XXI

Les deux jumeaux

 

Vers 1850, une dame Vailler, de Manziat, dans l'Ain, vint à Ars avec sa belle-fille. L'une et l'autre avaient grand désir de voir le saint Curé et de se confesser à lui. Cependant, pour la belle-fille, sur le point d'être mère, n'était-ce pas imprudence d'entreprendre pareil voyage ? Il y a de Manziat à Ars plus de quarante kilomètres, et la voiture qui amenait les deux femmes par de mauvais chemins était nantie de bien primitifs ressorts. N'importe ! elles partirent.

 

Elles se trouvaient dans le village depuis deux jours, lorsque la bru ressentit les premières douleurs. « Qu'allons-nous devenir ici ? gémissait-elle. Nous n'y connaissons personne. »

Bien ennuyée, la belle-mère la laissa gémir dans la petite chambre où toutes deux avaient trouvé gîte et elle s'arrangea de façon à rencontrer M. Vianney entre le presbytère et l'église. Elle lui confia ses perplexités.

« Ne craignez rien, lui répondit le serviteur de Dieu. Allez-vous-en tranquillement. Rien de fâcheux ne vous arrivera en chemin. »

Elles suivirent son conseil. Dès l'arrivée à la maison, eut lieu la délivrance. Deux jumeaux venaient réjouir le foyer.

 

L'un, à l'âge de 6 ans, devint un ange pour le ciel. L'autre vivait encore en 1930.

Mlle Bozat, qui raconta le fait à Mgr Convert, le 1er septembre de cette année-là, connaissait bien le survivant, et celui-ci, qui en tenait les détails de sa mère, les lui avait plus d'une fois répétés.