IX
« Si j'avais obéi au saint Curé d'Ars !... »
Ce M. Pierre Pontet, de Ronno, près de Villefranche-sur-Saône, dont le Curé d'Ars avait favorisé le mariage avec Mlle Françoise Barras (1), aimait à revenir de temps en temps se confesser au serviteur de Dieu.
La dernière fois sans doute qu'il eut l'avantage de s'adresser à M. Vianney, celui-ci, après l'avoir confessé et conseillé, lui dit : « Et maintenant, mon ami, rentrez vite chez vous, en ne vous arrêtant nulle part. »
Pierre Pontet quitta en effet Ars sans plus attendre, mais en route, il pensa que sa présence immédiate ne devait pas être si nécessaire que cela à la maison. Il avait des parents à Villefranche. Il alla les voir et demeura chez eux jusqu'au lendemain matin.
Cela lui faisait quatre jours d'absence.
Quand il rentra chez lui, il pressentit un malheur. Sa femme se jeta dans ses bras en sanglotant. Et une voisine, qui était là présente, conta à Pierre Pontet que son petit dernier Pierre était déjà père de trois enfants était mort de convulsions l'avant-veille, et que l'enterrement était chose faite.
Croyant que son fils était mort d'un accident qu'on cherchait à lui cacher, M. Pontet eut une violente colère. On alla quérir M. le Curé de Ronno, dont on avait suivi les conseils.
M. le Curé expliqua que le petit corps, devenu rapidement tout noir, présentait des traces de décomposition. Comme il était impossible de prévenir le père qui n'avait pas précisé le moment de son retour, on avait dû, dans les vingt-quatre heures, procéder aux funérailles.
« Si nous avions su votre retour si prochain, conclut le prêtre, nous aurions bien attendu un peu.
Ah ! si j'avais obéi au saint Curé d'Ars, s'écria alors Pierre Pontet, enfin calmé et qui donna libre cours à ses larmes, j'aurais pu embrasser une fois encore notre cher petit ! Pourquoi, malgré sa recommandation pressante, me suis-je arrêté à Villefranche ? (2)... »
(1) Voir le récit Le bonheur de Françoise (6ème partie).
(2) Ces détails proviennent de Mlle Maria Pontet, sur de l'enfant mort, qui les communiqua à Mgr convert, au parloir du presbytère d'Ars, le 23 mai 1931.