20me DIMANCHE APRéS LA PENTECïTE

(QUINZIéME SERMON)

Devoirs des parents envers les enfants

 

 

Credidit ipse et domus ejus tota.

Il crut, lui et toute sa maison
(S. Jean
, iv, 53.)

 

Pouvons-nous trouver, M.F., un exemple plus capable de montrer ˆ tous les chefs de famille qu'ils ne peuvent travailler efficacement ˆ leur salut sans travailler en mme temps ˆ celui de leurs enfants ? En vain les pres et mres passeraient-ils leur vie ˆ faire pŽnitence, ˆ pleurer leurs pŽchŽs, ˆ distribuer leur bien aux pauvres ; s'ils ont le malheur de nŽgliger le salut de leurs enfants, tout est perdu pour eux. En doutez-vous, M.F. ? Ouvrez les ƒcritures, et vous y verrez que si les parents ont ŽtŽ saints, les enfants et mme leurs domestiques l'ont ŽtŽ Žgalement. Lorsque le Seigneur loue ces pres et mres qui se sont distinguŽs par leur foi et leur piŽtŽ, il n'oublie jamais de nous dire que leurs enfants et leurs domestiques ont marchŽ sur leurs traces. L'Esprit-Saint veut-il nous faire l'Žloge d'Abraham et de Sara ? Il ne manque pas en mme temps de nous faire mention de l'innocence d'Isaac et de leur fervent et fidle serviteur ƒliŽzer [1] . Et s'il nous met devant les yeux les rares vertus de la mre de Samuel, de suite il relve les belles qualitŽs de ce digne enfant [2] . Veut-il nous manifester l'innocence de Zacharie et d'ƒlisabeth, de suite il nous parle de Jean-Baptiste, le saint prŽcurseur du Sauveur [3] . Le Seigneur veut-il nous reprŽsenter la mre des MachabŽes comme une mre digne de ses enfants, en mme temps, il nous manifeste le courage et la gŽnŽrositŽ de ses enfants qui donnent leur vie avec tant de joie pour le Seigneur [4] . Si saint Pierre nous parle du centurion Corneille comme d'un modle de vertu, en mme temps il dit que toute sa famille avec lui servait le Seigneur [5] . Si l'ƒvangile nous parle de cet officier qui vint demander ˆ JŽsus la guŽrison de son fils, il nous dit qu'aprs l'avoir obtenue, il ne se donna point de repos avant que toute sa famille avec lui fžt au Seigneur [6] . Beaux exemples pour les pres et mres ! O mon Dieu ! si les pres et mres de nos jours avaient le bonheur d'tre des saints eux-mmes, que d'enfants de plus pour le ciel ! que d'enfants de moins pour l'enfer !

Mais, me direz-vous peut-tre, que faut-il donc faire pour remplir nos devoirs, puisqu'ils sont si grands et si redoutables ? HŽlas ! je n'ose vous le dire, tant ils sont effrayants pour un chrŽtien qui veut les remplir comme le bon Dieu le demande. Mais puisque je suis forcŽ de vous les montrer, les voici : instruire vos enfants, c'est-ˆ-dire leur apprendre ˆ conna”tre le bon Dieu et leurs devoirs ; les corriger chrŽtiennement, leur donner bon exemple, les conduire dans le chemin qui va au ciel en y marchant vous-mmes. HŽlas ! M.F., je crains bien que cette instruction ne vous soit, comme tant d'autres ; un nouveau sujet de condamnation, Vouloir entreprendre de vous montrer la grandeur de vos devoirs, c'est vouloir descendre dans un ab”me sans fond, c'est vouloir vous dŽvelopper une vŽritŽ qu'il est impossible ˆ l'homme de montrer dans tout son jour. Pour cela, M.F., il faudrait pouvoir vous faire comprendre ce que valent les ‰mes de vos enfants, ce que JŽsus-Christ a souffert pour leur procurer le ciel, le compte Žpouvantable que vous en rendrez un jour ˆ Dieu, les biens que vous leur faites perdre pour l'ŽternitŽ, les tourments que vous leur prŽparez pour l'autre vie ; vous conviendrez, avec moi, M.F., que nul homme n'est capable de cela. Ah ! malheureux parents, si vous les estimiez autant que le dŽmon ! Quand il emploierait trois mille ans ˆ les tenter, si au bout de ce temps, il pouvait, les avoir, il compterait toutes ses peines pour rien. Pleurons, M.F., la perte de tant d'‰mes que les parents jettent chaque jour en enfer.

Je vais passer bien lŽgrement sur vos obligations, et cependant si vous n'avez entirement perdu la foi, vous allez voir que vous n'avez rien fait de ce que le bon Dieu veut que vous fassiez pour vos enfants, ou plut™t que vous avez fait tout ce qu'il fallait faire pour les perdre. Oh ! que de personnes mariŽes n'iront pas au ciel ! - Et pourquoi, me direz-vous ? - Mon ami, le voici. Parce qu'il en est beaucoup qui entrent dans l'Žtat du mariage sans les dispositions nŽcessaires, et qui ainsi profanent tout d'abord ce sacrement. Oui, o sont ceux qui reoivent ce sacrement avec la prŽparation convenable ? les uns sont conduits par la pensŽe d'y contenter leurs dŽsirs impurs ; les autres sont attirŽs par des vues d'intŽrts ou les sŽductions de la beautŽ ; mais presque personne n'a Dieu seul pour objet. HŽlas ! que de mariages profanŽs, et qu'il y a peu d'unions o rgnent la paix et la vertu ! Mon Dieu ! que de gens mariŽs qui seront damnŽs ! Mais non, M.F., n'entrons pas dans ces dŽtails, nous y reviendrons une autre fois ; parlons seulement des devoirs des parents envers leurs enfants : ils sont assez vastes, assez Žtendus pour nous servir de sujet d'entretien.

Pour aujourd'hui, M.F., nous ne dirons rien de ces pres et mres, dont je ne pourrais dŽpeindre en termes assez vifs et assez Žnergiques, la noirceur et l'horreur du crime. Ils fixent, avant Dieu mme, le nombre de leurs enfants, ils mettent des bornes aux desseins de la Providence, et s'opposent ˆ ses volontŽs adorables. Couvrons, M.F., toutes ces turpitudes d'un voile que Celui qui a tout vu, tout comptŽ, et tout pesŽ, saura bien arracher au grand jour des vengeances. Tes crimes sont cachŽs, mon ami, mais attends encore quelques jours, et Dieu saura bien les manifester ˆ la face de tout l'univers. Oui, M.F., nous verrons au jour du jugement des horreurs qui se sont commises dans le mariage, et qui auraient fait frŽmir les pa•ens eux-mmes.

Nous ne dirons rien non plus de ces mres criminelles, qui verraient sans douleur, hŽlas ! peut-tre mme avec plaisir, pŽrir leurs pauvres enfants, avant de leur avoir donnŽ le jour, et de leur avoir procurŽ la gr‰ce du saint baptme ; les unes, par la crainte de la peine qu'elles Žprouveraient pour les Žlever ; les autres, par la crainte du mŽpris et rebut qu'elles essuieraient de la part d'un mari brutal et sans raison ; je ne dis pas, sans religion, car les pa•ens n'en feraient pas davantage. O mon Dieu ! de tels crimes peuvent-ils bien se trouver parmi les chrŽtiens ? Cependant, M.F., que le nombre en est grand ! Encore une fois, que de gens mariŽs sont damnŽs ! Eh ! quoi, mon ami, faut-il que le bon Dieu ne vous ait donnŽ des connaissances si au-dessus des btes que pour mieux l'outrager ? Faut-il que les petits oiseaux et les animaux mme les plus fŽroces vous servent d'exemple ? Voyez-les, ces pauvres petites btes, combien elles se rŽjouissent de voir multiplier leur gŽnŽration ; le jour, elles sont occupŽes ˆ leur chercher de la nourriture, et la nuit, elles les couvrent de leurs ailes, pour les garantir des injures de l'air. Si une main avide leur enlve leurs petits, vous les entendez pleurer ˆ leur manire ; elles semblent ne plus pouvoir quitter leurs nids, toujours dans l'espŽrance qu'elles les retrouveront. Quelle honte, je ne dis pas pour les pa•ens, mais pour des chrŽtiens, que les animaux soient plus fidles ˆ accomplir les desseins de la Providence sur eux, que les propres enfants de Dieu ; c'est-ˆ-dire les pres et mres que le bon Dieu n'a choisis que pour peupler le ciel ! Non, non, M.F., n'allons pas plus loin, quittons un sujet aussi rŽvoltant ; entrons dans des dŽtails qui regarderont un plus grand nombre.

Je vais vous parler aussi simplement qu'il me sera possible, afin que vous puissiez bien comprendre vos devoirs et les accomplir.

Je dis 1¡ que, ds qu'une mre est enceinte, elle doit faire quelque prire ou quelque aum™ne ; mieux encore, si elle le peut, faire dire une Messe pour prier la trs sainte Vierge de la recevoir sous sa protection, afin qu'elle obtienne du bon Dieu que ce pauvre enfant ne meure pas sans avoir reu le saint baptme. Si une mre avait vraiment le sentiment religieux, elle se dirait ˆ elle-mme : Ç Ah ! si j'avais le bonheur de voir ce pauvre enfant devenir un saint, de le contempler toute l'ŽternitŽ ˆ c™tŽ de moi, chantant les louanges du bon Dieu, quelle joie pour moi ! È Mais non, non, M.F., ce n'est pas la pensŽe qui occupe une mre enceinte ; elle Žprouvera plut™t un chagrin dŽvorant de se voir dans cet Žtat, et peut-tre aura-t-elle la pensŽe de dŽtruire le fruit de son sein. O mon Dieu ! le cÏur d'une mre chrŽtienne peut-il bien concevoir un tel crime ? Cependant, que nous en verrons au grand jour qui auront nourri dans elles-mmes ces pensŽes d'homicide !

2¡ Je dis qu'une mre enceinte qui veut conserver son enfant pour le ciel, doit Žviter deux choses, la premire ; de porter de fardeaux trop lourds et de lever les bras pour prendre quelque chose, ce qui pourrait nuire ˆ son pauvre enfant et le faire pŽrir. La seconde chose ˆ Žviter, c'est de prendre des remdes qui pourraient fatiguer son enfant, et de se mettre dans des accs de colre, ce qui pourrait souvent l'Žtouffer. Les maris doivent passer sur beaucoup de choses sur lesquelles ils ne passeraient pas dans un autre temps ; s'ils ne le font pas par rapport ˆ la mre, qu'ils le fassent par rapport ˆ ce pauvre enfant ; car peut-tre perdrait-il la gr‰ce du saint baptme : ce qui serait le plus grand de tous les malheurs !

3¡ Ds qu'une mre voit approcher ses couches, elle doit aller se confesser, et pour plusieurs raisons. La premire est que plusieurs meurent dans leurs couches, et que, par consŽquent, si elle avait le malheur d'tre en Žtat de pŽchŽ, elle se damnerait. La seconde, c'est qu'Žtant en Žtat de gr‰ces, toutes les souffrances et les douleurs qu'elle endurera seront rŽcompensŽes pour le ciel ; la troisime, c'est que toutes les bŽnŽdictions qu'elle souhaitera ˆ son enfant, le bon Dieu ne manquera pas de les lui accorder. Une mre, dans ses couches, doit conserver la pudeur et la modestie, autant qu'il lui est possible dans son Žtat, et ne jamais perdre de vue qu'elle est en prŽsence du bon Dieu, en la compagnie de son bon ange gardien. Elle ne doit jamais faire gras les jours dŽfendus, sans permission, ce qui attirerait la malŽdiction sur elle et sur son enfant.

4¡ Ne laissez jamais passer plus de vingt-quatre heures sans baptiser vos enfants ; si vous ne le faites pas, vous vous rendez coupables, ˆ moins que vous n'ayez des raisons sŽrieuses. Dans le choix que vous faites des parrains et marraines, prenez des personnes sages, autant que vous le pourrez ; en voici la raison : c'est que toutes les prires, les bonnes Ïuvres que feront leurs parrains et leurs marraines, en vertu de la parentŽ spirituelle avec vos enfants, leur obtiendront quantitŽ de gr‰ces du ciel. Oui, M.F., nous sommes sžrs de voir au jugement dernier beaucoup d'enfants qui se reconna”tront redevables de leur salut aux prires, aux bons conseils et aux bons exemples de leurs parrains et marraines. Une autre raison vous y oblige : si vous venez ˆ leur manquer, ce sont eux qui doivent tenir votre lieu et place. Donc, si vous aviez le malheur de prendre des parrains et des marraines sans religion, ils ne pourraient que conduire vos enfants dans les enfers.

Pres et mres, vous ne devez jamais laisser perdre le fruit du baptme ˆ vos enfants ; combien ne seriez-vous pas aveugles et cruels ! L'ƒglise vient de les sauver par le saint baptme, et vous, par votre nŽgligence, vous les redonneriez au dŽmon ? Ah ! pauvres enfants, entre les mains de qui avez-vous eu le malheur de tomber ! Mais s'il s'agit des parrains et marraines, il ne faut pas oublier que pour rŽpondre pour un enfant on doit tre suffisamment instruit, afin de pouvoir instruire cet enfant si le pre et la mre venaient ˆ lui manquer. En outre, il faut qu'ils soient bons chrŽtiens, et mme de parfaits chrŽtiens ; puisqu'ils doivent servir d'exemples ˆ leurs enfants spirituels. Ainsi, une personne qui ne fait pas ses p‰ques ne doit pas rŽpondre pour un enfant, ni une personne qui garde une mauvaise habitude sans vouloir y renoncer, ni une personne qui court les danses, qui frŽquente habituellement les cabarets ; parce que, ˆ chaque interrogation du prtre, il fait un faux serment ; chose grave, comme vous le pensez, en prŽsence de JŽsus-Christ mme, au pied des fonts sacrŽs du baptme. Quand vous n'tes pas dans les conditions requises pour tre des parrains chrŽtiens, il faut refuser ; et, si cela vous est arrivŽ, il faut vous en confesser et ne plus retomber dans ce pŽchŽ.

5¡ Il ne faut pas faire coucher vos enfants avec vous avant qu'ils aient deux ans ; si vous le faites, vous commettez un pŽchŽ. Si l'ƒglise a fait cette loi, ce n'est pas sans raison : vous tes obligŽs de l'observer. – Mais, me direz-vous, parfois il fait bien froid ; ou l'on est bien las. – Tout cela, M.F., n'est pas une raison qui puisse vous excuser aux yeux de Dieu. D'ailleurs, quand vous vous tes mariŽs, vous saviez bien que vous seriez obligŽs de remplir les charges et les obligations qui sont attachŽes ˆ cet Žtat. Oui, M.F., il y a des pres et mres si peu instruits de leur religion, ou si peu soucieux de leurs devoirs, qu'ils feront coucher avec eux des enfants de quinze ˆ dix-huit ans, et mme souvent des frres et des sÏurs ensemble. O mon Dieu ! dans quel Žtat d'ignorance sont ces pauvres pres et mres ! - Mais, me direz-vous, nous n'avons point de lit. Vous n'avez point de lit, mais il vaut bien mieux les faire coucher sur une chaise, ou chez votre voisin. O mon Dieu ! que de parents et d'enfants damnŽs ! Mais je reviens ˆ mon sujet en vous disant que toutes les fois que vous faites coucher vos enfants avec vous, avant qu'ils aient deux ans, vous offensez le bon Dieu. HŽlas ! combien de pauvres enfants la mre trouve ŽtouffŽs le matin, et combien de mres sont prŽsentes auxquelles ce malheur est arrivŽ ! Et quand mme le bon Dieu vous en aurait prŽservŽs, vous n'tes pas moins coupables que si, chaque fois que vos enfants ont couchŽ avec vous, vous les aviez trouvŽs ŽtouffŽs le matin. Vous ne voulez pas en convenir, c'est-ˆ-dire, que vous ne vous en corrigez pas ; attendons le jugement, et vous serez forcŽs de reconna”tre ce que vous ne voulez pas reconna”tre aujourd'hui. – Mais, me direz-vous, quand ils sont baptisŽs ils ne sont pas perdus ; au contraire, ils vont au ciel. – Sans doute, M.F., ils ne sont pas perdus ; mais c'est vous qui serez perdus ; et du reste, savez-vous ˆ quoi Dieu destinait ces enfants ? Peut-tre que cet enfant aurait ŽtŽ un bon prtre. Il aurait conduit quantitŽ d'‰mes au bon Dieu ; chaque jour, en cŽlŽbrant la sainte Messe, il aurait rendu plus de gloire ˆ Dieu que les anges et les saints tous rŽunis ensemble dans le ciel. Il aurait tirŽ plus d'‰mes du purgatoire que les larmes et les pŽnitences de tous les solitaires rŽunis auprs du tribunal de Dieu. Comprendrez vous, maintenant, le malheur de laisser pŽrir un enfant mme baptisŽ ? Si la mre de saint Franois Xavier, qui a ŽtŽ un si grand saint, qui a tant converti d'idol‰tres, l'avait laissŽ pŽrir : hŽlas ! que d'‰mes en enfer, qui, au jour du jugement, lui reprocheraient d'avoir ŽtŽ cause de leur malheur, parce que cet enfant Žtait suscitŽ de Dieu pour les convertir ! Vous laissez pŽrir cette fille qui peut-tre se serait donnŽe au bon Dieu ; par ses prires et ses bons exemples elle en aurait conduit un grand nombre au ciel. Peut-tre mre de famille, elle aurait bien ŽlevŽ ses enfants, qui, ˆ leur tour, en auraient ŽlevŽ d'autres, et ainsi la religion se serait maintenue et conservŽe dans de nombreuses gŽnŽrations. Vous faites peu de cas, M.F., de la perte d'un enfant, sous prŽtexte qu'il est baptisŽ ; mais attendez le jugement, et vous verrez et reconna”trez ce que vous ne comprendrez jamais en ce monde. HŽlas !, si les pres et mres faisaient de temps en temps cette rŽflexion, que d'‰mes de plus dans le ciel.

 6¡ Je dis que les parents sont trs coupables en caressant leurs enfants d'une manire inconvenante. – Mais, me direz-vous, nous ne faisons point de mal, c'est pour les caresser ; - et moi je dirai que vous offensez le bon Dieu, et que vous attirez la malŽdiction sur ces pauvres enfants. Savez-vous ce qu'il en rŽsulte ? Le voici. Il y a des enfants, qui ont pris cette habitude par le fait de leurs parents, et qui l'ont conservŽe jusqu'ˆ leur premire communion. Mais, mon Dieu ! peut-on bien croire cela de la part de parents chrŽtiens ?

7¡ IL y a des mres, qui ont si peu de religion, ou, si vous voulez, sont si ignorantes que pour montrer ˆ une voisine la santŽ de leurs enfants elles les mettent ˆ nu ; d'autres, pour les langer, les laissent longtemps dŽcouverts devant tout le monde. Eh bien ! mme en l'absence de toute personne, vous ne devriez pas le faire. Est-ce que vous ne devez pas respecter la prŽsence de leurs anges gardiens ? Il en est de mme, lorsque vous les allaitez. Est-ce qu'une mre chrŽtienne doit se laisser les seins dŽcouverts ? et quoique bien couverte, ne doit-elle pas se tourner du c™tŽ o il n'y a personne ? D'autres, sous prŽtexte qu'elles sont nourrices, ne sont toujours qu'ˆ moitiŽ couvertes : quelle abomination ! n'y a-t-il pas mme de quoi faire rougir les pa•ens ? L'on est obligŽ, pour ne pas s'exposer ˆ des regards mauvais, de fuir leur compagnie. Oh quelle horreur : – Mais, me direz-vous, quoiqu'il y ait du monde, il faut bien allaiter nos enfants, et les langer quand ils pleurent ? – Et moi je vous dirai que quand ils pleurent, vous devez faire tout ce que vous pourrez pour les apaiser ; mais il vaut beaucoup mieux les laisser un peu pleurer que d'offenser le bon Dieu. HŽlas ! combien de mres sont cause de mauvais regards, de mauvaises pensŽes, d'attouchements dŽshonntes ! Dites-moi, sont-ce lˆ des mres chrŽtiennes qui devraient tre si rŽservŽes ? O mon Dieu ! ˆ quel jugement doivent-elles s'attendre ? D'autres sont si cruelles, qu'elles laissent leurs enfants en ŽtŽ courir toute la matinŽe ˆ moitiŽ couverts. Dites-moi, misŽrables ; ne seriez-vous pas mieux ˆ votre place parmi les btes sauvages ? O est donc votre religion et le souci de vos devoirs ? HŽlas ! pour de la religion, vous n'en avez point, et vos devoirs, les avez-vous jamais connus ? Vous en donnez la preuve chaque jour. Ah ! pauvres enfants, que vous tes malheureux d'appartenir ˆ de tels parents !

8¡ Je dis, que vous devez encore surveiller vos enfants, lorsque vous les envoyez aux champs ; alors, ŽloignŽs de vous, ils se livrent ˆ tout ce que le dŽmon veut leur inspirer. Si j'osais, je vous dirais qu'ils font toutes sortes de malhonntetŽs, qu'ils passent des moitiŽs de jour ˆ faire des abominations. Je sais bien, que la plupart ne connaissent pas le mal qu'ils font ; mais attendez qu'ils aient la connaissance. Le dŽmon ne manquera pas de les faire ressouvenir de ce qu'ils ont fait dans ce moment, pour leur faire commettre le pŽchŽ, ou de semblables choses. Savez-vous, M.F., ce que votre nŽgligence ou votre ignorance produit ? Le voici : retenez-le bien. Une bonne partie des enfants que vous envoyez dans les champs font des sacrilges pour leur premire communion ; ils ont contractŽ ces habitudes honteuses : ou ils n'osent pas le dire, ou ils ne sont pas corrigŽs. Ensuite, si un prtre, qui ne veut pas les damner, les refuse ; on lui fera des reproches, en disant : C'est parce que c'est le mien... Allez, misŽrables, veillez un peu mieux sur vos enfants, et ils ne seront pas refusŽs. Oui, je dirai que la plus grande partie de vos enfants ont commencŽ leur rŽprobation dans le temps qu'ils allaient aux champs. Mais, me direz-vous, nous ne pouvons pas toujours les suivre, il y aurait bien de quoi faire. – Pour cela, M.F., je ne vous en dis rien ; mais tout ce que je sais, c'est que vous rŽpondrez de leurs ‰mes comme de la v™tre mme. – Mais nous faisons bien ce que nous pouvons. – Je ne sais si vous faites ce que vous pouvez ; mais ce que je sais, c'est que, si vos enfants se damnent chez vous, vous le serez aussi ; voilˆ ce que je sais et rien autre. Vous aurez beau dire que non, que je vais trop loin ; vous en conviendrez, si vous n'avez pas entirement perdu la foi ; cela seul suffirait ˆ vous jeter dans un dŽsespoir dont vous ne pourriez sortir. Mais je sais bien que vous ne ferez pas un pas de plus pour mieux vous acquitter de vos devoirs envers vos enfants ; vous ne vous inquiŽtez pas de tout cela, et vous avez presque raison, parce que vous aurez bien le temps de vous tourmenter pendant toute l'ŽternitŽ. Passons plus loin.

9¡ Vous ne devez pas faire coucher vos servantes ou vos filles dans les appartements o vos domestiques vont chercher, le matin, vos raves et vos pommes de terre. Il faut le dire ˆ la honte des pres et des mres, des ma”tres et ma”tresses, de pauvres enfants, des servantes auront la confusion de se lever, de s'habiller devant des gens qui n'ont pas plus de religion que s'ils n'avaient jamais entendu parler du vrai Dieu. Souvent les lits de ces pauvres enfants n'auront point de rideaux. – Mais, me direz-vous, s'il fallait faire tout ce que vous dites, il y aurait bien de l'ouvrage. – Mon ami, c'est l'ouvrage que vous devez faire, et si vous ne le faites pas, vous en serez jugŽ et puni : voilˆ. Vous ne devez pas non plus faire coucher vos enfants dans la mme chambre que vous, ds qu'ils ont sept ou huit ans. Tenez, M. F, vous ne conna”trez le mal que vous faites qu'au jugement de Dieu. Je sais bien que vous ne ferez rien ou presque rien de ce que je viens de vous enseigner mais, n'importe, je vous dirai toujours ce que je dois vous dire ; ensuite, tout le mal sera pour vous et non pour moi, parce que je vous fais conna”tre ce que vous devez faire pour remplir vos obligations envers vos enfants. Quand le bon Dieu vous jugera, vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas ce qu'il fallait faire ; je vous rappellerai ce que je vous dis aujourd'hui.

Vous venez de voir, M.F., que vos enfants, quoique petits, vous ont fait commettre bien des fautes ; mais vous allez voir, que quand ils sont grands ils vous en font commettre de bien plus grandes et de bien plus funestes pour vous et pour eux. Vous conviendrez tous avec moi, M.F., que plus vos enfants avancent en ‰ge, plus vous devez redoubler vos prires et vos soins, vu les dangers plus grands et les tentations plus frŽquentes. Dites-moi maintenant, est-ce lˆ ce que vous faites ? Non sans doute, quand vos enfants Žtaient petits, vous aviez le soin de leur parler du bon Dieu, de leur faire faire leur prire ; vous veilliez un peu sur leur conduite, vous leur demandiez s'ils avaient ŽtŽ se confesser, s'ils avaient assistŽ ˆ la sainte Messe ; vous aviez la prŽcaution de leur dire d'aller au catŽchisme. Depuis qu'ils ont dix-huit ˆ vingt ans, bien loin de leur inspirer la crainte et l'amour de Dieu, le bonheur de celui qui le sert pendant sa vie, le regret que nous avons en mourant de nous tre perdus ; hŽlas ! ces pauvres enfants sont remplis de vices, et ont mille fois transgressŽ les commandements de Dieu sans les conna”tre ; leur esprit est plein des choses de la terre et vide de celles de Dieu. Vous leur parlez du monde. Une mre commencera ˆ dire ˆ sa fille qu'une telle s'est mariŽe avec un tel, qu'elle a bien trouvŽ un bon parti ; qu'il faudrait bien qu'elle ait le mme bonheur. Cette mre n'aura que sa fille en tte, c'est-ˆ-dire, qu'elle fera tout ce qu'elle pourra pour la faire briller aux yeux du monde. Elle la chargera de vanitŽs, peut-tre mme jusqu'ˆ faire des dettes ; elle lui apprendra ˆ marcher bien droit, en lui disant qu'elle marche toute courbŽe, qu'on ne sait ˆ quoi elle ressemble. Cela vous Žtonne, qu'il y ait de ces mres si aveugles ! HŽlas ! que le nombre est grand de ces pauvres aveugles qui cherchent la perte de leurs filles ! Une autre fois, les voyant sortir le matin, elles sont plus empressŽes ˆ vite regarder si elles ont leur bonnet bien droit, le visage et les mains bien propres, que de leur demander si elles ont donnŽ leur cÏur au bon Dieu, si elles ont fait leur prire et offert leur journŽe : de tout cela, elles n'en parlent pas. Une autre fois, elles diront qu'il ne faut pas para”tre sauvage, qu'il faut faire bonne gr‰ce ˆ tout le monde, qu'il faut penser ˆ faire des connaissances pour s'Žtablir. Combien de mres ou de pauvres pres aveuglŽs disent ˆ leur enfant : Si tu es bien gentille ou si tu fais bien cela, je te laisserai aller ˆ la foire de Montmerle, ou ˆ la vogue; c'est-ˆ-dire, si tu fais bien toujours ce que je voudrai, je te tra”nerai en enfer ! O mon Dieu, est-ce bien le langage de parents chrŽtiens qui devraient prier nuit et jour pour leurs pauvres enfants ; afin que le bon Dieu leur inspir‰t une grande horreur pour les plaisirs, un grand amour pour lui avec le salut de leur ‰me ! Ce qu'il y a encore de plus triste, c'est qu'il y a des enfants qui ne sont nullement portŽs ˆ sortir ; les parents sont ˆ les prier, ˆ les solliciter en leur disant : Tu restes toujours lˆ, tu ne trouveras pas ˆ t'Žtablir, l'on ne te saura pas au monde. Vous voulez, ma mre, que votre fille fasse des connaissances ? Ne vous inquiŽtez pas tant, elle en fera bien ! sans que vous vous tourmentiez si fort ; attendez encore quelque temps, et vous verrez bien qu'elle les a faites.

La fille, dont le cÏur ne sera peut-tre pas aussi g‰tŽ que celui de la mre, lui dira : Ç Je ferai bien comme vous voudrez ; mais non, M. le curŽ ne veut pas ; il nous dit que tout cela ne fait qu'attirer la malŽdiction du bon Dieu sur les mariages ; j'ai envie de ne pas aller dans les danses, qu'en pensez-vous, ma mre ? È - Ç Eh ! bon Dieu, que tu es bonne, ma fille, d'Žcouter M. le curŽ, il faut bien qu'il nous dise quelque chose ; c'est son gagne-pain, l'on en prend ce que l'on veut, et on laisse le reste ˆ d'autres. È – Ç Mais nous ne ferons point de p‰ques ? È – Ç Ah ! pauvre enfant, s'il ne veut nous recevoir, nous irons ˆ un autre ; ce que l'un ne veut pas, l'autre le prend toujours. Ma fille, sois sage, reviens de bonne heure, va seulement, tu ne te divertiras pas quand tu ne seras plus jeune. È Une autre fois, ce sera une voisine qui lui dira : Ç Vous laissez trop de libertŽ ˆ votre fille, elle finira par vous donner du chagrin. È – Ç Ma fille ! lui rŽpondra-t-elle, je n'ai pas peur de cela. D'ailleurs, je lui ai recommandŽ d'tre bien sage, elle me l'a promis ; je suis sžre qu'elle ne voit que des personnes comme il faut. È Ma mre, attendez quelque temps et vous verrez le fruit de sa sagesse. Quand le crime Žclatera, il sera un sujet de scandale pour toute la paroisse, il couvrira la famille d'opprobre et de dŽshonneur ; et si rien n'Žclate, c'est-ˆ-dire, si personne ne l'apprend, elle portera sous le voile du sacrement de mariage, un cÏur et une ‰me g‰tŽs par les impuretŽs auxquelles elle s'est livrŽe avant son mariage, source de malŽdictions pour toute sa vie. – Mais, dira une mre, quand je verrai qu'elle en fera trop, je saurai bien l'arrter ; je ne lui donnerai plus la permission de sortir, ou bien je prendrai un b‰ton.

 Vous ne lui donnerez plus la permission, ma mre ; ne vous inquiŽtez pas, elle saura bien la prendre sans que vous ayez la peine de la lui donner, et si vous faites seulement semblant de la lui refuser, elle saura vous braver, se moquer de vous et partir. Vous l'avez poussŽe la premire ; mais ce n'est pas vous qui l'en retirerez. Vous pleurerez peut-tre, mais de quoi serviront vos larmes ? de rien, sinon de vous faire ressouvenir que vous vous tes trompŽe, que vous auriez dž tre plus sage et mieux conduire vos enfants. Si vous en doutez, Žcoutez-moi un instant, et vous verrez, malgrŽ la duretŽ de votre cÏur pour l'‰me de vos pauvres enfants, qu'il n'y a que le premier pas qui cožte ; une fois que vous les avez laissŽs s'Žgarer, vous n'en tes plus ma”tresse, et souvent, ils font des fins biens misŽrables.

Il est rapportŽ dans l'histoire, qu'un pre avait un fils, qui lui donnait toutes sortes de consolations ; il Žtait sage, obŽissant, rŽservŽ dans ses paroles, il Žtait en mme temps l'Ždification de toute la paroisse. Un jour, qu'il y eut une petite partie de divertissement dans le voisinage, le pre lui dit : Ç Mon fils, vous ne sortez jamais, allez un moment vous amuser avec vos amis, ce sont tous des jeunes gens comme il faut, vous n'y serez pas en mauvaise compagnie. È Le fils lui dit : Ç Mon pre, je n'ai point de plaisir plus grand et de meilleure rŽcrŽation que d'tre en votre compagnie. È. Voilˆ une belle rŽponse pour un enfant, qui estime mieux la compagnie de son pre, que tous les autres plaisirs et toutes les autres compagnies. Ç Ah ! mon fils, lui dit ce pauvre pre aveuglŽ, si cela est, j'irai avec vous. È Le pre part avec son fils. La seconde fois, le jeune homme n'a plus besoin de tant se faire prier pour partir ; la troisime fois, il part tout seul ; il n'a pas besoin de son pre ;  au-contraire, son pre commence ˆ le gner, il trouve parfaitement le chemin. Son esprit n'est plus occupŽ que du son des instruments qu'il a entendus, des personnes qu'il a vues. Il finit par abandonner ces petites pratiques de piŽtŽ qu'il s'Žtait prescrites dans le temps o il Žtait tout ˆ Dieu ; il se lie ensuite avec une jeune fille, bien plus mauvaise que lui. Les voisins commencent dŽjˆ ˆ parler de lui comme d'un nouveau libertin. Ds que le pre s'en aperoit ; il veut s'y opposer, il lui dŽfend d'aller n'importe o sans sa permission ; mais il ne trouve plus dans son fils cette ancienne soumission. Rien ne peut le retirer ; il se moque de son pre, en lui disant que, maintenant, ne pouvant plus se divertir, il veut empcher les autres de le faire. Le pre, au dŽsespoir, ne voit plus de remde, il s'arrache les cheveux, il veut le corriger. La mre, qui sentait mieux que son mari les dangers de ces compagnies, lui avait souvent dit qu'il faisait bien mal, qu'il en serait f‰chŽ ; mais non, c'Žtait trop tard. Un jour que le pre le voit venir de ces plaisirs, il le ch‰tie. Le fils, voyant qu'il est gnŽ par ses parents, s'engage, et, au bout de quelque temps, le pre reoit une lettre, lui annonant que son fils a ŽtŽ ŽcrasŽ sous les pieds des chevaux. HŽlas ! o alla ce pauvre enfant ? Dieu veuille qu'il ne soit pas en enfer. Cependant, s'il est damnŽ, selon les apparences, son pre est la vŽritable cause de sa perte. Quand le pre ferait pŽnitence, sa pŽnitence et ses larmes n'auront jamais le pouvoir d'arracher ce pauvre enfant de l'enfer. Ah ! malheureux parents, qui, jetez vos enfants dans les flammes Žternelles !

Vous trouvez cela un peu extraordinaire, cependant, si nous examinons de prs la conduite des parents : voilˆ ce qu'ils font tous les jours. Si vous en doutez le moins du monde, touchons cela d'un peu plus prs. N'est-ce pas que vous vous plaignez chaque jour de vos enfants ?  que vous ne pouvez plus en tre ma”tres, et cela est bien vrai. Vous avez peut-tre oubliŽ le jour o vous avez dit ˆ votre garon ou ˆ votre fille : Si tu veux aller ˆ la foire ˆ Montmerle, ou bien ˆ la vogue chez le cabaretier, tu peux bien y aller ; tu reviendras de bonne heure. Votre fille vous a dit que ce serait bien comme vous vouliez. – Va seulement, tu ne sors jamais, il faut bien que tu aies un moment de plaisir. – Vous ne direz pas que non. Mais plus tard, vous n'aurez besoin ni de la solliciter, ni mme de lui donner la permission. Alors, vous vous tourmenterez de ce qu'elle part sans vous le dire. Regardez en arrire, ma mre, et vous vous rappellerez que vous lui avez donnŽ la permission une fois pour toutes. De plus, examinez ce qu'il arrivera quand vous lui aurez donnŽ la libertŽ d'aller partout o sa pauvre tte ŽcervelŽe la conduira. Vous voulez qu'elle fasse des connaissances pour s'Žtablir. En effet, ˆ force de courir, elle fera des connaissances, elle multipliera ses crimes. Ce sera comme une montagne de pŽchŽs qui empchera la bŽnŽdiction du bon Dieu de se rŽpandre sur ces enfants au moment de leur mariage. HŽlas ! ces pauvres personnes sont dŽjˆ maudites de Dieu ! Pendant que le prtre lve la main pour les bŽnir, le bon Dieu, du haut du ciel, lance ses malŽdictions. De lˆ, pour elles une source Žpouvantable de malheur. Ce nouveau sacrilge, ajoutŽ ˆ tant d'autres, leur fait perdre la foi pour toujours. Alors, dans le mariage, o l'on se croit tout permis, la vie n'est plus qu'un ab”me de corruption, qui ferait frŽmir l'enfer mme, s'il en Žtait tŽmoin. Mais, hŽlas ! tout cela n'a qu'un temps. Bient™t aprs, les chagrins, les haines, les disputes et les mauvais traitements de la part de l'un et de l'autre Žpoux ne sont pas rares. – Aprs cinq ou six mois de mariage, le pre verra venir son fils tout en fureur comme un dŽsespŽrŽ, maudissant le pre, la mre, la femme, et peut-tre mme ceux qui ont sollicitŽ le mariage. Son pre, tout ŽtonnŽ, lui demandera ce qui lui est arrivŽ : Ç Ah ! que je suis malheureux ; ah ! du moins si aprs ma naissance vous m'aviez ŽcrasŽ, si avant de me marier quelqu'un m'avait empoisonnŽ ! È - Ç Mais, mon fils, lui dira le pre tout chagrin, il faut prendre patience. Que veux-tu ! peut-tre que cela ne durera pas. È – Ç Ne me dites rien, si je croyais mon courage, je me tirerais un coup de fusil ou j'irais me jeter dans l'eau : il faut toujours tre ˆ se disputer ou se battre. È N'est-ce pas, mon pre, laissons dire M. le curŽ, il faut bien faire des connaissances, sans quoi on ne trouverait pas ˆ s'Žtablir. Pars toujours, mon fils, sois sage, reviens de bonne heure et sois tranquille.

Oui, sans doute, mon ami, si vous aviez ŽtŽ sage, si vous aviez consultŽ le bon Dieu, vous ne vous seriez pas Žtabli comme vous l'avez fait ; Dieu ne l'aurait pas permis ; mais il vous aurait fait comme il fit au jeune Tobie [7]  ; il vous aurait choisi lui-mme une Žpouse qui, en venant chez vous, aurait apportŽ la paix, la vertu, toutes sortes de bŽnŽdictions. Voilˆ, mon ami, ce que vous avez perdu de ne pas Žcouter votre pasteur, et d'avoir suivi le conseil de vos parents aveugles.

Une autre fois ce sera une pauvre fille qui viendra, peut-tre toute meurtrie de coups, dŽposer dans le sein de sa mre ses larmes et son chagrin. Elles mleront leurs larmes ensemble : Ç Ah ! pauvre mre, que j'ai du malheur d'avoir pris un mari comme celui-lˆ ! Il est si mŽchant et si brutal ! Je crains bien que l'on dise un jour qu'il m'a tuŽe. È – Ç Mais, lui dira la mre : il faut faire tout ce quÕil te commandera. È – Ç Je le­ fais bien ; rien ne le contente, il est toujours en colre. È – Ç Pauvre enfant, lui dira la mre, si tu avais eu le bonheur de prendre un tel, qui t'a deman­dŽe, tu aurais ŽtŽ bien plus heureuse È Vous vous trompez, mre, ce n'est pas ce que vous devez lui dire. Ç Ah ! pauvre enfant, si j'avais eu le bonheur de tÕinspirer la crainte et l'amour du bon Dieu, si je ne t'avais jamais laissŽ courir les plaisirs : Dieu n'aurait pas permis que tu fusses si malheureuse : .... È N'est-ce pas, ma mre ? laisse dire M. le curŽ, pars toujours ; sois sage, reviens de bonne heure et sois tranquille. Ceci est trs bien, ma mre, mais Žcoutez.

Un jour, je me trouvai de passer auprs d'un gros feu, je pris une poignŽe de paille bien sche, je la jetai dedans en lui disant de ne pas bržler. Ceux qui furent tŽmoins de cela, me dirent en se moquant de moi : Ç Vous avez beau lui dire de ne pas bržler, cela n'empchera pas qu'elle ne bržle. È – Ç Et comment, leur ai-je rŽpondu, puisque je lui dis de ne pas bržler ? È – Qu'en pensez-vous, ma mre ? vous y reconnaissez-vous ? N'est-ce pas lˆ votre conduite ou celle de votre voisine ? N'est-ce pas que vous aviez dit ˆ votre fille d'tre bien sage, lorsque vous lui donniez la permission de partir ? – Oui sans doute... – Allez, ma mre, vous avez ŽtŽ une aveugle et le bourreau de vos enfants. S'ils sont malheureux dans leur mariage, c'est vous seule qui en tes la cause. Dites-moi, ma mre, si vous aviez quelques sentiments de religion et d'amitiŽ pour vos enfants, ne deviez-vous pas travailler de tout votre pouvoir ˆ leur faire Žviter le mal que vous avez fait vous-mme, lorsque vous Žtiez dans le mme cas que votre fille ? Parlons plus clairement. Vous n'tes pas assez contente d'tre malheureuse vous-mme, vous voulez encore que vos enfants le soient aussi. Et vous, ma fille, vous tes malheureuse dans votre mŽnage ? J'en suis bien f‰chŽ, j'en ai bien du chagrin ; mais j'en suis moins ŽtonnŽ que si vous me  disiez que vous tes heureuse, aprs les dispositions apportŽes ˆ votre mariage.

Oui, M.F., la corruption est montŽe aujourd'hui ˆ un si haut degrŽ parmi les jeunes gens, qu'il serait presque aussi impossible d'en trouver qui reoivent saintement ce sacrement, qu'il est impossible de voir monter un damnŽ dans le ciel. – Mais, me direz-vous : il y en a bien encore quelques-uns. – HŽlas ! mon ami, o sont-ils ?... Ah ! bien oui, une mre ou un pre ne font point de difficultŽ de laisser une fille avec un jeune homme trois ou quatre heures le soir, ou bien pendant les vpres. – Mais, me direz-vous, ils sont sages. Oui, sans doute, ils sont sages ; la charitŽ doit nous le faire croire. Mais dites-moi, ma mre, Žtiez-vous bien sage lorsque vous Žtiez dans le mme cas que votre fille ?

Finissons, M.F., en disant que si les enfants sont malheureux en ce monde et dans l'autre, c'est la faute des parents qui n'ont pas employŽ tous les moyens dont ils Žtaient capables pour conduire saintement leurs enfants dans le chemin du salut, o trs certainement le bon Dieu les aurait bŽnis. HŽlas ! aujourd'hui, un jeune homme ou une jeune fille veulent s'Žtablir, il faut absolument qu'ils abandonnent le bon Dieu... Non, n'entrons pas dans ce dŽtail, nous y reviendrons une autre fois. Pauvres pres et mres, que de tourments vous attendent dans l'autre vie ! Tant que votre gŽnŽration durera, vous allez participer ˆ tous les pŽchŽs qui s'y commettront, vous en serez punis comme si vous les aviez commis, et bien plus, vous rendrez compte de toutes les ‰mes de votre gŽnŽration qui se seront damnŽes. Toutes ces pauvres ‰mes vous accuseront de les avoir perdues. Ceci est trs facile ˆ comprendre. Si vous aviez bien ŽlevŽ vos enfants, ils auraient bien ŽlevŽ les leurs : ils se seraient sauvŽs les uns et les autres. Ce n'est pas tout encore, vous serez responsables devant Dieu de toutes les bonnes Ïuvres que votre gŽnŽration aurait accomplies jusqu'ˆ la fin du monde et qui ne se seront pas faites par votre faute.

Que pensez-vous de cela, pres et mres ? Si vous n'avez pas encore perdu la foi, n'avez-vous pas de quoi pleurer sur le mal que vous avez fait et sur l'impossibilitŽ o vous tes de le rŽparer ? Avais-je raison de vous dire en commenant qu'il est presque impossible de vous montrer dans tout son jour la grandeur de vos devoirs ? .... Encore ce que je vous ai dit aujourd'hui n'est qu'un petit aperu... Revenez dimanche, pres et mres, faites garder la maison, ˆ vos enfants, et nous irons plus loin sans pouvoir vous tout faire conna”tre.

HŽlas ! que de parents tra”nent leurs pauvres enfants dans l'enfer, en y tombant eux-mmes. Mon Dieu ! peut-on bien penser sans frŽmir ˆ tant de malheurs ! Heureux ceux que le bon Dieu n'appelle pas au mariage ! Quel compte de moins ˆ rendre ! – Mais, me direz-vous : Ç Nous faisons bien ce que nous pouvons. È – Vous faites ce que vous pouvez, oui sans doute ; mais c'est pour les perdre et non pour les sauver. En finissant, je veux vous montrer que vous ne faites pas ce que vous pouvez. O sont les larmes que vous avez versŽes, les pŽnitences et les aum™nes que vous avez faites pour demander ˆ Dieu leur conversion ? Pauvres enfants, que vous tes malheureux d'appartenir ˆ des parents qui ne travaillent qu'ˆ vous rendre malheureux dans ce monde et encore bien plus dans l'autre ! ƒtant votre pre spirituel, voici le conseil que j'ai ˆ vous donner : Quand vous voyez vos parents qui manquent les offices, qui travaillent le dimanche, qui font gras les jours dŽfendus, qui ne frŽquentent plus les sacrements, qui ne s'instruisent pas : faites tout le contraire ; afin que vos bons exemples les sauvent eux-mmes, et si vous aviez ce bonheur, vous auriez tout gagnŽ. C'est ce que je vous souhaite.


[1] Gen. xxiv.

[2] I Reg. i et ii.

[3] Luc. i.

[4] II Mach. vii.

[5] Act. x, 2.

[6] Joan. iv, 53.

[7] Tob. vii.

 

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