Vous êtes actuellement sur le site : livres-mystiques.com © de Roland Soyer le 23/12/2008

VISAGE DU DRUIDISME

Chapitre XII

 

 

METROLOGIE DRUIDIQUE : LES ENSEMBLES MEGALITHIQUES

 

 

         A plusieurs reprises depuis une bonne vingtaine d'années, j'ai exposé quelques vues sur la métrologie druidique. Je rappellerai ici mes conclusions antérieures, en les complétant.

         L'unité de mesure de longueur druidique est le pied (* EDON), théoriquement de 0 m 3 156, où l'on reconnaîtra la semi-coudée pyramidale égyptienne, mesure fondée sur la longueur du rayon polaire terrestre. Si l'on est en quête d'une mesure cosmologique fixe, cette mesure étant une droite, il est plus logique et plus sûr de la déterminer par rapport à une autre droite invariable (axe de rotation du globe) que de la déduire d'une courbe mesurée sur une fraction de notre sphéroïde, légèrement irrégulier.

Dans la pratique, il est vrai, le pied a subi des altérations locales, oscillant entre 0 m 30, 0 m 305 (le pied anglais actuel) et 0 m 310, particulièrement dans l'ouest de la Gaule. Mais nulle part les dimensions que j'ai pu relever n'excèdent 0 m 32. Sur le Continent, le pied était divisé en hectes ou pouces, de 0 m 0 525, et ce pouce en six lignes de 0 m 0 088. Dans le systèmes de mesures agraires ou topographiques, on peut relever une mesure de cent pieds : le Cantedon (qui était aussi une mesure de surface) et la lieue, leuga, mesure itinéraire de 7 000 pieds (environ 2210 m ). Quoique 3 milles romains ( 4444 m ) fassent à peu près 2 lieues gauloises ( 4 420 m ), ce rapport ne me semble que de coïncidence. On connaît de nom l'arpent (are-permis) de valeur difficile à préciser. En principe, 100 cantedon, en gros : 32 ares.

         Mais les druides, en dehors du pied, utilisaient une autre mesure « sacrée », la Coudée , de 0 m 54, laquelle n'est autre que la « coudée noire » égyptienne. Dans l’arithmosophie druidique, le rapport entre les deux étalons de mesure était celui du duodénaire zodiacal au septénaire planétaire. Douze pieds ( 3 m 78) équivalent à sept coudées.

         Sans nous appesantir sur leur signification intellectuelle, notons utilement les nombres symboliques du druidisme : 3 et son carré ; 7 et ses multiples ; 12.

Examinons maintenant deux « tables métrologiques » : celle de Suèvres (L.-et-C.) et celle de Mané Rutual (Morb.).

La table de Suèvres est un bloc calcaire de 1 m 57 X 0 m 95, sur 0 m 64 d'épaisseur moyenne. Ce qui se traduit par 5 pieds de hauteur, 3 de largeur et 2 d'épaisseur. Ce sont, en unités métriques, les premières dimensions approchantes de la « propor­tion dorée » des pythagoriciens. Sur la table est gravée une « triple enceinte » : 3 carrés emboîtés, communiquant par une croix s'arrêtant au carré central. On retrouve dans cette gravure les mêmes proportions que dans la table, mais, cette fois, en pouces : 4 pour le carré extérieur ( 0 m 26), 3 pour les branches de la croix, 2 pour le carré central ( 0 m 11).

Passons maintenant à la Table du Mané Rutual, soigneusement cotée par Z. Le Rouzic. C'est une dalle à sommet taillé en ogive, de 11 m 30 de haut et de 4 m 36 de largeur moyenne, sur 0 m 60 environ d'épaisseur. Elle porte en creux l'empreinte d'une « pierre polie » ou « hache votive », indéniable malgré une légère mutila­tion, ayant 0 m 72 de large, et le double exact de long. Cette figuration surmonte un « écusson ogival » (l'expression, dont je relève l'impropriété est de le Rouzic), trapézoïde de 3 m 32 à la base et de 3 m 24 au sommet, lequel est coiffé d'une ogive de 2 m 15, ce qui porte sa hauteur totale à 4 m 34. Sur un des côtés du trapèze, un demi-cercle de 0 m 18 de diamètre fait saillie et une distance de 1 m 05 le sépare du sommet. Je note tout de suite que le pied employé est de 0 m 311, avec une tolérance de quelques dixièmes de millimètre, difficile à préciser, étant donné l'état du granit. Traduisons en unités métrologiques les dimen­sions relevées. Hauteur générale : 36 pieds (3 X 12) ou 21 cou­dées (3 X 7). Largeur : 14 pieds (2 X 7) ; épaisseur 2 pieds (celle de la Table de Suèvres). La « pierre polie » a 28 pouces (4 X 7) sur 14 (2 X 7). Pour le sommet du trapèze : 6 coudées ou mieux 63 pouces (7 X 9) ; hauteur : 14 pieds , Le diamètre du demi-cercle est 0 m 18 : 1/3 de coudée, son rayon est donc 1/6 de coudée, dimension intentionnelle qui montre que, comme le pied, la coudée était subdivisée en hectes.

         Les autres dimensions mériteraient peut-être leur examen. Par exemple, on trouve le nombre -n = 3,142, — ce qui est une jolie approximation — en divisant les 3 m 32 de la base avec l'intervalle de 1 m 05 séparant le demi-cercle du sommet. Coïn­cidence pure et simple. Je n'en suis pas très sûr, mais admettons, et passons plus loin. Il suffira d'avoir montré les druides en possession d'un système métrique rationnel, dont les étalons jouent sur des données arithmologiques et cosmologiques cohé­rentes. Est-il besoin de rappeler que le dernier exemple (Mané Rutual) remonte aux temps réputés « sauvages », « préceltiques » et « prédruidiques » des alignements de Carnac ? L'immense champ de mégalithes de cette région va nous montrer bientôt cette arithmologie en action. Mais, d'abord, deux mots touchant les mégalithes eux-mêmes.

         En Gaule, leur appellation générique était Crarus. Des noms comme Litavi-crarus « Pierre de la déesse-Terre », appliqué spé­cialement à une certaine catégorie de menhirs, et le nom de « divinité » Mediocrarus (« menhir central », « pierre du Milieu », « ombilic ») à rapprocher de Medio-lanon, sont assez parlants. Un vocable s'appliquant particulièrement aux dolmens était, selon les dialectes, Moinos ou Mainos, ou encore Maina. Quant au nom du « cercle de pierres », mal à propos nommé cromlech, le plus usité était Cantos, mais son nom technique chez les druides était Colios. Par cantena, l'on désignait souvent une borne ronde, voire un menhir satellite ; par celicnon, un monument ou une enceinte circulaires (mais non spécialement un « cromlech »). Le gallois cylch « cercle » n'a pas en Gaule le sens de « cercle de pierres ». Le mot remonte à * CELICO-/* CELECO-, premier élément du nom propre Celeco-rîx : « roi ou chef de la cir­conscription, c'est-à-dire du territoire ».

         Le menhir symbolisait au propre la « Pierre tombée du Ciel », au figuré, « le rayon lumineux », comme les obélisques ; au sens supérieur, il était le représentant de l'énergie mâle, du Principe masculin ou Principe Un.

Le dolmen (ou mieux, son couvercle, fréquemment taillé en silhouette de hache polie) représentait le ciel, dont les étoiles ou les constellations étaient représentées par une ou plusieurs cupules. Et ses trois piliers, « ce qui est sous le ciel », selon l'expression elliptique chinoise, en un sens, l'Humanité. C'était avant tout une chambre d'initiation et d'évocations. Que des cadavres y aient été inhumés, parfois bien des siècles après son érection, ne signifie pas que sa destination primitive ait été de servir de tombeau.

         Par contre, à quelques exceptions près, la véritable « allée cou­verte » était un monument funéraire. Dans ce cas, elle était recou­verte d'un tertre ou « galgal (* CARNI-) ou d'une butte de terre, en latin tumulus, mot qui avait son pendant en gaulois (* TUMBO-).

         Joseph Loth (si mes souvenirs sont exacts) avait déjà proposé ce mot à propos de l'étymologie de Tombelaine. Mais il faut tenir compte des bouleversements apportés par les immigrations, les invasions et les batailles, sans parler de la cupidité des cher­cheurs de trésors, si bien qu'il est malaisé de s'y reconnaître aujourd'hui.

         Quant au Cercle de Pierres, lorsqu'il était centré d'un menhir, il figurait, en un sens, le zodiaque.

         Ayant parlé de l'emblème du Principe Un, je dirai, pour compléter, que le Principe Deux était symbolisé par les grandes cuvettes des mégalithes, à ne pas confondre avec les cupules. Elles n'étaient nullement destinées à recueillir le sang des victimes, mais, plus pacifiquement, l’eau du ciel, employée ritué-liquement, chargée d'un magnétisme particulier. Il s'en trouvait aussi sur rochers fixes dont la destination est claire également. Dans un n° de L'Homme Préhistorique (mai 1913), le préhis­torien Ch. Matthis signale un tel rocher, dans un site mégali­thique, au nord de Wachfelsen (Alsace), portant au centre, écrit-il, « une cuvette taillée de manière à recevoir l'humidité du ciel et du sol, pour la déverser par une rigole dans un bassin creusé en terre ».

L'eau étant attribuée au principe féminin, comme correspon­dance sensible des « eaux primordiales » ou de la Substance universelle, fécondée par le souffle divin, on voit que symbole et fonction se complétaient. Maintenant, l'on peut toujours préférer voir dans les cuvettes des mégalithes des réservoirs à sang humain, même quand elles sont creusées dans des roches abruptes où l'on ne voit pas très bien comment on y pourrait « sacrifier » même un lapin !... Les préjugés ont la peau dure !

 

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         Je réserve les développements hermétiques ou autres, qu'appel­lerait ce qui précède, pour en venir à l'application de l'arithmologie druidique dans les ensembles mégalithiques. Vaste sujet, qu'un gros volume embrasserait à peine. Je me bornerai donc à quelques commentaires sur les alignements de Carnac et sur le Temple circulaire de Stonehenge. Pour Carnac, on pourra se reporter à la carte de la page suivante.

         De prime abord, j'avertis le lecteur que ces alignements et leurs mégalithes satellites ont subi de rudes injures du temps, des éléments et des hommes. Une bonne moitié peut-être, surtout parmi ceux de dimensions modestes, a été renversée, détruite ou débitée depuis l'ère chrétienne. Ceci est fâcheux. Un autre point l'est bien davantage : le vaste plan de trigonométrie druidique est assez facile à dater à deux ou trois siècles près. La déviation d'un Grand Axe équinoxial Lopenhet — Table des Marchands — Double « cromlech » d'Erlanic, d'environ 22°, nous amène vers 3 500 avant J.-C. pour le début de cette entreprise gigantesque. Or, à cette époque, la terre ferme s'étendait notablement plus loin, au Sud et à l'Ouest, si bien que ce qui subsiste du sanc­tuaire carnacéen n'appartient qu'aux portions N., Centre et partiellement N.O. du système, lequel se développait à travers ce qui est aujourd'hui pour nous la baie de Quiberon. Je n'ai donc rétabli que l'indispensable, sachant que je n'échapperai quand même pas à des critiques dont je prends d'avance mon parti.

Les points sensibles encore debout sont Erlanic, la Table des Marchands, Gavrinis, le Monstoir et le centre important, aujour­d'hui mal représenté, sur lequel empiète l'étang de Lopenhet.

         Quant aux alignements (j'omets ceux d'Erdeven, plus récents) ils formaient autrefois un immense temple à ciel ouvert ou, si l'on veut, une enfilade de temples, qui constitua l’Ombilic de la Celtide jusqu'au temps de son transfert au centre des Gaules. Chacune de ces colonnades successives était orientée en vue de cérémonies saisonnières. Comme une telle œuvre a tout de même nécessité de nombreux siècles pour se parfaire, on s'explique aisément que l'angle de déviation des lignes de visée stello-solaires ne soit pas le même partout. Le Grand Axe « A », je l'ai dit, dévie de 22°. Axe « B » (Soleil levant, solstice d'hiver) n'a que 17° de déviation ; Axe « C » (Soleil levant, solstice d'hiver), 18°.

         Il est à conclure que c'est par le Grand Axe « A » que commencèrent les travaux.

 

alignements
Carte géo-arithmétique de Carnac (Voir en grand format)

 

 

ARITHMOLOGIE CARNACEENNE :

 

         Je chiffre en milliers de pieds les intervalles repérables entre points sensibles et points satellites. On trouve partout les mul­tiples de 3, depuis les 9 000 pieds séparant Erlanic de Kerpenhir, jusqu'aux 60 000 pieds de l'Axe « A » (Lopenhet-Erlanic, dont les cercles sont en partie submergés). Soit :

  6. Le Moustoir-Ker Grim.

  9. Erlanic-Kerpenhir.

  18. Lopenhet-Le Moustoir ; Lopenhet-Les Sept Saints ; Lopenhet-Ker Vehini ; Lopenhet-Tumulus Saint-Michel ; Lopenhet-Le Menec.

  21. Le Menec-Ker Vehini. 30. Table des Marchands-Lé Moustoir ; Table des Marchands-Tumulus Saint-Michel.

  36. Tumulus Saint-Michel-Kerpenhir. 3

  39. Le Moustoir-Plougoumelen.

  42. Le Moustoir-Gavrinis.

  45. Lopenhet-Table des Marchands.

  60. Lopenhet-Erlanic.

         On multiplierait ces exemples, et pas seulement à Carnac, sans entraîner l'assentiment de ceux dont le siège est fait !

         J'ai précédemment parlé de l'érection du temple circulaire de Stonehenge, dans la plaine de Salisbury, qu'on peut situer quel­que 1 800 ans avant notre ère d'après les mêmes repères stello-solaires qui permettent de dater d'assez près les mégalithes encore en place, comme l'a démontré mon ami, l'infatigable savant et chercheur que fut le Docteur Marcel Baudouin. Sa seule et légère erreur, à mon sens, fut d'étayer ses calculs sur le cycle précessionnel de Drayson, qui ne représente que quelques mouvements de balance excessifs du globe dans les siècles qui suivirent le déluge atlante et la stabilisation du système Terre-Lune. Dans l'ensemble des siècles, la valeur, tant symbolique que positive de la grande année de 25 920 ans reste entière.

Dans le plan primitif de Stonehenge, autour de la pierre centrale, dite Altar Stone, qui était alors posée sur deux autres plus petites, s'érigeait le grand symbole solaire : cinq grands trilithes, dont le plus élevé avait 21 pieds (3 X 7) de haut, disposés en amphithéâtre ouvert face à l'Avenue et à la Hèle Stone sur laquelle le soleil se levait au Solstice d'été [1] . Ce groupe dessinait intentionnellement, au centre de la colonnade circulaire des Trente Piliers qui l'entouraient à quelque distance, un Sabot d'Equidé, symbole stello-solaire bien connu des préhistoriens. Les auteurs ont comparé avec justesse sa forme à un « fer à cheval », sans avoir tiré, je crois, toutes les conséquences de ce rapproche­ment suggestif.

         Autour, s'érigeait le cercle des « Trente Piliers », de 12 pieds de haut, reliés par autant d'architraves. Au-delà de ce cercle, la surface du temple s'étendait, circonscrite par une levée de terre, interrompue du côté de 1' « Avenue ». A l'intérieur, proches de la levée de terre, étaient trois pierres ou bornes, équidistantes de l'autel central : la Slaughter Stone (aujourd'hui renversée et légèrement déplacée) sur la ligne de visée Autel-Hele Stone ; la S.-W. Stone, orientée lever, solstice d'hiver ; et la N.-W. Stone, orientée coucher, solstice d'été (avec la « déviation à droite » attendue, précieux indice chronologique).

         Là encore, se vérifient les règles de l'arithmologie druidique.

         La largeur de l'avenue est de 72 pieds ; le diamètre extérieur de la levée de terre, de 360 pieds ; les trois pierres d'orientation sont à 144 pieds (12 X 12) du centre (Altar Stone). Le cercle des Trente Piliers a un diamètre extérieur de 108 pieds (12 X 9), tandis que l'intervalle entre la Slaughter Stone et la Hèle Stone est de 120 pieds . Il y aurait beaucoup à dire sur ces rapports et ces distances, outre ceux dont je n'ai pas fait état. Sans commen­ter, je reviens à l'étonnant ensemble carnacéen.

 

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* *

 

         Là, dix à douze siècles avant notre ère, les druides firent ériger une Colonne commémorative imposante, de près de 21 m de haut, monolithe qu'une secousse sismique renversa au début de l'ère chrétienne. Il s'agit du Men er Hroéh, le plus haut menhir connu, qui pesait la bagatelle de quelque 350 tonnes. C'est préci­sément à lui que fait allusion un passage de la compilation de Scymnus de Chio :

         Les Celtes... tiennent leurs assemblées avec de la musique, demandant à cet art d'adoucir les cœurs. A l'extrémité de leur pays se trouve la colonne dite boréale, très haute, projetant sa pointe sur une mer houleuse. Les lieux voisins de cette colonne sont habités par les Vénètes.

 

*

         J'ai déjà fait allusion au magnétisme tellurique. Une de ses conséquences, c'est que l'on ne fonde pas une ville, et moins encore un sanctuaire, n'importe où. Les druides le savaient. La répartition des localités et surtout des hauts lieux sur le sol des Gaules était, en partie, l'œuvre des lignes de forces attrac­tives, autour desquelles se groupaient, — disons : d'instinct -les êtres susceptibles d'en ressentir l'influence. Pour une moindre part, cette distribution était l'œuvre des druides, qui déterminaient l'emplacement des sanctuaires, des lieux d'assemblées et des centres d'initiation et d'enseignement, en les situant sur le passage de ces lignes d'influence telluriques, autant que possible là où se formait un nodus énergétique important, dans la mesure, évidem­ment, où la géographie physique le leur permettait. Ce réseau tellurique n'est en partie déréglé que depuis un siècle environ, pour des motifs qu'on me permettra de ne pas rechercher pour l'instant.

         Après la formation des îles britanniques, les sages de Celtide avaient mesuré la Gaule avec soin et avaient transféré l'Ombilic, le Médiolanon suprême, à peu de lieues au nord d'Avaricum. Et ils avaient enfermé ce cœur du territoire à la fois celtique et, dans l'ensemble, orthodoxe, dans un circuit de défense et d'in­fluence, fixé théoriquement à 315 km de rayon, soit un million de pieds sacerdotaux. La carte annexe éclairera mieux ce qui va suivre. Auparavant, je dois dire que le centre carnacéen, passé au second plan par suite des transgressions marines, n'en conservait pas moins une sphère influentielle propre et des Axes puissants, dont certains distincts de ceux du nouvel Ombilic.

         Les diverses « lignes de forces », avec leurs « nœuds » centraux ou secondaires pouvaient être, certaines du moins, les « supports » d'influences plus hautes, les chemins ou canaux qu'elles pouvaient emprunter.

         Il est au moins troublant de constater, presque équidistants, sur trois des lignes rayonnant de l'Ombilic, les noms de Domrémy, Reims et Rouen, celle de Rouen aboutissant d'autre part à Gergovie et au sanctuaire du Puy-de-Dôme, en effleurant Patay et Orléans, autant que la géographie physique le peut permettre.

Examinons quelques instants les lignes maîtresses sur lesquelles cités et sanctuaires du passé, du présent, de l'avenir se sont édifiés ou s'édifieront.

         Tout d'abord, une zone d'influence majeure est inscrite entre les trois Médiolanon de Milan, de Saintes et du territoire des Menapii (entre Meuse et Rhin, non loin de Kampen). Je crois constater que ce dernier, celui de Milan et le sanctuaire de Stonehenge sont à la même distance approchante de l'Ombilic des Gaules, — environ un million de coudées de 0 m 54, ce qui peut n'être qu'une coïncidence.

 

carte tellurique
Centre magnéto-tellurique des Gaules (Voir en grand format)

 

         Sur ma carte, j'ai signalé par une étoile quelque centres ou nœuds, parmi lesquels se trouvent d'anciens Mediolanon : Château-Meillant, le Hohneck, Ars, le Huelgoat, et Etain (ancien sanctuaire d'une Etonna (« l'Ailée »), proche d'un Blismes (consacré jadis à Belisama).

         Quoique imparfaite (je ne suis pas cartographe) cette carte est assez explicite. En y jetant les yeux, chacun pourra me suivre et juger à sa convenance.

         Une des grandes lignes (de celles qu'on pourrait appeler « européennes » par leurs prolongements) part de Carnac, touche Château-Meillant, Ars, Etanna, se dirige vers Assise et se prolonge ensuite en direction d'Athènes, qui n'est nullement son terme ultime. Une autre, assez particulière, relie à Carnac Paris, Reims, Mayence et se poursuit via Berlin et Moscou. Je laisse au lecteur le plaisir de repérer celle qui va, en correctif, rejoindre Vienne, l'antique Vindobona, et de calculer quelques écarts angulaires, dont je veux éviter l'exégèse. J'ai quelque lieu de mentionner le triangle Strasbourg-Lyon-Paris, sur la droite reliant la Sainte-Baume au Mediolanon ménapien et sur celle qui rattache Lourdes à Stonehenge, en passant par Saintes, autre Mediolanon. Il me semble remarquable qu'une même ligne relie, en passant par Paris et Lyon, les deux Carthages : la moderne et l'antique. C'est à Paris, justement, qu'elle croise la ligne Berlin-Moscou. Ce qui peut susciter des réflexions pleines de sens.... et même de sens politique.

         On parle communément de la « Ceinture de feu » du globe, entendant par-là les fissures telluriques où les ingressus marins ou sous-marins provoquent les courts-circuits du feu électrique souterrain.

         L'existence d'un autre réseau, plus subtil, dont je viens de tenter une ébauche localisée, serait-elle le fruit de mon imagination maladive ou désordonnée ? La réponse est libre !...

         Il serait fastidieux de poursuivre. Toutefois, à l'intention des quelques-uns qui pourraient m'accorder un relatif crédit, je clos mon énumération sur une remarque nécessaire : l'importance extérieure de certains « relais » secondaires et le rôle actuellement « effacé » joué par quelques « centres » signalés comme essentiels, ne doivent pas abuser ceux qui aiment à aller au fond des choses. Actualisation et virtualisation alternent selon des rythmes qui donnent successivement à chaque « nœud » ou « plexus » sa nuit et son jour, sa phase d'éveil et son temps de repos, selon que les cycles particuliers se développent dans le cadre de cycles plus étendus ou plus généraux, englobés à leur tour dans celui dont tous relèvent.

 

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* *

 

         Je ne puis songer à examiner ici les nombreux symboles gravés sur mégalithes. Ce serait transformer ce chapitre en un volume épais. Toutefois, je ferai une exception pour les représentations stello-solaires « au naturel », si je puis dire. On les rencontre sur les dolmens vrais, sur quelques allées couvertes et, moins fré­quemment sur les menhirs. Il en existe également sur des blocs d'affleurement et des polissoirs. Le Dr Marcel Baudoin a décrit des douzaines de ces représentations, dont on trouve aussi des exemples dans les îles britanniques. Ce sont généralement des constellations circumpolaires ; elles peuvent comporter des canaux intercupulaires ou des rainures (comme sur le bloc de Dingé, dans le M.-et-L.), qui sont des lignes de visée. Certaines sont notable­ment complexes, telle la Roche aux Fras (île d'Yeu), où des cupules à bec donnent les lignes solsticiales ou équinoxiales.

         En maints endroits, les pierres ainsi gravées sont porteuses de « pas » ou empreintes pédiformes (Pied de la Vierge , Pas de Saint-Martin). Assez souvent, ce sont des sabots d'équidés, dont parfois les cupules épousent la forme, et que les traditions populaires attribuent en général au cheval fabuleux des quatre Fils Aymon, Boyard ou Bayart, dont le nom est peut-être (je dis « peut-être ») né d'une confusion entre un mot, encore vivant en patois, signifiant « rouge » (il s'applique en ce sens à la baie de l'églantier) et qu'on peut, non sans difficulté, tenter de faire remonter à badius, et un terme celtique qui a laissé des traces en breton, en gallois et dans divers dialectes romans. Ce mot, aurait donné bail, baillart et s'applique aux chevaux. Un cheval « bail » est un cheval qui a une tache blanche au front, quelle que soit sa robe. Rien n'empêche — au contraire — que cette tache ait la forme d'une étoile...

         Quoi qu'il en soit du cheval mythique, la représentation de constellations par des cupules me semble établie par nombre d'exemples, dont un des plus probants est sans doute le « Pied de la Vierge » sculpté sur un rocher à Clisson (Loire Maritime). A l'intérieur même du pied, des cupulettes figurent une Grande Ourse indiscutable.

         Je me bornerai à une seule représentation de cet ordre. Elle figure sur la table zénithale du mégalithe de Gatine (île d'Yeu). Malgré ses deux cassures, il est aisé de reconstituer la portion du ciel figurée par les cupules. En outre, la roche porte des empreintes pédiformes. Les deux empreintes de pieds sont en sens inverse l'une de l'autre ; la plus petite indique la direction de la polaire de l'époque : Alpha du Dragon, autrement dit Thuban. La plus grande, pointant vers le S.-E., est orientée soleil levant-solstice d'hiver, avec la déviation néolithique attendue. La polaire repérée, il est facile de reconnaître la constellation du Dragon et, de là, d'identifier le Cygne et sa belle étoile-repère, Deneb ; Dubhê (alpha de la Grande Ourse ) et bêta et gamma de la Petite. Trois autres cupules se laissent moins facilement iden­tifier. Ce pourraient être Kappa et Psi Draconis ; la troisième pouvant avoir été autrefois une étoile de 5e grandeur, qui, depuis ces temps lointains, aurait diminué d'éclat, ce qui n'est pas sans exemple. On connaît plusieurs représentations de la Grande Ourse , sur des oursins pétrifiés. Lorsque les constellations sont représentées par leur symbole (ours, bison, etc.) une ou plusieurs cupules précisent discrètement leur nature sidérale. Ces blasons stellaires n'ont pas manqué d'être interprétés en vertu de soi-disant « rites d'envoûtement de gibier » (à une époque où celui-ci foisonnait !), tandis que cupules, rigoles et cuvettes l'ont été en fonction d'une obsession de « sacrifices humains », fort loin des intentions de ceux qui les firent sculpter.

         J'ai dit ma pensée sur le nom baroque de « cromlech » dont on a affublé les cercles de pierres levées. Après les constatations qui précèdent, le moment n'est peut-être pas inopportun pour lui restituer sa véritable signification. Crom-lech ne signifie rien d'autre que lech (pierre) de Crom. Or Crom (« le courbe, le cintré ») était un nom métaphorique pour la « voûte céleste », le dôme étoile. C'est donc le ciel divinisé qu'il faut entendre par cette appellation :

         La « Pierre du Crom » (Cromlech ou Crom cruaidh), c'est tout mégalithe (ou tout microlithe) portant l'image de Crom, de la coupole étoilée, sous les espèces conventionnelles des « cupules » [2] . J'ai déjà rappelé que la dalle couvrant le dolmen était figura­tive du ciel. Avec ou sans cupules, l'analogie n'a rien de forcé. Ne nommons-nous pas « ciel de lit » un ornement qui n'est à peu près jamais étoile ? Et n'est-il pas connu que le signe égyptien pour représenter le ciel (pe-) est, précisément, un « plafond » ?

         Les idées qui ont cours aujourd'hui, touchant la « mentalité primitive », étayées sur le comportement actuel de clans arriérés ou de races abâtardies, ferment bien des portes à ceux qui les professent.

         Devant des ensembles aussi vastes et raisonnes que le sont ceux de Carnac et de Stonehenge, que pèsent ces constructions cérébrales ?

         Ce qui est ici « primitif », au sens péjoratif dont on a surchargé ce terme, c'est la technique, non la « mentalité ». Et encore ! Car cette technique comportait des méthodes, des secrets, des réalisations dont les techniques dont nous sommes si fiers aujourd'hui ne possèdent plus la clé. Ces monuments d'un lointain passé, qu'on peut, je crois, qualifier de grandioses sans forcer la note, et qui témoignent d'un ensemble de connaissances surprenant, ont demandé autre chose, pour prendre corps, que des peuplades sans lois, des cervelles obtuses et des sacerdotes insipients. Et l'on serait bien en peine de trouver chez les « primitifs » ou supposés tels, chers aux ethnologues, un témoignage authentique qui puisse soutenir la comparaison avec ceux dont je viens d'étudier quelques aspects.


[1] La Hèle Stone ou Heel Stone se trouve à 60 pieds de l'enceinte, soit à 240 pieds du Centre.

[2] La fameuse « idole » de l'ancienne Irlande, Cromm cruach, avec ses douze menhirs satellites, de type zodiacal, est, je le répète, le ciel divinisé. Les sacrifices sanglants en son honneur dénotent seulement le schisme dont j'ai assez parlé, sans modifier son caractère fondamental. Mais ce cercle de menhirs satellites est sans doute pour beaucoup dans la signification abusive accordée au mot cromlech.

 

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