MÉDITATIONS POUR CHAQUE SEMAINE



XLI. La Mort et la Resurrection de Jésus
XLII. La Maladie
XLIII. Les Deuils
XLIV. La Peur de la Mort
XLIV. L'Ascension
XLVI. Le Mépris
XLVII. La Critique
XLVIII. L'Impatience
XLIX. Les Apparitions du Christ après sa Mort
L. La Mélancolie
LI. L'Insubordination
LII. La Perfection



XLI. LA MORT ET LA RÉSURRECTION DE JÉSUS

« Père, je remets mon esprit entre Tes mains. »
(Luc XXIII, 46)

Mon séjour actuel est mon champ de bataille et mon atelier. Les mouvements de mes passions tendent à s'y traduire en actes; ils sentent le besoin de s'incarner pour subsister, et ils s'éteignent si je ne prends point la peine de leur construire un corps bien concret. Par la suite, cette existence matérielle que je donne à ces essences immatérielles réagit par-dedans sur ce monde même, sur cet impondérable qui les vit naître. Mais la loi primitive et générale, c'est que rien n'a lieu dans le visible qui ne soit déjà dans l'invisible. Dans une maladie, dans une entreprise, dans une révolution, les phénomènes visibles, les démarches, les entrevues, les harangues sont des marionnettes que fait mouvoir une main cachée.
Puisque le Christ voulait donner au monde un exemple vivant, Il Se soumit à la loi du monde qu'Il avait autrefois promulguée; Il travailla de Ses mains, Il souffrit dans Son corps, et tout reçut Sa visite, tout, jusqu'au royaume des morts. La Mort est une déesse vivante, et la plus forte; elle triompha de toutes ses soeurs immortelles, jusqu'à la nuit singulière où elle connut pour la première fois la défaite. Elle aussi dut obéir à son Seigneur; il fallait que l'attente des anciens Justes prenne fin et qu'ils puissent monter au Ciel; il fallait rendre possible la résurrection future de la chair, cette mystérieuse transmutation de nos organismes épais et infirmes en corps impassibles et radieux.
Quelque obscure que soit la ténèbre où sommeille la création, des aubes l'éclairent par intervalles; elle marche à travers les luttes, les divisions, les excès alternés, elle marche vers l'harmonie et la paix. Il n'y a qu'un seul Maître : Celui qui a tracé tous les plans, groupé toutes les masses, parcouru tous les chemins; Celui à qui tout est obligé d'obéir; mais qui ne veut de moi, parce qu'Il m'aime, que l'obéissance de l'amour; qui est descendu jusqu'à moi pour me la montrer, et qui, enfin, est reparti vers les Hauteurs en m'invitant à L'y suivre.

OBSERVANCE : Chaque matin, je penserai que des choses mauvaises sont mortes en moi pendant la nuit, et que je renais plus pur pour un nouvel effort.
 
 

XLII. LA MALADIE

« Il a pris nos infirmités, et s'est chargé de nos maladies. »
(Matthieu VIII, 17)

Entre tous les systèmes proposés pour établir une philosophie de la médecine, ce sont les religions qui disent vrai. L'accident, le trouble vital, l'hérédité pernicieuse ne sont que des « comment »; les : parce que », ce sont les justes, les miséricordieuses permissions que le Père donne à la Justice immanente de nous faire sentir les contrecoups de nos licences antérieures.
Ce qui rend mon corps vulnérable, c'est le péché. Une contravention à la Loi, c'est une force malfaisante qui circule, en semant le désordre, à travers la multitude invisible des causes secondes, pour revenir fatalement à son point de départ, renforcée de tout ce qui a pu se joindre à elle, dans son trajet, d'analogue à son venin. C'est moi le réel auteur de mes tares physiologiques et de mes accidents.
Par suite, celui-là seul peut guérir réellement à qui la Vérité donne la connaissance des causes et le pouvoir de remettre le péché. Toute autre médecine, si savante ou si mystérieuse qu'elle soit, ne fait que lier la maladie pour un temps plus ou moins long. La prisonnière finit toujours par briser sa chaîne et revient à sa victime jusqu'à ce que la dette soit à peu près payée.
Cependant j'ai envers mon corps le devoir de le soulager. Mon corps n'a été qu'un instrument, en somme; c'est mon moi, mon coeur, ma volonté, mon égoïsme à qui revient la grosse responsabilité. J'essaierai de guérir. sauf par des moyens qui seraient une nouvelle faute, une dette nouvelle et le principe d'une maladie future. Et j'ajouterai la prière aux remèdes.
Et, quand ma santé sera bonne, j'irai voir les malades, les aider, prier pour eux, m'essayer à retrouver près d'eux la compassion et l'amour qu'ils méritent, puisque mon Maître dit qu'ils sont Lui-même.

OBSERVANCE : Essayer de ne pas se plaindre quand on souffre.
 
 

XLIII. LES DEUILS

« Laisse les morts ensevelir les morts. »
(Luc IX, 60)

Nos bien aimés que la Mort nous arrache ne sont pas perdus. Malgré l'effrayante complexité du monde, tout s'y retrouve à sa place d'autant plus vite que les créatures veulent bien se laisser guider. En n'obéissant pas, elles retardent au contraire cette mise en ordre que les religions nomment le Jugement.
Si les hommes pouvaient voir quelles suites heureuses engendre la résignation, s'ils pouvaient voir quels troubles les regrets obstinés ou les pratiques spirites mettent dans le double mouvement des âmes, ils attendraient plus paisiblement l'heure d'aller retrouver leurs morts, ils se contenteraient des manifestations spontanées de la survie; celles-là seules sont licites et opportunes.
L'esprit immortel ne se repose pas aussi souvent que le corps. Lorsqu'il a rendu à cette terre son instrument de travail, il en reçoit un autre dans un autre monde. Toutes les religions enseignent cela. Cette vie ultra-terrestre, quand elle est expiatrice, se nomme l'enfer ou le purgatoire; quand elle est un repos, elle se nomme le paradis.
Quand je pleure mes morts, ne serait-ce pas la seule perte de la joie que leur chère présence me donnait, que je regrette ? Mais chacun n'a-t-il pas son travail ? Ne me ferait-il pas du tort, celui qui m'empêcherait de m'instruire ? Les défunts sont à une école nouvelle; je n'ai pas le droit de les distraire, de les tirer en arrière; si je les aime vraiment, je les laisserai tout entiers à leurs besognes inconnues.
Je les pleure parce que je les aime, et je les aime parce qu'ils me donnaient du bonheur, de la paix, de la force. Ainsi la Nature industrieuse m'intéresse à l'Amour pur par des appâts proportionnés à mon égoïsme. Peu à peu elle m'offre à aimer des êtres plus hauts, et me conduit doucement au sommet d'où l'on découvre les horizons du sacrifice.
Je resterai donc uni avec mes morts, non plus par ces liens tout externes, mais par cela même que nous possédons de plus central et de plus permanent, eux et moi; l'amour et la pratique du Bien.

OBSERVANCE : Cacher la douleur des deuils.
 
 

XLIV. LA PEUR DE LA MORT 

« Celui qui écoute ma parole possède la vie éternelle.»
(Jean V, 24)

Ce qui effraie dans la mort, c'est moins l'anxiété de l'inconnu que la rupture des mille et mille liens qui attachent à ce monde le corps, la sensibilité, le caractère. Alors se montre la force de l'habitude et de l'accoutumance. Il semble qu'on perde à jamais tout ce qu'on aime. Et, cependant, des séjours innombrables existent où les paysages sont plus beaux, les êtres meilleurs, les oeuvres plus augustes, les amitiés plus fidèles.
Mais la confiance manque et domine la crainte du lendemain; l'on ne veut pas s'imaginer que jamais la Bonté du Père ne jetterait les êtres sans défense dans un isolement ou dans un écrasement immérités.
Or il faut faire face à l'ennemi. Si j'ose regarder la mort, elle perdra son horreur. Tout ce qui m'entoure, que j'aime ou qui m'est familier, les êtres et les objets, ce sont seulement des dépôts que j'administre, des aides pour mon avancement. des élèves aussi envers qui j'ai eu mandat d'apprendre quelque chose. Aucun d'eux, aucune d'elles ne m'appartient; rien n'appartient à personne, qu'à Dieu; c'est par Dieu, en Dieu, à cause de Dieu, pour Dieu, que j'ai licence de soigner, de perfectionner, d'aimer tout ce et tous ceux avec qui j'entre en relations.
Les êtres que je chéris de l'amour le plus entier, ceux-là non plus je ne dois pas les prendre à moi. Les ai-je élus librement ? Non. j'ai été tiré vers eux par un je ne sais quoi souvent plus fort que ma raison. C'est donc que mon amour, si profond soit-il, n'est que le signe du lien véritable qui les unit à moi : lien antérieur, lien solide, lien noué par les mains fortes des Anges, sur l'ordre du Père.
Nous avons connu nos bien-aimés autrefois : nous les retrouverons plus tard; nous les avons bien retrouvés aujourd'hui. Et plus j'avancerai, plus les voiles tomberont qui me cachent les formes vraies des êtres, plus intimement je m'unirai à ceux que j'aime, dans la splendeur de l'essentielle Réalité.

OBSERVANCE : Penser à la bienheureuse mort libératrice.
 
 

XLV. L'ASCENSION

« Tandis qu'II les bénissait, Il Se sépara d'eux et fut enlevé au Ciel. »
(Luc XXIV, 51 )

Voici une comète qui part des profondeurs inexplorables de l'espace; elle descend vers les abîmes inférieurs, contourne un astre et remonte vers les abîmes supérieurs, en semant partout des forces nouvelles, en régularisant, en réorganisant. De même le Verbe descend jusqu'au fond de la Nature, promulgue le précepte, donne l'exemple, et remonte vers Sa demeure, par une route neuve qu'II Se fraie Lui-même et où passeront dans l'avenir tous ceux qu'II aura appelés pendant Sa course.
L'Ascension complète l'oeuvre messianique. Jamais l'homme, eût-il subi toutes les épreuves, n'aurait obtenu le passage de ceux qui gardent les noirs enfers ou les paradis lumineux. Les révoltés qui convoitent son corps ou son esprit auraient toujours inventé des embûches nouvelles, ou des barrières infranchissables. Mais le Christ a ouvert un sentier secret : Il a mis des ponts sur les précipices, et posé des sauveteurs aux passages dangereux.
Pas un moment l'homme ne marche sans guide; pas un de ses actes où ne l'aident d'invisibles collaborateurs; pas une de ses larmes qui ne soit portée, comme une gemme précieuse, aux pieds du Seigneur; pas une de ses prières qui ne soit transmise de sphère en sphère au trône éternel.
Ainsi l'Ascension qui, pour l'exégète, n'est qu'une légende et, pour l'ésotériste, le symbole des phases finales de l'adeptat subjectif, apparaît à celui qui connaît Jésus comme le dernier signe de Sa sollicitude et le suprême effort de Sa miséricorde. Puisse l'humanité tout entière s'engager d'un élan certain sur cette route bienheureuse et, d'un envol triomphal, atteindre au plus tôt cette cime unique qui se dresse au-dessus de tout, en dehors de tout, et qui cependant est partout à la fois.

OBSERVANCE : A chaque minute libre, je me redirai que Jésus me demande de Le suivre.
 
 

XLVI. LE MÉPRIS

« Ne donne pas aux chiens ce qui est sacré. »
(Matthieu VII, 6)

Posséderais-je toute la science et tous les talents, si je méprise les inférieurs, les parias, les inintelligents, je prouve ma sécheresse et ma sottise. De quoi, en effet, dépendent ma célébrité, ma réussite ? D'un centigramme de phosphore ou de fer dans mon organisme, d'un mot, d'une rencontre, d'un geste de mon ange gardien, du dévouement secret de quelque ami inconnu, visible ou invisible; que sais-je ?
Si je vis au bas ou en marge de la société, je n ai pas non plus le droit d'en mépriser « les soutiens . Tout a une raison juste. Le désordre n'est qu'une apparence provenant de ce que ma lorgnette n'est pas au point. Tous, riches, pauvres, bons, mauvais, intelligents, grossiers, nous suivons des classes; si nous nous taquinons les uns les autres, nous perdons l'enseignement; il faudra rattraper les heures de dissipation et payer la désobéissance.
Si je me crois juste et innocent, je deviens sensible aux plus minces piqûres d'amour-propre. Mais que je comprenne ma nullité, que je voie combien ma personnalité complexe, inconsistante, anémique, m'appartient peu, les attaques ne m'affecteront plus; elles seront comme un accroc à mon vêtement, comme une épine dans mon doigt; mais je ne m'irriterai pas; je continuerai avec bonne humeur la fortifiante promenade dans la vaste forêt du monde.
Les humbles font mieux encore; ils remercient le Père; ils savent que chaque souffrance, c'est un peu d'impureté qui s'en va; c'est un peu de ténèbre que du soleil fait fuir. Un tel héroïsme effraie-t-il mon courage craintif, je m'abstiendrai tout au moins de me croire supérieur et j'accueillerai les attaques par un sourire d'abandon et d'amour.

OBSERVANCE : Etre bon pour tous, même pour ceux que je crois indignes.
 
 

XLVII. LA CRITIQUE

« Ne jugez point, afin que vous ne soyez point jugés. »
(Matthieu VII, I)

Aucun critique n'attire les sympathies; si même ses remarques sont judicieuses, bien peu les utilisent. Pourtant l'homme modeste sait tirer profit de la partialité; un regard envieux ou dédaigneux me sera toujours utile, parce que la laideur s'y connaît en laideur. L'indulgence ne voit pas le mal.
Si les circonstances me mettent en position, à mon tour, de juger quelqu'un de mes frères, ou quelqu'une de ses oeuvres, je sais que l'Amour me présentera d'autres méthodes. Je sais, par exemple, que l'Amour ne détruit pas; il construit à côté; que ni la parole ni l'écriture ne possèdent la force entraînante de l'exemple; que l'humilité vraie, la conviction secrète de mon ignorance et de ma maladresse, si elles m'empêchent de voir le défectueux dans l'oeuvre d'autrui, me permettront d'y découvrir l'esquisse d'une beauté nouvelle, le germe d'une force qui s'ignore. Et ces découvertes positives sont bien plus importantes que les grattages et les coups de pioche du critique démolisseur. Celui-ci ajoute des miasmes à d'autres miasmes, des ferments à d'autres ferments, des lézardes au mur qui penche déjà.
Je ne dois pas me permettre d'intolérance; je dois respecter le libre arbitre d'autrui, même si je suis assez fort pour le contraindre. Pourquoi mon opinion serait-elle la meilleure, puisque le nombre des probabilités et des possibilités est infini ? Si un sentiment de critique monte en moi, je me mettrai à la place de mon frère, je me représenterai son état d'âme, ses mobiles, son tempérament, son milieu. Ce sera une étude instructive, et un pas vers la maîtrise de moi-même.
Ainsi j'apprendrai à découvrir le mal dans le bien que je m'attribue, et le bien qui sommeille dans le mal que j'aperçois chez autrui.

OBSERVANCE : Etre tolérant; chercher le bien et le montrer.
 
 

XLVIII. L'IMPATIENCE

« Possédez vos âmes par votre patience. »
(Luc XXI, 19)

Tous les événements dont le Destin tisse la trame de mon existence sont des exercices pour développer mes facultés. Quand un but m'intéresse, quand je crois, en l'atteignant, toucher une joie profonde, je me sens capable d'efforts surhumains. Cette énergie-là n'est que de l'égoïsme. Je devrais pouvoir la déployer pour des buts qui ne me profitent pas. Le réalisateur parfait agit de tout son pouvoir, comme l'ambitieux, mais il reste impassible devant l'échec et devant le succès.
L'impatience est une perte de force. Qu'elle naisse d'un obstacle extérieur ou par ma propre maladresse, elle n'aboutit jamais qu'à retarder le résultat que je poursuis, puisqu'elle trouble la lucidité de ma raison, quelquefois même celle de mes sens; et son bouillonnement, qui se reporte dans l'avenir, rend plus amère la désillusion qui suivra ma réussite égoïste.
Je suis chargé des chaînes du temps, de l'espace et de la matière; je ne puis rien que ce qu'elles me permettent. Et souvent elles me sont salutaires, parce que souvent le mirage de bonheur cupide vers quoi je me précipite, se transforme en souffrance à peine l'ai-je atteint. Mais l'enfant ne croit jamais aux conseils maternels; il faut qu'il sente la brûlure pour se garer du feu.
« Le temps ne respecte pas ce que l'on fait sans lui ». La patience, qu'elle soit attente, résignation, constance, endurance, indulgence ou mansuétude, est la vertu la plus efficace à me rendre maître de moi. Elle impose à tout ce moi fébrile l'attitude de l'immutabilité, elle donne à mes facultés le temps de grandir, surtout à celles dont je ne soupçonne même pas l'existence; elle permet d'apprendre à fond chaque leçon de la vie. Elle est, en un mot, l'entraînement primordial pour ma volonté.

OBSERVANCE : M'obliger à être doux avec tous.
 
 

XLIX. LES APPARITIONS DU CHRIST APRES SA MORT

« Je suis avec vous jusqu'à la fin du monde. »
(Matthieu XXVIII, 20)

Le pourquoi et le comment réels des visites que le Maître fit à Ses disciples après Sa résurrection, échappent à mon intelligence. Je sais seulement que les témoins ne furent pas hallucinés, qu'il ne s'agit pas de légendes, ni de phénomènes comme en peuvent produire les médiums, les magnétiseurs ou les magiciens; puisque la puissance, en Jésus, est surnaturelle, et que ces chercheurs, bien qu'intrépides et animés d'un admirable élan de connaître, ne peuvent étreindre que des forces naturelles.
La réalité historique de la résurrection est démontrable. Mais cela doit m'importer peu, ou bien le Christ que je m'imagine n'est pas le vrai Christ. A quoi bon des analyses, puisque je sais qu'Il peut tout ? Son esprit plane à perpétuité; Il est là aux naissances, aux morts, aux réconciliations. C'est de Lui que l'inconnu qui passe tient ce rayonnement subit qui m'émeut si doucement. C'est Lui qui donne à ce coup d'oeil, reçu par hasard, la vertu miraculeuse d'emmener mon âme jusqu'aux plages de l'éternelle Beauté. C'est par Lui que le sourire d'un enfant ou d'un vieillard fait tomber de mes épaules le manteau glacé des désespoirs ou des soucis. Si le désir de Jésus m'anime, partout j'apercevrai des images de Jésus.
Je sais que le Christ peut surgir devant moi, sous n'importe quelle apparence, qu'Il peut m'apparaître dans le rêve et dans l'extase, qu'Il peut Se faire voir en chair et en os, en plusieurs endroits à la fois, en plusieurs mondes; Il est le Maître; Il commande à toutes les substances et à toutes les formes. Il est partout, et Il est à côté de moi, avec tout Son Ciel; mais qu'au moins je ne ferme ni mes yeux ni mon coeur à la merveilleuse rencontre.

OBSERVANCE : Je me conduirai en pensant que tout peut me redire une parole de Jésus.
 
 

L. LA MÉLANCOLIE 

« Quand vous jeûnez, ne prenez pas un air triste. »
(Matthieu VI, 16)

La mélancolie est une inappétence du désir, par fatigue, par déception, par faiblesse; c'est aussi le résultat de recherches trop ardues, d'expériences téméraires; ou la fatigue d'une vie machinale, ou l'affaiblissement du rêve, ou la laideur de l'entourage, ou une renonciation qui ne s'appuie pas sur l'Amour.
L'entrain qui facilite les corvées quotidiennes est l'alcool versé par des génies compatissants, pour que je traverse les soucis; car je ne suis pas encore assez courageux pour travailler par raison de pur devoir. Il me faut, hélas ! l'attrait fallacieux de mes désirs; ils transfigurent les cendres et donnent du corps aux vapeurs.
Or les yeux dessillés demeurent longtemps endoloris. Il ne faut pas se moquer du triste rêveur, ni de l'indolent ni du paresseux. Toute créature travaille, malgré elle quelquefois, mais elle travaille. Et il y a d'autres travaux que ceux dont je puis m'apercevoir. Je ne jugerai donc point les improductifs; j'essaierai plutôt d'être deux fois productif.
La gaîté est un trop plein de forces; elle est le signe de la santé physique et morale. Je dois me raidir et qu'on ne s'aperçoive pas de ma tristesse; je dois n'attendre de consolation que du Consolateur. Ma tristesse ne sera que remplacée par une autre tristesse si je la traite seulement par des gaîtés ou des distractions extérieures. On se libère d'une dette en la payant, et non en la niant.
Etre sensible à l'échec, ce n'est pas sage, Si j'ai travaillé pour moi-même, l'échec est une grâce, puisqu'il me démontre ma vanité. Si j'ai travaillé pour un Idéal, ai-je fait tout ce qu'il fallait ? Et puis, Dieu ne sait-II pas mieux que moi ce qui me convient ?

O BSERVANCE : Donner de ma vie si je veux recevoir de la vie.
 
 

LI. L'INSUBORDINATION

« Chargez-vous de mon joug; mon joug est doux et mon fardeau léger. »
(Matthieu Xl, 29, 30)

Les résistances, les refus, les débats, les bouderies, les impatiences, les mutineries, les murmures, les rebuffades, les rébellions, les révoltes sont des phases diverses du même esprit de personnalisme. L'être humain, le dieu même et le ver de terre ne naissent tous ici-bas que pour apprendre à obéir. Dieu est un père de famille qui demande à ses enfants leur docilité, non pas pour lui, mais pour eux-mêmes. Il sait que la révolte les mène à la perdition. Quand Il est certain de leur soumission, Il leur rend leur liberté; bien plus, Il Se fait Lui leur serviteur.
A considérer les choses à fond, c'est de Dieu que tout provient. Le roi, le ministre, le sergent de ville, le contremaître, personne n'aurait d'autorité sur moi si Dieu ne la lui avait donnée, plus ou moins médiatement. Là encore c'est moi-même, le moi antérieur, qui donne au moi actuel les chefs à qui je me soumets.
Si mes incartades d'autrefois furent telles que je me trouve aujourd'hui sous le joug de règlements oppressifs, à qui la faute ? Si la loi qui me tyrannise me paraît injuste, ma révolte ne fera que resserrer son étreinte; et ma victoire temporaire contre elle ne fera qu engendrer une tyrannie plus dure encore. Une violence n'est pas détruite par une violence contraire; elle change de forme seulement. L'exécution d'un assassin ne purifie pas son coeur : autre chose est nécessaire pour cela.
Si je suis assez maître de moi pour obéir sans effort à tout ordre, personne n'aura plus le pouvoir de me commander. La vie ne me demande l'obéissance que parce que la révolte habite encore en moi.
Et, au surplus, serais-je parvenu à l'obéissance parfaite, à l'obéissance des Anges, qu'il faudrait peut-être encore obéir à des ordres en apparence illégitimes, pour offrir aux révoltés un exemple vivant et pur. L'innocence seule est vraiment créatrice.

OBSERVANCE : Si je veux avancer plus vite, en outre de mes supérieurs j'essaierai d'obéir à mes égaux et même à mes inférieurs.
 
 

LII. LA PERFECTION

« Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait.»
(Matthieu V, 48)

Elle ne réside ni dans l'impassibilité, ni dans le mépris des oeuvres de la Nature, ni dans une existence singulière, ni dans des observances minutieuses de piété, ni dans de longues oraisons, ni dans les pénitences corporelles, ni dans les scrupules, ni dans l'aveugle attachement à mes propres vues spirituelles, ni dans des extases, ni dans le don des miracles.
La perfection réside dans la conformité de ma volonté à la volonté de Dieu, et dans l'énergie de plier mon corps, mon coeur et mon cerveau à cette obéissance.
Elle m'est accessible, à moi comme à tous. Dieu choisit comme prophètes, comme voyants, comme thaumaturges, des individus dont l'organisme physique et psychique présente certaines propriétés spéciales. Mais tout le monde a un coeur, qu'il peut purifier, et un Moi, auquel il peut renoncer.
Dieu S'offre à moi. Je dois me donner à Lui; par ma volonté, dont le principe est l'amour, je commence ce don; je le parferai par mes actes. Mon premier effort sera de me purifier le coeur. Mon deuxième effort sera de purifier tout le reste de mon être, selon les indications de la vie.
La perfection, c'est l'absolu. Je ne puis que tendre vers elle, mais je dois y tendre, je dois me dépasser sans relâche. La perfection, c'est l'accomplissement de moi; or, parce que je suis un être humain, mon accomplissement suprême est en Dieu, et en Dieu seul. La perfection, ce n'est pas l'immersion dans l'océan de l'Indéfini; ce n'est pas davantage l'exaltation de l'individualité : c'est le développement jusqu'à leur limite de toutes mes puissances puis, c'est la descente sur cette perfection naturelle de la Perfection surnaturelle qui vient, non la détruire, mais la créer à nouveau : non l'agrandir encore, mais la transmuer, la transplanter dans cette terre splendide et pure qui se nomme la Vie éternelle.
La perfection se nomme Jésus-Christ : le chemin de la perfection, c'est Jésus-Christ : la force de suivre ce chemin, c'est Jésus-Christ, unité singulière, innombrable multiplicité, rêve inconcevable, réalité indestructible, Voilà le but de l'Univers, voilà le but de mon existence.

OBSERVANCE : Chaque fois que j'entendrai sonner l'heure, je demanderai à Dieu qu'Il allume en moi Son Amour.