Vie de Anne Catherine Emmerich - Volume 1 -

 

XXI

LE VICAIRE GÉNÉRAL DROSTE ET SES COMPAGNONS
VIENNENT POUR LA SECONDE FOIS A DULMEN. 7 AVRIL 1813

 

1. Le procès-verbal relatif à cette visite s'exprime ainsi :

« Le mercredi 7 avril, vers six heures du soir, les soussignés se sont rendus dans la maison où habite la sœur Emmerich. La physionomie de la malade ne paraissait pas avoir changé. Les bandages des pieds et des mains ont été enlevés par M. Krauthausen. Il a fallu mouiller à chaque tour la partie du linge qui posait sur les plaies, afin de pouvoir le retirer avec moins de douleur, tant le bandage était trempé de sang noirâtre. Après l'enlèvement des bandages, la patiente se trouva soulagée, quant à ses douleurs continuelles.

« Les plaies en général paraissaient très saines. Il ne s'y montrait ni suppuration, ni inflammation. A part ses plaintes sur les douleurs excessives et insupportables causées par l'application des bandages, sa figure, comme lors de la première visite, prit une expression de contentement et de bienveillance pendant la conversation.»

 

2. Lors du dernier entretien que Clément Auguste eut avec Anne Catherine en présence d'Overberg, celle-ci le pria» de penser à la peine qu'elle éprouvait quand il lui fallait se laisser voir ainsi, elle qui avait toujours été si timide.» Elle dit encore» que ses souffrances la troublaient dans sa prière ; que, tout ce temps-ci, elle avait eu bien peu de consolation ; qu'elle avait eu à lutter, non-seulement contre l'impatience, mais aussi contre le ressentiment à l'égard de ceux qui avaient fait connaître ce qu'il pouvait y avoir à remarquer chez elle ; qu'elle savait ce qu'ils avaient dit, mais qu'elle se résignait de bon cœur à la volonté de Dieu.» Devant Overberg, elle exprima aussi la crainte» que sa vieille mère n'apprit qu'elle avait été soumise à un examen et ne put supporter, à cause de son grand âge, le chagrin qu'elle en ressentirait.» Et, comme il lui demandait si elle oubliait souvent de penser à Dieu, elle resta un moment silencieuse, puis répondit : « Pendant ces huit jours (note), plus qu'ordinairement pendant une année entière.» Un peu avant qu'on se séparât, elle lui dit : « Ah ! combien je voudrais mourir.» Et à la question» Ne pouvez-vous donc pas supporter plus longtemps vos souffrances ?» elle répondit : « Vraiment non !» « Son regard me disait assez, écrit Overberg, pourquoi elle désirait si fort la mort.»

 

3. Dans cette seconde visite aussi, l'impression que la manière d'être d'Anne Catherine fit sur les supérieurs ecclésiastiques fut très satisfaisante. Ce qui plut surtout au vicaire général, ce fut la prière qu'elle lui fit avec beaucoup d'insistance de ne pas laisser approcher d'elle les curieux qui voudraient la visiter.

 

(note) : Elle voulait parler de ces jours pendant lesquels les bandages l'avaient fait tellement souffrir. (Note d'Overberg. )

 

« La sœur Emmerich, écrivit-il le 9 avril à Rensing, m'a tellement remercié d'avoir prescrit la diminution des visites et m'a prié si instamment d'y tenir fortement la main, que cela m'aurait décidé à le faire quand même il n’y aurait pas bien d'autres raisons tirées de la manière de sentir de la sœur Emmerich, et motivées par le désir d'alléger ses souffrances et d'éloigner ce qui trouble son repos. Vous pouvez montrer cet ordre aux personnes ecclésiastiques ou laïques qui seraient assez indiscrètes pour insister malgré vos remontrances. On peut leur faire savoir aussi que la sœur Emmerich consent docilement à recevoir les visites autorisée par vous, mais qu'il ne serai pas juste de lui imposer des visites de ce genre contrairement à sa volonté.» Clément Auguste témoigna aussi par écrit combien il était satisfait du doyen lui-même.» Votre manière d'agir, dit-il, prouve que je n'aurais pu trouver personne qui s'acquittât mieux des soins dont je vous ai chargé.»

Clément Auguste et ses compagnons quittèrent Dulmen le 8 avril, à midi. A peine étaient-ils partis qu'Anne Catherine, qui était d'ailleurs épuisée de fatigue à la suite des entretiens prolongés et multipliés des deux derniers, jours, entra dans cet état qui la faisait participer à la passion de Jésus-Christ et aux douleurs de la sainte Vierge dont la fête tombait ce jour-là. A l'heure des vêpres, les blessures de la couronne d'épines saignèrent avec tant d'abondance que le sang coula sur son visage et pénétra à travers le bandage qui entourait sa tête. Dans cet état de souffrance, elle avait fait prier le doyen de venir auprès d'elle, parce qu'on lui avait annoncé la visite du préfet du département qui, dans ces circonstances, ne pouvait lui être que très pénible. Le doyen lui ayant demandé si elle craignait que ce magistrat ne lui adressât des questions auxquelles elle ne saurait pas répondre, elle lui dit» Quant aux questions qu'on peut me faire, je n'ai jamais eu d'inquiétude, car pour cela je me repose sur la promesse faite par le Sauveur à ses disciples qu'ils n'avaient pas à s'inquiéter de ce qu'ils auraient à dire, parce qu'il le leur suggérerait.» Le doyen remarqua aussi que soit visage se contractait douloureusement toutes les fois que le derrière de la tête touchait l'oreiller, auquel d'ordinaire elle ne s'appuyait que par les épaule, de sorte, qu'entre la tête et l'oreiller, il y avait un vide de la largeur de la main. Le médecin Krauthausen rapporte aussi, en date de ce même jour : « A deux heures moins un quart, Anne Catherine s'étant plainte, environ trois heures auparavant, de cuissons et de douleurs violentes à la tête, je trouvai le linge qui lui entourait la tête et le cou, ainsi que son visage, couverts en plusieurs endroits d'une quantité de sang, qui avait coulé du front. Après l'avoir lavé avec soin, je remarquai sur le front une infinité de petites ouvertures par lesquelles le sang revint de nouveau sur plusieurs points.» Dans la nuit du 8 au 9, les plaies des mains et des pieds avaient abondamment saigné : il en fut de même pendant la journée du 9. Le soir, à huit heures, je trouvai le pouls si petit et si faible, et la malade dans un tel état de prostration que je craignis pour sa vie.»

 

4. Le journal du doyen Rensing fait un rapport analogue le 9 avril.» Lorsque je la visitai à une heure et demie, le vendredi 9, je fus terrifié : car elle était étendue sur sa couche, sans force, pâle et défigurée, comme un mourant qui est arrivé à son dernier moment : mais, dès que je lui adressai la parole, elle me tendit la main et se plaignit avec une voix qu'on pouvait à peine entendre des affreuses douleurs qu'elle ressentait dans ses plaies. Celles des pieds saignaient si abondamment que le drap de lit en était tout rougi. Elle dit aussi que sa sœur, qui était malade, s'était trouvée si faible pendant la nuit qu'elle avait craint d'être obligée de faire appeler son confesseur : « Cela m'affligea tellement, ajouta Anne Catherine, que je me plaignis du fond du cœur au bon Dieu de la détresse où j'étais et que je le suppliai de secourir ma sœur. Aussitôt après, elle se sentit mieux et reposa un peu, ce qui me causa tant. de joie que j'en oubliai mes propres souffrances.» Sa sœur, en effet, fut de nouveau en état de vaquer à ses occupations ordinaires.