Vie de Anne Catherine Emmerich - Volume 1 -
XXXIII
NOUVELLES TENTATIVES POUR AMENER ANNE CATHERINE A MUNSTER
ET LA SOUMETTRE A DE NOUVELLES EXPÉRIENCES
- MORT DE SA VIEILLE MÈRE.
1. En juin 1815, Overberg vint passer quelques jours à Dulmen.
« N'ayant pas vu la malade depuis quatre mois, dit-il, je l'ai visitée aujourd'hui 8 juin. Son visage exprima une grande joie lorsqu'elle me vit, et elle me parla pendant prés d'une heure et demie de ce qui la concernait. Je m'étais proposé de rester près d'elle aussi longtemps que possible. Le lendemain, à sept heures et demie du matin, je lui portai la sainte communion. Depuis le moment où elle acheva son action de grâces, je ne la quittai plus jusqu'à midi. Je la revis à quatre heures de l’après-midi. Elle était excessivement faible et agitée d'un fort tremblement. Comme je lui en demandais la cause, elle répondit « C'est la douleur de mes plaies qui fait cela ; mais j'en suis contente.» Elle me raconta que le temps ne lui paraissait jamais long, même quand elle passait des nuits entières sans sommeil. Depuis ma dernière visite au mois de janvier, on lui avait donné deux fois les derniers sacrements, parce qu'on la croyait à toute extrémité. Ce qui l'avait fait croire, c'est qu'il n'y avait plus ni pouls, ni respiration perceptibles, que ses lèvres étaient livides, son visage tiré, enfin qu'elle ressemblait plus à une morte qu'à une vivante. Mais on lui avait donné la sainte communion, et la vie et les forces étaient revenues aussitôt. Elle me confessa que, les deux fois, c'était l'ardent désir de la sainte Eucharistie qui l'avait réduite à cet état de faiblesse voisin de la mort. Quand elle s'abstient de communier par obéissance, bien que son désir du sacrement devienne aussi très-ardent, elle est plus en état de le supporter ; mais si c'est par sa propre faute qu'elle ne communie pas, toute force s'éteint en elle et elle est comme une mourante.
« Le vendredi, dans l'après-midi, je la vis en défaillance (en extase) et, comme je lui tendais la main, elle prit seulement le pouce et l'index qui sont les doigts consacrés dans l'ordination du prêtre et les tint fortement serrés. Je les retirai au-bout d'un peu de temps et je lui présentai le doigt du milieu, duquel elle éloigna sa main avec un mouvement d'effroi. Elle reprit de nouveau le pouce et l'index en disant : « Ce sont eux qui me nourrissent.»
2. Overberg profita du temps de son séjour pour engager Anne Catherine à se séparer quelque temps de son entourage et à se laisser conduire à Munster où elle pourrait être examinée de nouveau par des personnes dignes de foi ; il ne s'agissait pas en cela, affirma-t-il à plusieurs reprises, de certifier à l'autorité ecclésiastique la réalité des grâces reçues par elle, mais de convaincre les douteurs et les incroyants. Overberg s'était laissé persuader par ses pénitents de Munster et par les raisonnements de plusieurs prêtres qu'il dépendait uniquement d'Anne Catherine de réduire pour toujours au silence les imputations calomnieuses, selon lesquelles l'autorité ecclésiastique n'aurait pas fait son enquête avec toute la rigueur nécessaire pour découvrir la fraude. Mais, disait-il, si elle venait à Munster pour y être encore une fois soigneusement examinée par des médecins, ceux-ci pourraient confirmer la réalité de son état et constateraient la sévérité et l'impartialité de l'enquête ecclésiastique ; puis ce serait une grande consolation pour les bons catholiques de trouver une merveilleuse garantie de leur foi dans les stigmates de l'amie de Dieu. Overberg était pleinement convaincu qu'un observateur sans prévention reconnaîtrait la vérité au premier coup d'oeil, si bien que le vendredi, 9 juin, lorsque les plaies commencèrent à saigner, il s'écria involontairement : « Non ! personne ne peut produire artificiellement pareille chose, et elle moins que personne.» Il espérait qu'une nouvelle enquête aurait un résultat complètement décisif, et il ne pouvait pas comprendre qu'Anne Catherine ne fit pas pour ainsi dire la moitié du chemin à sa rencontre, lorsqu'il cherchait à lui persuader de se laisser conduire à Munster dans l'intérêt de la bonne cause. Loin de là, elle lui déclara qu'elle obéirait sans résistance aucune à un ordre de l'autorité ecclésiastique, mais qu'elle ne pouvait pas, de son propre mouvement se résoudre à un voyage qui lui était physiquement impossible. Toutefois Overberg n'osa pas donner un ordre ; le voyage à Munster ne devait avoir lieu que sur la décision libre et spontanée d'Anne Catherine, ce qui fit qu'Overberg n'autorisa pas non plus son confesseur ordinaire, le père Limberg, à agir sur elle par la voie de l'autorité. Mais il s'efforça d'amener Wesener à son opinion, afin que celui-ci persuadât à l'abbé Lambert de ne pas se montrer contraire à son projet non plus qu'à la libre détermination qu'il espérait obtenir d'Anne Catherine. On lit dans le journal de Wesener :
« M. Overberg m'a fait l'honneur de me rendre visite pour m'expliquer combien il était nécessaire que la malade se laissât conduire à Munster pour y être soumise à un examen rigoureux. Cet homme respectable m'a si bien parlé qu'il m'a fait partager entièrement sa manière de voir. Dès le soir de ce même jour, j'en parlai à l'abbé Lambert afin de l'amener à la même persuasion. Il ne trouva rien à objecter à mes raisons ; mais il me dit : « Eh bien soit ! si la malade, d'elle-même et sans y être contrainte, consent à l'arrangement projeté, que la chose se fasse dans l'intérêt du bien ! Toutefois je crains bien que mes inquiétudes pour elle, jointes au manque de soins, ne me fassent peut-être mourir. Mais si elle ne consent pas, je m'efforcerai jusqu'à mon dernier soupir de la défendre contre toute violence qu'on voudrait lui faire. Je suis prêt à faire toute espèce de sacrifices à la bonne cause ; mais à quoi bon martyriser si cruellement cette pauvre fille dans son corps et dans son âme ? Qu'on choisisse une voie plus courte et plus douce ! Je ne demande pas mieux que de m'éloigner de Dulmen pour un temps plus ou moins long, et pendant ce temps-là on pourra l'examiner aussi rigoureusement qu'on voudra.» A ces paroles, le bon vieillard fut vaincu par la douleur et ce ne fut qu'en pleurant qu'il put dire encore : « Je ne sais pas ce qui peut résulter de là. Mais c'est une chose affreuse que de martyriser ainsi cette pauvre malade.»
« Le jour suivant, la malade elle-même dirigea devant moi la conversation sur les projets d’Overberg . Je cherchai à exposer mes raisons. Elle m'écouta tranquillement ; mais combien je fus surpris lorsqu'elle m'annonça sa ferme résolution de ne jamais se laisser emmener de Dulmen de son libre consentement.» M. Overberg, me dit-elle, a une bonté excessive dont on abuse. Il veut me sacrifier, afin, m'a-t-il dit lui-même, de prouver à quelques bonnes personnes que les phénomènes qui se montrent chez moi ne sont pas une oeuvre artificielle. Mais comment ces braves gens qui sont ses enfants spirituels peuvent-ils avoir si peu de confiance dans les saintes affirmations de ce vénérable prêtre qui s'est convaincu par lui-même de la vérité de la chose et peut à chaque instant se procurer de nouvelles preuves à ce sujet ? Pourraient-ils trouver un témoin plus sûr et plus irrécusable ? - Comme je lui répliquai qu'on attendait de la constatation de son état quelque chose de beaucoup plus considérable et de beaucoup plus important encore, elle reprit : « Si cinq mille personnes ne croient pas dix personnes d'une loyauté avérée qui rendent témoignage à la vérité en ce qui me touche, vingt millions ne croiront pas non plus au témoignage de quelques centaines.» Je lui demandai alors si elle ne consentirait pas à donner sa vie pour ramener dans le bon chemin, ne fût-ce qu'une seule personne, et elle répondit :
« Certainement, mais comment puis-je savoir si cela peut ou doit résulter de mon changement de résidence, quand ce changement ne m'est pas ordonné par une voix intérieure qui jusqu'à présent m'a toujours bien guidée, et quand, d'un autre côté, mon sentiment intime se révolte contre ! Je voudrais en dire davantage à ce sujet, mais le moment n'est pas encore venu. Si, en dépit de cette voix, j'entreprends le voyage et que je vienne à mourir en route, ne sera-ce pas agir au préjudice de mon âme et aller contre les vues de Dieu sur moi ? Et qui peut me garantir qu'il n'en sera pas ainsi, si la voix qui me parle à l'intérieur ne me l'assure ? En vérité, si mon juge intérieur me dit : « Tu dois partir, « je suis prête à le faire à l'instant. M. Overberg me dit que je devrais m'y résoudre pour contenter le bon professeur Druffel dont on a publiquement attaqué l'honneur à mon sujet. Je ferais volontiers tout au monde pour sauvegarder son honneur et celui de toute autre personne qui sera jugée injustement à cause de moi, pourvu que ce soit par des moyens permis ; du reste, j'aurais désiré de tout mon coeur qu'il ne fit rien imprimer sur moi et sur ma maladie. Combien je vous ai prié souvent vous-même de ne rien publier sur moi de mon vivant ! Mais pourquoi devrais-je risquer ma vie et plus que ma vie pour sauver à un homme un peu de son honneur selon le monde ? Où est ici l'humilité, la patience, la charité chrétienne ? Et après tout, on ne persuadera jamais le grand nombre, car la paresse, l’avarice, la méfiance, l’amour-propre, l'incrédulité, et chez beaucoup la crainte d'avoir à échanger leurs convictions contre de meilleures rendent la plupart des hommes aveugles en face de vérités claires comme le jour. Si l'on attache tant de prix à la constatation de ce qui se passe en moi, les gens bien portants peuvent venir me voir sans danger ; je ne puis sans danger aller à eux. Je consens à toutes les épreuves et à toutes les enquêtes qui ne sont pas contre ma conscience. Si un plus grand nombre de personnes veut se convaincre, elles peuvent faire comme ceux qui se sont convaincus ; elles peuvent se placer devant mon lit et faire sur moi leurs observations ; Je ne puis aux dépens de ma conscience épargner aux curieux leur peine et leur argent. Que ceux qui peuvent voyager viennent me voir ; si je voulais aller à eux, il y aurait de ma part présomption ; vanité ou quelque chose de pire encore, puisque, selon toute vraisemblance, il est impossible que je fasse le plus petit voyage sans risquer beaucoup. Je ne puis certainement me livrer en proie à tous les curieux ; mais qu'on envoie des hommes, clairvoyants, jouissant de l’estime publique ; je me prêterai à tout ce qu'ils voudront ordonner, en tant qu'il n'en résultera pas de dommage pour mon âme. Du reste, je ne désire rien ! Je ne me donne que pour un néant ! Je suis une pauvre pécheresse et je ne demande rien que le repos et d'être oubliée du monde entier, afin de pouvoir souffrir et prier en paix pour mes péchés et, s'il est possible, pour le bien de tous les hommes. M. le vicaire général est revenu de Rome, il y a peu de temps ; n'a-t-il rien dit de moi au saint Père ? Grâce à Dieu, il me laisse en repos maintenant. Oh ! soyez tranquilles, vous tous qui êtes bons et croyants, le Seigneur vous manifestera ses oeuvres : si c'est de Dieu, cela subsistera ; si c'est chose humaine, cela disparaîtra.» Elle disait tout cela d'un ton résolu et animé. Son confesseur vint se joindre à moi, mais il conserva une attitude passive ; seulement, lorsqu'elle fit allusion à des paroles du Nouveau Testament, comme en dernier lieu, par exemple, il fit cette remarque : « Ce que Gamaliel a dit, elle le pense.»
3. Wesener ayant fait là-dessus un rapport détaillé à Overberg, celui-ci ne put s'empêcher de donner son plein assentiment aux raisons d'Anne Catherine et il s'abstint pour le moment de lui rien demander. Pourtant, un an et demi plus tard, quand le professeur B. . . , répétant ses calomnies dans des feuilles publiques, accusa Anne Catherine d'imposture et traita l'enquête ecclésiastique d'affaire manquée, Overberg se laissa pousser à exprimer de nouveau son désir ; mais il put se convaincre dans ses visites à Dulmen que la faiblesse physique de la malade rendait impossible un voyage à Munster. Sur ces entrefaites, le doyen Rensing, malgré les supplications d'Anne Catherine pour l'en empêcher, essaya de réfuter publiquement les attaques du professeur, ce qui eut tout juste le résultat qu'avait prédit Anne Catherine et qui se reproduira toujours en pareil cas. B. . . en prit seulement occasion de répéter ses injures et même de les amplifier, pendant qu'aux yeux de tous ceux qui ne fermaient pas volontairement les yeux à la lumière, ses grossières calomnies tombaient d'elles-mêmes. Rensing ne put pas voir sans chagrin qu'Anne Catherine n'accordait pas à ses efforts pour sauver son honneur la sympathie qu'il s'était attendu à trouver chez elle, et depuis ce temps il y eut un refroidissement marqué dans ses relations avec elle. On entendit aussi beaucoup de personnes assurer que c'était un devoir pour Anne Catherine de se soumettre à une nouvelle enquête à Munster, afin de laver définitivement l’autorité ecclésiastique du reproche de ne s'être pas acquittée de sa tâche avec assez de prudence et de sévérité. Cependant aucun des supérieurs ne prit sur lui d'adresser à la malade un appel ou un ordre formel, parce qu'on ne pouvait se défendre de la crainte qu'une nouvelle enquête n'eut sa mort pour conséquence. Telle était la disposition des esprits quand, dans l'automne de 1818, Michel Sailer vint à Munster et exprima en présence d'Overberg le désir d'aller à Dulmen. Ce désir causa une grande satisfaction à Overberg, parce qu'il voyait dans Sailer un arbitre aux décisions duquel tout le monde se soumettrait. Il lui procura les pouvoirs nécessaires pour entendre Anne Catherine et avisa le père Limberg de faire à celle-ci un devoir d'exposer en détail à Sailer l'état de sa conscience. Anne Catherine obéit avec plaisir. Sailer put prendre une connaissance assez complète de son intérieur et de toute sa situation extérieure pour déclarer avec une pleine conviction, soit à elle-même, soit au père Limberg et à Overberg, qu'elle était en droit, devant Dieu et devant sa conscience, de se refuser au voyage à Munster, évidemment dangereux pour sa vie, ainsi qu'à la répétition d'une enquête que rien ne justifiait en soi, puisque l'autorité ecclésiastique s'était convaincue depuis longtemps de la réalité de son état à la suite du traitement rigoureux, auquel on l'avait soumise dans l'année 1813. Anne Catherine garda de cette décision une reconnaissance qui dura tout le reste de sa vie ; elle déclara souvent que la visite de Sailer avait eu pour elle les résultats les plus heureux, d'autant plus que le père Limberg, si prompt à tomber dans l'hésitation, en avait retiré la fermeté nécessaire pour approuver pleinement le refus de sa fille spirituelle. Depuis lors, Anne Catherine fut parfaitement en repos de ce côté.
4. Sa mère octogénaire était morte près d'elle à Dülmen le 12 mars 1817. Depuis la suppression du couvent, elle n'avait visité sa fille à Dulmen qu'une seule fois, lorsqu'était arrivée à Flamske la première nouvelle de l'enquête ecclésiastique dont Anne Catherine était menacée. Mais quand elle sentit approcher la mort, elle voulut mourir dans le voisinage de son enfant. Elle se fit conduire le 3 janvier 1817 à Dulmen, où Anne Catherine lui avait préparé un lit de mort prés de son propre lit de douleurs. La pieuse malade, dont les prières et les souffrances expiatoires avaient déjà apporté à tant de mourants la consolation et le salut, n'avait jamais cessé de se préoccuper de la position de sa vieille mère, et elle avait demandé à Dieu l'assurance qu'elle pourrait lui rendre à sa dernière heure tous les services auxquels la portaient si vivement l'amour filial et la reconnaissance. Une seule chose avait inquiété et tourmenté son humble simplicité, c'était la crainte qu'à cause de son état de souffrances extraordinaires, elle ne put pas prendre envers sa mère la position d'une simple et innocente enfant et lui rendre les soins physiques nécessités par son état. Mais encore en cela elle eut la consolation que, tant que sa mère resta près d'elle, l'impression de ses souffrances fut adoucie et qu’elle-même se trouva capable de remplir tous les devoirs d'une fille reconnaissante.
Le 28 décembre 1817, Wesener, à son grand étonnement, trouva Anne Catherine assise sur son séant dans son lit, et, comme il demandait la cause de ce retour de forces tout à fait inexplicable pour lui, le père Limberg lui raconta ce qui suit :
« La veille de la fête des saints Innocents, elle a été deux heures en extase et elle est revenue à elle sans que je lui en aie donné l'ordre. Elle m'a demandé alors d'un ton très-animé si elle pouvait se lever, et, quand je le lui eus permis, elle se mit sur son séant si résolument et si lestement que j'en fus effrayé. Elle put même se tenir droite sans aide, jusqu'au moment où je lui ordonnai de se recoucher. Elle me dit alors : « Mon guide m'a menée à un endroit où j'ai pu voir le meurtre des saints Innocents et la grande magnificence avec laquelle Dieu récompensa ces victimes d'un âge si tendre, quoiqu'elles n'eussent pu coopérer activement à la confession du saint nom de Jésus. J'admirais l'immensité de leur récompense, et je me demandais ce que je pouvais donc espérer, moi qui, depuis si longtemps déjà, avais eu à souffrir bien des affronts et bien des peines et à pratiquer la patience pour l'amour de mon Sauveur ? Là-dessus, mon conducteur me dit : « Dans ce qui t'appartient, bien des choses ont été dissipées, et toi-même en as laissé perdre beaucoup ; toutefois, persévère et sois vigilante ; car ta récompense aussi sera grande.» Cela m'enhardit à lui demander si je ne pourrais pas recouvrer l'usage de mes membres et même prendre de la nourriture ?
« Ce que tu désires te sera donné pour ton soulagement, me fut-il répondu, et tu en viendras même à pouvoir manger quelque chose. Seulement sois patiente
« Comment ! répliquai-je, ne puis-je pas dès à présent quitter mon lit ?
« Assieds-toi dans ton lit, en présence de ton confesseur, me fut-il dit, et attends pour le reste ! Ce que tu as et ce que tu souffres n'est pas pour toi, mais pour beaucoup d'autres.»
Là-dessus, je m'éveillai, et je pus me redresser dans mon lit.»
5. Le mieux se soutint, et une semaine après Wesener put écrire dans son journal :
« La malade est toujours en état de se redresser seule ; elle à même déjà pu une fois s'habiller sans l'aide d'autrui et quitter son lit . Je me suis décidé alors à essayer de lui faire prendre quelque nourriture ; en le lui annonçant, je fis cette observation : « Que dira le professeur B. . . quand il apprendra que vous pouvez vous lever et manger ?» A quoi elle répondit : « Je ne sais pas ce qui adviendra encore de moi ; mais je ne me suis jamais inquiétée de l'approbation des hommes. Leurs opinions me sont indifférentes, sauf le cas où je ne puis m'empêcher d'avoir pitié de leur aveuglement. Dois-je souffrir des affronts ? je le veux bien, pourvu que cela tourne à la gloire de Dieu ; si j'ai quelque chose a manifester comme son indigne instrument, le Seigneur le confirmera.» Elle se refusa encore à essayer de prendre de la nourriture, jusqu'à ce que son confesseur en eût décidé.»
Wesener rapporte à la date du 16 janvier : « Elle peut maintenant, sans malaise et sans vomissements, prendre chaque jour quelques cuillerées d'eau et de lait mêlés en parties égales. Je crois qu'elle aurait déjà recouvré encore plus de force, si elle ne se consacrait pas à soigner sa vieille mère malade. Cependant elle est toute joyeuse de ce que l'extrême bonté de Dieu la met maintenant en état de s'acquitter dans une certaine mesure envers sa bonne mère pour la tendresse que celle-ci lui a prodiguée dans son enfance. Le vendredi 17 janvier, les plaies n'ayant pas saigné, elle s'est livrée entièrement à l'espérance que les stigmates disparaîtraient. Mais cette espérance ne s'est pas réalisée. - Vers la fin de janvier, elle a pu plusieurs fois prendre et garder un peu de bouillon de viande très léger.
« 14 février. Elle continue à être pleine de sérénité et de contentement, quoique jour et nuit elle souffre cruellement de la douleur que lui cause le spectacle de sa mère bien-aimée attendant la mort à tout moment.
« 21 février. Le mieux qui s'était manifesté ne se soutient pas. La compassion que lui inspire sa mère malade me semble en être cause Sa mère est morte dans la soirée du 12 mars. La malade en est très-affectée et tout inquiète, parce qu'elle craint de n'avoir pas soigné sa mère comme elle l'aurait dû.
« 20 mars. Elle est aussi faible et dans un état aussi précaire qu'auparavant ; cependant elle exprime une reconnaissance touchante envers Dieu dont la main secourable lui a rendu de la force pendant tout le temps qu'a duré la maladie de sa mère.»