(SEIZIéME SERMON)
Nolite inebriari vino, in quo est luxuria.
Ne vous laissez pas aller l'ivrognerie, qui conduit
l'impuret.
(S. Paul aux phsiens, v, 18.)
Saint Paul nous assure que les ivrognes n'entreront jamais dans le royaume des cieux [1] ; il faut donc, M.F., que l'ivrognerie soit un bien grand pch. Cela est trs facile comprendre, car, sous quelque aspect que nous le considrions, ce pch est infme, aux yeux mmes des paens ; plus forte raison, les chrtiens doivent-ils le craindre mille fois plus que la mort. Le Saint-Esprit nous le dpeint d'une manire effrayante ; il nous dit : Ç Malheur vous qui tes puissants boire du vin et vaillants vous enivrer... malheur celui qui se lve ds le matin avec la pense de se livrer l'ivresse [2] ! È Hlas ! M.F., il en est bien peu de ceux qui sont atteints de ce vice horrible qui travaillent s'en corriger. Les uns ne voient aucun mal boire en toute rencontre ; les autres pensent que pourvu qu'ils ne perdent pas la raison, ils ne commettent pas un bien grand pch ; d'autres, enfin, s'excusent sur ce que les compagnies les entranent. Pour les dtromper tous de ces erreurs, je vais leur montrer : 1¡ que tout condamne l'ivrognerie, 2¡ que tous les prtextes qu'ils peuvent allguer ne sont pas capables de les justifier devant le bon Dieu.
I. – Pour vous montrer, M.F., la grandeur du pch de l'ivrognerie, il faudrait pouvoir vous faire connatre la grandeur des maux qu'il entrane avec lui pour le temps et pour lÕternit ; ce qui ne sera jamais donn l'homme mortel, parce qu'il n'y a que Dieu seul qui puisse le connatre. Tout ce que je vous en dirai ne sera donc rien en comparaison de ce qu'il est.
D'abord, vous conviendrez avec moi qu'une personne, qui a encore un peu de bon sens et de religion, ne peut pas tre indiffrente et insensible la perte de sa rputation, de sa sant et de son salut. Faut-il mieux m'expliquer encore, je vous dirai que l'ivrogne, par son pch, s'attire la ruine de sa sant, l'aversion des hommes et la maldiction de Dieu lui-mme. Je crois, M.F., que cela seul devrait suffire pour vous en faire concevoir une horreur excrable. Quelle honte pour une personne, mais surtout pour un chrtien, de se plonger dans cet infme bourbier ! Le Saint-Esprit nous dit dans l'criture sainte, qu'il faut envoyer le paresseux la fourmi pour apprendre d'elle travailler [3] ; mais que pour l'ivrogne ; il faut l'envoyer la bte brute pour apprendre d'elle la temprance dans le boire et le manger. Quand on veut engager un pcheur sortir du pch, on s'empresse de lui proposer les exemples de Jsus-Christ et des saints ; mais pour un ivrogne, il faut bien changer de langage, il faut lui proposer l'exemple des animaux, et sans craindre de descendre jusqu'aux plus immondes. Grand Dieu, quelle horreur ! Saint Basile nous dit que lÕon ne devrait pas souffrir les ivrognes parmi les hommes ; mais qu'il faudrait les chasser, et les relguer parmi les btes sauvages qui sont au fond des forts.
Ce pch parat odieux mme aux paens. Il est rapport dans l'histoire que les magistrats de la ville de Sparte, dont les habitants taient trs sobres, pour bien faire comprendre aux jeunes gens combien ce vice est indigne d'une crature raisonnable, faisaient venir, certain jour de l'anne, au milieu de la place publique, un esclave que l'on avait enivr. Les jeunes gens, voyant cet homme se traner dans l'eau ou dans la boue, s'en tonnaient et s'criaient : O ciel ! d'o peut venir un tel monstre ? Il a une figure humaine, mais il a moins de raison qu'une bte brute. Vous le voyez, M.F., tout paens qu'ils taient, ils ne pouvaient pas concevoir qu'une crature raisonnable ft capable de se livrer une passion qui la rduist un tat aussi dshonorant. Nous lisons encore qu'un jeune seigneur, homme de bien, avait un serviteur assez malheureux pour se mettre de temps en temps dans le vin. Un jour, comme il allait l'glise, il le trouva dans cet tat, et lui demanda o il se rendait. Je vais l'glise, prier le bon Dieu, lui rpondit le serviteur. – Tu vas l'glise, lui repartit son matre, ah ! infme ! comment pourrais-tu prier le bon Dieu quand tu ne serais pas en tat de patre ton cheval.
Il n'en est pas de ce pch comme de ceux qui, avec le temps et la grce, se corrigent ; pour celui-l il faut un miracle de la grce, et non une grce ordinaire. Me demandez-vous pourquoi les ivrognes se convertissent si rarement ? – En voici la raison : c'est qu'ils n'ont ni foi, ni religion, ni pit, ni respect pour les choses saintes ; rien n'est capable de les toucher et de leur faire ouvrir les yeux sur leur tat malheureux. Si vous les menacez de la mort, du jugement, de l'enfer qui les attend pour les brler ; si vous les entretenez du bonheur que Dieu rserve ceux qui l'aiment ; pour toute rponse ils vous feront un petit sourire malin qui signifie : Ç Vous croyez-peut-tre me faire peur comme l'on fait aux enfants ; mais je ne suis pas encore du nombre de ceux qui se laissent... pour croire tout cela. È Voil tout ce que vous en tirez. Il croit que quand nous sommes morts, tout est fini. Son Dieu, c'est son vin et il s'en tient l. Ç Va, malheureux, lui dit l'Esprit-Saint, ce vin que tu bois avec excs est comme une couleuvre qui te donne la mort [4] . È Tu n'en crois rien maintenant ; mais en enfer, tu apprendras qu'il y a un autre Dieu que ton ventre.
Outre le mal que l'ivrogne se fait lui-mme par ce pch, quels excs n'est-il pas capable de se porter lorsqu'il est dans sa crapule ! Saint Augustin nous en rapporte un exemple effrayant. Dans la ville o il tait vque, un jeune homme nomm Cyrille avait, comme tant d'autres, hlas ! la malheureuse habitude de frquenter les cabarets. Un jour qu'il revenait du lieu de ses dbauches, il porta la fureur de la passion si loin qu'il attaqua sa mre elle-mme qui tait enceinte. Se voyant entre les mains de ce fils maudit, elle se dbattit avec tant d'efforts qu'elle fit prir le pauvre enfant qu'elle portait. O mon Dieu, quel malheur ! un enfant qui ne verra jamais le ciel par la fureur de ce malheureux libertin !... Cet infme voyant qu'il ne pouvait pas gagner sa mre, se met la poursuite d'une de ses sÏurs, qui aima mieux se laisser poignarder que de consentir son infme dsir. Le pre, entendant un grand bruit, accourt pour dlivrer sa fille. Le malheureux se jette sur son pre, le frappe coups de couteau et le fait tomber ses pieds. Une autre de ses sÏurs court au secours de son pre qu'elle voyait assassiner, le malheureux la poignarde aussi. O ciel ! quelle horreur ! quelle est la passion semblable celle-ci ? Saint Augustin ayant fait rassembler les fidles l'glise pour leur faire part de cet vnement, rapporte lui-mme que tout le monde fondait en larmes, au rcit d'un tel crime.
Voyez, M.F., quelle horreur de ce pch le Saint-Esprit veut vous inspirer, puisqu'il vous dit de Ç ne pas mme regarder le vin quand il brille dans le verre. Si vous le buvez avec excs, dit-il encore, il vous mordra comme un serpent, il vous empoisonnera comme un basilic [5] . È Voulez-vous, nous dit saint Basile, savoir ce que c'est que l'estomac d'un ivrogne, le voici : c'est un rservoir rempli de toutes les immondices du cabaret. Vous voyez ordinairement, dit-il, un ivrogne mener une vie languissante ; il n'est capable de rien ; sinon de ruiner sa sant, de manger son bien, de mettre sa famille la misre : voil tout ce dont il est capable. Il faut que cette passion soit bien dshonorante, puisque le monde, si corrompu qu'il soit, ne laisse pas que d'avoir un souverain mpris pour les ivrognes, et de les regarder comme des pestes publiques. Cela n'est pas bien difficile comprendre : ne renferme-t-elle pas tout ce qui est capable de rendre un homme infme et odieux aux yeux des paens mme. N'est-il pas odieux, lorsque, par la ngligence de ses affaires, il ruine sa famille et la met la misre ? N'est-il pas odieux par les scandales qu'il donne, par la turpitude de sa vie, et les injures qu'il dbite aussi bien contre ses suprieurs que contre ses infrieurs ; car un ivrogne n'a pas plus de respect pour les uns que pour les autres. Vous conviendrez avec moi, M.F., qu'il n'en faudrait pas autant pour rendre une personne mprisable.
coutez-moi un instant encore, et vous le comprendrez mieux. O trouverez-vous un pre qui veuille donner sa fille un ivrogne, s'il le connat pour tel ? Ds que vous lui en faites la proposition, il vous rpond : Ç Si je voulais faire prir ma fille de chagrin, je le ferais ; mais comme j'aime mes enfants, je prfre la garder avec moi toute ma vie. È D'ailleurs, M.F., o serait la fille qui voudrait consentir prendre un jeune homme qui roule [6] les cabarets ? – Ç J'aimerais mieux, vous dirait-elle, aller passer ma vie dans un bois que de prendre un abruti, qui, peut-tre, dans son vin me tuera, comme on l'a vu bien souvent. È Dites-moi, M.F., quel est le bourgeois [7] qui voudrait confier le gouvernement de son domaine un ivrogne, le charger de payer ses dpenses, de recevoir son argent ? De tous les cinq mille, vous n'en trouverez pas un qui y consente, et ils ont bien raison. O est le juge qui voudrait recevoir en justice la dposition d'un ivrogne ? Il le ferait chasser de son audience, et ordonnerait de le conduire dans son curie, avec ses chevaux, ou mme mieux, avec ses pourceaux, s'il en avait. O trouverez-vous un honnte homme, qui veuille paratre dans une auberge en la socit d'un ivrogne ? Si personne ne le connat, il prendra peut-tre patience mais, s'il se croit reconnu d'une personne comme il faut, de suite il prend la fuite ; ou, s'il ne le peut pas, il cherche mille dtours pour faire entendre qu'il s'est trouv dans cette compagnie sans le savoir. Voulez-vous dans une dispute lui faire de la peine, reprochez-lui de l'avoir vu en telle compagnie ; c'est lui dire qu'il ne vaut, pas mieux que cet ivrogne ; et l'on suppose toutes sortes de mauvaises qualits un ivrogne !
Saint Basile nous dit que si les btes taient capables de connatre ce que c'est qu'un ivrogne, elles ne voudraient pas le souffrir en leur compagnie, elles croiraient se dshonorer. Un ivrogne ne se met-il pas au-dessous de la bte la plus brute ? Voyez, en effet, une bte a des pieds pour aller o elle veut, o on l'appelle ; mais un ivrogne n'en a point. Que de fois le trouvez-vous couch dans un chemin, semblable un animal qui l'on a coup les quatre pieds. Si vous avez la charit de le relever, de suite il retombe, au point que vous tes oblig ou de le laisser dans la boue, ou bien de le prendre sur vos paules. N'est-ce pas la vrit ? – Oui, sans doute, pensez-vous en vous-mmes. – Une bte a des yeux pour voir, pour se conduire, pour aller la maison de son matre, et se placer d'elle-mme dans l'curie qu'il lui a dsigne. Un ivrogne n'a point d'yeux pour se conduire chez lui, il ne sait pas s'il doit prendre la droite ou la gauche ; s'il est de vos voisins, il ne vous connat pas seulement. Demandez-lui s'il est jour ou s'il est nuit, il n'en sait rien. Une bte a des oreilles pour entendre ce que son matre lui dit ; elle ne peut pas lui rpondre ; mais elle le regarde pour montrer qu'elle comprend et qu'elle est prte faire ce qu'il lui commande. Un chien voit-il son matre lui faire signe qu'il a perdu son mouchoir ou son bton, il se met aussitt en devoir d'aller le chercher, il le rapporte et tmoigne son matre la joie, le plaisir qu'il a de lui rendre service. Si vous trouvez un ivrogne tendu sur votre chemin, essayez de lui parler pendant des heures entires, il ne vous rpondra pas seulement, tant ses oreilles sont bouches, tant ses yeux sont obscurcis par la fume du vin. Si l'ivresse lui laisse encore la force d'ouvrir la bouche, il vous rpondra une chose pour l'autre ; et vous finirez par vous en aller, dplorant son malheureux penchant. Si, dans cet tat, il a encore quelque connaissance, il n'y a sorte de salets et d'infamies qu'il ne vomisse ; vous lui verrez commettre des actions qui feraient rougir les paens s'ils en taient tmoins, et cela sans remords. Faut-il donner un dernier coup de pinceau pour vous faire mieux apprcier quelle est l valeur et quelles sont les belles qualits d'un ivrogne ? je n'ajoute qu'un mot : c'est un dmon d'impuret revtu d'un corps, que l'enfer a vomi sur la terre, c'est le plus sale, le plus immonde de tous les animaux. Otez-lui son me, et ce n'est plus que la dernire des btes que porte la terre.
Je crois qu' prsent, M.F., vous pouvez vous faire une ide de la grandeur du pch de l'ivrognerie. Nous le trouvons trs horrible, et cependant nous n'avons qu'une connaissance-bien borne de la malice du pch ; je vous laisse penser de quelle manire le bon Dieu, qui le connat dans toute son tendue, doit le considrer ! S'il n'tait pas immortel, pourrait-il, sans mourir d'horreur, supporter la vue de ce vice qui le dshonore dans ses cratures, puisqu'elles sont, nous dit saint Paul, les membres de Jsus-Christ [8] . N'allons pas plus : loin, M.F., c'en est assez. Je vous dirai seulement qu'un impudique, quoique bien criminel, peut encore au moins, dans son pch, produire un acte de contrition qui le rconcilie avec le bon Dieu ; mais pour un ivrogne, il est incapable de donner le moindre signe de repentir. Bien loin de connatre l'tat de son me, il ne sait pas mme s'il est au monde ; de sorte que, M.F., mourir dans l'ivresse ou mourir en rprouv, c'est une mme chose.
Nous disons, M.F., qu'un ivrogne est tout fait incapable de travailler son salut, comme vous allez le voir. Il faudrait, pour qu'il sortit de son tat, qu'il pt en sentir toute l'horribilit. Mais, hlas ! il n'a point de foi ; il ne croit que trs faiblement les vrits que l'glise nous enseigne. Il faudrait qu'il recourt la prire ; mais il n'en fait presque point, ou bien s'il les fait, c'est en s'habillant ou en se dshabillant, ou encore il se contentera de faire le signe de la croix, tant bien que mal, en se jetant sur son lit comme un cheval sur son fumier. Il faudrait qu'il ust des sacrements, qui sont, malgr le mpris qu'en font les impies, les seuls remdes que la misricorde de Dieu nous prsente pour nous attirer lui. Mais, hlas ! il ne connat ni les dispositions qu'il faut apporter pour les recevoir dignement, ni mme le plus ncessaire de ce qu'il faut savoir pour tre sauv. Si vous voulez l'interroger sur son tat, il n'y comprend rien, il vous rpond une chose pour l'autre. Si, dans un temps de jubil, ou de mission, il veut sauver les apparences, il se contentera de dire seulement la moiti de ses pchs ; et, avec les autres, il va la sainte table, c'est--dire, il va commettre un sacrilge ; cela lui suffit. Mon Dieu, quel tat est celui d'un ivrogne ! qu'il est difficile d'en pouvoir sortir ! M.F., si vous preniez la peine de considrer le maintien d'un ivrogne l'glise, vous penseriez qu'il est semblable un athe qui ne croit rien ; vous le voyez venir le dernier, ou bien sortir, afin de se dlasser un peu, chercher quelques-uns de ses semblables pour l'accompagner au cabaret, pendant que les autres sont entendre la sainte Messe.
Le prophte Isae nous dit que les ivrognes sont des cratures inutiles sur la terre pour le bien ; mais qu'elles sont trs dangereuses pour le mal [9] . Pour nous en convaincre, M.F., entrez dans un cabaret, que saint Jean Climaque appelle la boutique du dmon, l'cole o l'enfer dbite et enseigne sa doctrine, le lieu o l'on vend les mes, o les mnages se ruinent, o les sants s'altrent, o les disputes commencent et o les meurtres se commettent. Hlas ! autant de choses qui font horreur ceux qui n'ont pas encore perdu la foi. Qu'y entend-on ? Vous le savez bien mieux que moi : blasphmes, jurements, imprcations, paroles sales. Et que d'actions honteuses que l'on ne ferait pas partout ailleurs !...
Voyez, M.F., ce pauvre ivrogne ! IL est plein de vin et sa bourse est vide. Il se jette sur un banc ou sur une table ; le lendemain il est tonn de se trouver dans un cabaret, tandis qu'il se croyait chez lui. Il s'en va aprs avoir dpens tout son argent, et souvent il est oblig de laisser en gage son chapeau ou ses habillements avec un billet ; afin de pouvoir emporter son corps avec le vin qu'il a bu. Quand il rentre, sa pauvre femme et ses enfants, qu'il a laisss sans pain, avec leurs seuls yeux pour pleurer, sont obligs de vite prendre la fuite, sinon ils vont tre maltraits, comme s'ils taient la cause de la dpense de son argent et des mauvaises affaires qu'il a faites. Mon Dieu, que l'tat d'un ivrogne est dplorable !
Le concile de Mayence a bien raison de nous dire qu'un ivrogne transgresse les dix commandements de Dieu. Si vous voulez vous en convaincre, examinez-les les uns aprs les autres, et vous verrez qu'un ivrogne, est capable de faire tout ce que les commandements de Dieu nous dfendent. Je ne veux pas entrer dans ce dtail qui serait trop long. Saint Jean Chrysostome dit, en s'adressant au peuple de la ville d'Antioche : Ç Prenez bien garde, mes enfants, de ne pas vous laisser aller l'ivrognerie ; parce que ce pch dgrade l'homme d'une manire si pouvantable, qu'il le met au-dessous de la bte brute prive de raison. Oui, continue-t-il, les ivrognes sont vritablement les amis du dmon ; l o sont les ivrognes, sont les dmons en grand nombre. È Hlas ! M.F., ne faut-il pas que ce pch soit horrible aux yeux de Dieu ; pour qu'il le punisse d'une manire si effrayante, mme ds ce monde ? En voici un exemple frappant. Nous lisons dans l'criture sainte [10] , que le roi Balthasar avait fait, pour recevoir les grands de sa cour, un splendide festin, qui surpassait tous ceux qu'il leur avait offert durant son rgne. Il avait fait chercher dans tout son royaume les vins les plus dlicieux. Quand ses convives furent assembls, et que, se faisant gloire de boire longs traits, le sang commenait s'chauffer et l'impudicit s'allumer ; nous pouvons bien dire que l'un ne va pas sans l'autre : quand dj ils se plongeaient dans la volupt, tout coup, parut devant la face du roi, une main sans corps, crivant sur la muraille certains mots qui taient la condamnation de ce roi, sans qu'il le connt. Hlas ! M.F., que l'homme le plus fier, le plus orgueilleux et le plus froce, est peu de chose dans un accident semblable, ou plutt dans le moindre accident !
Balthasar en fut si pouvant, prit un si grand tremblement, que les jointures de ses reins se brisaient et ses genoux se heurtaient l'un contre l'autre. Tous les convives furent en proie la mme terreur et semblaient tre demi-morts. Le roi s'empressa de faire chercher quelqu'un qui pt lui faire comprendre la signification de ces mots ; mais personne n'y comprenait rien. Alors il ordonna de faire venir tous ses devins, c'est--dire ses faux prophtes. Chacun voulait savoir, mais sans y parvenir. Enfin on dit au roi que Daniel, le prophte du Seigneur, pouvait seul lui en donner la signification. Comme il dsirait vivement connatre le sens de ces paroles, il commanda de l'amener sur le champ. Le prophte se rend sans rsistance auprs du roi, qui le reoit avec beaucoup de respect, et lui demande l'explication de ces mots, en lui offrant plusieurs prsents. Le prophte les refuse. Ç Prince, lui dit-il, coutez. Voici ce que veulent dire ces trois mots Man, Thecel, Phares. Le premier, que vos jours sont compts et que vous tes la fin de votre vie et de votre rgne ; le second, que vous avez t pes et trouv trop lger ; le troisime, que votre royaume sera divis entre les Mdes et les Perses. È Ainsi le roi entendit de la bouche mme du prophte la sentence de condamnation qui lui annonait la fin de toutes ses dbauches. Remarquez-le bien, ceci se passait au moment o ce malheureux buvait avec ses convives, dans les vases sacrs enlevs par son pre dans le pillage du temple de Jrusalem ; pendant qu'ils se remplissaient le corps de vin, et qu'ils se plongeaient dans les plus sales volupts. O mon Dieu ! quel coup de foudre de votre colre ! Mais il n'en fut pas quitte pour la peur, comme on dit communment : tout arriva comme le prophte l'avait prdit. Le roi fut massacr, et son royaume fut partag entre les Mdes et les Perses.
Malgr cet avertissement capable de convertir tout autre pcheur, ce malheureux ne fut qu'endurci ; car il ne parat pas qu'il ait donn le moindre signe de repentir. Selon toute apparence, de sa crapule et de sa frayeur descendit en enfer. Ce qui nous montre combien il est difficile un ivrogne de se convertir.
Voyez encore Holopherne, ce fameux orgueilleux, qui se faisait gloire de se remplir de vin jusqu' regorger, en prsence de la belle Judith [11] . Ce fut prcisment dans son ivresse qu'elle lui coupa la tte. Oh ! M.F., quelle funeste passion ! qui pourrait en comprendre la tyrannie et s'y abandonner ? Non, M.F., une personne qui s'abandonne l'ivrognerie n'a plus de rserve, pas mme pour ses parents, comme nous l'avons dit [12] . Mais, pour bien vous le graver dans le cÏur, en voici un exemple qui n'est pas moins effrayant. L'histoire rapporte qu'un pre avait un fils, qui, encore tout jeune, avait l'habitude d'aller assez souvent dans les cabarets. Un jour, le voyant revenir de ce lieu de malheur et remarquant qu'il avait un peu trop bu, le pre voulut lui reprsenter combien il tait honteux pour lui, qui n'tait encore qu'un enfant, d'aller dans les cabarets o l'on commet le mal et o l'on ne fait jamais le bien ; qu'il ferait beaucoup mieux de fuir ces lieux o se perdaient sa rputation et son argent, et que, s'il voulait continuer, il se verrait chass par son pre. Ce jeune homme, entendant ces paroles, entra dans une si grande colre, qu'il courut sur son pre, et le frappant de coups de couteau, le poignarda et le renversa ses pieds tout couvert de sang. Dites-moi, M.F., auriez-vous jamais pu penser que l'ivrognerie pt porter l'homme de tels excs ?
Ainsi l'ivrogne ne commet pas seulement le pch de gourmandise ; mais il devient capable, par ce pch de se livrer tous les crimes. Si je ne craignais pas d'tre trop long, je vous le montrerais si clairement, que vous n'en sauriez douter. Aprs cela, M.F., il n'est pas ncessaire de vous dire combien vous devez redouter l'ivrognerie, et fuir ceux qui s'y livrent. Ah ! qu'il est craindre que ceux qui en sont atteints ne s'en corrigent jamais !
Cependant, M.F., comme la misricorde du bon Dieu est infinie, et qu'il veut sauver les ivrognes comme les autres hommes, quoique leur conversion soit bien difficile ; s'ils voulaient se prter la grce qui leur est donne pour se corriger, ils viendraient bout de se tirer de cet abme. La premire chose qu'ils doivent faire, c'est de fuir les ivrognes et les cabarets ; cette condition leur est absolument ncessaire pour revenir au bon Dieu. Le second moyen, c'est d'avoir recours la prire, afin de toucher le cÏur de Dieu et de regagner son amiti. Le troisime, c'est d'avoir un grand respect pour les choses saintes, de ne jamais mpriser rien de ce qui a rapport la religion. Le quatrime, d'avoir recours aux sacrements o tant de grces nous sont accordes : c'est le moyen dont tous les pcheurs se sont servis pour revenir au bon Dieu, aussi bien les ivrognes que les autres.
Saint Augustin raconte [13] , d'aprs le rcit mme de sa mre, qu'elle avait failli se damner en faisant la petite gourmande, dans le vin. Elle piait le moment o personne ne la voyait, et alors elle tchait de se contenter [14] . Mais une servante qui l'avait aperue quelquefois, et laquelle il lui arriva un jour de dplaire, lui dit qu'elle tait une petite ivrognesse. Ce mot lui fut tant cÏur, elle en eut une si grande confusion, que, dans son repentir, elle en pleura longtemps. Elle alla aussitt se confesser de cette faute, qu'elle n'avait jamais os dire son confesseur, tant elle regardait ce pch comme infme et honteux, quoiqu'elle et douze ans peine. Elle s'en corrigea si bien avec la grce du bon Dieu, qu'elle n'y retomba plus de toute sa vie, et elle vcut d'une manire si exemplaire qu'elle est devenue grande sainte. Nous voyons [15] que le bon Dieu, pour lui faire expier son pch, permit qu'elle poust un homme ivrogne et brutal, qui lui fit essuyer mille mauvais traitements. Son fils Augustin, jusqu' lÕge de trente-deux ans, ne fut pas moins ivrogne que son pre. Sainte Monique reconnaissant que le bon Dieu permettait cela pour qu'elle satisft sa justice, supporta si bien cette preuve qu'on ne lui entendit jamais faire personne la moindre plainte. Elle eut enfin le bonheur de voir son mari et son fils Augustin se convertir. Vous voyez, M.F., que le bon Dieu tend la main et donne la grce ceux qui la lui demandent, avec un vrai dsir de sortir du pch, pour ne plus vivre que pour lui.
Mais un autre exemple va vous faire plaisir, car il vous montrera que les ivrognes, quoique bien misrables, peuvent encore se sauver ; et que ceux qui ne se convertissent pas de leurs mauvaises habitudes, et croient qu'ils ne pourront pas se corriger, se trompent bien. Il est rare de trouver un trait qui convienne mieux notre sujet. Dans un village prs de Nmes, il y avait un paysan nomm Jean. Ds sa jeunesse, il s'tait tellement adonn l'ivrognerie, qu'il tait presque continuellement dans le vin, et passait gnralement pour le plus grand ivrogne du pays. Le cur de la paroisse ayant fait venir des missionnaires, pour instruire ses paroissiens, pensa qu'il fallait leur faire connatre ce pcheur, de crainte qu'il ne les trompt. Cette sage prcaution du pasteur parut d'abord inutile ; car, non seulement le paysan ne se prsenta aucun missionnaire, mais encore il n'assista aucun des exercices de la mission. Deux jours avant qu'elle ft finie, il s'avisa d'aller entendre un sermon sur l'enfant prodigue ou sur la misricorde de Dieu, qui fut prch par M. Castel, prtre de Nmes, l'un des missionnaires qui avait le plus de talent et de zle. Ce discours crit avec une noble simplicit, mais prononc avec beaucoup de force et d'onction, fit la plus vive impression sur le nouvel auditeur. Il reconnut son portrait dans la peinture qu'on fit des dsordres de l'enfant prodigue ; il vit dans la bont de son pre une image touchante de celle de Dieu, et plein, tout la fois, de repentir et de confiance, il dit : Ç A l'exemple du jeune homme prodigue de l'vangile, je sortirai enfin de la malheureuse habitude o je croupis depuis si longtemps ; j'irai me jeter aux pieds de ce Dieu de misricorde qu'on vient de me reprsenter comme le plus tendre de tous les pres. È Sa rsolution ne fut pas moins efficace que prompte. Ds le lendemain, il va trouver ce mme M. Castel dont il avait entendu le sermon, et en l'abordant il lui dit, les yeux mouills de larmes : Ç Vous voyez ici le plus grand pcheur qu'il y ait sur la terre. Vous dites que la misricorde de Dieu est encore plus grande que nos pchs ; pour en attirer sur moi les salutaires effets, je viens vous prier d'avoir la charit d'entendre ma confession. Ah ! ne me le refusez pas, mon pre, je vous en conjure ; vous me feriez tomber dans le dsespoir. Je ne puis plus soutenir le poids de mes remords, et je ne serai tranquille que lorsque vous m'aurez rconcili avec le bon Dieu que j'ai tant offens. È Le missionnaire fut d'autant plus touch et surpris de ce discours, qu'il reconnut dans son interlocuteur le fameux ivrogne dont le cur lui avait parl. Il s'attendrit avec lui, l'embrassa tendrement, et lui montra les mmes sentiments que le pre de l'enfant prodigue avait tmoign son fils ; mais, en mme-temps, il lui reprsenta avec bont qu'il tait trop tard, qu'il tait presque la veille de son dpart ; et qu'il craignait bien de n'avoir pas le temps de lui accorder ce qu'il demandait. Ç Ah ! s'il en est ainsi, lui rpondit le paysan en sanglotant, c'en est fait, je suis perdu. Quand vous me connatrez mieux, peut-tre, aurez-vous piti de moi. Faites-moi donc la grce de m'entendre, et que j'aie, au moins, la consolation de me confesser. È Le missionnaire se rendit ce dsir, et le paysan fit sa confession aussi bien qu'il lui fut possible. Il accompagna l'accusation de ses pchs de tant de larmes et d'un si vif repentir ; il rsista avec tant de courage aux conseils prudents qu'on lui donnait, de ne pas entirement renoncer au vin, cause de sa sant, et d'en user seulement plus rarement et plus sobrement ; il protesta si fortement que jamais rien ne pourrait le rconcilier avec ce cruel ennemi, qui avait donn la mort son me, et qu'il en aurait horreur toute sa vie, que le missionnaire, le voyant si bien dispos, lui donna l'absolution, en lui recommandant fortement de persvrer dans les bons sentiments que le bon Dieu lui avait inspirs. Ce grand pcheur le lui promit, et la suite prouvera que son repentir avait t sincre. Cinq ou six mois aprs la mission, une des sÏurs de Jean fit un voyage Nmes. Elle rencontra le missionnaire qui fut bien curieux de savoir si son fameux ivrogne Jean avait persvr. Ç Vous venez, sans doute, de votre village, lui dit-il, pouvez-vous me donner des nouvelles du brave Jean ? – Ah ! monsieur, lui rpondit cette, femme, nous vous avons de grandes obligations ; vous en avez fait un saint. Depuis que vous avez quitt notre pays, non seulement ses anciens amis n'ont pas pu l'entraner dans les cabarets ; mais il ne nous a pas t possible de lui faire boire une seule goutte de vin. Non, non, nous dit-il, quand nous lui en parlons, il a t mon plus grand ennemi, je ne me rconcilierai jamais avec lui ; ne m'en parlez plus. È Le missionnaire ne put entendre ces paroles sans verser des larmes, tant il eut de joie de savoir que ce pcheur converti avait eu le bonheur de persvrer. Toutes les fois qu'il racontait ce trait, il avait coutume d'ajouter qu'aprs une telle conversion, l'on ne devrait jamais dsesprer des plus grands pcheurs, si le pcheur veut correspondre la grce que le bon Dieu accorde tous pour les sauver.
II. – Nous allons voir, M.F., que les pcheurs ; c'est--dire les ivrognes, n'ont point de prtextes qui justifient leurs excs. Saint Augustin nous dit que, quoique l'ivrognerie soit condamne par tout le monde, cependant chacun croit pouvoir s'en excuser. Si vous demandez un homme pourquoi il s'est mis dans le vin, il vous rpondra, sans se tourmenter [16] , qu'un ami est venu le voir ; qu'ils sont alls au cabaret, et que, s'ils ont trop, bu, ce n'est que par complaisance. – C'est par complaisance ! mais ou cet ami est un bon chrtien ou c'est un impie. S'il est bon chrtien, vous l'avez grandement scandalis en le pressant de boire, et en passant votre temps dans un cabaret. Peut-tre mme tait-ce pendant la sainte Messe ou pendant les vpres !,.. Eh ! quoi, mon frre, vous tiez entrs deux personnes raisonnables dans le cabaret, et vous en tes sortis moins raisonnables que deux btes brutes ! Croyez-moi, mon ami, si vous aviez gard votre ami chez vous un moment, et que, n'ayant point de vin, vous lui eussiez offert de l'eau ; vous lui auriez fait beaucoup plus de plaisir qu'en lui faisant vendre son me au dmon. Si cet ami est un mauvais chrtien ou un impie sans religion, vous ne devez pas aller avec lui, vous devez le fuir. – Mais, me direz-vous, si je ne le fais pas boire, et si je ne le mne pas au cabaret, il me voudra mal, il me traitera d'avare. – Mon ami, c'est un grand bonheur d'tre mpris des mchants, parce que cela prouve qu'on ne leur ressemble pas : Vous devez leur servir d'exemple. Saint Augustin, nous dit : Eh ! quoi, misrable, vous vous tes mis dans le vin pour tre l'ami d'un ivrogne, d'un impie, d'un libertin ; tandis que vous devenez l'ennemi de Dieu mme ! Oh malheureux ! quelle indigne prfrence ! Vous voyez donc, M.F., vous n'avez rien qui puisse vous excuser : vous vous mettez dans le vin, parce que votre gourmandise vous y entrane. Quelques-uns vous disent qu'ils ont l'habitude d'aller au cabaret pour boire avec les autres ; mais que, si copieusement qu'ils boivent, jamais le vin ne trouble leur raison. Mon ami, vous vous trompez. Quoique le vin ne vous trouble pas, ds que vous en buvez plus qu'il ne vous est ncessaire, vous tes aussi coupable, en vous-mme, que si vous aviez perdu la raison ; il n'y a qu'un petit scandale de moins. Et encore vous n'tes pas moins, aux yeux du public, un pilier de cabaret. coutez ce que nous dit le prophte Isae : Ç Malheur vous qui avez la tte assez forte pour boire avec excs, qui vous faites gloire d'enivrer les autres ; vous vous enivrez vous-mme [17] . È En voici qui vous disent encore : C'est pour faire un march, pour donner ou pour recevoir de l'argent. – Hlas ! mon ami, je ne veux pas vous prouver combien de ceux qui sont, dans le vin font des marchs tout de travers. On leur fait signer des quittances sans qu'ils aient l'argent, ou s'ils l'ont reu, on tche bien vite de le leur reprendre. D'ailleurs, comment voulez-vous connatre ce que vous faites ? vous ne vous connaissez pas vous-mme.
Quelle conclusion devons-nous tirer de tout cela, M.F. ? la voici. C'est de rentrer srieusement en nous-mmes, comme le Seigneur nous le dit par la bouche du prophte Jol : Rveillez-vous, dit-il, ivrognes, parce que toutes sortes de malheurs vous attendent. Pleurez et criez ; la vue des chtiments que la juste colre de Dieu vous prpare dans les enfers, cause de votre ivrognerie [18] . Rveillez-vous, malheureux, aux clameurs de cette pauvre femme que vous avez maltraite aprs avoir mang son pain ; rveillez vous, ivrognes, aux cris de ces pauvres enfants que vous rduisez la mendicit ou que vous mettez dans le cas de mourir de faim. coutez, infme ivrogne, ce voisin qui vous demande l'argent qu'il vous a prt, et que vous avez mang en dbauches et dans les cabarets. Il en a besoin pour nourrir sa femme et ses enfants, qui pleurent la misre que votre ivrognerie leur a cause. Ah ! malheureux pcheur, qu'aviez-vous promis au bon Dieu quand il vous a reu pour son enfant ? Vous lui avez promis de le servir, de ne plus retomber dans ces dsordres. Qu'avez-vous fait dans votre ivresse ? Hlas ! vous avez rvl des secrets qu'on vous avait confis et que vous ne deviez jamais dire. Vous avez commis un nombre infini de turpidits qui font horreur tout le monde. Qu'avez-vous fait en vous livrant l'ivrognerie ? Vous avez ruin votre rputation, votre fortune, votre sant et vous avez rendu votre famille si misrable, que, peut-tre pour vivre, s'abandonnera-t-elle toutes sortes de dsordres. Vous tes devenu vous-mme un homme de rien, la fable et l'opprobre de vos voisins, qui, maintenant, ne vous regardent plus qu'avec mpris et horreur. Qu'avez-vous fait de votre me, de cette me si belle, que Dieu seul la surpasse en beaut ? Vous l'avez rendue toute charnelle, toute dfigure par vos excs.
Qu'avez-vous perdu par votre ivrognerie ? Hlas ! mon ami, vous avez perdu le plus grand de tous les biens, vous avez perdu le ciel, un bonheur ternel, des biens infinis ; vous avez perdu votre pauvre me qui avait t rachete par le sang adorable de Jsus-Christ. Ah ! disons plus encore : Vous avez perdu votre Dieu, ce tendre Sauveur, qui n'a vcu que pour vous rendre heureux pendant toute l'ternit. Oh ! quelle perte ! Qui pourra la comprendre et y tre insensible ! Quel malheur est comparable celui-l ?
Mais qu'avez-vous mrit ? Hlas ! rien autre chose que l'enfer, pour y tre brl pendant toute l'ternit. Vous avez mrit, mon ami ; d'tre plac sur la table des dmons o vous allez nourrir et entretenir la fureur qu'ils ont contre Jsus-Christ lui-mme. Vous allez tre cette victime sur laquelle la juste colre de Dieu s'appesantira pendant des sicles sans fin !... Convenez avec moi que peut-tre jamais vous n'auriez pu vous former une ide de la grandeur du pch d'ivrognerie, de l'tat o il rduit celui qui le commet, des maux qu'il lui attire pendant sa vie et des chtiments qu'il lui prpare pour l'ternit. Qui ne serait touch de tant de maux, M. F, ? Pleurez, malheureux ivrognes, vos drglements et tous les mauvais exemples que vous avez donns, au lieu d'en rire comme vous le faites : Poussez des cris vers le ciel, pour demander misricorde, pour essayer, si le Seigneur voudra encore avoir piti de vous. Prions le bon Dieu qu'il nous prserve, de ce malheureux pch, qui semble nous mettre presque dans l'impossibilit de nous sauver. Pour cela, n'aimons que Dieu seul, c'est le bonheur que je vous souhaite.
[1]
Neque ebriosiÉ regnum Dei posidebunt. I Cor. vi, 10.
[2] V¾ qui potentes estis ad libendum vinum, et viri fortes ad miscendam ebrietatem. V¾ qui consurgitis mane ad ebrietatem sectandam, et potandum usque ad vesperam, ut vino ¾stuetis... Is. v, 22, 11.
[3]
Prov. vi, 6.
[4]
Prov. xxiii, 22.
[5]
Ne intuearis vinum, quando flavescit, cum splenduerit in vitro color ejus : ingreditur blande, sed in novissimo mordebit ut coluber, et sicut regulus venena difundet. Prov. Xxiii, 31, 32.
[6] Qui hante.
[7] Propritaire
[8]
I Cor, vi, 15.
[9] Opera eorum opera inutilia, et opus iniquitatis in manibus eorum. Is. Lix, 6. Le Saint fait sans doute allusion ce passage dÕIsae, qui peut s'entendre des ivrognes comme de tous les autres pcheurs.
[10]
Dan. v.
[11]
Judith, xii, 20.
[12]
Cui v¾ ? cujus patri v¾ ? cui rix¾ ? cui fove¾ ? cui sine causa vulnera ? cui suffusio oculorum ? Nonne his gui commorantur in vine, et student calicibus epotandis ? Prov, xxiii, 29-30.
[13] Conf. Lib.IX, cap. viii, 18.
[14] Se satisfaire
[15] Ibid. cap. IX.
[16] Se troubler
[17] Is. v, 22. Cit plus haut.