XVII
« Aujourd'hui même »
Un jour de 1850, Mme veuve Bonnet, habitante d'Ars, recevait une lettre lui annonçant la maladie grave d'un de ses fils, religieux chez les Frères de la Sainte-Famille, à Paris. Ce fils était son préféré, et Mme Bonnet, à la nouvelle qu'elle allait peut-être le perdre, eut le cur brisé.
À qui recourait-on, dans le village, aux heures douloureuses ? Chacun, sans hésiter, cherchait à voir M. Vianney, pour recevoir de lui ces mots de consolation que lui seul savait dire, et aussi pour obtenir la promesse d'une prière. Mme Bonnet ne fit pas autrement.
Elle savait bien que M. le Curé n'avait appris de personne la triste nouvelle. Et cependant, toute confiante, elle lui demanda :
« Où en est-il ?... Est-il vraiment si bas que cela ?
Mon enfant, répondit le serviteur de Dieu, aujourd'hui même vous allez être fixée, car vous recevrez une lettre de votre fille qui demeure à Paris. »
Puis d'avance, sans qu'elle s'en doutât, il prépara le cur de cette mère au suprême sacrifice.
De fait, dans la journée, la pauvre veuve reçut la missive annoncée, qui lui apprenait que le plus cher de ses fils était mort.
Et M. le chanoine Ball, à qui des témoins sûrs rapportèrent ces détails, accompagne son enquête de ce commentaire :
« Le vénérable Curé d'Ars avait donc vu, par une lumière évidemment surnaturelle, cette lettre en route de Paris à Ars apportant des nouvelles du fils Bonnet à sa mère et le jour précis de son arrivée. Or, rien dans l'ordre naturel n'avait pu faire connaître au serviteur de Dieu ni l'existence de cette lettre, ni son arrivée à jour fixe et précis. La télégraphie n'était point en usage alors, surtout de Paris à Ars, et cette lettre a été la première écrite après l'événement depuis celle qui avait annoncé la maladie. Le fait ne peut donc s'expliquer qu'en recourant à l'intervention du merveilleux surnaturel (1). »
(1) Documents Ball, n° 103