INTRODUCTION
Lorsque saint François d'Assise reçut les stigmates au mont Alverne, il y eut une explosion d'étonnement et d'admiration dans tout le monde catholique. Le miracle ne fut divulgué qu'à la mort du patriarche séraphique. Frère Elie, son successeur, écrivit aux Frères Mineurs de France : « Je vous annonce, leur disait-il, une grande joie et un miracle inouï. On n'en a jamais vu de pareil qu'en la personne du Fils de Dieu, qui est le Christ Dieu. Quelques temps avant sa mort, notre Père et notre Frère nous est apparu crucifié, portant sur son corps les cinq plaies qui sont réellement les stigmates du Christ. »
François fut canonisé par Grégoire IX en 1228, moins de deux ans après sa mort. Le 5 avril 1237, le même Pape écrivait à toute la chrétienté pour certifier de nouveau le miracle des stigmates ; il affirmait que ce miracle avait été la raison spéciale pour laquelle le serviteur de Dieu avait été inscrit au catalogue des saints. Soixante-quinze ans plus tard, Benoît XI instituait la Fête des stigmates de saint François.
L'événement divin rencontra plus d'un adversaire, surtout à la Réforme, grande époque de floraison pour la libre pensée. Pierre Pomponace, un savant du XVIe siècle, soutint que les stigmates du saint étaient dus à l'ardeur de son imagination ; il fut suivi par Cornélius Agrippa, Giordano Bruno et bien d'autres. Bref, le miracle de l'Alverne fut proclamé par ces prétendus intellectuels comme une affaire d'imagination : restaient les preuves à fournir, qui ne furent jamais données.
Héritiers directs des Réformateurs, nos libres penseurs modernes ont aussi acclamé l'imagination : elle est même devenue leur argument principal contre l'ensemble des faits surnaturels. S'agit-il de la stigmatisation des saints ou des guérisons merveilleuses de Lourdes, mais l'imagination est toute-puissante pour faire des stigmates ou guérir subitement les maladies les plus incurables. Quant aux extases, visions et révélations, elles s'expliquent naturellement par des hallucinations intenses. Et toutes ces insanités sont débitées avec aplomb, sans la moindre preuve valable. La libre pensée contemporaine est plus qu'en banqueroute : elle est en pleine débauche scientifique.
D'autre part, il y a du désarroi au camp catholique, là où il devrait y avoir unité de science, unité de foi. Depuis les envahissements de l'hypnotisme, beaucoup de médecins, même des plus pieux, se sont laissés entamer par le rationalisme : ils manquent de théologie. Puis, il existe tout un groupe d'abbés hypnotistes ; ils clament l'omnipotence de l'imagination. Ceux-là manquent de médecine, c'est-à-dire de connaissances médicales appropriées .Telle est la situation.
Le mal est plus grand qu'on ne pense. Voici que deux catholiques, eu haute situation, sont devenus partisans de l'imagination stigmatogène, comme Pierre Pomponace e tutti quanti. Le premier, docteur Ferrand, de Paris, a écrit de longs articles pour établir sa thèse ; le second, tout un livre, c'est le R. P. Coconnier, dominicain. Leur thèse connexe est celle des libres penseurs contre la stigmatisation divine : c'est dire qu'elle est radicalement fausse.
La Providence m'a jeté, depuis une trentaine d'années, dans l'étude des questions surnaturelles : j'ai passablement écrit sur ces matières (1) ; je continue.
Le présent tract a pour objet de réfuter plus à fond la thèse de l'imagination stigmatogène, et de démontrer que l'hypnotisme est en lui-même extranaturel. Après avoir posé les principes théologiques et scientifiques qui serviront à la discussion, il sera procédé aux débats où le docteur Ferrand et le Père Coconnier seront principalement mis en cause. Cette nouvelle étude est un apport considérable à mes autres travaux.
(1) 1873. - Les stigmatisés, 2 vol., in-12. XX, 304-318. - Paris, Palmé.
1875. - Lettre à M. le docteur Warlomont, au sujet de l'abstinence de Louise Lateau. (L'Univers, 27 mai.)
1876. - La stigmatisation et les libres Penseurs. (L'Univers, 5 et 6 janvier.)
1894. - La stigmatisation, lextase divine et les miracles de Lourdes, 2 vol., in-8, XLI, 576 et 576.- Clermont-Ferrand, Bellet.
1895.-La stigmatisation -Réponse aux articles de Spectator. (Le Monde, 18 février.)
Réponse à quelques critiques sur la stigmatisation. (L'Univers, 30 août, 2 et 7 septembre.)
Le docteur Ferrand et !a stigmatisation. (L'Univers, 16 décembre.)
1898. - Une question d'apologétique. Le Père Coconnier et lhypnotisme. (L'Univers, 6, 8 et 9 juin.)
La stigmatisation... 2e édition. - Prix : 10 fr. - Clermont-Ferrand, Bellet, éditeur. - Paris, Ch. Amat, rue Cassette. - Bloud et Barral, rue Madame.