VIII

 

« Votre fils va bien »

 

Vers l'année 1843, une dame Degrais, de Saint-Chamond, dans la Loire, fit le pèlerinage d'Ars à deux fins : elle désirait obtenir la guérison de sa mère et la cessation de gros ennuis : son beau-père, par des exigences et des remontrances continuelles, la rendait très malheureuse. Elle avait fait tous les sacrifices possibles pour vivre en paix avec lui, et la situation empirait plutôt...

M. Vianney la reçut avec bienveillance. Elle lui confia ses peines, son découragement.

« Mon enfant, lui répondit le saint, il faut bien avoir la foi... Priez sainte Philomène. Votre mère lui fera une neuvaine ; vous en ferez une, vous aussi.

— Dois-je la faire ici, cette neuvaine ?

— Non, mon enfant. La prière est bonne partout. »

Et, après un assez long silence, M. Vianney reprit :

« Allez-vous en, mon enfant, allez-vous-en vite ! Quand vous serez chez vous, il arrivera de grands changements. »

Mme Degrais repartit pour Saint-Chamond. Peu après son retour, son beau-père mourait d'apoplexie, puis sa mère guérissait à la suite de la neuvaine. Selon la prédiction du saint, il s'était réalisé pour elle « de grands changements ».

 

Six ou sept ans plus tard, Mme Degrais constata une fois de plus l'extraordinaire clairvoyance du Curé d'Ars. En 1849, le fils Degrais, qui portait le prénom de Rambert, tomba gravement malade. Sa mère, obligée de rester près de lui, chargea une amie en partance pour Ars de recommander le pauvre enfant à M. Vianney.

« Je prierai pour ce jeune homme », promit le serviteur de Dieu.

Rambert recouvra la santé. Par reconnaissance, le père, la mère et le jeune homme promirent un pèlerinage à l'autel de sainte Philomène. M. Vianney n'en fut nullement pressenti. Afin de pouvoir communier de sa main, nos trois pèlerins voulurent se confesser à lui.

C'est Mme Degrais qui put s'agenouiller à ses pieds la première. Simplement elle accusait ses fautes, lorsque le saint l'interrompit :

« Mon enfant, lui dit-il, sans qu'elle eût fait la moindre allusion à ce pèlerinage en commun, votre fils va bien, il est bien guéri... Continuez votre confession. »

Toute surprise d'abord d'une réflexion si inattendue, Mme Degrais, revenue dans l'église, remercia Dieu d'avoir accordé de tels dons à son serviteur. Elle admira encore la délicatesse du bon saint qui, par ces quelques mots lancés comme au hasard, avait tenu à lui dire son contentement de savoir le jeune homme en parfaite santé.

Pendant la confession de sa mère, Rambert Degrais, qui venait à Ars pour la première fois, s'était constamment tenu à un endroit de la nef où M. Vianney ne pouvait absolument pas l'apercevoir.

C'est au cours d'un nouveau pèlerinage d'action de grâces, accompli le 9 mai 1878, que Mme Degrais raconta à M. le chanoine Ball ces divers faits d'intuition. (1)

 

 

(1) Documents, Nos 36 et 37