II

 

Le rayonnement du mystère

 

« Mlle Marie Roch, domiciliée à Paris-Montrouge, se trouvait aux prises avec des difficultés intérieures très personnelles, qui la tourmentaient beaucoup et dont elle ne savait comment sortir. »

Ainsi débute le chanoine Ball en son enquête.

Lasse de réfléchir, de consulter, et n'espérant plus rien de ses conseillers habituels, notre parisienne songea à ce petit curé de village dont la renommée était venue jusqu'à elle. En sa foi profonde, elle se persuada qu'une simple bénédiction du saint suffirait à dissiper ses longs ennuis.

Elle entreprit le voyage d'Ars pendant l'été de 1849. La saison était mal choisie pour qui désirait aborder promptement M. Vianney. Mlle Roch, le trouvant « constamment circonvenu par la foule empressée des pèlerins », ne put l'approcher à sa sortie de l'église ; elle dut prendre rang parmi les pénitentes.

Enfin, elle toucha à la chapelle de saint Jean-Baptiste. Les gardiennes avaient coutume d'y laisser pénétrer les deux ou trois personnes dont le tour arrivait, et l'on regardait comme une faveur d'achever sa préparation si près du confessionnal. Introduite dans la chapelle, Mlle Marie Roch, poussée par une curiosité assez compréhensible, se posta devant la porte du confessionnal et y plongea le regard.

 

Or, « au lieu de découvrir le vénérable Curé lui-même, elle vit distinctement à la place où pouvaient être ses yeux deux lumières très vives, comme deux jets de feu. A ce spectacle, elle fut saisie d'épouvante, puis, voulant s'assurer qu'elle n'était point le jouet d'une illusion, elle se mit à regarder très attentivement et à diverses reprises dans le confessionnal pendant au moins une huitaine de minutes, et le phénomène resta le même tout ce temps : sans apercevoir la personne du Curé d'Ars, elle vit les deux lumières brillantes sans changement ni diminution de la clarté, et au même endroit.

 

« Tout cela se passait en plein jour, continue M. Ball. Alors, persuadée que cela ne pouvait être que tout à fait surnaturel, Mlle Roch conçut une idée si haute du vénérable Curé qu'elle n'eut plus le courage d'entrer au confessionnal. Elle quitta la chapelle avec la persuasion que le saint prêtre avait vu certainement tout ce qui se passait dans son cœur et tout ce qui la troublait. »

 

Tout de même, le lendemain, Mlle Marie Roch se trouva sur le passage de M. Vianney dans le vestibule du clocher. Traversant la foule qui s'y pressait, il s'arrêta devant cette femme inconnue, la bénit, comme elle en avait eu le secret désir, et il lui dit d'un ton assuré, sans qu'elle lui eût rien fait connaître de l'état de son âme : « Mon enfant, soyez tranquille, tout ira bien ».

 

Ces paroles répondaient pleinement aux soucis intimes de Mlle Roch. Elles se réalisèrent à la lettre quelques mois après : plus de difficultés, plus de tourment.

 

Le rapport du chanoine Ball, établi sur les témoignages de Mlle Roch qui sont datés de 1880, se termine ainsi : « Ce fait merveilleux prouve que non seulement le vénérable Curé d'Ars possédait le don surnaturel de connaître ce qui se passait dans l'intérieur le plus intime des âmes, mais que la lumière même de Dieu apparaissait à travers les organes de son corps. » (1) 

 

 

(1) Documents, N° 79