XXVI

 

« C'est la plus belle »

 

Un jour se présente au confessionnal de M. Vianney Mlle Sophie Mécusson, jeune personne de Ligny (Meuse), très pieuse et sans doute assez peu chargée de crimes, car, dès qu'elle est agenouillée à ses pieds, le saint Curé lui dit : « Ma petite fille, allez vous confesser à qui vous voudrez. Il y en a ici qui sont plus pressés que vous ! ».

La pénitente, légèrement déconcertée, se ressaisit cependant assez pour ne pas perdre une si belle occasion. Elle avait attendu longtemps son tour à venir et elle repartirait sans recevoir les conseils du saint !

« Je vous en prie, mon Père, confessez-moi. »

Silence de l'autre côté de la grille.

« Oh ! mon Père, donnez-moi au moins un souvenir... une image de sainte Philomène.

— Mais, répondit enfin M. Vianney, dans votre église de Ligny, dans telle chapelle, il y a un superbe tableau de sainte Philomène. Allez et faites-le reproduire. C'est la plus belle tête de la sainte que je connaisse. »

 

Or le Curé d'Ars n'avait jamais mis le pied à Ligny ; il ignorait l'existence du tableau. Comment en savait-il la beauté ?... (1)

Cette peinture, qui existe toujours, est en effet fort jolie. La jeune martyre, couronnée de roses, les cheveux dénoués sous son voile blanc, presse contre son cœur une palme et un lis. A ses pieds sont étendus, avec l'ancre symbolique, des instruments de supplice, un sabre, des fouets, des flèches. La physionomie est jeune ; les traits vraiment gracieux sont tout illuminés d'un sourire céleste.

Le tableau est daté de 1836. On ignore le nom de l'artiste. (2)

 

 

(1) Nous tenons ce récit de M. le chanoine Maucotel, supérieur du grand séminaire de Verdun. Il l'avait entendu conter directement, avec plusieurs faits de ce genre, par M. Guillaumet, longtemps supérieur du collège de l'Immaculée-Conception à Saint-Dizier, qui avait été un fervent pèlerin d'Ars au temps du saint Curé

(2) Ce tableau est reproduit dans notre ouvrage : La « petite sainte » du Curé d'Ars, SAINTE PHILOMÈNE (Vitte, Lyon-Paris), p. 146