(QUINZIéME SERMON)
Devoirs des parents envers les enfants
Credidit ipse et domus ejus tota.
Il crut, lui et toute sa maison
(S. Jean, iv, 53.)
Pouvons-nous trouver, M.F., un exemple plus capable de montrer tous les chefs de famille qu'ils ne peuvent travailler efficacement leur salut sans travailler en mme temps celui de leurs enfants ? En vain les pres et mres passeraient-ils leur vie faire pnitence, pleurer leurs pchs, distribuer leur bien aux pauvres ; s'ils ont le malheur de ngliger le salut de leurs enfants, tout est perdu pour eux. En doutez-vous, M.F. ? Ouvrez les critures, et vous y verrez que si les parents ont t saints, les enfants et mme leurs domestiques l'ont t galement. Lorsque le Seigneur loue ces pres et mres qui se sont distingus par leur foi et leur pit, il n'oublie jamais de nous dire que leurs enfants et leurs domestiques ont march sur leurs traces. L'Esprit-Saint veut-il nous faire l'loge d'Abraham et de Sara ? Il ne manque pas en mme temps de nous faire mention de l'innocence d'Isaac et de leur fervent et fidle serviteur lizer [1] . Et s'il nous met devant les yeux les rares vertus de la mre de Samuel, de suite il relve les belles qualits de ce digne enfant [2] . Veut-il nous manifester l'innocence de Zacharie et d'lisabeth, de suite il nous parle de Jean-Baptiste, le saint prcurseur du Sauveur [3] . Le Seigneur veut-il nous reprsenter la mre des Machabes comme une mre digne de ses enfants, en mme temps, il nous manifeste le courage et la gnrosit de ses enfants qui donnent leur vie avec tant de joie pour le Seigneur [4] . Si saint Pierre nous parle du centurion Corneille comme d'un modle de vertu, en mme temps il dit que toute sa famille avec lui servait le Seigneur [5] . Si l'vangile nous parle de cet officier qui vint demander Jsus la gurison de son fils, il nous dit qu'aprs l'avoir obtenue, il ne se donna point de repos avant que toute sa famille avec lui ft au Seigneur [6] . Beaux exemples pour les pres et mres ! O mon Dieu ! si les pres et mres de nos jours avaient le bonheur d'tre des saints eux-mmes, que d'enfants de plus pour le ciel ! que d'enfants de moins pour l'enfer !
Mais, me direz-vous peut-tre, que faut-il donc faire pour remplir nos devoirs, puisqu'ils sont si grands et si redoutables ? Hlas ! je n'ose vous le dire, tant ils sont effrayants pour un chrtien qui veut les remplir comme le bon Dieu le demande. Mais puisque je suis forc de vous les montrer, les voici : instruire vos enfants, c'est--dire leur apprendre connatre le bon Dieu et leurs devoirs ; les corriger chrtiennement, leur donner bon exemple, les conduire dans le chemin qui va au ciel en y marchant vous-mmes. Hlas ! M.F., je crains bien que cette instruction ne vous soit, comme tant d'autres ; un nouveau sujet de condamnation, Vouloir entreprendre de vous montrer la grandeur de vos devoirs, c'est vouloir descendre dans un abme sans fond, c'est vouloir vous dvelopper une vrit qu'il est impossible l'homme de montrer dans tout son jour. Pour cela, M.F., il faudrait pouvoir vous faire comprendre ce que valent les mes de vos enfants, ce que Jsus-Christ a souffert pour leur procurer le ciel, le compte pouvantable que vous en rendrez un jour Dieu, les biens que vous leur faites perdre pour l'ternit, les tourments que vous leur prparez pour l'autre vie ; vous conviendrez, avec moi, M.F., que nul homme n'est capable de cela. Ah ! malheureux parents, si vous les estimiez autant que le dmon ! Quand il emploierait trois mille ans les tenter, si au bout de ce temps, il pouvait, les avoir, il compterait toutes ses peines pour rien. Pleurons, M.F., la perte de tant d'mes que les parents jettent chaque jour en enfer.
Je vais passer bien lgrement sur vos obligations, et cependant si vous n'avez entirement perdu la foi, vous allez voir que vous n'avez rien fait de ce que le bon Dieu veut que vous fassiez pour vos enfants, ou plutt que vous avez fait tout ce qu'il fallait faire pour les perdre. Oh ! que de personnes maries n'iront pas au ciel ! - Et pourquoi, me direz-vous ? - Mon ami, le voici. Parce qu'il en est beaucoup qui entrent dans l'tat du mariage sans les dispositions ncessaires, et qui ainsi profanent tout d'abord ce sacrement. Oui, o sont ceux qui reoivent ce sacrement avec la prparation convenable ? les uns sont conduits par la pense d'y contenter leurs dsirs impurs ; les autres sont attirs par des vues d'intrts ou les sductions de la beaut ; mais presque personne n'a Dieu seul pour objet. Hlas ! que de mariages profans, et qu'il y a peu d'unions o rgnent la paix et la vertu ! Mon Dieu ! que de gens maris qui seront damns ! Mais non, M.F., n'entrons pas dans ces dtails, nous y reviendrons une autre fois ; parlons seulement des devoirs des parents envers leurs enfants : ils sont assez vastes, assez tendus pour nous servir de sujet d'entretien.
Pour aujourd'hui, M.F., nous ne dirons rien de ces pres et mres, dont je ne pourrais dpeindre en termes assez vifs et assez nergiques, la noirceur et l'horreur du crime. Ils fixent, avant Dieu mme, le nombre de leurs enfants, ils mettent des bornes aux desseins de la Providence, et s'opposent ses volonts adorables. Couvrons, M.F., toutes ces turpitudes d'un voile que Celui qui a tout vu, tout compt, et tout pes, saura bien arracher au grand jour des vengeances. Tes crimes sont cachs, mon ami, mais attends encore quelques jours, et Dieu saura bien les manifester la face de tout l'univers. Oui, M.F., nous verrons au jour du jugement des horreurs qui se sont commises dans le mariage, et qui auraient fait frmir les paens eux-mmes.
Nous ne dirons rien non plus de ces mres criminelles, qui verraient sans douleur, hlas ! peut-tre mme avec plaisir, prir leurs pauvres enfants, avant de leur avoir donn le jour, et de leur avoir procur la grce du saint baptme ; les unes, par la crainte de la peine qu'elles prouveraient pour les lever ; les autres, par la crainte du mpris et rebut qu'elles essuieraient de la part d'un mari brutal et sans raison ; je ne dis pas, sans religion, car les paens n'en feraient pas davantage. O mon Dieu ! de tels crimes peuvent-ils bien se trouver parmi les chrtiens ? Cependant, M.F., que le nombre en est grand ! Encore une fois, que de gens maris sont damns ! Eh ! quoi, mon ami, faut-il que le bon Dieu ne vous ait donn des connaissances si au-dessus des btes que pour mieux l'outrager ? Faut-il que les petits oiseaux et les animaux mme les plus froces vous servent d'exemple ? Voyez-les, ces pauvres petites btes, combien elles se rjouissent de voir multiplier leur gnration ; le jour, elles sont occupes leur chercher de la nourriture, et la nuit, elles les couvrent de leurs ailes, pour les garantir des injures de l'air. Si une main avide leur enlve leurs petits, vous les entendez pleurer leur manire ; elles semblent ne plus pouvoir quitter leurs nids, toujours dans l'esprance qu'elles les retrouveront. Quelle honte, je ne dis pas pour les paens, mais pour des chrtiens, que les animaux soient plus fidles accomplir les desseins de la Providence sur eux, que les propres enfants de Dieu ; c'est--dire les pres et mres que le bon Dieu n'a choisis que pour peupler le ciel ! Non, non, M.F., n'allons pas plus loin, quittons un sujet aussi rvoltant ; entrons dans des dtails qui regarderont un plus grand nombre.
Je vais vous parler aussi simplement qu'il me sera possible, afin que vous puissiez bien comprendre vos devoirs et les accomplir.
Je dis 1¡ que, ds qu'une mre est enceinte, elle doit faire quelque prire ou quelque aumne ; mieux encore, si elle le peut, faire dire une Messe pour prier la trs sainte Vierge de la recevoir sous sa protection, afin qu'elle obtienne du bon Dieu que ce pauvre enfant ne meure pas sans avoir reu le saint baptme. Si une mre avait vraiment le sentiment religieux, elle se dirait elle-mme : Ç Ah ! si j'avais le bonheur de voir ce pauvre enfant devenir un saint, de le contempler toute l'ternit ct de moi, chantant les louanges du bon Dieu, quelle joie pour moi ! È Mais non, non, M.F., ce n'est pas la pense qui occupe une mre enceinte ; elle prouvera plutt un chagrin dvorant de se voir dans cet tat, et peut-tre aura-t-elle la pense de dtruire le fruit de son sein. O mon Dieu ! le cÏur d'une mre chrtienne peut-il bien concevoir un tel crime ? Cependant, que nous en verrons au grand jour qui auront nourri dans elles-mmes ces penses d'homicide !
2¡ Je dis qu'une mre enceinte qui veut conserver son enfant pour le ciel, doit viter deux choses, la premire ; de porter de fardeaux trop lourds et de lever les bras pour prendre quelque chose, ce qui pourrait nuire son pauvre enfant et le faire prir. La seconde chose viter, c'est de prendre des remdes qui pourraient fatiguer son enfant, et de se mettre dans des accs de colre, ce qui pourrait souvent l'touffer. Les maris doivent passer sur beaucoup de choses sur lesquelles ils ne passeraient pas dans un autre temps ; s'ils ne le font pas par rapport la mre, qu'ils le fassent par rapport ce pauvre enfant ; car peut-tre perdrait-il la grce du saint baptme : ce qui serait le plus grand de tous les malheurs !
3¡ Ds qu'une mre voit approcher ses couches, elle doit aller se confesser, et pour plusieurs raisons. La premire est que plusieurs meurent dans leurs couches, et que, par consquent, si elle avait le malheur d'tre en tat de pch, elle se damnerait. La seconde, c'est qu'tant en tat de grces, toutes les souffrances et les douleurs qu'elle endurera seront rcompenses pour le ciel ; la troisime, c'est que toutes les bndictions qu'elle souhaitera son enfant, le bon Dieu ne manquera pas de les lui accorder. Une mre, dans ses couches, doit conserver la pudeur et la modestie, autant qu'il lui est possible dans son tat, et ne jamais perdre de vue qu'elle est en prsence du bon Dieu, en la compagnie de son bon ange gardien. Elle ne doit jamais faire gras les jours dfendus, sans permission, ce qui attirerait la maldiction sur elle et sur son enfant.
4¡ Ne laissez jamais passer plus de vingt-quatre heures sans baptiser vos enfants ; si vous ne le faites pas, vous vous rendez coupables, moins que vous n'ayez des raisons srieuses. Dans le choix que vous faites des parrains et marraines, prenez des personnes sages, autant que vous le pourrez ; en voici la raison : c'est que toutes les prires, les bonnes Ïuvres que feront leurs parrains et leurs marraines, en vertu de la parent spirituelle avec vos enfants, leur obtiendront quantit de grces du ciel. Oui, M.F., nous sommes srs de voir au jugement dernier beaucoup d'enfants qui se reconnatront redevables de leur salut aux prires, aux bons conseils et aux bons exemples de leurs parrains et marraines. Une autre raison vous y oblige : si vous venez leur manquer, ce sont eux qui doivent tenir votre lieu et place. Donc, si vous aviez le malheur de prendre des parrains et des marraines sans religion, ils ne pourraient que conduire vos enfants dans les enfers.
Pres et mres, vous ne devez jamais laisser perdre le fruit du baptme vos enfants ; combien ne seriez-vous pas aveugles et cruels ! L'glise vient de les sauver par le saint baptme, et vous, par votre ngligence, vous les redonneriez au dmon ? Ah ! pauvres enfants, entre les mains de qui avez-vous eu le malheur de tomber ! Mais s'il s'agit des parrains et marraines, il ne faut pas oublier que pour rpondre pour un enfant on doit tre suffisamment instruit, afin de pouvoir instruire cet enfant si le pre et la mre venaient lui manquer. En outre, il faut qu'ils soient bons chrtiens, et mme de parfaits chrtiens ; puisqu'ils doivent servir d'exemples leurs enfants spirituels. Ainsi, une personne qui ne fait pas ses pques ne doit pas rpondre pour un enfant, ni une personne qui garde une mauvaise habitude sans vouloir y renoncer, ni une personne qui court les danses, qui frquente habituellement les cabarets ; parce que, chaque interrogation du prtre, il fait un faux serment ; chose grave, comme vous le pensez, en prsence de Jsus-Christ mme, au pied des fonts sacrs du baptme. Quand vous n'tes pas dans les conditions requises pour tre des parrains chrtiens, il faut refuser ; et, si cela vous est arriv, il faut vous en confesser et ne plus retomber dans ce pch.
5¡ Il ne faut pas faire coucher vos enfants avec vous avant qu'ils aient deux ans ; si vous le faites, vous commettez un pch. Si l'glise a fait cette loi, ce n'est pas sans raison : vous tes obligs de l'observer. – Mais, me direz-vous, parfois il fait bien froid ; ou l'on est bien las. – Tout cela, M.F., n'est pas une raison qui puisse vous excuser aux yeux de Dieu. D'ailleurs, quand vous vous tes maris, vous saviez bien que vous seriez obligs de remplir les charges et les obligations qui sont attaches cet tat. Oui, M.F., il y a des pres et mres si peu instruits de leur religion, ou si peu soucieux de leurs devoirs, qu'ils feront coucher avec eux des enfants de quinze dix-huit ans, et mme souvent des frres et des sÏurs ensemble. O mon Dieu ! dans quel tat d'ignorance sont ces pauvres pres et mres ! - Mais, me direz-vous, nous n'avons point de lit. Vous n'avez point de lit, mais il vaut bien mieux les faire coucher sur une chaise, ou chez votre voisin. O mon Dieu ! que de parents et d'enfants damns ! Mais je reviens mon sujet en vous disant que toutes les fois que vous faites coucher vos enfants avec vous, avant qu'ils aient deux ans, vous offensez le bon Dieu. Hlas ! combien de pauvres enfants la mre trouve touffs le matin, et combien de mres sont prsentes auxquelles ce malheur est arriv ! Et quand mme le bon Dieu vous en aurait prservs, vous n'tes pas moins coupables que si, chaque fois que vos enfants ont couch avec vous, vous les aviez trouvs touffs le matin. Vous ne voulez pas en convenir, c'est--dire, que vous ne vous en corrigez pas ; attendons le jugement, et vous serez forcs de reconnatre ce que vous ne voulez pas reconnatre aujourd'hui. – Mais, me direz-vous, quand ils sont baptiss ils ne sont pas perdus ; au contraire, ils vont au ciel. – Sans doute, M.F., ils ne sont pas perdus ; mais c'est vous qui serez perdus ; et du reste, savez-vous quoi Dieu destinait ces enfants ? Peut-tre que cet enfant aurait t un bon prtre. Il aurait conduit quantit d'mes au bon Dieu ; chaque jour, en clbrant la sainte Messe, il aurait rendu plus de gloire Dieu que les anges et les saints tous runis ensemble dans le ciel. Il aurait tir plus d'mes du purgatoire que les larmes et les pnitences de tous les solitaires runis auprs du tribunal de Dieu. Comprendrez vous, maintenant, le malheur de laisser prir un enfant mme baptis ? Si la mre de saint Franois Xavier, qui a t un si grand saint, qui a tant converti d'idoltres, l'avait laiss prir : hlas ! que d'mes en enfer, qui, au jour du jugement, lui reprocheraient d'avoir t cause de leur malheur, parce que cet enfant tait suscit de Dieu pour les convertir ! Vous laissez prir cette fille qui peut-tre se serait donne au bon Dieu ; par ses prires et ses bons exemples elle en aurait conduit un grand nombre au ciel. Peut-tre mre de famille, elle aurait bien lev ses enfants, qui, leur tour, en auraient lev d'autres, et ainsi la religion se serait maintenue et conserve dans de nombreuses gnrations. Vous faites peu de cas, M.F., de la perte d'un enfant, sous prtexte qu'il est baptis ; mais attendez le jugement, et vous verrez et reconnatrez ce que vous ne comprendrez jamais en ce monde. Hlas !, si les pres et mres faisaient de temps en temps cette rflexion, que d'mes de plus dans le ciel.
6¡ Je dis que les parents sont trs coupables en caressant leurs enfants d'une manire inconvenante. – Mais, me direz-vous, nous ne faisons point de mal, c'est pour les caresser ; - et moi je dirai que vous offensez le bon Dieu, et que vous attirez la maldiction sur ces pauvres enfants. Savez-vous ce qu'il en rsulte ? Le voici. Il y a des enfants, qui ont pris cette habitude par le fait de leurs parents, et qui l'ont conserve jusqu' leur premire communion. Mais, mon Dieu ! peut-on bien croire cela de la part de parents chrtiens ?
7¡ IL y a des mres, qui ont si peu de religion, ou, si vous voulez, sont si ignorantes que pour montrer une voisine la sant de leurs enfants elles les mettent nu ; d'autres, pour les langer, les laissent longtemps dcouverts devant tout le monde. Eh bien ! mme en l'absence de toute personne, vous ne devriez pas le faire. Est-ce que vous ne devez pas respecter la prsence de leurs anges gardiens ? Il en est de mme, lorsque vous les allaitez. Est-ce qu'une mre chrtienne doit se laisser les seins dcouverts ? et quoique bien couverte, ne doit-elle pas se tourner du ct o il n'y a personne ? D'autres, sous prtexte qu'elles sont nourrices, ne sont toujours qu' moiti couvertes : quelle abomination ! n'y a-t-il pas mme de quoi faire rougir les paens ? L'on est oblig, pour ne pas s'exposer des regards mauvais, de fuir leur compagnie. Oh quelle horreur : – Mais, me direz-vous, quoiqu'il y ait du monde, il faut bien allaiter nos enfants, et les langer quand ils pleurent ? – Et moi je vous dirai que quand ils pleurent, vous devez faire tout ce que vous pourrez pour les apaiser ; mais il vaut beaucoup mieux les laisser un peu pleurer que d'offenser le bon Dieu. Hlas ! combien de mres sont cause de mauvais regards, de mauvaises penses, d'attouchements dshonntes ! Dites-moi, sont-ce l des mres chrtiennes qui devraient tre si rserves ? O mon Dieu ! quel jugement doivent-elles s'attendre ? D'autres sont si cruelles, qu'elles laissent leurs enfants en t courir toute la matine moiti couverts. Dites-moi, misrables ; ne seriez-vous pas mieux votre place parmi les btes sauvages ? O est donc votre religion et le souci de vos devoirs ? Hlas ! pour de la religion, vous n'en avez point, et vos devoirs, les avez-vous jamais connus ? Vous en donnez la preuve chaque jour. Ah ! pauvres enfants, que vous tes malheureux d'appartenir de tels parents !
8¡ Je dis, que vous devez encore surveiller vos enfants, lorsque vous les envoyez aux champs ; alors, loigns de vous, ils se livrent tout ce que le dmon veut leur inspirer. Si j'osais, je vous dirais qu'ils font toutes sortes de malhonntets, qu'ils passent des moitis de jour faire des abominations. Je sais bien, que la plupart ne connaissent pas le mal qu'ils font ; mais attendez qu'ils aient la connaissance. Le dmon ne manquera pas de les faire ressouvenir de ce qu'ils ont fait dans ce moment, pour leur faire commettre le pch, ou de semblables choses. Savez-vous, M.F., ce que votre ngligence ou votre ignorance produit ? Le voici : retenez-le bien. Une bonne partie des enfants que vous envoyez dans les champs font des sacrilges pour leur premire communion ; ils ont contract ces habitudes honteuses : ou ils n'osent pas le dire, ou ils ne sont pas corrigs. Ensuite, si un prtre, qui ne veut pas les damner, les refuse ; on lui fera des reproches, en disant : C'est parce que c'est le mien... Allez, misrables, veillez un peu mieux sur vos enfants, et ils ne seront pas refuss. Oui, je dirai que la plus grande partie de vos enfants ont commenc leur rprobation dans le temps qu'ils allaient aux champs. Mais, me direz-vous, nous ne pouvons pas toujours les suivre, il y aurait bien de quoi faire. – Pour cela, M.F., je ne vous en dis rien ; mais tout ce que je sais, c'est que vous rpondrez de leurs mes comme de la vtre mme. – Mais nous faisons bien ce que nous pouvons. – Je ne sais si vous faites ce que vous pouvez ; mais ce que je sais, c'est que, si vos enfants se damnent chez vous, vous le serez aussi ; voil ce que je sais et rien autre. Vous aurez beau dire que non, que je vais trop loin ; vous en conviendrez, si vous n'avez pas entirement perdu la foi ; cela seul suffirait vous jeter dans un dsespoir dont vous ne pourriez sortir. Mais je sais bien que vous ne ferez pas un pas de plus pour mieux vous acquitter de vos devoirs envers vos enfants ; vous ne vous inquitez pas de tout cela, et vous avez presque raison, parce que vous aurez bien le temps de vous tourmenter pendant toute l'ternit. Passons plus loin.
9¡ Vous ne devez pas faire coucher vos servantes ou vos filles dans les appartements o vos domestiques vont chercher, le matin, vos raves et vos pommes de terre. Il faut le dire la honte des pres et des mres, des matres et matresses, de pauvres enfants, des servantes auront la confusion de se lever, de s'habiller devant des gens qui n'ont pas plus de religion que s'ils n'avaient jamais entendu parler du vrai Dieu. Souvent les lits de ces pauvres enfants n'auront point de rideaux. – Mais, me direz-vous, s'il fallait faire tout ce que vous dites, il y aurait bien de l'ouvrage. – Mon ami, c'est l'ouvrage que vous devez faire, et si vous ne le faites pas, vous en serez jug et puni : voil. Vous ne devez pas non plus faire coucher vos enfants dans la mme chambre que vous, ds qu'ils ont sept ou huit ans. Tenez, M. F, vous ne connatrez le mal que vous faites qu'au jugement de Dieu. Je sais bien que vous ne ferez rien ou presque rien de ce que je viens de vous enseigner mais, n'importe, je vous dirai toujours ce que je dois vous dire ; ensuite, tout le mal sera pour vous et non pour moi, parce que je vous fais connatre ce que vous devez faire pour remplir vos obligations envers vos enfants. Quand le bon Dieu vous jugera, vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas ce qu'il fallait faire ; je vous rappellerai ce que je vous dis aujourd'hui.
Vous venez de voir, M.F., que vos enfants, quoique petits, vous ont fait commettre bien des fautes ; mais vous allez voir, que quand ils sont grands ils vous en font commettre de bien plus grandes et de bien plus funestes pour vous et pour eux. Vous conviendrez tous avec moi, M.F., que plus vos enfants avancent en ge, plus vous devez redoubler vos prires et vos soins, vu les dangers plus grands et les tentations plus frquentes. Dites-moi maintenant, est-ce l ce que vous faites ? Non sans doute, quand vos enfants taient petits, vous aviez le soin de leur parler du bon Dieu, de leur faire faire leur prire ; vous veilliez un peu sur leur conduite, vous leur demandiez s'ils avaient t se confesser, s'ils avaient assist la sainte Messe ; vous aviez la prcaution de leur dire d'aller au catchisme. Depuis qu'ils ont dix-huit vingt ans, bien loin de leur inspirer la crainte et l'amour de Dieu, le bonheur de celui qui le sert pendant sa vie, le regret que nous avons en mourant de nous tre perdus ; hlas ! ces pauvres enfants sont remplis de vices, et ont mille fois transgress les commandements de Dieu sans les connatre ; leur esprit est plein des choses de la terre et vide de celles de Dieu. Vous leur parlez du monde. Une mre commencera dire sa fille qu'une telle s'est marie avec un tel, qu'elle a bien trouv un bon parti ; qu'il faudrait bien qu'elle ait le mme bonheur. Cette mre n'aura que sa fille en tte, c'est--dire, qu'elle fera tout ce qu'elle pourra pour la faire briller aux yeux du monde. Elle la chargera de vanits, peut-tre mme jusqu' faire des dettes ; elle lui apprendra marcher bien droit, en lui disant qu'elle marche toute courbe, qu'on ne sait quoi elle ressemble. Cela vous tonne, qu'il y ait de ces mres si aveugles ! Hlas ! que le nombre est grand de ces pauvres aveugles qui cherchent la perte de leurs filles ! Une autre fois, les voyant sortir le matin, elles sont plus empresses vite regarder si elles ont leur bonnet bien droit, le visage et les mains bien propres, que de leur demander si elles ont donn leur cÏur au bon Dieu, si elles ont fait leur prire et offert leur journe : de tout cela, elles n'en parlent pas. Une autre fois, elles diront qu'il ne faut pas paratre sauvage, qu'il faut faire bonne grce tout le monde, qu'il faut penser faire des connaissances pour s'tablir. Combien de mres ou de pauvres pres aveugls disent leur enfant : Si tu es bien gentille ou si tu fais bien cela, je te laisserai aller la foire de Montmerle, ou la vogue; c'est--dire, si tu fais bien toujours ce que je voudrai, je te tranerai en enfer ! O mon Dieu, est-ce bien le langage de parents chrtiens qui devraient prier nuit et jour pour leurs pauvres enfants ; afin que le bon Dieu leur inspirt une grande horreur pour les plaisirs, un grand amour pour lui avec le salut de leur me ! Ce qu'il y a encore de plus triste, c'est qu'il y a des enfants qui ne sont nullement ports sortir ; les parents sont les prier, les solliciter en leur disant : Tu restes toujours l, tu ne trouveras pas t'tablir, l'on ne te saura pas au monde. Vous voulez, ma mre, que votre fille fasse des connaissances ? Ne vous inquitez pas tant, elle en fera bien ! sans que vous vous tourmentiez si fort ; attendez encore quelque temps, et vous verrez bien qu'elle les a faites.
La fille, dont le cÏur ne sera peut-tre pas aussi gt que celui de la mre, lui dira : Ç Je ferai bien comme vous voudrez ; mais non, M. le cur ne veut pas ; il nous dit que tout cela ne fait qu'attirer la maldiction du bon Dieu sur les mariages ; j'ai envie de ne pas aller dans les danses, qu'en pensez-vous, ma mre ? È - Ç Eh ! bon Dieu, que tu es bonne, ma fille, d'couter M. le cur, il faut bien qu'il nous dise quelque chose ; c'est son gagne-pain, l'on en prend ce que l'on veut, et on laisse le reste d'autres. È – Ç Mais nous ne ferons point de pques ? È – Ç Ah ! pauvre enfant, s'il ne veut nous recevoir, nous irons un autre ; ce que l'un ne veut pas, l'autre le prend toujours. Ma fille, sois sage, reviens de bonne heure, va seulement, tu ne te divertiras pas quand tu ne seras plus jeune. È Une autre fois, ce sera une voisine qui lui dira : Ç Vous laissez trop de libert votre fille, elle finira par vous donner du chagrin. È – Ç Ma fille ! lui rpondra-t-elle, je n'ai pas peur de cela. D'ailleurs, je lui ai recommand d'tre bien sage, elle me l'a promis ; je suis sre qu'elle ne voit que des personnes comme il faut. È Ma mre, attendez quelque temps et vous verrez le fruit de sa sagesse. Quand le crime clatera, il sera un sujet de scandale pour toute la paroisse, il couvrira la famille d'opprobre et de dshonneur ; et si rien n'clate, c'est--dire, si personne ne l'apprend, elle portera sous le voile du sacrement de mariage, un cÏur et une me gts par les impurets auxquelles elle s'est livre avant son mariage, source de maldictions pour toute sa vie. – Mais, dira une mre, quand je verrai qu'elle en fera trop, je saurai bien l'arrter ; je ne lui donnerai plus la permission de sortir, ou bien je prendrai un bton.
Vous ne lui donnerez plus la permission, ma mre ; ne vous inquitez pas, elle saura bien la prendre sans que vous ayez la peine de la lui donner, et si vous faites seulement semblant de la lui refuser, elle saura vous braver, se moquer de vous et partir. Vous l'avez pousse la premire ; mais ce n'est pas vous qui l'en retirerez. Vous pleurerez peut-tre, mais de quoi serviront vos larmes ? de rien, sinon de vous faire ressouvenir que vous vous tes trompe, que vous auriez d tre plus sage et mieux conduire vos enfants. Si vous en doutez, coutez-moi un instant, et vous verrez, malgr la duret de votre cÏur pour l'me de vos pauvres enfants, qu'il n'y a que le premier pas qui cote ; une fois que vous les avez laisss s'garer, vous n'en tes plus matresse, et souvent, ils font des fins biens misrables.
Il est rapport dans l'histoire, qu'un pre avait un fils, qui lui donnait toutes sortes de consolations ; il tait sage, obissant, rserv dans ses paroles, il tait en mme temps l'dification de toute la paroisse. Un jour, qu'il y eut une petite partie de divertissement dans le voisinage, le pre lui dit : Ç Mon fils, vous ne sortez jamais, allez un moment vous amuser avec vos amis, ce sont tous des jeunes gens comme il faut, vous n'y serez pas en mauvaise compagnie. È Le fils lui dit : Ç Mon pre, je n'ai point de plaisir plus grand et de meilleure rcration que d'tre en votre compagnie. È. Voil une belle rponse pour un enfant, qui estime mieux la compagnie de son pre, que tous les autres plaisirs et toutes les autres compagnies. Ç Ah ! mon fils, lui dit ce pauvre pre aveugl, si cela est, j'irai avec vous. È Le pre part avec son fils. La seconde fois, le jeune homme n'a plus besoin de tant se faire prier pour partir ; la troisime fois, il part tout seul ; il n'a pas besoin de son pre ; au-contraire, son pre commence le gner, il trouve parfaitement le chemin. Son esprit n'est plus occup que du son des instruments qu'il a entendus, des personnes qu'il a vues. Il finit par abandonner ces petites pratiques de pit qu'il s'tait prescrites dans le temps o il tait tout Dieu ; il se lie ensuite avec une jeune fille, bien plus mauvaise que lui. Les voisins commencent dj parler de lui comme d'un nouveau libertin. Ds que le pre s'en aperoit ; il veut s'y opposer, il lui dfend d'aller n'importe o sans sa permission ; mais il ne trouve plus dans son fils cette ancienne soumission. Rien ne peut le retirer ; il se moque de son pre, en lui disant que, maintenant, ne pouvant plus se divertir, il veut empcher les autres de le faire. Le pre, au dsespoir, ne voit plus de remde, il s'arrache les cheveux, il veut le corriger. La mre, qui sentait mieux que son mari les dangers de ces compagnies, lui avait souvent dit qu'il faisait bien mal, qu'il en serait fch ; mais non, c'tait trop tard. Un jour que le pre le voit venir de ces plaisirs, il le chtie. Le fils, voyant qu'il est gn par ses parents, s'engage, et, au bout de quelque temps, le pre reoit une lettre, lui annonant que son fils a t cras sous les pieds des chevaux. Hlas ! o alla ce pauvre enfant ? Dieu veuille qu'il ne soit pas en enfer. Cependant, s'il est damn, selon les apparences, son pre est la vritable cause de sa perte. Quand le pre ferait pnitence, sa pnitence et ses larmes n'auront jamais le pouvoir d'arracher ce pauvre enfant de l'enfer. Ah ! malheureux parents, qui, jetez vos enfants dans les flammes ternelles !
Vous trouvez cela un peu extraordinaire, cependant, si nous examinons de prs la conduite des parents : voil ce qu'ils font tous les jours. Si vous en doutez le moins du monde, touchons cela d'un peu plus prs. N'est-ce pas que vous vous plaignez chaque jour de vos enfants ? que vous ne pouvez plus en tre matres, et cela est bien vrai. Vous avez peut-tre oubli le jour o vous avez dit votre garon ou votre fille : Si tu veux aller la foire Montmerle, ou bien la vogue chez le cabaretier, tu peux bien y aller ; tu reviendras de bonne heure. Votre fille vous a dit que ce serait bien comme vous vouliez. – Va seulement, tu ne sors jamais, il faut bien que tu aies un moment de plaisir. – Vous ne direz pas que non. Mais plus tard, vous n'aurez besoin ni de la solliciter, ni mme de lui donner la permission. Alors, vous vous tourmenterez de ce qu'elle part sans vous le dire. Regardez en arrire, ma mre, et vous vous rappellerez que vous lui avez donn la permission une fois pour toutes. De plus, examinez ce qu'il arrivera quand vous lui aurez donn la libert d'aller partout o sa pauvre tte cervele la conduira. Vous voulez qu'elle fasse des connaissances pour s'tablir. En effet, force de courir, elle fera des connaissances, elle multipliera ses crimes. Ce sera comme une montagne de pchs qui empchera la bndiction du bon Dieu de se rpandre sur ces enfants au moment de leur mariage. Hlas ! ces pauvres personnes sont dj maudites de Dieu ! Pendant que le prtre lve la main pour les bnir, le bon Dieu, du haut du ciel, lance ses maldictions. De l, pour elles une source pouvantable de malheur. Ce nouveau sacrilge, ajout tant d'autres, leur fait perdre la foi pour toujours. Alors, dans le mariage, o l'on se croit tout permis, la vie n'est plus qu'un abme de corruption, qui ferait frmir l'enfer mme, s'il en tait tmoin. Mais, hlas ! tout cela n'a qu'un temps. Bientt aprs, les chagrins, les haines, les disputes et les mauvais traitements de la part de l'un et de l'autre poux ne sont pas rares. – Aprs cinq ou six mois de mariage, le pre verra venir son fils tout en fureur comme un dsespr, maudissant le pre, la mre, la femme, et peut-tre mme ceux qui ont sollicit le mariage. Son pre, tout tonn, lui demandera ce qui lui est arriv : Ç Ah ! que je suis malheureux ; ah ! du moins si aprs ma naissance vous m'aviez cras, si avant de me marier quelqu'un m'avait empoisonn ! È - Ç Mais, mon fils, lui dira le pre tout chagrin, il faut prendre patience. Que veux-tu ! peut-tre que cela ne durera pas. È – Ç Ne me dites rien, si je croyais mon courage, je me tirerais un coup de fusil ou j'irais me jeter dans l'eau : il faut toujours tre se disputer ou se battre. È N'est-ce pas, mon pre, laissons dire M. le cur, il faut bien faire des connaissances, sans quoi on ne trouverait pas s'tablir. Pars toujours, mon fils, sois sage, reviens de bonne heure et sois tranquille.
Oui, sans doute, mon ami, si vous aviez t sage, si vous aviez consult le bon Dieu, vous ne vous seriez pas tabli comme vous l'avez fait ; Dieu ne l'aurait pas permis ; mais il vous aurait fait comme il fit au jeune Tobie [7] ; il vous aurait choisi lui-mme une pouse qui, en venant chez vous, aurait apport la paix, la vertu, toutes sortes de bndictions. Voil, mon ami, ce que vous avez perdu de ne pas couter votre pasteur, et d'avoir suivi le conseil de vos parents aveugles.
Une autre fois ce sera une pauvre fille qui viendra, peut-tre toute meurtrie de coups, dposer dans le sein de sa mre ses larmes et son chagrin. Elles mleront leurs larmes ensemble : Ç Ah ! pauvre mre, que j'ai du malheur d'avoir pris un mari comme celui-l ! Il est si mchant et si brutal ! Je crains bien que l'on dise un jour qu'il m'a tue. È – Ç Mais, lui dira la mre : il faut faire tout ce quÕil te commandera. È – Ç Je le fais bien ; rien ne le contente, il est toujours en colre. È – Ç Pauvre enfant, lui dira la mre, si tu avais eu le bonheur de prendre un tel, qui t'a demande, tu aurais t bien plus heureuse È Vous vous trompez, mre, ce n'est pas ce que vous devez lui dire. Ç Ah ! pauvre enfant, si j'avais eu le bonheur de tÕinspirer la crainte et l'amour du bon Dieu, si je ne t'avais jamais laiss courir les plaisirs : Dieu n'aurait pas permis que tu fusses si malheureuse : .... È N'est-ce pas, ma mre ? laisse dire M. le cur, pars toujours ; sois sage, reviens de bonne heure et sois tranquille. Ceci est trs bien, ma mre, mais coutez.
Un jour, je me trouvai de passer auprs d'un gros feu, je pris une poigne de paille bien sche, je la jetai dedans en lui disant de ne pas brler. Ceux qui furent tmoins de cela, me dirent en se moquant de moi : Ç Vous avez beau lui dire de ne pas brler, cela n'empchera pas qu'elle ne brle. È – Ç Et comment, leur ai-je rpondu, puisque je lui dis de ne pas brler ? È – Qu'en pensez-vous, ma mre ? vous y reconnaissez-vous ? N'est-ce pas l votre conduite ou celle de votre voisine ? N'est-ce pas que vous aviez dit votre fille d'tre bien sage, lorsque vous lui donniez la permission de partir ? – Oui sans doute... – Allez, ma mre, vous avez t une aveugle et le bourreau de vos enfants. S'ils sont malheureux dans leur mariage, c'est vous seule qui en tes la cause. Dites-moi, ma mre, si vous aviez quelques sentiments de religion et d'amiti pour vos enfants, ne deviez-vous pas travailler de tout votre pouvoir leur faire viter le mal que vous avez fait vous-mme, lorsque vous tiez dans le mme cas que votre fille ? Parlons plus clairement. Vous n'tes pas assez contente d'tre malheureuse vous-mme, vous voulez encore que vos enfants le soient aussi. Et vous, ma fille, vous tes malheureuse dans votre mnage ? J'en suis bien fch, j'en ai bien du chagrin ; mais j'en suis moins tonn que si vous me disiez que vous tes heureuse, aprs les dispositions apportes votre mariage.
Oui, M.F., la corruption est monte aujourd'hui un si haut degr parmi les jeunes gens, qu'il serait presque aussi impossible d'en trouver qui reoivent saintement ce sacrement, qu'il est impossible de voir monter un damn dans le ciel. – Mais, me direz-vous : il y en a bien encore quelques-uns. – Hlas ! mon ami, o sont-ils ?... Ah ! bien oui, une mre ou un pre ne font point de difficult de laisser une fille avec un jeune homme trois ou quatre heures le soir, ou bien pendant les vpres. – Mais, me direz-vous, ils sont sages. Oui, sans doute, ils sont sages ; la charit doit nous le faire croire. Mais dites-moi, ma mre, tiez-vous bien sage lorsque vous tiez dans le mme cas que votre fille ?
Finissons, M.F., en disant que si les enfants sont malheureux en ce monde et dans l'autre, c'est la faute des parents qui n'ont pas employ tous les moyens dont ils taient capables pour conduire saintement leurs enfants dans le chemin du salut, o trs certainement le bon Dieu les aurait bnis. Hlas ! aujourd'hui, un jeune homme ou une jeune fille veulent s'tablir, il faut absolument qu'ils abandonnent le bon Dieu... Non, n'entrons pas dans ce dtail, nous y reviendrons une autre fois. Pauvres pres et mres, que de tourments vous attendent dans l'autre vie ! Tant que votre gnration durera, vous allez participer tous les pchs qui s'y commettront, vous en serez punis comme si vous les aviez commis, et bien plus, vous rendrez compte de toutes les mes de votre gnration qui se seront damnes. Toutes ces pauvres mes vous accuseront de les avoir perdues. Ceci est trs facile comprendre. Si vous aviez bien lev vos enfants, ils auraient bien lev les leurs : ils se seraient sauvs les uns et les autres. Ce n'est pas tout encore, vous serez responsables devant Dieu de toutes les bonnes Ïuvres que votre gnration aurait accomplies jusqu' la fin du monde et qui ne se seront pas faites par votre faute.
Que pensez-vous de cela, pres et mres ? Si vous n'avez pas encore perdu la foi, n'avez-vous pas de quoi pleurer sur le mal que vous avez fait et sur l'impossibilit o vous tes de le rparer ? Avais-je raison de vous dire en commenant qu'il est presque impossible de vous montrer dans tout son jour la grandeur de vos devoirs ? .... Encore ce que je vous ai dit aujourd'hui n'est qu'un petit aperu... Revenez dimanche, pres et mres, faites garder la maison, vos enfants, et nous irons plus loin sans pouvoir vous tout faire connatre.
Hlas ! que de parents tranent leurs pauvres enfants dans l'enfer, en y tombant eux-mmes. Mon Dieu ! peut-on bien penser sans frmir tant de malheurs ! Heureux ceux que le bon Dieu n'appelle pas au mariage ! Quel compte de moins rendre ! – Mais, me direz-vous : Ç Nous faisons bien ce que nous pouvons. È – Vous faites ce que vous pouvez, oui sans doute ; mais c'est pour les perdre et non pour les sauver. En finissant, je veux vous montrer que vous ne faites pas ce que vous pouvez. O sont les larmes que vous avez verses, les pnitences et les aumnes que vous avez faites pour demander Dieu leur conversion ? Pauvres enfants, que vous tes malheureux d'appartenir des parents qui ne travaillent qu' vous rendre malheureux dans ce monde et encore bien plus dans l'autre ! tant votre pre spirituel, voici le conseil que j'ai vous donner : Quand vous voyez vos parents qui manquent les offices, qui travaillent le dimanche, qui font gras les jours dfendus, qui ne frquentent plus les sacrements, qui ne s'instruisent pas : faites tout le contraire ; afin que vos bons exemples les sauvent eux-mmes, et si vous aviez ce bonheur, vous auriez tout gagn. C'est ce que je vous souhaite.