XIV

 

Ce qui fut dit à des prêtres du Nord

 

Deux faits d'intuition se trouvent contenus dans la lettre ci-dessous qui fut adressée le 28 avril 1908 à M. le chanoine Carton, de Lille, par Mgr Berteaux, prélat de la maison de Sa Sainteté, curé de Saint-Martin, à Roubaix.

 

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Monsieur l'Archiprêtre,

 

Bien volontiers, je m'empresse de vous communiquer les renseignements que vous désirez au sujet de faits qui se sont passés à Ars.

Il y a soixante-trois ans, j'étais élève au grand séminaire. J'assistai, pendant les vacances, à une petite réunion d'ecclésiastiques des environs de Saint-Amand, mon pays natal. Dans cette réunion, se trouvaient plusieurs excellents prêtres du Nord, notamment M. Dewatine, curé de Mortagne, et M. Lefranc, curé de Thun-Saint-Amand, qui revenaient tous deux d'un voyage au cours duquel ils avaient visité Ars.

M. Dewatine raconta qu'il n'avait pas grande confiance dans tout ce qu'on rapportait du saint Curé, et que, pour cette raison, au passage de M. Vianney qui se rendait de la cure à l'église, il s'était tenu à l'écart. Quelle ne fut pas son émotion quand le saint, se détournant de sa route, vint lui frapper sur l'épaule en lui disant : « Ayez confiance, mon ami ! »

 

M. Lefranc rapporta à son tour que le vénéré Curé d'Ars, à qui il s'était confessé, lui avait dit de se préparer à bientôt mourir, car il aurait prochainement à l'épaule un mal qui le conduirait au tombeau. Le bon curé de Thun ajoutait qu'il se préparait, sans croire cependant à la prédiction, car il jouissait alors d'une excellente santé. J'appris, quelques mois plus tard, que M. Lefranc était mort d'un mal à l'épaule.

 

Voilà, monsieur l'Archiprêtre, ce que mes vieux souvenirs, que je crois fidèles, me rappellent au sujet de ces deux prêtres dont la mémoire est demeurée en bénédiction...