IV

 

La curiosité satisfaite

 

L'admirable livre de l'Imitation de Jésus-Christ, qui, à n'en guère douter, fut composé par un religieux contemplatif pour d'autres religieux ses frères, donne ce conseil : Laissez là la curiosité – ou les choses curieuses, celles qu'on se plaît à voir, mais qu'il peut être inutile de voir. Relinque curiosa.

Or pouvait-il y avoir « curiosité », c'est-à-dire vain désir de voir ou désir de voir des choses vaines, quand il s'agissait des choses d'Ars ou de la personne même du Curé d'Ars ? Ce dernier semble l'avoir pensé ; en tout cas, il agit comme s'il le pensait dans une circonstance spéciale. La scène est plaisante, telle que l'a rapportée au procès de canonisation, dans sa déposition du 6 août 1864, M. le chanoine Camelet, alors supérieur des Missionnaires de Pont-d'Ain et titulaire de la cure d'Ars (1), qui en tenait les détails de l'héroïne elle-même, une religieuse.

 

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Étant dans un établissement situé non loin d'Ars, lui avait raconté cette religieuse, l'idée me vint d'y aller pour trois motifs :

1° Pour voir M. le Curé que je ne connaissais pas ;

2° Pour prier dans la chapelle de sainte Philomène ;

3° Pour admirer les ornements de l'église.

 

Comme j'arrivais auprès du presbytère, M. le Curé en sortait pour entrer à l'église. Ce fut lui qui me donna de l'eau bénite. « Sœur une telle, me dit-il, suivez-moi. »

Il me mena dans la chapelle de sainte Philomène. Après une courte prière faite devant la statue de la sainte, il me conduisit à la sacristie, où il étala tous les ornements devant moi.

Puis il me dit :

« Ma Sœur, vous êtes venue ici pour prier sainte Philomène : je vous ai menée dans sa chapelle.

Vous êtes venue encore pour admirer les ornements : ils sont là sous vos yeux.

Vous êtes venue enfin pour voir le Curé d'Ars : il est devant vous.

Vous êtes entièrement satisfaite. Je vous salue bien. »

 

 

(1) Pratiquement, en effet, M. Camelet n'eut guère que le titre de curé après la mort de M. Vianney, dont il avait été le légataire. Ce fut M. Toccanier, ancien auxiliaire du saint, qui remplit la charge de curé d'Ars, pour n'en recevoir officiellement le titre qu'en 1872.