IX

 

Le péché caché

 

Le récit qui va suivre, entièrement de la main de M. le chanoine Ball, démontre avec quelle spontanéité et quelle continuité le Curé d'Ars lisait au plus intime des consciences.

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Dans le temps que M. Vianney tenait sa Providence, il y avait dans l'établissement une orpheline d'un âge un peu avancé qui n'avait pas encore fait sa première communion.

Cette personne se préparait à la faire isolément, comme le bon Curé avait coutume d'en agir avec les personnes d'un certain âge.

Déjà, elle lui avait fait sa confession générale, et, depuis, elle continuait à se présenter au confessionnal assez souvent dans l'espoir toujours que le saint prêtre lui donnerait l'absolution.

Mais celui-ci se contentait d'entendre le peu de chose qu'elle lui accusait et la renvoyait simplement à une autre fois, sans l'absoudre.

Comme cette manière de faire durait depuis assez longtemps, sans paraître devoir cesser, la jeune personne, surprise et ennuyée, en témoigna son étonnement et sa peine à une des directrices de la Providence, Mlle Marie Filliat :

« Pourquoi, lui dit-elle, M. le Curé ne me fait-il pas finir, depuis le temps que j'ai terminé ma confession ? »

Persuadée que le vénérable Curé voyait surnaturellement quelque obstacle sérieux dans l'âme de cette orpheline, la directrice lui répondit : « Vous avez peut-être dans votre conscience quelque vilain péché que vous n'avez pas osé dire et qui empêche M. le Curé de vous absoudre. »

A ces mots, l'orpheline baissa la tête, puis, malgré la confusion qui colorait ses joues, elle finit par avouer à la directrice que c'était vrai, et, en même temps, lui raconta le fait qu'elle n'avait pas osé accuser.

La directrice l'encourage, lui apprend la manière d'avouer ce péché et l'envoie tout de suite s'en confesser, sans prévenir le confesseur.

La jeune personne y va, confesse tout, et le bon Curé, cette fois, lui donne l'absolution sans retard ni difficulté.

 

Mlle Marie Filliat, qui atteste ce fait, assure que ce péché caché était de telle nature que M. Vianney ne pouvait absolument pas en avoir la moindre connaissance par les lumières naturelles, et que, s'il en a attendu l'accusation avant d'absoudre, ce n'a pu être qu'à l'aide de lumières surnaturelles.

Ce même fait est attesté encore par Mlle Catherine Lassagne, principale directrice de la Providence d'Ars. (1)

 

 

(1) Documents, N° 73