XXIV

 

La clef

 

Un vieillard habitant une commune voisine d'Ars, Sainte-Euphémie, a raconté ce qui va suivre à son curé, lequel l'a fidèlement rapporté au sanctuaire d'Ars :

 

« J'ai habité Chaleins, jusqu'à l'âge de vingt ans. Pendant plusieurs années, j'ai été placé dans la maison Mathon. Ma patronne était une femme très pieuse qui souvent allait entendre la messe à Ars. Mais, comme son mari y trouvait à redire, elle attendait qu'il s'absentât lui-même pour satisfaire sa grande dévotion. Elle laissait alors la clef de la maison à son petit domestique, afin que celui-ci pût la remettre à son maître s'il rentrait plus tôt que d'habitude.

Or, un jour que Mme Mathon s'était rendue à Ars pour assister à la messe de M. Vianney, elle vit l'homme de Dieu, sur le point de commencer le saint sacrifice, traverser la foule des pèlerins qui remplissaient l'église et venir droit à elle.

« Madame, lui dit-il, rentrez vite chez vous, car vous avez emporté la clef de votre maison et votre mari pourrait se fâcher. »

La dame Mathon, surprise, constata qu'en effet elle avait bien emporté la clef. Sans plus tarder, elle reprit le chemin de Chaleins où, en arrivant, elle raconta à son petit domestique ce qui avait hâté son retour. »

 

Le vieillard ajoutait : « Cela ne m'a pas bien étonné, car tout le monde savait que le Curé d'Ars était un saint ».