XV

 

« Elle s'est sauvée par l'aumône »

 

Mme Poncet, née Mandy, de Reyrieux (Ain), professait un amour tout particulier pour les pauvres. Elle avait disposé dans sa maison une chambre pour leur servir de vestiaire ; et les hommes, une semaine, les femmes, la semaine suivante, venaient à tour de rôle changer de linge chez elle. Laissant là leurs vêtements fripés et malpropres, ils remportaient des vêtements lavés et raccommodés.

Mme Poncet ne partageait avec personne le soin de ces pauvres. Elle-même se chargeait toute seule de tenir le vestiaire en état, et elle y consacrait ses veillées entières à la saison mauvaise. Sa charité l'isolait ainsi de ses voisines qui, veillant dans son écurie, selon la coutume de ce temps-là, se plaignaient d'être privées de sa compagnie. « Laissez donc les pauvres tranquilles, lui disaient-elles ; vous remplissez votre maison de vermine et vous vivez en sauvage, en travaillant toute la semaine pour des gens si peu intéressants ». Mme Poncet laissait dire et continuait son office de sœur de charité.

Elle mourut après quelques années de mariage. Ses funérailles furent le triomphe de la reconnaissance. Tous les pauvres de Reyrieux et des environs l'accompagnèrent à sa dernière demeure.

 

Or, un soir de carême, sa mère, Mme Mandy, revenait de la prière avec sa petite-fille qui lui tenait la main. Elles s'engageaient dans le chemin qui conduit à leur maison, lorsque l'enfant s'arrêta et poussa un cri : « Oh ! maman dans sa chambre ! Regarde, grand-mère, la chambre est tout illuminée, et maman se promène souriante au milieu de la clarté ! » Mme Mandy vit, en effet, la chambre vivement éclairée, mais n'aperçut point sa fille. Qui sait, se dit-elle, si cette chère enfant n'aurait pas besoin de prières ?

Sur-le-champ, sa résolution est prise : demain, elle ira consulter le Voyant d'Ars. Mme Mandy était encore pour M. Vianney une inconnue. A peine l'a-t-il aperçue et avant qu'elle ait ouvert la bouche :

« Ah ! vous venez pour votre fille, lui dit-il... Elle s'est sauvée par l'aumône. Sauvez-vous de même par l'aumône. »

 

Le fait a été raconté à Mgr Convert par Mme veuve Dupuy, d'Ars, le 22 décembre 1923. Mme Dupuy en a souvent entendu le récit de la bouche des personnes qui allaient veiller chez Mme Poncet.

 

 

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