Chapitre I : LA PREHISTOIRE DU DRUIDISME

Vous êtes actuellement sur le site : livres-mystiques.com © de Roland Soyer le 23/12/2008

VISAGE DU DRUIDISME

Chapitre I

 

LA PREHISTOIRE DU DRUIDISME

 

« Il n'y a rien de caché qui ne sera découvert, rien de secret qui ne sera connu. »

Luc, XII, 2

 

La voie spirituelle qui devait finalement prendre le nom de « Druidisme » s'ouvrit dès les premiers pas sur cette planète d'une race tard venue, à laquelle bien des noms furent donnés au cours des âges. Car, à l'origine, pour autant que les origines soient discernables, chaque race s'organise selon son génie propre, qui détermine l'aspect qu'elle peut saisir de Dieu, de l'homme et de l'univers, orientant, par là même, sa religion, ses mœurs et son langage.

Ainsi, sans tomber dans les aberrations d'un « racisme » primaire, volontiers oublieux du fait qu'il n'existe plus de races pures depuis bien des siècles, il se pose ici, comme premier axiome historique, la réalité, la diversité d'origine et l'inégalité, – la dissemblance, si l'on préfère, – des races qui se coudoient, se mêlent ou se succèdent sur ce globe. Expliciter ma prise de position sur une question épineuse, si souvent et si passionnément débattue, n'entre pas dans le cadre que je me suis tracé. Conformément à la tradition dont quelques échos me sont parvenus, je dirai simplement que la Terre , notre résidence actuelle, est une planète composite, ce qui peut s'entendre cosmologiquement mais aussi ethniquement. Une des conséquences de ce fait est que notre planète, comme telle, est incomparablement plus récente que certaines de ses composantes.

Toute littérature exclue, il m'est nécessaire d'esquisser un tableau de l'état de ce monde, –  tableau naturellement approximatif, – au moment où le druidisme (ou, mieux, la sagesse pré-druidique inséparable des Celtes pour qui elle fut conçue) va commencer à jouer un rôle sur notre planète, aujourd'hui sublunaire.

J'ai nommé les Celtes! Force m'est de renvoyer à mes essais antérieurs pour la justification de l'emploi de ce terme en tant que synonyme d'Hyperboréens ou, plus simplement, de Race blanche. Qu'une minime fraction de cette race, et non exempte de tout alliage, ait seule conservé cette appellation de « Celtique » jusqu'à nos jours, ne change rien à ce qui fut !

A l'heure où les premiers éléments de race Blanche apparurent sur le continent Hyperboré, voici au moins quelque vingt-quatre mille ans, quatre autres races proprement « humaines », quatre contingents venus de lieux différents, à des heures également différentes, occupaient la surface de la planète.

La première race, que j'ai appelée ailleurs « préparatoire », est celle du continent australe-malgache, que je nommerai Lémurie comme tout le monde. Ses ultimes représentants sont à rechercher parmi les Dravidiens de l'Inde, les Aïnous et sporadiquement chez les Ivériens caucasiques ou Khartvèles, d'ailleurs terriblement métissés. Pour le passé, chez les Sumériens d'avant les infiltrations akkadiennes.

La seconde, c'est la race noire d'Afrique, brachycéphale (ou pseudo-dolichocéphale, par le développement exagéré du cervelet) aux cheveux crépus, aux yeux sombres, au teint brun foncé, avec une nette tendance au prognathisme, qui subsistera chez nombre de ses métis. De son berceau originel, aux alentours de l'actuel lac Victoria, elle inonda l'Afrique, moins touchée par les cataclysmes que les habitats originels des autres races, et déborda largement sur ce qui constituait, à l'époque de son grand essaimage, « l'Ancien Monde ».

La troisième est la race jaune, venue du continent pacifique, brachycéphale également, dont les Mongols ont conservé le type initial le plus approchant.

La quatrième en date est la race rouge, issue de l'Atlantide, reliquat d'une terre autrement vaste, occupant primitivement la majeure partie de l'aire assignée par les géologues à leur continent africano-brésilien de l'ère tertiaire. Le type pur de cette race, dont il existe des rémanences parmi les Indiens de l'Amérique (surtout du Nord) comme parmi quelques groupes berbères du sud marocain, serait celui d'un dolichocéphale aux tempes creuses, aux yeux bruns, au nez busqué avec un léger retroussis des narines découvrant la base de la cloison nasale, aux cheveux lisses et sombres, au teint cuivré tirant sur le brun-rouge.

Derniers venus, les Blancs ou Hyperboréens se présentent comme la cinquième race humaine biologique. Que leur type primitif ait été celui d'un dolichocéphale blond, au teint clair, aux yeux bleus, sans prognathisme, peut plaire ou déplaire. Je n'y puis rien ! Ce type, comme les autres, – davantage, même – est de nos jours plus ou moins altéré : dès qu'il y eut des contacts suivis entre races, il y eut des mélanges de sangs, – métissages plus ou moins complexes, plus ou moins accentués. Dans « Le Passé de notre Race » (in Bulletin du Collège bardique des Gaules), j'ai donné sur les types mixtes, Rouge et Blanc, Rouge et Noir, Noir et Blanc, des indications succinctes, que je ne répéterai pas ici.

 

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Reste à brosser à grands traits le cadre géographique existant quelque vingt mille ans avant notre ère, en gros chiffres.

Tâche assez malaisée, qui n'ira pas sans quelques erreurs de détail, voire quelques légers anachronismes, le décor changeant d'un millénaire à l'autre.

Vers cette époque, la race noire, dont le type pur eut sa beauté, encore sensible chez certains Nilotiques ainsi qu'en Abyssinie (quoique cette contrée ait été assez fortement sémitisée), la race noire, dis-je, en est à son apogée. Elle a édifié sa métropole autour de l'immense golfe Triton (réduit depuis l'exhaussement du seuil de Gabès au chapelet des Chotts tunisiens). Au centre, une île puissante : l'actuel massif de l'Aurès. Ce golfe, véritable mer intérieure, dessine une échancrure de 500 kilomètres dans sa plus grande dimension et 200 dans sa largeur. Ce futur lac est de niveau constant malgré l'évaporation puisqu'un goulet le fait encore communiquer avec la mer libre, et il concourt avec le Nil pour faire du Sahara un territoire irrigué, d'une végétation exubérante.

Car, c'est un fait qui doit sortir de la pénombre où il fut jalousement tenu : à la hauteur approximative de Méroe, non loin de la 6e cataracte, le Nil obliquait primitivement vers l'Ouest pour s'infléchir vers le nord, se couler entre le Tibesti et le Fezzan, passer au-dessus du Hoggar, pour faire un coude brusque au nord d'Idelès et se jeter dans le Triton, au-dessus de Touggourt.

L'oued Igharghar, pointant en direction du Chott Melrhir est le dernier vestige du lit primitif du Bas-Nil.

C'est bien plus tard, aux alentours de - 8000, peu avant la dernière catastrophe atlante, que les Noirs eurent la mirifique idée d'en détourner le cours pour en faire le Nil actuel, ce, évidemment, dans un but stratégique, sous la menace atlante. Mais n'anticipons pas.

Le gigantesque travail des Noirs contribua pour une part à hâter le dessèchement du Sahara, alors florissant.

Au moment où, ignorés d'eux, les premiers contingents de race Blanche se développaient dans leur habitat hyperboréen, les Noirs occupaient l'actuelle Afrique, à l'exception d'une enclave Rouge, de Gibraltar à l'Oued Draâ. Ils débordent largement à l'est, vers le nord de l'Arabie (seul exondé) et occupent aussi le Sinaï (alors, île et non péninsule). Mais, dès que leur expansion s'orientera vers le nord, ils vont partout se heurter aux Rouges ou se voir contraints de composer temporairement avec eux, tant dans les territoires asianiques que dans l'Europe du Sud. Celle-ci est d'accès facile : elle est soudée à l'Afrique par l'Isthme de Gibraltar (occupé par les Rouges ainsi que le sud et le sud-ouest de la péninsule ibérique) et, par ailleurs, le promontoire Sardinio-tunisien n'est séparé de la Corse , – autre promontoire, mais européen, –  que par un insignifiant bras de Méditerranée, le sud-est de l'Europe, de la Sicile à la Grèce , forme un bloc dont la partie occidentale, la Tyrrhénide , est soudée à la partie orientale, l’Egéide. Ces deux contrées, très tôt prospectées par les Rouges, demeureront longtemps reliées à la Cyrénaïque.

Les Atlantes ou Rouges, tiennent en force le nord-ouest de l'Afrique dont les terres s'étendaient en direction de leur Métropole un peu au-delà des actuelles Canaries. Quelques îles, dont Madère, faisaient relais entre la vaste île atlante, qui englobait les Açores, et les côtes africano-européennes.

L'empire atlante d'Afrique couvrait à peu près le Maroc actuel. Retranché derrière l'Oued Draâ, il formait une chaîne de bastions solidement organisés dans l'Atlas et l'Anti-Atlas, couvrant de comptoirs et d'enclaves les côtes occidentales de la péninsule ibérique et poussant des pointes vers les terres auxquelles appartiendront plus tard la Gascogne , l'Armorique et l'Irlande.

Mais le gros de l'effort des Rouges, en perpétuel conflit d'hégémonie avec les Noirs, porta surtout sur la Tyrrhénéide et l'Egéide. Dans la première, ils ne purent que partiellement déloger leurs adversaires de leurs positions ; par contre, dans l'Egéide, ils finirent par devenir l'élément prépondérant et les Noirs durent se soumettre, s'allier ou céder la place.

 

hyperboree
(Voir un agrandissement de la carte)

 

On laissera de côté les Jaunes, à peine réchappés de la catastrophe qui venait d'anéantir leur berceau, le continent pacifique, et qui ne jouèrent que bien plus tard un rôle quelconque en Occident. Quant aux futurs Suméro-dravidiens, leur propre continent allait bientôt connaître un sort analogue.

Il est difficile de se faire une idée précise de la physionomie de l'Europe du Nord et, davantage encore, des régions circumpolaires où allait se dérouler l'enfance de la race blanche.

Vendée et Bretagne débordaient vers le nord-ouest, soudées à l'Irlande et à l'Angleterre ; la terre ferme, qui englobait l'Islande, s'étirait presque jusqu'au Groenland, dont un chenal la séparait.

Un simple coup d'œil sur un globe terrestre nous renseigne sur les possibilités migratrices des clans hyperboréens : Europe, Asie, Amérique (pour employer des expressions sensibles, mais inadéquates à l'état des choses primitif) pouvaient toutes trois être foulées par les expatriés. En fait, si le gros de la race blanche s'écoula (mais non d'un bloc) vers l'Europe, les autres parties du monde en hospitalisèrent de notables contingents, vite métissés. Telle est entre autres l'origine des Tibétains. Pour l'instant, nos Protoceltes vivent en autarchie, sous un climat franchement chaud, s'organisant lentement, très lentement, à mesure qu'ils sont moins clairsemés. Lentement aussi s'esquisse leur langue, qui se dialectisera peu à peu, malgré les tentatives d'unification et de normalisation du sacerdoce.

Chaque race authentique apporte avec elle et développe dès ses premiers balbutiements son mode spécifique d'expression verbale. Mais, au bout de quelques millénaires,  – il est bon de ne pas l'oublier –  groupes raciaux, groupements nationaux et communautés linguistiques auront subi de puissants délayages et ne seront ni purs de tout alliage, les uns comme les autres, ni superposables les uns aux autres. Il est de simple bon sens que tout groupe linguistique, pour homogène qu'il ait été une fois, évolue non seulement en développant ses puissances internes, mais encore sous des influences externes. En s'accroissant, en essaimant, en accueillant des émigrants, en adoptant des techniques, en subissant des jougs, la race se mêle à d'autres et ses dialectes témoignent de remaniements parallèles. En outre, chaque fraction isolée du gros innove à sa façon, adopte des termes récoltés là où elle se trouve, oublie des termes anciens ou en modifie l'acception, si bien que l'on peut poser en fait que, dans des empires aussi vastes et aussi vieux que ceux des Rouges et des Noirs, il y avait, à l'heure où les Blancs les rencontrèrent pour la première fois, non plus une mais des langues atlantes, non plus une mais des langues noires, coushitiques ou sethiques (ces trois termes étant sensiblement synonymes).

Comme il y a cinq races, à ma connaissance, il s'ensuit qu'il y eut au cours du temps cinq langues-mères, dont aucune n'est attestée autrement que par les langues dérivées de son groupe, sans parler des idiomes mixtes ou composites, plus nombreux qu'on ne croit communément. La méconnaissance de ce fait capital a entraîné l'échec inéluctable de toutes les tentatives d'appréhender l'origine du langage en postulant quelque langue-mère universelle. Corrélativement, car les deux problèmes sont liés, le postulat de l'unité originelle du genre humain sur la planète ne peut qu'égarer le chercheur qui veut interroger le plus lointain passé.

Sans illusions sur l'accueil qui sera fait, en général, à mes propositions (mais je n'écris pas pour M. « En Général »), je dois redire ce dont mes recherches, autant que la tradition à quoi des circonstances exceptionnelles me donnèrent passagèrement accès, m'ont convaincu : Les « races » sont des humanités distinctes, ayant suivi chacune une évolution différente et ayant fait sur terre leur apparition en des temps et des lieux également différents. Ceci, sans toucher en rien à l'unité spécifique, ontologique, de toutes les humanités concevables en ce monde et en d'autres.

Le seul qui ait vu quelque peu clair en tout ceci et qui ait, en outre, connu l'histoire secrète de la Terre , dans ses grandes lignes, avec une justesse stupéfiante, est un homme de génie dont je suis heureux d'honorer la mémoire. Je veux nommer Antoine Fabre d'Olivet [1] .

Même là où il se trompe en partie, il n'avance jamais rien qui n'ait sa raison et sa bonne part de réalité. Deux exemples seulement : II expose, dans l'Histoire philosophique du Genre humain, que la race noire s'est nommée « suthéenne » ou « sudéenne », et en rapproche notre nom du Sud. Il affirme également que les Blancs ou Boréens appelaient les Noirs « Pelasks », c'est-à-dire « Peaux de bois », « Peaux tannées ».

Si l'on laisse de côté l'appareil linguistique, tout externe et trop souvent contestable, dont il feint d'appuyer ses affirmations, - lesquelles ont une tout autre source, autrement objective - je me permettrai de répéter après lui que la race noire, dans sa propre langue, s'est effectivement désignée sous le nom de Set, Seth ou Suth, nom sous lequel les Egyptiens la connaissaient aussi, puisqu'ils nommaient son territoire Ta Set « Terre des Noirs » et opposaient son éponyme, le dieu Set, à Hor ; leur aspect du Verbe. Que ce vocable n'ait aucun rapport avec notre nom du sud, sauf d'assonance fortuite, ne fait guère question. J'ai donné ailleurs, dans « le Passé de notre Race », une étymologie de ce dernier vocable, que je ne renouvellerai pas ici.

Quant au terme Pel-Ask ou Pel-Azg, les Blancs l'appliquaient aux populations mêlées en diverses mesures de Noirs et de Rouges, mais avec dominante de ces derniers, qui couvraient l'Egéide. Il est un emprunt à deux mots atlantes :

  - PEL : « sombre, noir » (conservé dans l'euskarien belz « noir », bêle « corbeau » et passé dans l'Indo-européen * PEL),

  - ASK/AZG : « peau », puis « teinte de peau » et, par extension, « lignée, race ».

   Dans le système adopté par Fabre d'Olivet, qui n'ignorait pas plus que moi le sens du terme composé Pelask, c'est Pel « fourrure » qui signifierait peau, et ask, qui signifierait « bois » (norr. ask « frêne »). On saisit par ces exemples que la méthode de recherche de cet auteur est nettement paralinguistique et dépend rarement de la justification « rationnelle » qu'il en tente après coup, pour sacrifier à la mode de l'ésotérisme de son temps qui, depuis Court de Gébelin, ne rêvait qu'étymologies, hiéroglyphes égyptiens et racines chaldaïques ou phéniciennes !

Mais c'est assez sur un sujet dont le développement m'entraînerait trop loin. Revenons plutôt à nos Hyperboréens.

Les conditions de leur habitat polaire primitif (notre zone arctique, moins les glaces et la rigueur du climat) ont laissé des traces irrécusables dans la mythologie, le calendrier, le nom des points cardinaux et les traditions des Indo-iraniens et des Indoeuropéens. Dans ses deux ouvrages : « Orion ou l'antiquité des vêdas » et « Le Home arctique dans les Vêdas », le pandit Tilak en a accumulé les indices, et ses démonstrations attendent encore leur réfutation.

Comme j'y ai fait appel ailleurs (notamment dans « Le Passé de notre Race ») on voudra bien me dispenser de me répéter inutilement.

 

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Dès les origines, les ancêtres de la race blanche s'affirmèrent essentiellement individualistes, aventureux, querelleurs et affectifs ou « animiques », si j'emprunte la terminologie de Fabre d'Olivet.

De toutes les races, la leur est la plus difficile à unifier, tant politiquement que religieusement. Entre toutes, c'est celle en qui l'idée de liberté, d'indépendance, – qu'elle soit dogmatique, nationale ou individuelle –, est le plus profondément ancrée. Ce qui est à la fois, au cours de sa longue histoire, sa justification et sa condamnation, son titre de gloire et la source, toujours vive, de ses malheurs. Si l'Europe actuelle ne se souvient plus guère des Celtes, ne les reconnaît-on pas en elle, peu ou prou, à ces traits, en dépit d'un long abâtardissement ? Et n'est-il pas vrai que les peuples d'Europe réputés « grégaires », – dans un sens d'ailleurs bien relatif – ont quelque peu de sang jaune dans leurs veines ?

Mais n'anticipons pas.

La première glaciation, dite de Günz (- 18000 en gros chiffres, sans faire appel à ceux des préhistoriens, qui y ajouteraient volontiers un zéro) est liée au destin de la Lémurie , qui bascule et craque, tandis que l'Europe s'exhausse et se couvre progressivement d'une calotte de glace. Le Pôle du froid est quelque part dans le massif Scandinave, tandis que l'Hyperborée passe d'un climat chaud à un climat assez rigoureux, mais non encore glaciaire. Un chenal, libre une courte saison de l'année, existe entre la mer et les monts d'Islande, donnant accès à l'Europe de l'Ouest. Ce fut seulement à la quatrième et dernière glaciation, en synchronisme avec la destruction de ce qui restait de l'Atlantide que le pôle du froid, touchant l'Hyperborée, détermina l'exode général des Blancs encore demeurés là. Car, pas plus que les fameuses glaciations n'ont eu lieu avec l'ensemble et la soudaineté que le recul du temps nous pousse à imaginer, les migrations hyperboréennes ne se sont effectuées d'un coup, ni non plus dans la même direction. Pour nécessaires qu'ils soient, les étages, les strates, les industries, les faciès, les ères et autres systèmes de classifications utilisés pour ordonner les faits préhistoriques, deviennent abusifs si on les prend en un sens absolu, le réel étant infiniment plus souple, plus mouvant et plus complexe que les schémas représentatifs édifiés dans l'abstrait.

Donc, vers - 18000, les Hyperboréens ont déjà derrière eux plusieurs millénaires d'histoire, si l'on peut employer ce mot, c'est-à-dire d'organisation sociale élémentaire, et ont franchi une première étape de civilisation : techniques du bois, de la corne et de l'os, mais non encore de la pierre ouvrée.

Dans ces étendues luxuriantes, où la forêt alternait avec la steppe et où, encore indompté, le cheval (l'animal hyperboréen par excellence, avec l'élan) galopait par troupes nombreuses, sous un climat assez égal, il est superflu de dire que la nécessité, peu pressante, n'aiguillonnant pas le progrès technique, aux phases presque insensibles.

Ces Blancs, ces Celtes ont une langue commune, à quelques variantes près, ignorant encore la distinction des aspirées [2] .

Grammaire et syntaxe sont encore flottantes, mais les mots-racines essentiels sont déjà là et varieront assez peu : noms de nombres, de degrés de parenté, de parties du corps et d'actes simples : manger, boire, aller, venir, etc...

Et naturellement, dès ces premiers temps, de mauvaises têtes, des divergences d'opinion, des défis et des rixes. Mais cette race, assez facilement portée à la voyance, aux pressentiments, au rêve, a déjà ses Sages (-WID- mot-racine qui formera plus tard son nominatif en escamotant le -D qui reparaîtra aux autres cas : -WIS- (pour *WIDS) et qu'on retrouvera, entre autres, dans les traditions britanniques sous les espèces de l'initiateur Gwyddori).

C'est de ce nom, par un jeu de mots dont je reparlerai, que Rama composera, avec un des noms du chêne, celui des druides : *DRU-WI(D)S. Ces Celtes ont également leurs voyantes, formées en collèges et contenues – difficilement – dans de justes bornes par leurs Sages.

Leur nom, rendu célèbre par celui de la Velleda rhénane, fut « normalisé » en fonction d'un thème : WEL-IT – reposant sur un mot-racine Wel – « Voir ». Ce sont ces voyantes dont les lointaines continuatrices prendront, en grande majorité, le nom de druidesses, – qu'on peut leur attribuer par anticipation, leur fonction étant en principe identique. Des centres initiatiques [3] existaient, en effet, depuis les premiers temps de la race ; depuis – exactement – que l'Envoyé divin qui lui était propre avait formulé pour elle l'aspect du Verbe qui lui était le plus accessible, lui donnant à la fois, avec ses premiers symboles et son premier ésotérisme, ses bases morales, ses principes spirituels et sa structure sociale.

Assez vite chez ces êtres turbulents et avides de nouveau, se formèrent des opinions particulières. En divers points de ce vaste espace en voie de peuplement, l'orthodoxie primitive était minée par des vues, qui sans aller jusqu'à fomenter des schismes dans l'immédiat, les laissaient facilement prévoir pour quelque proche ou lointain avenir.

Tel était l'état des choses à l'aube du druidisme, ou, plus justement, des temps pré-druidiques.

La très lente évolution des Blancs allait maintenant s'accélérer sous l'influence de causes extérieures à leur volonté assez irrésolue, causes dont les principales seraient les glaciations qui les forceraient à s'expatrier et à s'aguerrir contre les intempéries, et le contact avec des éléments de races différentes, techniquement en avance sur eux.


[1] Tout 1' « épluchage », souvent injuste, de Léon Cellier, dans son gros bouquin d'érudition, Fabre d'Olivet Nizet, 1953) reste en dehors de l'essentiel, lequel n'est pas du ressort de l'érudition) et même parfois de l'accessoire (il s'étonne, p. 393, qu'on puisse « prendre au sérieux l'histoire du druide Ram »). Qu'on veuille ou non la prendre « au sérieux », cela est sans rapport avec son degré de réalité et avec les moyens de s'en assurer.

[2] Ceci a été exposé plus en détails dans un article de la revue S.O.S., Occident, n° 105 à 107 (1936) :   « Linguistique et Préhistoire ».

[3] Je voudrais  être  en  mesure  d'expliquer au  lecteur  non  prévenu, – ou rendu sceptique, voire hostile, par des contacts, parfois peu édifiants, avec nombre de soi-disant Centres, Groupes ou Fraternités « initiatiques » – ce que pouvait être un centre initiatique véritable, au temps où il y avait encore possibilité d'initiation effective. La chose ne se démontre malheureusement pas à la façon d'un théorème géométrique.

 

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