtes construit une autre idole : la science secrète et la religion ésotérique. Souvenez-vous que le dernier mot du savoir, c'est : J'ignore; que le dernier mot de l'adeptat, c'est : Je ne puis. Quand vous aurez vous-mêmes, des profondeurs palpitantes de votre être, jeté ces deux cris désespérés, l'aube de la Lumière éternelle s'étendra sur votre néant. Ce sera le premier pas sur la route mystérieuse de la pauvreté, qui mène vers le Père. Mon voeu, c'est que cette catastrophe et cette aurore deviennent bientôt très proches pour chacun de vous.