(CINQUIéME SERMON)
Quaerite prinaum regnum Dei et justitiam ejus.
Cherchez premirement le royaume de Dieu et sa justice.
(S. Matthieu, VI, 33.)
Saint Matthieu nous apprend que Jsus-Christ s'tant un jour trouv avec des personnes qui s'occupaient beaucoup des affaires temporelles, leur dit : Ç Ne vous inquitez pas tant de tout cela, cherchez premirement le royaume des cieux et sa justice, et tout le reste vous sera donn avec abondance ; en voulant leur dire, par l, que s'ils avaient le bonheur de mettre tous leurs soins plaire Dieu et sauver leurs mes, son Pre leur fournirait tout ce qui leur serait ncessaire pour les besoins du corps. – Mais pensez-vous, comment est-ce que nous pouvons chercher le royaume des cieux et sa justice ? – Comment, M.F. ? Rien de plus facile et de plus consolant : c'est en vous attachant au service de Dieu qui est le seul moyen qui nous reste, pour nous conduire la fin noble et heureuse pour laquelle nous sommes crs. Oui, M.F., nous le savons tous, et mme les plus grands pcheurs sont convaincus qu'ils ne sont dans le monde que pour servir le bon Dieu, en faisant tout ce qu'il nous commande. – Mais, me direz-vous, pourquoi est-ce donc qu'il y en a si peu qui travaillent cela ? – M.F., le voici : c'est que les uns regardent le service de Dieu comme une chose trs difficile ; ils pensent qu'ils n'ont pas assez de force pour l'entreprendre, ou que, l'ayant entrepris, ils ne pourront pas persvrer. Voil prcisment, M.F., ce qui dcourage ou dtourne une grande partie des chrtiens. Au lieu d'couter ces consolantes paroles du Sauveur, qui ne peut nous tromper, et qui nous dit que son service est doux et agrable, qu'en le faisant nous y trouverons la paix de nos mes et la joie de notre cÏur [1] ... Mais, pour mieux vous le faire comprendre, je vais vous montrer lequel des deux mne une vie plus dure, plus triste et plus pnible, ou de celui qui remplit ses devoirs de religion avec fidlit, ou de celui qui les abandonne pour suivre ses plaisirs et ses passions, pour vivre sa libert [2] .
I. – Oui, M.F., de quelque ct que nous considrions le service de Dieu, qui consiste dans la prire, la pnitence, la frquentation des sacrements, l'amour de Dieu et du prochain et un entier renoncement soi-mme ; oui, M.F., nous ne trouvons dans tout cela que joies, que plaisirs et que bonheur pour le prsent et pour l'avenir, comme vous allez le voir. Celui qui connat sa religion et qui la pratique sait que les croix et les perscutions, les mpris, les souffrances, et enfin, la pauvret et la mort se changent en douceurs, en consolation et en rcompense ternelle. Dites-moi, vous en tes-vous jamais form une ide sensible ? Non, sans doute. Cependant, M.F., cela est tel que je vous le dis ; et, pour vous le prouver de manire que vous ne puissiez pas en douter, coutez Jsus-Christ lui-mme : Ç Bienheureux les pauvres, parce que le royaume des cieux leur appartient, et malheur aux riches, parce qu'il est trs difficile que les riches se sauvent [3] . È Vous voyez donc, d'aprs Jsus-Christ, que la pauvret ne doit pas nous rendre malheureux, puisque le Sauveur nous dit : Ç Bienheureux les pauvres. È
En deuxime lieu, ce ne sont pas les souffrances ni les chagrins ; puisque Jsus-Christ nous dit : Ç Bienheureux ceux qui pleurent et qui sont perscuts, parce qu'un jour viendra qu'ils seront consols [4] ; mais malheur au monde et ceux qui prennent leurs plaisirs, parce qu'un jour viendra que leur joie se changera en larmes et en tristesse ternelle [5] . È
En troisime lieu, ce n'est pas d'tre mpris, puisque Jsus-Christ nous dit : Ç On me mprise et on vous mprisera, on me perscute et on vous perscutera ; mais, bien loin de vous laisser aller la tristesse, rjouissez-vous, parce qu'une grande rcompense vous attend dans le ciel [6] . È Dites-moi, M.F., que pourra rpondre maintenant ce pauvre homme qui veut nous dire qu'il est malheureux, et qui nous demande comment il pourra se sauver au milieu de tant de perscutions, de calomnies et d'injustices qu'on lui fait ? Non, non, M.F., disons-le : rien n'est capable de rendre l'homme malheureux ici-bas, que le dfaut de religion ; et l'homme, malgr tout ce qu'il pourra prouver sur la terre, s'il veut s'attacher au service de Dieu, ne laissera pas que d'tre heureux.
Nous avons dit, M.F., que celui qui s'attache au bon Dieu se trouve plus heureux que les gens du monde, dans le moment o tout va selon leurs dsirs ; et mme, nous voyons que plusieurs saints ne respiraient que le bonheur de souffrir ; nous en avons un bel exemple dans la personne de saint Andr. Il est rapport dans sa vie [7] qu'ge, gouverneur de la ville, voyant que saint Andr, par ses prdications, rendait dsert le temple de ses faux dieux, l'envoya prendre. Le saint tant prsent devant son tribunal, il lui dit d'un air menaant : Ç Est-ce toi, qui fais profession de dtruire le temple de nos dieux, en annonant une religion toute nouvelle ? È Saint Andr lui rpondit : Ç Elle n'est point nouvelle, au contraire, elle a commenc avec le monde. È – Ç Ou tu renonceras ton crucifi, ou je te ferai mourir en croix comme lui. È – Ç Nous, chrtiens, lui rpondit saint Andr nous ne craignons point les souffrances, elles font tout notre bonheur sur la terre ; plus nous aurons t conformes Jsus-Christ crucifi, plus nous serons glorieux dans le ciel ; vous serez plus tt las de me faire souffrir, que moi, de souffrir. È Le proconsul le condamna mourir en croix ; mais pour rendre son supplice plus long, il ordonna de ne pas le clouer, mais seulement de l'attacher avec des cordes, pour qu'il souffrt plus longtemps. Saint Andr eut tant de joie d'tre condamn mourir en croix comme Jsus-Christ, son divin Matre, que voyant deux mille hommes qui allaient assister sa mort, et qui presque tous versaient des larmes, ayant peur qu'on le privt de son bonheur, il leva la voix pour les conjurer, en, grce, de ne pas retarder son martyre. D'aussi loin qu'il aperut la croix sur laquelle il devait tre attach, il s'cria tout transport d'allgresse : Ç Je vous salue, Croix vnrable, qui avez t consacre et orne par l'attouchement du Corps adorable de Jsus-Christ, mon divin Sauveur ! È ï Croix sacre ! Croix tant dsire ! Croix aime avec tant d'ardeur ! Croix que j'ai recherche et dsire avec tant de zle et sans relche ! c'est vous qui allez satisfaire tous les dsirs de mon cÏur ! ï Croix bien aime, recevez-moi des mains des hommes pour me remettre entre celles de mon Dieu, afin que je passe de vos bras entre ceux de celui qui m'a rachet. È L'auteur qui a crit sa Vie [8] nous dit qu'tant au pied de la croix pour y tre attach, il ne changea point de couleur, les cheveux ne lui dressrent point la tte, comme il arrive aux criminels, il ne perdit point la voix, le sang ne lui glaa point dans les veines, il ne fut pas mme saisi de la moindre frayeur ; mais, au contraire, l'on voyait que le feu de la charit, dont son cÏur brlait, lui faisait jeter des flammes ardentes par la bouche. Lorsqu'il fut auprs de la croix, il se dpouilla lui-mme et donna ses habits au bourreau ; il monta sans l'aide de personne sur le bois ou tait place la croix. Tout le peuple, qui tait au moins de vingt mille, voyant saint Andr attach, cria que c'tait une injustice de faire souffrir un homme si saint, et courut au palais pour mettre en pices le proconsul, s'il ne le dtachait pas. Craignant pour sa vie, le proconsul va le faire dtacher. D'aussi loin que saint Andr le vit venir, il s'cria : Ç ï Ege, que venez-vous faire ici ? Si vous venez pour apprendre connatre Jsus-Christ, bon, venez ; mais si vous venez pour me faire dtacher, n'allez pas plus loin, sachez que vous n'en viendrez pas bout et que j'aurai la consolation de mourir pour mon divin Matre ! Ah ! je vois dj mon Dieu, je l'adore avec tous les bienheureux. È Malgr cela, le gouverneur voulut le faire dtacher, crainte que le peuple ne le ft mourir lui-mme ; mais il fut impossible de le dtacher : mesure qu'ils s'approchaient pour le dtacher, les forces leur manquaient, ils restaient immobiles. Alors saint Andr s'cria en levant les yeux au ciel : Ç Mon Dieu, je vous demande la grce de ne point permettre que votre serviteur, qui est en croix pour la confession de votre nom, reoive cette humiliation que d'tre dlivr par les ordres d'ge. Mon Dieu ! vous tes mon Matre, vous savez que je n'ai cherch et dsir que vous. È Comme il achevait ces paroles, on vit une lumire en forme de globe qui enveloppa tout son corps, et rpandit une odeur qui embauma tous les assistants, et, dans le mme moment, son me partit pour l'ternit. Voyez-vous, M.F. ? celui qui connat sa religion et qui est attach au service de son Dieu, ne regarde pas les souffrances comme des malheurs ; mais il les dsire et les regarde comme des biens inestimables. Oui, M.F., mme ds ce monde, celui qui a le bonheur de s'attacher Dieu, est plus heureux que le monde avec tous ses plaisirs. coutez saint Paul : Ç Oui, nous dit-il [9] , je suis plus heureux dans mes chanes, dans mes prisons, dans le mpris et les souffrances, que mes perscuteurs ne le sont dans leur libert, dans leur abondance et leur crapule. Mon cÏur est si rempli de joie, qu'il ne peut pas la contenir, elle dborde de tous cts [10] . È Oui, sans doute, M.F., saint Jean-Baptiste est plus heureux dans son dsert, abandonn de tout secours humain, qu'Hrode sur son trne, enseveli dans ses richesses, et plong dans le bonheur de ses infmes passions. Saint Jean est dans son dsert, il converse familirement avec son Dieu, comme un ami avec son ami, tandis qu'Hrode est dvor par une secrte crainte de perdre son royaume, ce qui le porte faire gorger tant de pauvres enfants [11] . Voyez encore David : n'est-il pas plus heureux en fuyant la colre de Sal, quoique rduit passer les nuits dans les forts [12] ; trahi et abandonn de ses meilleurs amis, s'unissant pendant ce temps-l son Dieu et mettant toute sa confiance en lui, n'est-il, pas plus heureux que Sal dans les biens et l'abondance des richesses et des plaisirs ? David bnit le Seigneur de lui prolonger ses jours pour lui donner le temps de souffrir pour son amour, tandis que Sal maudit sa vie et devient lui-mme son bourreau [13] . Pourquoi cela, M.F. ? Hlas ! c'est que l'un s'attache au service de son Dieu, et que l'autre l'abandonne.
Que conclure de cela, M.F. ? Rien autre chose, sinon que ce ne sont ni les biens, ni les honneurs, ni la vanit qui peuvent rendre l'homme heureux sur la terre ; mais l'attachement seul au service de Dieu, quand nous avons le bonheur d'en avoir connaissance et de le bien remplir. Cette femme qui est mprise de son mari n'est donc pas malheureuse dans son tat parce qu'elle est mprise, mais parce qu'elle ne connat pas sa religion, ou parce qu'elle ne pratique pas ce qu'elle lui ordonne. Apprenez-lui sa religion, et, ds que vous verrez qu'elle pratiquera, elle cessera de se plaindre et de se croire malheureuse. Oh ! que l'homme serait heureux, mme sur la terre, s'il connaissait sa religion, et s'il avait le bonheur d'observer ce qu'elle nous commande, s'il considrait les biens qu'elle nous propose pour l'autre vie !
Oh ! quel pouvoir n'a pas une personne auprs de Dieu, quand elle l'aime et le sert avec fidlit. Hlas ! M.F., une personne, mprise des gens du monde, qui semble n'tre digne que d'tre foule aux pieds, voyez-la se rendre matresse de la volont et de la puissance de Dieu mme. Voyez un Mose, qui force le Seigneur d'accorder le pardon trois cent mille hommes bien coupables [14] ; voyez Josu, qui commande au soleil de s'arrter, le soleil devient immobile [15] : ce qui n'tait jamais arriv et ce qui peut-tre n'arrivera jamais. Voyez les aptres, seulement parce qu'ils aimaient le bon Dieu, les dmons fuyaient devant eux, les boiteux marchaient, les aveugles voyaient, les morts ressuscitaient. Voyez un saint Benot qui commande aux rochers de s'arrter dans leur course, ils restent suspendus en l'air ; voyez-le qui multiplie les pains, qui fait sortir les eaux des rochers, et qui rend les pierres et le bois aussi lgers qu'un brin de paille [16] : Voyez un saint Franois de Paule qui commande aux poissons de venir entendre la parole de Dieu, ils se rendent son appel avec tant de fidlit qu'ils applaudissent ses paroles [17] . Voyez un saint Jean qui commande aux oiseaux de se taire, ils lui obissent [18] . Voyez-en encore d'autres, qui traversent les mers sans aucun secours humain [19] . Eh bien ! mettez donc maintenant en regard tous ces impies et tous ces grands du monde avec tous leurs beaux esprits et leur science tout faire : hlas ! de quoi sont-ils capables ? de rien du tout ; et pourquoi cela ? sinon parce qu'ils ne se sont pas attachs au service de Dieu. Oh ! que celui qui connat sa religion et qui pratique ce qu'elle commande est puissant et heureux en mme temps !
Hlas ! M.F., que celui qui vit au gr de ses passions et abandonne le service de Dieu est malheureux et capable de bien peu de chose ! Mettez une arme de cent mille hommes auprs d'un mort, et que tous emploient leur puissance pour le ressusciter : non, non, M.F., il ne ressuscitera pas ; mais qu'une personne qui est mprise du monde et qui est dans l'amiti du bon Dieu, commande ce mort de reprendre la vie : de suite vous le verrez se lever et marcher. Nous en avons d'autres preuves encore [20] . Si, pour servir le bon Dieu, il fallait tre riche ou bien savant, beaucoup de personnes ne le pourraient pas. Mais non, M.F., les grandes sciences et les grandes richesses ne sont nullement ncessaires pour servir le bon Dieu ; au contraire, elles sont bien souvent un trs grand obstacle. Oui, M.F., que nous soyons riches ou pauvres, dans quelque tat que nous soyons, savants ou non, nous pouvons plaire Dieu et nous sauver ; et mme, saint Bonaventure dit que nous le pouvons : Ç dans quelque tat ou condition que nous soyons. È coutez-moi un instant, et vous allez voir que le service de Dieu n'a rien que de quoi nous consoler et nous rendre heureux au milieu de toutes les misres de la vie. Pour cela, vous n'avez besoin de quitter ni vos biens, ni vos parents, ni mme vos amis, moins qu'ils ne vous portent au pch ; vous n'avez pas besoin d'aller passer vos jours dans un dsert pour y pleurer vos pchs ; si encore cela nous tait ncessaire, nous devrions nous trouver heureux d'avoir un remde nos maux ; mais non, un pre et une mre de famille peuvent servir le bon Dieu en vivant avec leurs enfants, les levant chrtiennement ; un domestique peut bien facilement servir le bon Dieu et son matre, rien n'empche ; au contraire, son travail et l'obissance qu'il est oblig de donner ses matres, deviennent un sujet de mrites. Non, M.F., la manire de vivre en servant le bon Dieu ne change rien dans tout ce que nous faisons ; au contraire, nous faisons mieux tout ce que nous faisons ; nous sommes plus assidus et plus attentifs remplir les devoirs de notre tat ; nous sommes plus doux, plus humains et plus charitables ; plus sobres dans nos repas, plus rservs dans nos paroles ; moins sensibles aux pertes et aux injures que nous recevons ; c'est--dire, M.F., que quand nous nous attachons au service de Dieu, nous faisons mieux tout ce que nous faisons, nous agissons seulement d'une manire plus noble, plus releve et plus digne d'un chrtien. Au lieu de travailler par ambition, par intrt, nous ne travaillons que pour plaire au bon Dieu, qui nous le commande, et pour satisfaire sa justice. Au lieu de rendre service ou de faire l'aumne au prochain par orgueil, pour tre estims, nous ne le faisons qu'en vue de plaire Dieu et de racheter nos pchs. Oui, M.F., encore une fois, un chrtien qui connat sa religion et qui la pratique, sanctifie toutes ses actions sans rien changer ce qu'il fait ; et, sans rien y ajouter, tout devient un sujet de mrite pour le ciel. Eh bien ! M.F., dites-moi, si vous aviez bien pens qu'il ft si doux et si consolant de servir le bon Dieu, auriez-vous pu vivre comme vous avez vcu jusqu' prsent ? Ah ! M.F., quel regret, l'heure de la mort, quand nous verrons que si nous nous tions attachs au service de Dieu, nous aurions gagn le ciel en ne faisant que ce que nous avons fait ! ï mon Dieu ! quel malheur pour celui qui sera du nombre de ces aveugles !
Maintenant, je vais vous demander si c'est l'extrieur de la religion qui vous parat rebutant et trop difficile ?
Est-ce la prire, les offices divins, les jours d'abstinence, le jene, la frquentation des sacrements, la charit envers votre prochain ? Eh bien ! vous allez voir que, de tout cela, il n'y a rien de pnible comme vous l'avez cru.
1¡ Je dis : Est-ce la prire qui est pnible ? N'est-ce pas, au contraire, le moment le plus heureux de notre vie ? N'est-ce pas par la prire que nous conversons avec le bon Dieu, comme un ami avec son ami ? N'est-ce pas dans ce moment que nous commenons faire ce que nous ferons avec les anges dans le ciel ? N'est-ce pas un trop grand bonheur pour nous, qu'tant si misrables, le bon Dieu, qui est si grand, nous souffre en sa sainte prsence, o il nous fait part, avec tant de bont, de toute sorte de consolations ? D'ailleurs, n'est-ce pas lui qui nous a donn tout ce que nous avons ? N'est-il pas juste que nous l'adorions et que nous l'aimions de tout notre cÏur ? N'est-ce pas le moment le plus heureux de notre vie, puisque nous y prouvons tant de douceurs ? Est-ce une peine de lui offrir tous les matins, nos prires et nos actions, afin qu'il les bnisse et qu'il nous en rcompense pour l'ternit ? Est-ce trop de lui consacrer chaque semaine un jour ? Ne devons-nous pas, au contraire, voir venir ce jour avec un grand plaisir ; puisque c'est dans ce saint jour que l'on nous apprend les devoirs que nous sommes obligs de remplir envers Dieu et notre prochain, et que l'on nous fait concevoir ce grand dsir des biens de l'autre vie, qui nous porte mpriser, ce qui est mprisable ? N'est-ce pas dans une instruction, que nous apprenons connatre la grandeur des peines que mrite le pch ? Ne nous sentons-nous pas tout disposs ne plus le commettre, pour viter les tourments qui lui sont rservs ? ï mon Dieu ! que l'homme connat peu son bonheur !
Dites-moi : est-ce la confession qui vous rpugne ? Mais, mon ami, peut-on trouver un plus grand bonheur que de voir, en moins de trois minutes, changer notre ternit malheureuse en une autre ternit de plaisirs de joie et de bonheur ? N'est-ce pas la confession qui nous rend l'amiti de notre Dieu ? N'est-ce pas la confession qui teint en nous ces remords de conscience, qui nous dchirent sans cesse ? N'est-ce pas elle qui donne la paix notre me, et qui nous donne une nouvelle esprance pour le ciel ? N'est-ce pas dans ce moment que Jsus-Christ semble dployer les richesses de sa misricorde jusqu' l'infini ? Ah ! M.F., sans ce sacrement, que de damns de plus et que de saints de moins !... Oh ! que les saints qui sont dans le ciel sont reconnaissants Jsus-Christ d'avoir tabli ce sacrement !
Dites-moi, M.F., est-ce les jenes que l'glise vous prescrit qui vous font trouver le service de Dieu pnible ? Mais l'glise ne vous en commande pas plus que vous n'en pouvez faire. D'ailleurs, M.F., si nous considrions cela avec les yeux de la foi, n'est-ce pas un grand bonheur que, par les petites privations, nous vitions les peines du purgatoire qui sont si rigoureuses ? Mais combien, M.F., qui se condamnent des jenes bien plus rigoureux, pour conserver leur sant et pour contenter leur amour des plaisirs ou leur gourmandise ? Ne verra-t-on pas une jeune femme abandonner ses enfants entre les mains des trangers, et aussi son mnage ?... N'en verra-t-on pas d'autres passer souvent des nuits entires dans un cabaret, au milieu des ivrognes, qui souvent regorgent de vin, o elles n'entendent que salets et abominations ? Ne trouve-t-on pas des veuves qui arrachent les quelques minutes qui leur restent vivre, et qu'elles ne devraient consacrer qu' pleurer les folies de leur jeunesse..., n'en trouve-t-on pas qui se livrent toutes sortes de vices, comme des personnes qui ont subitement perdu la tte ? elles servent de scandale toute une paroisse. Ah ! M.F., si l'on faisait pour le bon Dieu ce que l'on fait pour le monde, que de chrtiens iraient au ciel ! Hlas ! M.F., s'il vous fallait passer des trois ou quatre heures dans une glise prier ; comme vous les passez dans une danse ou dans un cabaret, que le temps vous durerait !... S'il fallait faire plusieurs lieues pour entendre un sermon, comme on le fait pour ses plaisirs ou bien pour contenter son avarice, hlas ! M.F., que de prtextes, que de dtours on prendrait pour ne pas y aller ! mais, pour le monde, rien ne cote ; et, bien plus, l'on ne craint de perdre ni son Dieu, ni son me, ni le ciel. Oh ! M.F., que Jsus-Christ avait donc bien raison lorsqu'il disait que les enfants du sicle avaient bien plus de zle pour servir leur matre qui est le monde, que les enfants de lumire n'en ont pour servir leur matre qui est le Seigneur [21] . Hlas ! M.F., disons-le notre honte, l'on ne craint ni dpenses ni mme de faire des dettes quand il s'agit de ses plaisirs ; mais si un pauvre leur demande, ils n'ont rien : voil ce que c'est, l'on a tout pour le monde et rien pour le bon Dieu, parce que l'on aime le monde et rien le bon Dieu.
Mais quelle est la cause, M.F., que nous abandonnons le service de Dieu ? La voici, M.F. ! Nous voudrions pouvoir servir Dieu et le monde : c'est--dire, pouvoir allier l'ambition et l'orgueil avec l'humilit, l'avarice avec cet esprit de dtachement que l'vangile demande de nous ; il faudrait pouvoir mler la corruption avec la saintet de la vie divine, ou, pour mieux dire, le ciel avec l'enfer. Si la religion commandait ou du moins permettait la haine et la vengeance, la fornication et l'adultre, si cela pouvait se faire, nous serions tous de bons chrtiens ; tous seraient des enfants fidles leur religion ; le libertinage, ainsi que tous les autres vices, ne feraient plus de rprouvs. Mais, pour servir le bon Dieu, il n'est pas possible de se pouvoir conduire de cette manire ; il faut absolument tre tout Dieu ou rien.
Quoique nous ayons dit, M.F., que tout est consolant dans notre sainte religion, comme cela est trs vritable, cependant il faut ajouter que nous devons faire du bien ceux qui nous font du mal, aimer ceux qui nous hassent, conserver la rputation de nos ennemis, les dfendre, lorsque nous voyons d'autres personnes qui en parlent mal ; et au lieu de leur souhaiter du mal, il faut prier le bon Dieu qu'il les bnisse. Bien loin de murmurer, lorsque le bon Dieu nous envoie quelque peine et quelque chagrin, il faut le remercier, l'exemple du saint roi David, qui baisait la main qui le chtiait [22] . Notre religion veut que nous passions saintement le saint jour du dimanche, en travaillant nous procurer l'amiti du bon Dieu, si nous avons le malheur de ne pas l'avoir, ou la conserver si nous sommes si heureux que de l'avoir ; elle veut que nous regardions le pch comme notre plus cruel ennemi. Eh bien ! M.F., voil ce qui nous parat le plus dur et le plus rebutant. Mais, dites-moi, dans tout cela, n'est-ce pas chercher notre bonheur sur la terre et pour l'ternit ? Ah ! M.F., si nous connaissions notre sainte religion, et le plaisir que l'on a en le pratiquant, que tout cela nous paratrait peu de chose ! combien de saints sont alls au-del de ce que Dieu demandait d'eux pour leur donner le ciel ! Ils nous ont dit que si l'on avait une fois got les douceurs et les consolations que l'on trouve dans le service de Dieu, il serait impossible de le quitter pour servir le monde avec ses plaisirs. Le saint roi David nous dit qu'un seul jour pass dans le service de Dieu, vaut mieux que mille de ceux que les mondains passent dans leurs plaisirs et leurs joies profanes [23] .
II. – Dites-moi, qui de nous voudrait du service du monde, si nous avions le bonheur, le grand bonheur de comprendre toutes les misres que l'on y prouve en cherchant ses plaisirs, et les tourments que l'on se prpare pour l'ternit ? ï mon Dieu ! que nous sommes aveugles de perdre tant de biens, mme ds ce monde, et encore plus pour l'ternit ! Et encore, pour des plaisirs qui n'ont que l'apparence de plaisirs, des joies qui sont mles de tant de chagrins et de tristesses ! En effet, qui voudrait du service de Dieu, s'il fallait autant souffrir et essuyer de soucis, de mortifications et de dchirements de cÏur que pour le monde ? Voyez un homme qui s'est mis en tte de ramasser du bien : il n'y a point de vents ni de mauvais temps qui l'arrtent ; il souffre tantt la faim, tantt la soif, tantt le mauvais temps ; il va mme, nombre de fois, jusqu' exposer sa vie et perdre sa rputation. Combien qui vont les nuits pour piller leurs voisins, qui s'exposent ou tre tus ou perdre leur rputation et celle de toute leur famille. Sans aller si loin, M.F., vous en coterait-il plus pendant les saints offices, d'tre dans l'glise couter la parole de Dieu avec respect, que d'aller dehors pour y causer de vos affaires temporelles ou de choses qui ne sont rien ? Pendant que nous disons les Vpres, ne seriez-vous pas aussi heureux d'y venir que de rester chez vous vous ennuyer, pendant que l'on chante les louanges de Dieu. ? Mais, me direz-vous, il y a encore bien des violences se faire quand on veut servir le bon Dieu. – Eh bien ! moi, je vous dirai qu'il y a beaucoup moins souffrir pour suivre Dieu avec sa croix, que pour suivre le monde, pour suivre ses passions, et vous allez le voir. Vous pensez peut-tre qu'il est difficile de pardonner une injure que l'on vous a faite ; mais, dites-moi, lequel des deux souffre le plus, de celui qui pardonne promptement et de bon cÏur pour le bon Dieu, ou de celui qui nourrit, pendant des deux ou trois ans, des sentiments de haine contre son prochain ? N'est-ce pas un ver qui le ronge et le dvore continuellement, qui, souvent, l'empche et de manger et de dormir ; au lieu que, l'autre, en pardonnant, a de suite trouv la paix de l'me ? N'est-on pas plus heureux de dompter ses passions impures que de vouloir les contenter ? Peut-on une fois les satisfaire entirement ? Non, M.F., jamais : au sortir d'un crime, elles vous portent un autre, sans vous dire que c'est assez ; vous tes un esclave, elles vous trament partout o elles veulent. Mais, pour mieux vous en convaincre, allons trouver un de ces hommes qui font consister tout leur bonheur dans le plaisir des sens, et qui se jettent corps perdu dans les ordures des plus infmes et honteuses passions. Oui, M.F., si, avant qu'un tel homme et donn dans le libertinage, quelqu'un lui avait fait la peinture de la vie qu'il mne maintenant, aurait-il pu y penser sans horreur ? Si vous lui aviez dit : Mon ami, vous avez deux partis prendre : ou rprimer vos passions ou vous y abandonner. L'un et l'autre a ses plaisirs et ses peines, les voici : vous choisirez lequel des deux vous voudrez. Si vous voulez prendre le parti de pratiquer la vertu, vous aurez bien soin de ne jamais frquenter les libertins, vous choisirez vos amis parmi ceux qui pensent et agissent comme vous. Toutes vos lectures seront sur des livres saints, qui vous animeront la pratique de la vertu, qui vous feront aimer le bon Dieu ; vous concevrez chaque jour un nouvel amour pour lui ; vous emploierez saintement votre temps, et tous vos plaisirs ne seront que des plaisirs innocents, qui, en dlassant votre corps, nourriront votre me ; vous remplirez vos devoirs de religion sans affectation, mais avec fidlit ; vous choisirez pour vous conduire dans la voie du salut, un sage et clair confesseur, qui ne cherchera que le bien de votre me, et vous suivrez avec fidlit tout ce qu'il vous commandera. Voil, mon ami, toutes les peines que vous prouverez dans le service de Dieu. Votre rcompense sera d'avoir toujours l'me en paix et votre cÏur toujours content ; vous serez aim et estim de tous les gens de bien ; vous vous prparerez une heureuse vieillesse, exempte d'une infinit d'infirmits, qui ne sont que trop ordinaires ceux qui passent une jeunesse drgle ; vos derniers moments seront doux et tranquilles ; de quelque ct que nous considrions votre vie, rien ne pourra vous chagriner, au contraire, tout contribuera vous rjouir. Vos croix, vos larmes et toutes vos pnitences ne seront plus que comme des ambassadeurs que le ciel vous enverra pour vous assurer que votre bonheur sera ternel et que vous n'avez plus rien craindre. Si, dans ces moments, vous portez vos regards vers l'avenir, vous ne voyez que le ciel ouvert pour vous recevoir ; enfin, vous sortirez de ce monde comme une sainte et chaste colombe qui va s'ensevelir et se cacher dans le sein de son bien-aim ; vous ne quitterez rien, pour tout prendre. Vous n'avez dsir que Dieu seul et vous voil avec lui pour toute l'ternit. Mais, maintenant, si vous voulez quitter Dieu et son service pour suivre le monde et ses plaisirs, votre vie se passera toujours dsirer et toujours rechercher, sans jamais tre content ni heureux ; vous aurez beau mettre tout en usage pour cela, vous n'en viendrez jamais bout. Vous commencerez effacer de votre esprit les principes de religion que vous avez appris ds votre enfance et que vous avez suivis jusqu' prsent ; vous ne verrez plus ces livres de pit qui nourrissaient votre me, et qui la garantissaient de la corruption du monde ; vous ne serez plus matre de vos passions, mais elles vous traneront partout o elles voudront ; vous vous ferez une religion votre mode ; vous lirez quelques mauvais livres, qui ne respireront que le mpris de la religion et le libertinage, et vous marcherez dans le chemin qu'ils vous auront trac ; vous ne vous rappellerez vos jours anciens, que vous passiez dans la pratique de la vertu et de la pnitence et o vous vous faisiez une si grande joie de vous approcher des sacrements, dans lesquels le bon Dieu vous comblait de tant de grces, qu'en regrettant de n'avoir pas donn tout ce temps-l aux plaisirs du monde ; vous irez jusqu' ne rien croire et tout nier ; et, pour tout dire la fois, vous ne serez plus qu'un petit impie : dans cette croyance, vous lcherez la bride toutes vos passions, en disant que, puisque tout finit avec la vie, il faut chercher tous les plaisirs que l'on peut goter. Aveugl par vos passions, vous vous prcipiterez de pchs en pchs, sans mme vous en apercevoir ; vous vous livrerez tous les excs d'une jeunesse bouillante et corrompue, vous ne craindrez pas de sacrifier votre repos, vos biens, votre sant, votre honneur, et votre vie mme ; je ne dis pas votre me, parce que vous croyez que vous n'en avez point. Vous serez la fable de toute une paroisse ; l'on vous regardera comme un monstre, l'on vous fuira et l'on vous craindra ; n'importe, vous vous moquerez de tout cela, vous irez toujours votre train ordinaire, ne suivant plus que la voie de vos passions, qui vous traneront partout o elles voudront. Tantt on vous trouvera auprs d'une jeune personne, mettre en mouvement tous les artifices et toutes les ruses que le dmon vous inspirera pour la tromper, la sduire et la perdre ; tantt, l'on vous verra au milieu de la nuit, la porte d'une veuve lui offrant toutes les promesses possibles pour la faire consentir contenter vos infmes dsirs. L'on vous verra mme, sans aucun respect pour le droit sacr du mariage, fouler aux pieds toutes les lois de la religion, de la justice et de la nature mme, et vous ne serez plus qu'un infme adultre. Vous en viendrez mme jusqu' faire des membres de Jsus-Christ les membres d'une infme prostitue. Vous irez encore plus loin, parce que les peines d'esprit et de cÏur ne sont pas les seules peines que vous aurez dvorer en vivant dans le libertinage : les infirmits du corps, un sang appauvri, une vieillesse languissante seront votre partage. Pendant votre vie, vous avez abandonn le bon Dieu ; la mort fera reparatre cette foi que vous aviez teinte par votre mauvaise vie... Si vous reconnaissez que vous avez abandonn le bon Dieu, il vous fera voir qu'il vous a aussi abandonn et rejet pour jamais, et maudit pour une ternit ; alors, les remords de la conscience, que vous aviez tch d'teindre, se feront sentir et vous dvoreront, malgr tout ce que vous pourrez faire pour les touffer ; tout vous troublera et vous jettera dans le dsespoir. Si vous voulez repasser votre vie, vous ne compterez vos jours que par le nombre de vos crimes, qui vous seront comme autant de tyrans qui vous dchireront sans cesse ; votre vie ne vous prsentera que des grces mprises et qu'un temps bien prcieux que vous aurez perdu ; vous aviez besoin de tout et vous n'avez profit de rien. Si vous voulez considrer l'avenir : les tourments dont votre me sera dvore vous feront croire que les flammes qui brlent les malheureux rprouvs semblent dj vous atteindre ; le monde, que vous aviez tant aim, qui vous aviez tant craint de dplaire, qui dj vous aviez sacrifi votre Dieu et votre me, vous abandonne et vous rejette pour jamais. Vous avez voulu suivre ses plaisirs : maintenant, c'est--dire dans le moment o vous auriez besoin de tant de secours, vous serez abandonn vous-mme ; votre seule ressource sera le dsespoir, et, bien plus, vous mourrez, et en tombant en enfer, vous direz que le monde vous a sduit ; mais que, trop tard, vous avez reconnu votre malheur. Eh bien ! M.F., que pensez-vous de tout cela ? Voil cependant les peines et les joies de tous ceux qui vivent dans la vertu, et celles de ceux qui vivent pour le monde.
Oh ! M.F., quel malheur pour celui qui ne veut que le monde et qui laisse de ct le salut de son me !... Oh ! M.F., que celui qui a le grand bonheur de ne chercher que Dieu seul et le salut de son me, passe sa vie heureuse ! Que de peines de moins ! que de plaisirs de plus dans le service de Dieu ! que de remords de conscience pargns l'heure de la mort ! que de tourments vits pour l'ternit !... Oh ! M.F., que notre vie serait heureuse, malgr tout ce que nous pouvons prouver de la part du monde et du dmon, si nous avions le bonheur de nous attacher au service de Dieu, en mprisant le monde et tout ce qui le suit ! Oh ! M.F., que le service de Dieu fait un grand changement en celui qui est si heureux que de ne chercher que Dieu sur la terre ! Si vous tes avec un orgueilleux qui ne veut rien souffrir ; priez le bon Dieu qu'il l'attache son service : alors vous verrez tout changer en lui ; il aimera le mpris et se mprisera lui-mme. Un mari ou une femme sont-ils malheureux dans leur mnage ? tchez de leur faire embrasser le service de Dieu ; alors, vous ne les verrez plus se regarder comme malheureux, mais la paix et l'union rgnera entre eux. Un domestique est-il trait durement de ses matres ? conseillez-lui de s'adonner au service de Dieu ; ds lors, vous le verrez ne plus se plaindre, il bnira mme la bont de Dieu de lui faire faire son purgatoire en ce monde. Disons mieux, M.F., une personne qui connat sa religion et qui la pratique, n'est plus pour elle-mme, mais elle ne tend qu' rendre heureux son prochain. Pour mieux vous le faire sentir, en voici un bel exemple.
Nous lisons dans l'histoire, qu'il y avait dans la ville de Toulouse, un saint prtre, que son zle et sa charit faisaient considrer dans toute la ville comme le pre des pauvres. Quoiqu'il ft trs pauvre lui-mme, les secours ne lui manquaient pas. Un jour, une femme dvote vint lui annoncer qu'on venait de mettre son mari en prison et qu'il lui restait quatre enfants ; que si quelqu'un n'avait pas piti d'elle et de ses enfants, ils ne pouvaient que mourir de faim. Ce saint prtre, attendri jusqu'aux larmes, quoiqu'il vnt dj de faire la qute, repart pour redemander, surtout un riche ngociant. Mais, dans le moment o ce prtre entrait, le marchand venait de recevoir une lettre qui lui annonait une perte considrable. Le prtre, sans rien savoir, lui fait le rcit des misres de cette famille. Le marchand lui dit d'un air bourru : Ç Vous voil encore, c'en est trop. È – Ç Ah ! monsieur, si vous saviez ! lui dit le prtre. È – Ç Non, non, je ne veux rien savoir, retirez-vous promptement. È – Ç Mais, monsieur, lui dit le prtre, que deviendra cette pauvre famille ? ah ! je vous en conjure ayez piti de ses malheurs ! È L'autre, tout occup de son malheur, se tourne contre le prtre ; et lui donne un rude soufflet. Le prtre, sans faire paratre la moindre motion, lui prsenta l'autre joue, en lui disant : Ç Monsieur, frappez tant que vous voudrez, pourvu que vous donniez pour soulager cette famille. È Le marchand, tout tonn de cela, lui dit : Ç Eh bien ! venez avec moi ; È et, le prenant par la main, il le conduisit dans son cabinet, lui ouvrit son coffre-fort : Ç Prenez tout ce que vous voudrez. È – Non, monsieur, lui dit humblement le prtre, donnez-moi ce que vous voudrez. È Le marchand plonge ses deux mains dans ses sacs, en lui disant : Ç Venez toutes les fois que vous voudrez. È Ah ! M.F., que la religion est quelque chose de prcieux pour celui qui la connat.
En effet, tout ce qu'il y a de bien dans le monde ce n'est que la religion qui l'a produit. Tous ces hpitaux, tous ces sminaires, toutes ces maisons d'ducation, tout cela n'a t tabli que par ceux qui sont attachs au service de Dieu. Ah ! si les pres et mres connaissaient combien ils seraient heureux eux-mmes, et combien ils contribueraient faire glorifier Dieu en levant saintement leurs enfants ! Ah ! s'ils taient bien convaincus qu'ils tiennent la place de Dieu mme sur la terre, qu'ils travailleraient se rendre mritoires les mrites de la mort et passion de Jsus-Christ !...
Concluons, M.F., en disant que jamais, en suivant le monde, en voulant contenter nos penchants, nous ne serons heureux, ni nous ne pourrons trouver ce que nous cherchons ; au lieu qu'en nous attachant au service de Dieu, toutes nos misres seront bien adoucies, ou plutt, elles se changeront en joie et en consolation, pensant que nous travaillons pour le ciel. Quelle diffrence entre celui qui meurt aprs avoir mal vcu et celui qui meurt aprs avoir bien vcu ; il n'a plus que le ciel pour partage ; tous ses combats vont finir ; son bonheur, qu'il voit dj devanc, va commencer pour ne plus finir ! Oui, M.F., donnons-nous Dieu tout de bon, et nous prouverons ces grands bienfaits que Dieu ne refusera jamais celui qui l'aura aim ! C'est le bonheur que je vous souhaite.
[1] MATTH. XI, 29-30.
[2] C'est--dire celui qui ne regarde que les besoins du corps, en disant : Que mangerons-nous, de quoi nous vtirons-nous ? (Note du Saint.)
[3] MATTH. V, 3 ; XIX, 23.
[4] MATTH. V, 5,10.
[5] LUC. VI, 25.
[6] JOAN. XV, 20 ; LUC. VI, 23.
[7] Voir Ribadneira, au 30 novembre. C'est dans cet auteur que le Saint a puis le rcit du martyre du saint aptre et beaucoup d'autres traits de la vie des Saints qu'il rapporte.
[8] Saint Bernard, cit par Ribadneira.
[9] ACT. XXVI, 29.
[10] II COR. VII, 4.
[11] MATTH. II, 16.
[12] I REG. XXIII.
[13] I REG. XXXI.
[14] EXOD. XXXII, 31.
[15] JOS. X, 12.
[16]
Voir Les Vies des Saints, par Ribadneira, t. III, 21 mars.
[17]
Ce miracle des poissons est bien racont dans la vie de S. Antoine de Padoue, mais non, que nous sachions du moins, dans celle de S. Franois de Paule.
[18]
Ce miracle est racont dans la vie de S. Franois d'Assise.
[19] Par exemple S. Raymond de Pegnafort et S. Franois de Paule, cit plus haut.
Pour tous ces traits, voir dans Ribadneira, les vies de ces saints.
[20]
Mettez tous ces empereurs tels qu'un Nron, un Maximien, un Diocltien... Voyez le prophte Elie ; il tait seul pour faire descendre le feu du ciel sur le sacrifice, et les prtres de Baal taient cinq cents. (Note du Saint.)
[21]
LUC. XVI, 8.
[22]
II REG. XVI, 12.