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VIE DÕANNE CATHERINE EMMERICH
CHAPITRE XII
TRAVAUX PAR LA PRIéRE ET LA SOUFFRANCE POUR LE CHEF DE LÕGLISE PIE VII,
POUR LA PROVINCE ECCLSIASTIQUE DU HAUT-RHIN,
POUR LA CONVERSION DES PCHEURS ET POUR LES MOURANTS.
- TABLEAUX DE FETES.
1. Pie VII.
Les cinq dernires annes du pontificat de Pie VII furent pour lui un temps d'preuves non moins rudes que ne l'avaient t son arrestation par les satellites de Napolon, sa prison, ses liens et les mauvais traitements qu'il avait eus si longtemps supporter. Bien plus, quand on considre la dignit et la magnanimit incomparables que l'auguste patient sut opposer aux plus rvoltantes iniquits de son orgueilleux oppresseur, il est permis de conclure, quant ses tribulations ultrieures, qu'il avait d tre moins pnible pour son grand et noble coeur de se trouver sans dfense et sans protection en face du puissant conqurant que de voir, aprs sa dlivrance, tendu autour du Saint-Sige le rseau de tromperies, de trahisons et d'artifices l'aide duquel on voulait l'empcher de satisfaire aux devoirs de sa charge, de passeur suprme envers l'glise catholique dans les pays allemands. Pendant ces deux priodes de son rgne, si rempli de soucis et de souffrances, Anne Catherine fut peut-tre le plus remarquable des instruments cachs au moyen desquels Dieu donna son assistance au chef de l'glise et travailla l'encontre de ses adversaires. De mme que de nos jours, Marie de Moerl a eu prier et lutter pour Grgoire XVI et pour Pie IX; de mme que, dans des moments de dtresse et de dangers particuliers pour l'glise, ses souffrances sont arrives un degr tout fait extraordinaire, de mme Anne Catherine, pendant tout le pontificat de Pie VII, fut la fidle image de la communaut apostolique de Jrusalem qui offrait Dieu ses prires incessantes pour Pierre, lorsqu'il tait retenu en prison par Hrode (note). Sans doute il ne lui t possible d'en raconter que peu de chose au Plerin : mais les lecteurs qui, plus tard, ont pu connatre en dtail de quels fils cette trame tait forme, seront aussi facilement convaincus de la vrit de ce qui lui a t montr en vision qu'ils seront surpris de la grandeur de la mission donne cette me privilgie.
15 novembre 1819. Ç Il me fallut aller Rome. Je vis le Pape faire trop de concessions dans d'importantes affaires traites avec des htrodoxes. Il y a Rome un homme noir qui sait beaucoup obtenir par des flatteries et des promesses. Il se cache derrire des cardinaux : et le Pape, dans l'espoir dÕobtenir une certaine chose a consenti une autre chose qui sera exploite d'une manire nuisible. J'ai vu cela sous la forme de confrences et d'change d'crits. Je vis ensuite lÕhomme noir se vanter plein de jactance devant son parti : Ç Je l'ai emport, disait-il; nous allons voir bientt ce qui en est de la pierre sur laquelle est btie l'glise. È Mais il sÕtait vant trop vite. Il me fallut aller trouver le Pape. Il tait genoux et priait. Ce fut quelque chose d'trange. Je lui dis avec beaucoup de chaleur ce que j'avais t charge de lui dire : cependant il semblait qu'il y avait quelque chose entre lui et moi, et il ne me parla pas. Mais je le vis tout coup se lever et sonner. Il fit appeler un cardinal qu'il chargea de retirer la concession qui avait t faite. Le cardinal fut boulevers et lui demanda d'o lui venait cette pense. Le Pape rpondit qu'il n'avait point s'expliquer l-dessus : cela suffisait, dit-il, il en devait tre ainsi.
(note) Actus Apost., XXII, 5.
L'autre sortit tout stupfait. Je vis Rome beaucoup de gens pieux qu'attristaient fort les intrigues de l'homme noir. Il avait l'air d'un juif. È
Ç Aprs cela, il me fallut aller Munster, prs du vicaire gnral. Il tait assis une table, lisant un livre. J'eus lui dire, qu'il gtait beaucoup de choses par sa raideur, qu'il devait donner des soins plus particuliers son troupeau et rester davantage chez lui pour ceux qui avaient besoin de le voir. Ce fut alors comme s'il et trouv dans son livre un passage qui lui suggrait ces penses : il fut mcontent de lui-mme. J'allai aussi chez Overberg : il se tenait en repos, consolait des vieilles femmes et des jeunes filles et priait sans cesse en son particulier. È
12 janvier 1820 : Ç Mon guide me dit qu'il fallait aller prs du Pape et ranimer son courage pendant qu'il prierait. Il devait me dire tout ce que j'aurais faire. J'arrivai Rome. C'est quelque chose de singulier : je passe travers les murailles : je me tiens en haut dans un coin et je vois les personnes au-dessous de moi. Quand j'y pense pendant le jour, cela me fait une trange impression. Souvent aussi je suis ainsi chez d'autres personnes. J'eus dire au Pape, pendant sa prire, qu'il devait se recueillir davantage parce que la chose qu'on ngociait en ce moment avec tant dÕartifice tait de grande consquence : il devait se revtir plus souvent de son pallium; il avait ainsi plus de force et recevait plus abondamment la grce du Saint-Esprit. Ce petit manteau a un certain rapport avec l'ornement dont le grand prtre de l'ancienne alliance devait se revtir quand il prophtisait. Maintenant on est d'avis que le Pape ne peut s'en servir qu'en certains jours : mais il n'y a pas de temps qui ne soit bon quand la ncessit presse. Il fallait aussi qu'il runit plus souvent les cardinaux en assembles solennelles. Il traite ces affaires trop en particulier et sans en rien dire, et il est souvent tromp. Les ennemis inventent chaque jour de nouvelles ruses. Il est question maintenant de donner aux protestants une part dans 1e gouvernement du clerg catholique. J'ai eu lui dire qu'il devait invoquer lÕEsprit-Saint pendant trois jours et qu'ensuite il ferait ce qui devait tre fait. Beaucoup de gens de son entourage ne valent rien : il faut qu'il les confonde publiquement : cela les corrigerait peut-tre. È
13 janvier : Ç Je me trouvai encore Rome prs du Pape. Il est maintenant fermement rsolu ne rien signer. Mais les autres vont s'y prendre avec plus d'adresse. Je vis plusieurs fois les mouvements que se donnait l'homme noir, si rampant et si artificieux. Ils cdent souvent sur des choses qu'ils doivent ncessairement regagner plus tard. È Sa prire pour le Saint-Pre tait accompagne de telles souffrances que le Plerin en parle en ces termes : Ç Elle est pleine de courage et toujours dans l'attente comme si elle se prparait porter secours, faire quelque chose qui la rjouira beaucoup. Elle dit qu'elle voit s'approcher dÕelle deux saintes religieuses et aussitt commencent ces tortures qu'elle a dj eues souffrir, il y a une semaine. Il arrive tout coup que ses bras sont tirs en haut par de force trangre et invisible et semblent tre mis en croix avec des cordes : les pieds aussi sont croiss : tout le corps est dans une telle tension qu'on croirait qu'elle va tre mise en pices. La. douleur fait trembler et tressaillir ses pieds avec des mouvements trs-rapides : ses dents grincent et elle pousse des gmissements touffs. Le tremblement de ses membres se rpta plusieurs fois avec violence et l'on entendait craquer tous ses os. En outre tout le haut du corps se soulevait en l'air, les mains places derrire le dos, raide comme s'il et t de bois et aussi dpourvu de pesanteur que si c'et t du carton creux. Tous les muscles taient raidis et soumis une tension qui les rendait incapables de mouvement. On voyait que cet tat tait tout fait involontaire, qu'une force extrieure agissait. Son corps faisait tous les mouvements d'une personne tendue sur la croix. Cela dura environ dix minutes au bout desquelles elle laissa retomber ses mains. Elle s'affaissa alors tout fait sur elle-mme et commena parler en vision, disant que trois personnes qu'elle ne connaissait pas l'avaient tendue sur la croix avec des cordes. Elle vit ensuite monter sur une chelle une grande quantit d'mes sortant du purgatoire qui la remerciaient. Aprs cela elle se sentit flageller et dchirer coups de fouet. Aprs une courte pause, ses mains furent de nouveau violemment tires en l'air, et le supplice reprit son cours comme la premire fois. Cela finit encore au bout d'environ dix minutes. La sueur coulait de son front. Alors elle ne cessa de prier le Plerin de remettre leur place ses mains et ses pieds arrachs. Il le fit en mettant des reliques dans ses mains qu'elle put alors remuer. Elle avait soutenu cette lutte pour les gens qui mouraient cette nuit mal prpars et pour d'autres qui ne pouvaient pas recevoir les sacrements. Elle vit environ cinquante mourants, la plupart jeunes gens ou prtres. Elle ne voit jamais d'enfants lorsqu'elle a de ces services rendre. Ces cinquante personnes furent assistes d'une manire ou d'une autre. Elle dit qu'elle devait encore une fois souffrir et cette fois pour l'Eglise. Et le mme jour elle eut une troisime crise du mme genre. Son confesseur lui donna l'assistance sacerdotale par l'imposition des mains et la prire, ce qui lui procura un grand soulagement. Son abondante sueur froide disparut bientt, mais, quand elle revint elle, elle ne put pas parler parce que sa langue tait paralyse et rentre dans le gosier. La bndiction de son confesseur lui en rendit l'usage. Alors elle le pria de nouveau de remettre en place ses bras et ses mains. Il la bnit au nom de Jsus et elle se sentit assiste. Elle tait d'une faiblesse excessive, mais pourtant sereine, comme quelqu'un qui, fatigu jusqu' en mourir, a achev une bonne oeuvre et qui tombe en touchant le but. Elle dit encore avec un contentement naf : Ç J'aurai encore passer une rude nuit tout fait seule, et si une me vient moi, je devrai rendre des actions de grces : dans tous les cas, je dois tre contente. È
Le 15 au matin le Plerin la trouva toute brise. Ses membres tremblaient et souffraient encore beaucoup, par suite de la terrible tension qu'ils avaient subie, et il en avait t de mme toute la nuit. Elle dit que, dans la matine du jour prcdent, cette souffrance lui avait t annonce par son guide pour trois heures de l'aprs-midi, mais qu'elle avait demand un rpit jusqu'au soir. Dans ces circonstances, disait-elle, elle se comportait d'une manire toute passive et laissait disposer d'elle sans rsistance. Elle-mme ne donnait aucun concours actif. Ils avaient t trois qui l'avaient tendue sur la croix et dchire avec des fouets et des verges. Elle ne savait pas qui ils taient. Elle voyait toujours d'avance les misres pour lesquelles elle souffrait, et cela lui donnait un vif dsir de porter secours et de souffrir. Elle avait vu cette nuit que le Pape ne cderait rien, qu'il ne souscrirait pas aux mauvaises et artificieuses propositions, quoi qu'il en pt arriver. Elle voyait presque tous les vques plongs dans le sommeil. Mais elle avait vu venir un nouveau Pape; il semblait que ce ft entre 1840 et 1850 : celui-l devait se montrer plus-vigilant et plus svre. Elle l'avait vu dans le lointain, dans une ville un peu plus au midi que Rome : il ne portait pas un habit de moine, mais il avait sur son habit quelque chose comme une croix, un insigne religieux. L'tat de l'Eglise, disait-elle encore, tait extraordinairement affligeant. Les adversaires taient si russ et si habiles; le clerg si indolent, si timide et faisait si peu d'usage du pouvoir qu'il tenait de Dieu ! Elle en avait vu quelques-uns qui dsiraient devenir Papes, mais qui ne le seraient pas. Son martyre avait eu lieu sur le haut d'une montagne : elle l'avait subi dans la position horizontale : elle avait pu voir une grande tendue de pays: La montagne des prophtes tait en face d'elle. Ç Je sens encore trs-vivement, ajoutait-elle, la pression des cordes de cette nuit. Dans un moment o j'avais une corde autour du corps, je tombai tout coup, et alors la corde me serra d'une manire bien douloureuse. C'tait comme si on m'et dchir toutes les veines et bris tous les nerfs. Ce n'est que depuis ma confirmation que j'ai eu supporter de semblables tortures pour le prochain: auparavant je n'avais souffrir que ce que je m'imposais moi-mme. Tous mes accidents et mes maladies tranges ont t des souffrances pour autrui, spcialement au couvent.È
22 fvrier 180. Ç J'arrivai, en passant par-dessus Francfort, dans une ville entoure de vignobles. J'y vis dans une glise beaucoup de dsordre et de mauvais prtres. J'eus l consoler un vieux prtre que ses mchants chapelains accusent devant l'vque, parce qu'assist de deux sacristains, il les a chasss du confessionnal et de l'glise; la suite d'une nuit qu'ils avaient passe boire. Cela fait beaucoup de bruit. Le vieux prtre disait la messe, il n'y avait pas d'autre office. Il est maintenant en tat d'accusation. Personne ne viendra son aide, sinon Dieu. È
2. Sainte-Marie de la Rotonde et la chapelle protestante de l'ambassade de Prusse Rome.
13 mai 1820 : Ç Cette nuit, d'onze heures trois heures du matin, j'ai eu une vision des plus merveilleuses sur deux Eglises et deux Papes et sur une infinit de choses anciennes et nouvelles. Je dirai, aussi bien que je le pourrai, ce que je m'en rappelle encore. Mon ange gardien vint me dire qu'il fallait aller Rome et porter deux choses au Pape. Je ne sais plus ce que c'tait, et c'est peut-tre la volont de Dieu que je ne m'en souvienne plus. Je demandai comment je pourrais faire un si grand voyage, tant aussi malade que je l'tais, mais comme il me fut dit que j'arriverais sans difficult, je ne fis plus d'objections. Il y avait devant moi une merveilleuse voiture, plate et mince : elle avait deux roues : le fond tait rouge avec une bordure blanche. Je ne vis pas de chevaux : on m'y posa doucement et je vis en mme temps un enfant lumineux, blanc comme la neige, voler vers moi d'un des cts, et se placer mes pieds sur la voiture. Cet enfant me rappela l'enfant habill de vert reprsentant la patience. Il tait singulirement aimable et attrayant et tout fait transparent ; il m'tait donn pour me consoler et prendre soin de moi. La voiture tait trs-mince et trs-lisse, et je pensai que je pourrais peut-tre glisser en bas. Mais elle se mit doucement en mouvement a elle toute seule. Je vis seulement un homme brillant de lumire aller en avant. Le voyage ne dura pas longtemps; cependant nous traversmes beaucoup de pays, beaucoup de montagnes et aussi une grande tendue d'eau. Lorsque nous arrivmes, je reconnus Rome. Je me trouvai bientt prs du Pape. Je ne sais plus s'il priait, ou s'il dormait. Je devais lui dire ou lui donner deux choses, et j'appris que j'aurais venir encore une fois pour lui en annoncer une troisime. J'eus ensuite une merveilleuse vision. Je vis tout coup Rome comme elle tait une poque antrieure, et je vis un Pape du nom de Boniface (Boniface IV) et un empereur dont je ne me rappelle plus le nom (Phocas). Je ne savais pas me retrouver dans la ville : tout tait diffrent, mme les crmonies du culte : cependant je reconnus que c'tait le culte catholique. Je vis aussi un grand difice rond, semblable une coupole. C'tait un temple des faux dieux, plein de belles statues d'idoles. Il n'y avait pas de fentres, mais le jour venait par une ouverture pratique dans le haut de la vote, au-dessus de laquelle se trouvait un appareil pour garantir de la pluie. Il semblait que toutes les idoles qui existent se trouvassent l. Elles taient dans diverses positions et plusieurs taient trs-belles : il y avait pourtant aussi de bien singulires images. Je vis l par exemple, des oies auxquelles on rendait un culte. Au milieu du temple s'levait un chafaudage assez haut, se terminant en pyramide et tout couvert d'images. Je n'y vis pas clbrer de culte idoltrique : mais tout tait bien conserv. Je vis des envoys du pape Boniface se rendre auprs de l'empereur et lui demander le temple pour en faire une glise. J'entendis distinctement celui-ci dclarer que le Pape devait y laisser subsister les anciennes statues d'idoles et y riger la croix laquelle lui, empereur; ferait rendre les plus grands honneurs. Cette proposition me parut faite en toute simplicit et sans mauvaise pense. Je vis les envoys revenir, et Boniface rflchir pour savoir comment il pourrait se conformer certains gards la volont de l'empereur. Je vis alors, pendant qu'il dlibrait, un prtre simple et pieux en prire devant une croix: il portait une longue robe blanche qui avait comme une queue par derrire. Je vis apparatre un ange ses cts, puis il se leva, alla aussitt trouver Boniface et lui dit qu'il ne devait en aucune manire accder au dsir de l'empereur. Je vis un envoy se rendre auprs de l'empereur qui consentit ce qu'on vidt le temple. Je vis aussi arriver les gens de l'empereur : plusieurs statues d'idoles furent retires et portes dans la ville impriale : mais il en resta aussi beaucoup Rome. Je vis encore toute la crmonie de la conscration du temple; les saints martyrs y assistaient avec Marie leur tte. L'autel n'tait pas au milieu, mais adoss au mur. Je vis porter dans l'glise plus de trente chariots d'ossements sacrs. Beaucoup furent renferms dans les murs: d'autres pouvaient tre vus : il y avait dans le mur des ouvertures rondes, fermes par quelque chose qui ressemblait du verre. Lorsque j'eus vu cette scne dans ses plus petits dtails, je vis le Pape actuel et je vis qu'au-dessous de lui il s'tait form Rome une autre glise tnbreuse. C'tait dans une grande et vieille maison, semblable un htel de
ville : il y avait des colonnes sur le devant. Je ne vis dans cette glise ni autel ni sanctuaire, mais seulement des bans et au milieu comme une chaire. On y prchait et on y chantait: il n'y avait rien de plus. Trs-peu de personnes y assistaient : mais je vis un singulier spectacle. Chacun tirait de son sein une idole diffrente, la plaait devant lui et l'adorait. C'tait comme si chacun mettait au dehors sa pense intime, la passion qui l'animait, sous la forme d'un nuage noir, qui, lorsqu'il tait dehors, prenait aussitt une figure dtermine. C'taient purement des figures comme j'en avais vu suspendues au collier de la fausse fiance dama la maison des noces (voir tome 2 chap.8), des reprsentations d'hommes et dÕanimaux de toute espce. Le dieu de l'un tait large avec une tte crpue; il avait plusieurs bras qu'il avanait et voulait tout engloutir et tout dvorer: le dieu de l'autre se faisait petit et se ramassait en lui-mme : un autre avait seulement un billot de bois qu'il regardait en roulant les yeux ; celui-ci avait devant lui une affreuse bte, celui-l une longue perche. Le plus trange tait que toutes ces idoles remplissaient la salle entire et que l'glise, o les assistants taient en petit nombre, se trouvait pleine d'idoles, ce point qu'il y avait peine assez de place : quand ils eurent fini, le dieu de chacun rentra en lui. Toute la maison tait sombre et noire, et tout ce qui s'y faisait n'tait que tnbres et obscurit. Alors je vis aussi le rapport entre l'un et l'autre Pape, entre l'un et l'autre temple. Je regrette d'avoir oubli les chiffres, mais il me fut dit et montr combien l'un avait t faible, quant au nombre de ses adhrents et de ses appuis humains, mais combien il avait t fort par la volont puisqu'il avait renvers tant de dieux (j'ai su le chiffre), et runi tant de cultes en un seul culte; combien au contraire celui-ci tait fort par le nombre et combien faible par la volont, puisqu'en autorisant le faux temple, il avait laiss le seul Dieu vritable et la seule religion vritable se perdre dans tant de faux dieux et de fausses religions. Il me fut aussi montr que les paens d'autrefois adoraient humblement d'autres dieux qu'eux-mmes, qu'ils auraient mme voulu admettre en toute simplicit le Dieu unique, la trs-sainte Trinit, et que leur culte valait mieux que le culte de ceux-ci qui s'adoraient eux-mmes en mille idoles et ne laissaient aucune place au Seigneur parmi ces idoles. Je vis tout cela reprsent par des chiffres, alors croissant, aujourd'hui diminuant, et combien la comparaison tait favorable ces temps anciens. Je vis aussi combien seraient funestes les suites de cette contrefaon d'glise. Je la vis sÕaccrotre, je vis des hrtiques de toutes les conditions venir dans la ville (note). Je vis crotre la tideur du clerg local, je vis un grand obscurcissement se faire. Alors la vision s'agrandit de tous cts. Je vis partout les communauts catholiques opprimes, vexes, resserres et prives de toute libert. Je vis beaucoup d'glises fermes. Je vis de grandes misres se produire partout. Je vis des guerres et du sang vers. Je vis le peuple farouche, ignorant, intervenir avec violence, mais cela ne dura pas longtemps. JÕeus de nouveau la vision o l'glise de Saint-Pierre tait sape, suivant un plan form par la secte scrte, en mme temps qu'elle tait endommage par des orages. mais je vis aussi le secours arriver au moment de la plus extrme dtresse. Je vis de nouveau la sainte Vierge monter sue l'glise et tendre son manteau. Lorsque j'eus ce dernier spectacle, je ne vis plus le Pape actuel. Je vis un de ses successeurs. Je le vis la fois doux et svre. Il savait s'attacher les bons prtres et repousser loin de lui les mauvais. Je vis tout se renouveler et une glise qui s'levait jusqu'au ciel. J'y vis celui des douze nouveaux aptres que dernirement la fiance impudique avait voulu prendre pour mari. Cette vision tait une grande tendue et embrassait de nouveau tout ce qui m'avait t montr antrieurement sur les destines de lÕEglise. J'eus dans une autre occasion une vision touchant la rsistance oppose par le vicaire gnral dans l'intrt de l'glise, ce qui jeta sur lui un grand clat (Tout le monde sait combien ce vicaire gnral, devenu archevque de Cologne, s'illustra par sa courageuse rsistance au gouvernement prussien dans l'affaire des mariages mixtes. -Note du traducteur.) Sur d'autres points, il tait en faute. J'appris qu'il me faudrait aller encore une fois vers le Pape. Quant l'poque o tout cela doit arriver, je ne puis l'indiquer. È
Nouvelle glise sous l'influente des esprits plantaires.
12 septembre 1820. Ç Je vis btir une glise trange et au rebours de toutes les rgles. Le choeur tait divis en trois parties, dont chacune tait plus, haute que l'autre de quelques degrs. Au-dessous tait un sombre caveau plein de brouillard. Sur la premire partie je vis traner un sige, sur la seconde un bassin plein d'eau; sur la plus leve tait une table. Je ne vis pas d'ange assister la construction.: mais divers esprits plantaires des plus violents tranaient toute sorte d'objets dans le caveau, o des personnages en petits manteaux ecclsiastiques les prenaient pour les porter ailleurs. Rien ne venait d'en haut dans cette glise; tout y venait de la terre et de la rgion tnbreuse; tout y tait implant par les esprits plantaires. L'eau seule paraissait avoir quelque chose de sanctifi. Je vis porter dans cette glise une norme quantit d'instruments. Beaucoup de personnes, .parmi lesquelles des enfants, se servaient des instruments les plus varis pour faire et produire quelque chose ; mais tout tait obscur, contre-sens et sans vie : il n'y avait que division et haine. Je vis dans le voisinage une autre glise, o rgnait la clart et qui tait pourvue de toute espce de grces d'en haut. J'y vis les anges monter et descendre, j'y vis de la vie et de l'accroissement, mais aussi de la tideur et de la dissipation : pourtant elle tait comme un arbre plein de sve en comparaison de l'autre qui ressemblait un coffre plein d'appareils inanims. Celle-l tait comme un oiseau qui plane, celle-ci comme un dragon de papier avec une queue charge de rubans et d'criteaux qui se trane sur un chaume au lieu de voler. Je vis que beaucoup des instruments qui taient dans la nouvelle glise, comme par exemple des flches et des dards, n'taient rassembls que pour tre employs contre l'glise vivante. Chacun y tranait quelque chose de diffrent, des btons; des verges, des pompes; des rondins, des poupes, des miroirs. Ils avaient des trompettes, des cors, des soufflets et toute sorte d'objets de forme et de figure diverses. ils ptrissaient du pain dans le caveau d'en bas (la sacristie) ; mais il n'en rsultait rien et on travaillait en pure perte. Je vis aussi les hommes aux petits manteaux porter du bois devant les gradins o se trouvait le sige du prdicateur, allumer du feu, souffler de toutes leurs forces et se donner une peine extrme, mais tout cela ne produisait qu'une fume et une vapeur abominables. Alors ils firent un trou dans le haut avec un tuyau au-dessus, mais la fume ne voulait pas monter et tout restait plong dans une obscurit o l'on touffait. D'autres soufflaient si fort dans des cors et faisaient tant de bruit que leurs yeux se remplissaient de larmes. Tout restait sur la terre et allait dans la terre, et tout tait mort, artificiel et fait de main d'homme : cÕest proprement une glise de fabrique humaine suivant la dernire mode, aussi bien que la nouvelle glise htrodoxe de Rome, qui est de la mme espce.
12 novembre 1820. Ç Je voyageai travers une contre sombre et froide et j'arrivai dans la grande ville: J'y vis de nouveau la grande et singulire glise qu'on y construisait ; n'y avait l rien qui ft saint; je vis que d'innombrables esprits plantaires y travaillaient. Je vis cela de la mme manire que je vois une oeuvre catholique, ecclsiastique, laquelle travaillent en commun des anges, des saints et des chrtiens ; mais ici le concours tait donn sous d'autres formes plus mcaniques. Je vis monter et descendre des esprits plantaires, je les vis envoyer des rayons sur les gens qui construisaient l'difice. Tout se faisait selon la raison humaine. Je vis en haut tirer des lignes et tracer des figures, et je vis comment aussitt, sur la terre, un homme se trouvait avoir trac un plan, un dessin. Je vis l'action des orgueilleux esprits plantaires dans ses rapports avec cette construction se faire sentir jusque dans les rgions les plus loignes. Je vis arriver des distances immenses l'impulsion donne pour la prparation de tout ce qui pouvait tre ncessaire et utile la construction et l'existence de cette glise; j'y vis concourir toute sorte de personnes et de choses, de doctrines, et d'opinions. Il y avait, dans tout cela, quelque chose d'orgueilleux, de prsomptueux, de violent, et tout semblait russir et m'tait montr dans une foule de tableaux. Je ne vis pas un seul ange, ni un seul saint cooprer cette oeuvre: C'tait une grande vision. Mais je vis beaucoup plus loin, sur l'arrire-plan, le trne d'un peuple sauvage arm d'pieux, et une figure qui riait et disait : Ç Btis-la aussi solidement que tu voudras, nous la renverserons. È - J'allai aussi dans une grande salle de la ville, o se faisait une hideuse crmonie, une comdie menteuse qui faisait frmir. Tout tait tendu de noir. Un homme fut mis dans un cercueil, puis il en sortit. Il tait l portant une toile sur sa poitrine. Il semblait que c'tait une menace, et que pareille chose devait lui arriver. Je vis au milieu de tout cela le diable sous mille formes; tout tait nuit sombre, c'tait horrible. È
3. L'empereur saint Henri Sainte-Marie-Majeure.
12 juillet 1820. Ç J'ai eu une vision sur l'empereur saint Henri. Je le vis la nuit, dans une grande et belle glise, agenouill seul devant le matre-autel. Je connais cette glise, il s'y trouve une belle chapelle de la sainte crche et je l'ai dj vue la fte de Notre-Dame des Neiges. Comme il tait ainsi agenouill et priant, je vis une lumire paratre en haut, au-dessus de l'autel, et je vis la sainte Vierge descendre seule. Elle avait un vtement de lumire d'un blanc bleutre et rayonnait de clart ; elle portait quelque chose la main. Ayant couvert l'autel d'un linge rouge et d'une nappe blanche par dessus, elle y plaa un livre enrichi de pierres prcieuses qui tait tout lumineux ; elle alluma ensuite les cierges de l'autel la lampe perptuelle. Plusieurs autres cierges brlaient en forme de pyramide.. Elle resta debout au ct droit de l'autel. Vint alors le Sauveur lui-mme en ornements sacerdotaux, portant le calice et le voile; deux anges lui servaient de ministres et deux autres l'accompagnaient. Il avait la tte dcouverte. La chasuble tait un ample et lourd manteau o le rouge et le blanc brillaient l'un travers l'autre, et qui tait orn de joyaux. Les anges qui l'assistaient taient blancs. Il n'y avait pas de clochette; mais les burettes y taient. Le vin tait rouge comme du sang, il y avait aussi de l'eau. La messe fut courte. Je vis lÕoffertoire et l'lvation, l'hostie tait comme les ntres. Il n'y eut pas la fin d'vangile de Saint-Jean. Les anges lurent l'vangile et portrent le livre Marie pour qu'elle le baist. Lorsque Marie eut bais le livre, Jsus la regarda et lui indiqua Henri qui d'abord n'osa pas le baiser, ce qu'il fit pourtant la fin. Quand la messe fut termine, Marie s'avana vers Henri, lui tendit la main droite et lui dit qu'elle honorait ainsi sa chastet, puis elle l'exhorta ne point faiblir. Je vis alors s'approcher de lui un ange qui le saisit par le ct droit comme Jacob. Il manifesta une vive douleur et par la suite il marcha un peu de travers. Il y avait cette crmonie beaucoup d'anges en adoration, les yeux fixs sur l'autel.
4. Fte du Scapulaire.
15 juillet 1820 : Ç je me trouvai sur le Mont-Carmel et jÕy vis deux ermites : ils demeuraient loin l'un de l'autre. Le premier tait trs-vieux et ne quittait pas sa grotte : l'autre, qui sÕappelait Pierre et qui tait franais, visitait le vieillard de temps en temps et lui portait quelque chose. Ce Pierre s'absentait souvent assez longtemps, puis il revenait prs du vieillard. Je le vis aussi faire des voyages Jrusalem, Rome et dans nos pays. Je le vis revenir et avec lui plusieurs gens de guerre portant la croix sur leurs vtements. Je vis avec lui Berthold, alors soldat, et je le vis plus tard amener ce Berthold en qualit d'ermite au vieillard qui tait sur le Carmel. Je vis comment par la suite ce Berthold devint le suprieur des ermites et les rapprocha les uns des autres. Ils levrent des btiments et habitrent davantage ensemble. J'eus alors une autre vision. Je vis, lorsque dj l'association des ermites tait devenue un couvent, un moine prostern dans sa cellule auquel apparut la Mre de Dieu, portant l'enfant Jsus, toute semblable l'image de la sainte Vierge que j'avais vue sur la montagne prs de la fontaine. Je vis qu'elle lui prsenta une pice d'habillement comme serait une serviette dans laquelle on aurait taill un trou carr pour y passer la tte. Elle descendait par devant jusqu'au creux de l'estomac; elle tait brillante de lumire et les couleurs rouge et blanche s'y entremlaient, comme sur le vtement du grand prtre que Zacharie montra saint Joseph. Des lettres taient inscrites sur les attaches qui passaient au-dessus des paules. Marie parla longtemps ce moine. Lorsqu'elle disparut et qu'il revint lui, il fut trs-mu en se voyant revtu du scapulaire, et je vis qu'il rassembla plusieurs de ses frres et le leur montra. J'eus ensuite le tableau d'une fte de l'glise sur le Mont-Carmel. J'y vis dans les choeurs de l'glise triomphante, figurer le saint prophte lie, comme le premier des anciens ermites, mais pourtant spar des autres : on lisait au-dessous de ses pieds : Ç lie prophte. È - Je ne vis pas ces tableaux comme placs les uns derrire les autres, mais j'eus le sentiment qu'il y avait entre eux l'intervalle d'un grand nombre d'annes, spcialement entre la prcdente vision de la rception du scapulaire et la clbration de la fte. Il me sembla que la fte ecclsiastique se clbrait peut-tre de nos jours. A l'endroit voisin de la fontaine o avait t dÕabord l'image de la Mre de Dieu, il y avait alors une glise et un couvent. La fontaine. tait maintenant au milieu de l'glise et je vis au-dessus de l'autel la Mre de Dieu avec l'enfant Jsus, semblable l'ancienne image sous la forme de laquelle elle avait apparu l'ermite, mais elle semblait vivre et se mouvoir dans une lumire clatante. A ses deux cts pendaient d'innombrables petites images en soie, attaches deux deux par deux cordons : il y avait des images sur les deux faces et elles se remuaient, comme font les feuilles d'un arbre sous les rayons du soleil, dans la lumire qui manait de Marie. Plusieurs choeurs d'anges entouraient la sainte Vierge. A ses pieds, au-dessus du tabernacle o reposait le Saint-Sacrement, tait suspendu le grand scapulaire qu'elle avait donn l'ermite dans la vision. Dans le haut taient, de chaque ct, plusieurs choeurs de saints de l'ordre du Carmel, hommes et femmes., les plus anciens ermites en habits rays de blanc et de brun, les autres avec le costume actuel. Je vis aussi des religieux d' prsent, nonnes et moines, clbrer la fte : ils taient leur place, soit dans le choeur, soit ailleurs, mais sur la terre.
5. Vision de la fte de l'indulgence de la Portioncule.
1er aot 1820 : Ç J'ai eu la vision d'une fte et je ne sais plus bien ce qu'elle signifiait : voici ce que je m'en rappelle encore. Je vis plusieurs saints dans une gloire lumineuse, comme dans une grande guirlande o ils taient assis avec divers insignes, tels que des palmes et des glises qu'ils tenaient la main. Au-dessous planaient d'innombrables reliques et d'autres objets sacrs dans des vases prcieux, et il me semblait que c'taient des ossements et des choses provenant des saints que je voyais dans la sphre lumineuse. Au milieu de cette sphre planait une petite lise et au-dessus de l'glise l'Agneau de Dieu avec un petit tendard sur le dos. La petite glise tait lumineuse et transparente et j'y vis sur un trne, au-dessus de l'autel, la Mre de Dieu et le Seigneur Jsus entours d'une multitude d'anges. Je vis un ange entrer dans la sphre des saints et conduire saint Franois dans la petite glise devant Jsus et Marie, et il me sembla que le saint demandait une grce qui avait rapport au trsor des mrites de Jsus-Christ et de ses saints martyrs; c'tait la faveur d'une indulgence pour cette petite glise. Je vis ensuite Franois se rendre prs d'un Pape; ce n'tait pas Rome. Il lui demanda quelque chose, une indulgence qui se rapportait la vision. Je vis que dÕabord le Pape ne voulait pas l'accorder, mais tout coup une lumire vint sur lui, et un criteau se montra en l'air devant lui : alors il se sentit clair et accorda au saint ce qu'il dsirait. Je vis aussi le saint, revenu d'auprs du Pape, prier genoux pendant la nuit, puis le diable s'avancer vers lui sous la forme d'un trs-beau jeune homme et lui reprocher ses mortifications. Le saint, qui se sentit tent, courut hors de sa cellule, se dpouilla de son vtement et se roula dans un buisson d'pines jusqu' ce qu'il ft tout couvert de sang. Je vis alors un ange venir lui et le gurir. Voil tout ce dont je me souviens. È
6. Notre-Dame des Neiges.
Ç Je vis dans une grande maison deux poux d'un rang lev prier la nuit dans leur appartement devant une image de Marie suspendue la muraille. Cette image tait brode au tisse grossirement, la robe tait en quelques endroits raye de bleu et de rouge et se rtrcissait son extrmit infrieure. Marie portait une couronne et dans ses bras l'enfant Jsus avec le globe du monde. Devant l'image, qui n'tait pas grande, deux lampes brlaient droite et gauche. Le petit banc sur lequel les deux poux taient genoux; serrs l'un contre l'autre, pouvait se relever devant l'image, et c'tait alors comme une armoire, au-dessus de laquelle pendait un rideau qui tait roul sur lui-mme et qu'on pouvait baisser pour cacher l'image. J'ai vu dans ces anciens temps beaucoup de ces images de Marie tisses dans une toffe. On les roulait pour les prendre avec soi en voyage et on les suspendait l'endroit o l'on voulait prier. Pendant la prire des deux poux; je vis la sainte Vierge sous la forme de cette image, planer lumineuse entre eux et l'image elle-mme, comme si elle se ft dtache du mur, et leur enjoindre d'lever une glise en son honneur sur une colline de Rome qu'ils verraient couverte de neige. Je les vis, le matin suivant, annoncer la chose au Pape; je les vis aussi avec plusieurs ecclsiastiques, se rendre la colline, sur le sommet de laquelle la place que devait occuper l'difice tait couverte d'une neige d'un clat extraordinaire. Je vis qu'on planta des pieux pour marquer la place couverte de neige et que la neige disparut aussitt. J'eus encore une vision d'un temps postrieur celui o l'glise avait t btie. J'y vis clbrer la messe par un Pape du nom de Martin, lequel, au moment o il donnait la communion un grand personnage, devait tre assassin par un homme que le premier avait apost cet effet par ordre de l'empereur Constant. Je vis le meurtrier entrer dans lÕglise o il y avait beaucoup de monde, mais il fut aussitt frapp d'aveuglement, de sorte qu'il se heurta contre les piliers, tomba et se mit crier, ce qui excita un grand tumulte. Je vis une autre fois le pape Grgoire chanter la grand'messe dans cette glise et je vis la Mre de Dieu apparatre avec quelques anges qui rpondirent Et cum Spiritu tuo et assistaient le clbrant. Je vis en dernier lieu, dans cette mme glise, une fte qui se clbre de nos jours et o je vis la Mre de Dieu apparatre sous la mme forme qu'elle tait apparue ceux qui avaient fait btir l'glise. C'est cette glise dans laquelle j'ai vu prier rcemment l'empereur saint Henri pendant que le Christ lui-mme disait la messe. Il y a une chapelle de la sainte-crche. È
7. Du commencement d'aot la fin d'octobre 1810.
Anne Catherine fut occupe d'une suite de travaux o elle eut prier pour le Saint-Pre et qui commencrent la suite d'une vision comprenant beaucoup d'objets. L'tat de l'glise lui fut montr, comme il arrivait toujours dans les visions de ce genre, sous l'image de l'glise de Saint-Pierre, et la secte secrte, tendant ses ramifications par toute la terre et engage dans une guerre d'extermination incessante contre l'glise lui apparut comme l'empire de l'antchrist. La secte reoit son caractre de la bte de l'Apocalypse qui, montant de la mer, s'arrte sur le rivage et pousse ladite secte au combat contre le troupeau du Christ. Le Plerin en rapportant cette vision fait les remarques suivantes : Ç Elle est certainement pleine de lacunes, parce que la narratrice l'a vue sous des formes allgoriques qu'elle ne peut dcrire que difficilement. Chose merveilleuse : cette vision reproduit beaucoup de traits de l'Apocalypse de saint Jean qu'Anne Catherine ne connat point, comme du reste elle connat trs-peu de chose de l'criture Sainte et des autres livres. Si elle semble parfois lire dans un livre, elle n'en est pas moins absorbe en mme temps dans la contemplation et elle voit de tout autres choses. Lorsqu'elle commena le rcit de cette vision, elle dit : Ç Je vois de nouveaux martyrs, non pas du temps prsent, mais d'un temps venir : cependant je vois qu'on les opprime dj. J'ai vu, continua-t-elle, les gens de la secte secrte saper sans relche la grande glise, et j'ai vu prs d'eux une horrible bte qui est monte de la mer: Elle avait une queue comme celle d'un poisson, des griffes comme celles d'un lion, et plusieurs ttes qui entouraient comme une couronne une tte plus grande. Sa gueule tait large et rouge. Elle tait tachete comme un tigre et se montrait trs-familire avec les dmolisseurs. Elle se couchait souvent au milieu d'eux pendant qu'ils travaillaient : souvent aussi ils allaient la trouver dans la caverne o elle se cachait quelquefois. Pendant ce temps, je vis et l, dans le monde entier, beaucoup de gens bons et pieux, surtout des ecclsiastiques, vexs, emprisonns et opprims, et j'eus sentiment qu'ils deviendraient un jour des martyrs. Comme l'glise tait dj en grande partie dmolie, si bien qu'il ne restait plus debout que le choeur avec l'autel, je vis ces dmolisseurs pntrer dans l'glise avec la bte : ils y trouvrent une grande femme pleine de majest. Il semblait qu'elle fut enceinte; car elle marchait lentement : les ennemis furent saisis d'effroi sa vue et la bte ne put plus faire un pas en avant. Elle allongea le cou vers la femme de l'air le plus furieux, comme si elle et voulu la dvorer. Mais la femme se retourna et se prosterna la face contre terre. Je vis alors la bte s'enfuir de nouveau vers la mer et les ennemis courir dans le plus grand dsordre : puis je vis, dans le lointain, s'approcher de grandes cohortes, ranges en cercle tout autour de l'glise, les unes sur la terre, les autres dans le ciel. La premire tait compose de jeunes hommes et de jeunes filles, la seconde de gens maris de toute condition parmi lesquels des rois et des reines, la troisime de religieux, la quatrime de gens de guerre. En avant de ceux-ci je vis un homme mont sur un cheval blanc. La dernire troupe tait compose de bourgeois et de paysans dont beaucoup taient marqus au front d'une croix rouge. Pendant qu'ils s'approchaient, des captifs et des opprims furent dlivrs et se joignirent eux : mais tous les dmolisseurs et les conjurs furent chasss de partout devant eux et furent, sans savoir comment, runis en une seule masse confuse et couverte d'un brouillard. Ils ne savaient ni ce qu'ils avaient fait, ni ce qu'ils devaient faire, et ils couraient, donnant de la tte les uns contre les autres, ce que je les vois souvent faire. Lorsqu'ils furent tous runis en une seule masse, je les vis abandonner leur travail de dmolition de l'glise et se perdre dans les divers groupes. Alors je vis rebtir l'glise trs-promptement et avec plus de magnificence que jamais car les gens de toutes les cohortes se faisaient passer des pierres d'un bout du monde l'autre. Lorsque les groupes les plus loigns s'approchrent, celui qui tait le plus prs du centre se retira derrire les autres. C'tait comme s'ils reprsentaient divers travaux de la prire et le groupe des soldats les oeuvres de la guerre. Je vis dans celui-ci des amis et des ennemis appartenant toutes les nations: C'taient purement des gens de guerre comme les ntres et vtus de mme. Le cercle qu'ils formaient n'tait pas ferm, mais il y avait vers le nord un grand intervalle vide et sombre : c'tait comme un trou, comme un prcipice, c'tait une descente dans les tnbres comme l'endroit du paradis o Adam sortit prcipitamment. J'eus le sentiment qu'il y avait l une terre couverte de tnbres. Je vis aussi une partie de ce groupe rester en arrire : ils ne voulaient pas aller en avant et tous avaient l'air sombre et restaient serrs les uns contre les autres. Dans tous ces groupes, je vis beaucoup de personnes qui devaient souffrir le martyrs pour Jsus : Il y avait encore l beaucoup de mchants et une autre sparation devait plus tard avoir lieu. Cependant je vis l'glise complment restaure; au-dessus d'elle, sur une montagne, l'agneau de Dieu entour d'une troupe de vierges tenant des palmes la main, et aussi les cinq cercles forms de cohortes clestes correspondant ceux d'en bas qui appartenaient la terre. Les uns et les autres taient arrivs en mme temps et agissaient de concert. Autour de l'Agneau se tenaient les quatre animaux mystrieux de l'Apocalypse. È A la fte de la Purification, en 1822, elle raconta ce qui suit : Ç JÕai vu, ces jours-ci, les choses merveilleuses touchant l'Eglise. L'glise de Saint-Pierre tait presque entirement dtruite par la secte : mais les travaux de la secte furent aussi dtruits et tout ce qui lui appartenait; ses tabliers et son attirail furent brls par le bourreau sur une place marque d'infamie. CÕtait purement du cuir de cheval et la puanteur en tait si grande qu'elle m'a rendue malade. J'ai vu dans cette vision la Mre de Dieu travailler de telle manire pour lÕEglise que ma dvotion envers elle s'en est encore beaucoup accrue. È
10 aot. Ç Je vois le Saint-Pre dans une grande dtresse. Il habite un autre palais quÕauparavant et n'admet prs de lui qu'un petit nombre d'amis. Si le mauvais parti connaissait sa force, il aurait dj clat. Je crains que le Saint-Pre, avant sa mort, n'ait encore bien ds tribulations souffrir. Je vois la fausse Eglise de tnbres en progrs et la funeste influence qu'elle exerce sur l'opinion. La dtresse du Saint-Pre et de l'glise est rellement si grande que l'on doit implorer Dieu jour et nuit. Il m'a t prescrit de beaucoup prier pour l'Eglise et pour le Pape.
Ç J'ai t cette nuit conduite Rome, o le Saint-Pre, plong dans l'affliction, sÕest encore cach pour se drober de dangereuses exigences. Il est trs-faible et tout puis par la tristesse, les soucis et la prire. Sa principale raison pour se tenir cach est qu'il ne peut plus se fier quÕ peu de personnes. Mais il y a prs de lui un vieux prtre trs-simple et trs-pieux, qui est son ami et qu'on regarde, cause de sa simplicit, comme ne valant pas la peine d'tre loign. Or, cet homme reoit beaucoup de grces de Dieu. Il voit et remarque bien des choses qu'il communique fidlement au Saint-Pre. J'ai eu le renseigner, pendant qu'il priait, sur des tratres et des gens mal intentionns parmi les hauts fonctionnaires qui vivent dans l'intimit du Saint-Pre, afin qu'il lui en soit donn connaissance. C'est de cette manire qu'il a t mis en garde contre celui qui faisait tout jusqu' prsent et qui ne fera plus rien. Le Pape est si faible qu'il ne peut plus marcher seul. È
25 aot. Ç Je ne sais plus comment j'allai Rome cette nuit,. mais je me trouvai prs de l'glise de Sainte Marie-Majeure et je vis beaucoup de pauvres gens pieux, pleins d'angoisses et de soucis parce qu'on ne voyait plus le Pape et cause de l'agitation qui rgnait dans la ville et des propos inquitants qu'on y tenait, s'approcher de l'glise pour invoquer la Mre de Dieu. Ces gens ne paraissaient pas attendre que l'glise ft ouverte : ils voulaient seulement prier en dehors. Une impulsion intrieure les avait conduits l sans qu'ils se fussent concerts, mais j'tais dans l'glise et j'ouvris la porte : ils entrrent, surpris et effrays de ce que la porte s'ouvrait. Il me sembla que je me tenais derrire et qu'ils ne me voyaient pas. Il n'y avait pas d'office dans l'glise, seulement les lampes perptuelles brlaient. Ils prirent trs-paisiblement. Puis je vis apparatre la Mre de Dieu, laquelle dit que la tribulation serait grande. Elle ajouta que ces gens devaient prier avec ferveur et les bras tendus en croix quand mme ils ne pourraient le faire que le temps de dire trois fois le Pater : c'tait ainsi que son Fils avait pri pour eux sur la croix. Ils devaient se lever minuit pour prier de la sorte et continuer venir dans son glise, dont ils trouveraient la porte ouverte. Il leur fallait prier par-dessus tout pour que l'glise tnbreuse s'en allt de Rome. Les soldats qui taient dj en marche ne devaient pas apporter le salut, mais la misre et la dvastation, parce qu'en faisant la guerre, on n'avait recours ni la prire ni au ministre des prtres. Elle ajouta beaucoup d'autres choses et, ce qui me cote rpter, elle dit que, si un seul prtre offrait le sacrifice non sanglant aussi dignement et avec les mmes sentiments que les aptres, il pourrait dtourner toutes les calamits. Je ne sache pas que les gens qui taient dans l'glise aient vu cette apparition, mais ils durent pourtant tre remus par quelque chose de surnaturel : car lorsque la sainte Vierge dit qu'ils devraient prier Dieu, les bras tendus, tous levrent les bras. Tous ces gens taient bons et pieux, et ne savaient o trouver conseil et assistance. Il y avait pas de tratre, pas d'ennemi parmi eux, et pourtant ils taient inquiets et avaient peur les uns des autres. On peut juger par l de la situation. Il me semble qu'ils forment une association de prires. È
Elle assistait ds lors tous les soirs aux exercices de pit de Sainte-Marie-Majeure, et elle dit, le 31 aot : Ç La prire maintenant est gnrale et en permanence ils sÕagenouillent partout aux tombeaux des saints et implorent leur secours. J'ai vu les saints qu'ils rvraient plus spcialement. J'ai aussi vu le Pape. Il est trs-triste. J'ai de grandes inquitudes pour lui et j'ai redoubl ma prire... La dernire requte du cardinal Consalvi a t par le Saint-Pre : il ne l'a pas approuve et s'est retir. L'influence de cet homme a cess pour le moment. È
10 septembre. Ç J'ai vu l'glise de saint Pierre : elle tait dmolie, l'exception du choeur et du matre-autel. Saint Michel descendit dans l'glise, revtu de son armure, et il arrta, en les menaant de son pe, plusieurs mauvais pasteurs qui voulaient y pntrer. Il les chassa dans un coin obscur o ils s'assirent, se regardant les uns les autres. La partie de l'glise qui tait dmolie fut en peu d'instants entoure d'un lger clayonnage, de manire ce qu'on pt y clbrer parfaitement le service divin. Puis il vint de toutes les parties du monde des prtres et des laques, qui refirent des murs de pierre, car les dmolisseurs n'avaient pas pu branler les fortes pierres des fondements, È Anne Catherine passait maintenant des nuits entires prier les bras en croix, et elle avait en outre subir de terribles assauts de la part de l'ennemi des hommes. La premire nuit, il se jeta trois fois sur elle pour l'trangler : Ç Il me fit des reproches, dit-elle, propos de fautes de toute espce commises depuis ma premire jeunesse, mais je ne voulus pas les accepter de sa part. Je rassemblai toutes mes reliques et je combattis avec elles contre l'ennemi. Enfin je me mis sur mon sant dans mon lit et je donnai la bndiction de tous les cts avec la parcelle de la vraie croix, moyennant quoi il me laissa tranquille. È La nuit suivante, elle resta galement en prire, mais combattit si victorieusement l'ennemi qu'elle chanta plusieurs fois le Te Deum. Elle avait des visions continuelles sur l'tat de divers diocses voisins et loigns. Voici, par exemple, ce que le Plerin rapporte la date du 27 septembre : aujourdÕhui midi, elle entra d'une manire singulirement touchante et anime dans l'tat de contemplation ; elle avait les yeux ouverts, faisait des signes de ct et d'autre et se mit dcrire ce qui suit, comme dans une conversation ; Ç Que font-ils dans cette grande et belle glise? C'est la cathdrale (de Munster) : tout a t port l derrire, dans la chapelle qui contenait autrefois le vaisseau d'argent, l o est enterr Bernard de Galen. Tout va l, toutes les grces, tout, tout ! Oh ! combien cela est beau et merveilleux ! Il y a l un calice: il est vide : de ce calice part un rayon et s'lve une grande croix de lumire allant jusqu'au ciel; gauche du calice se tient une belle fiance avec une glise la main, et droite un adolescent d'une admirable beaut. Ce doit tre son fianc. Voil qu'en effet ils sont fiancs. Mais voyez ! Au dehors, dans l'air, est assise la Mre de Dieu, ayant l'Enfant Jsus devant elle et de ses mains sort un magnifique cep de vigne qui s'lve contre la chapelle : il y entre par le haut avec ses grappes, les raisins versent leur jus dans le calice; droite et gauche s'lancent de belles fleurs de lumire qui remplissent tout de splendeur : il y a encore des pis de bl magnifiques d'une belle couleur dore, tous les buissons de fleurs se couvrent de fleurs nouvelles et aussi de merveilleux petits fruits brillants et lumineux. Tout est resplendissant de lumire et rempli de merveilles. Tout est rassembl et conserv l, et voil qu'en haut se tient un saint vque des anciens temps: c'est Ludger; il garde et conserve tout. Qu'est ceci? Voil que de la grande glise, l'exception de la chapelle, jaillissent des flammes rougissantes et furieuses, et il semble que sur plusieurs points de la ville, de grandes masses de maisons sont dtruites ! L-bas, dans le chteau, les choses vont mal : mais tout ceci ne doit s'entendre que dans le sens spirituel. La grande glise reste intacte lÕextrieur, tout s'y fait comme l'ordinaire : mais les grces se sont toutes retires dans la chapelle. È C'est dans ces termes qu'elle raconta cette vision : son visage tait serein, elle montrait du doigt tantt un point, tantt un autre, comme si tout le monde et pu voir ce qu'elle indiquait. Et tout cela continuait et se dveloppait autour dÕelle. Le jour suivant elle raconta ce qui suit: Ç J'ai revu toute la vision d'hier touchant la chapelle de Galen : j'ai vu dans l'air une glise toute neuve s'lever au-dessus de lÕancienne et toutes les belles choses y entrer par la chapelle de Galen. L'glise de dessous tait comme noire et semblait s'enfoncer dans la terre. Je me dis qu'il serait trs beau que l'glise qui tait en l'air descendit au moment o l'autre disparatrait. Cette vision tait trs-dtaille, mais j'en ai oubli une partie. Je suivis un chemin o tout tait symbolique, et je trouvai derrire la cathdrale, peu de distance, dans un champ qui tait tantt lande, tantt prairie, un jeune garon gar qui n'avait pas de demeure et dont les pieds saignaient sur la lande. Je voulus le conduire sur le pr couvert de fleurs. Je lui dis qu'il y avait l de belles fleurs dont il pourrait sucer le miel. Je ne savais que faire pour l'assister. Il me dit que c'tait sa destine, qu'il devait ainsi souffrir et saigner jusqu' ce qu'il et trouv un asile. Je me souvins du jeune garon qui, la veille, avait contract mariage avec l'glise dans la chapelle de Galen. È
Elle vit aussi dans le lointain un diocse laiss l'abandon, sous l'image d'une glise profane. Ç Je vis des choses dplorables : on jouait, on buvait, on bavardait, on faisait la cour aux femmes dans l'glise, en un mot on y commettait toute sorte d'abominations. Il semblait qu'on et tabli un jeu de quilles au beau milieu. Les prtres laissaient tout faire et disaient la messe avec beaucoup d'irrvrence. J'en vis peu qui eussent encore de la pit et jugeassent sainement les choses. Je vis aussi des juifs se tenir sous le portail de l'glise. Tout cela m'affligea beaucoup. Alors mon poux cleste m'attacha par le milieu du corps, comme lui-mme avait t attach la colonne, et il me dit : Ç C'est ainsi que l'glise sera encore lie, c'est ainsi qu'elle sera troitement serre avant qu'elle puisse se relever. È
Le 30 septembre au matin elle vomit du sang par suite des efforts qu'elle avait farts pendant la nuit en priant, les bras tendus, pour l'glise qu'elle voit menace des plus grands dangers. Elle souffrait surtout de la poitrine et elle dit :
Ç Saint Michel m'a recommand une dvotion pratiquer pendant sept jours avec des aumnes, je serai malade ces sept jours. È La nuit suivante, les douleurs l'assaillirent avec une telle violence qu'elle se croyait consume par un feu intrieur qui pntrait travers tous les membres de son corps. Ne pouvant plus y rsister, elle mit une relique de saint Cme sur sa poitrine, qui tait le lieu o les douleurs taient les plus vives, et elle invoqua le saint haute voix. Quand elle eut ainsi pri, tous ses sens tombrent dans une profonde insensibilit, et ce fut pour elle comme s'ils n'existaient plus. Elle tomba dans un doux sommeil, et quand elle reprit connaissance, elle vit devant elle saint Cme, revtu d'un long manteau blanc et tout resplendissant de lumire. Il avait dans la main un arbrisseau vert et des fleurs blanches. Il tait entour d'une aurole rouge dont le bord extrieur tait d'un beau bleu. Son frre Lonce, qui tait encore jeune et de plus petite taille, se tenait quelque distance ; Damien, qui tait aussi plus petit, tait un peu plus loign. Toutes les souffrances d'Anne Catherine avaient disparu et elle se trouva trs-calme et trs-repose. Elle ne peut pas assez dire combien sa gurison a t merveilleuse. Cette grce tait venue aussi subitement et d'une manire aussi marque que celles qu'elle avait obtenues par l'intermdiaire de saint Ignace et de saint Augustin.
Dans la soire du 1er octobre, le Plerin la trouva toute trempe de sueur, parce qu'elle avait t occupe sans relche un travail de prire des plus laborieux. Elle rpta que saint Michel, outre d'autres travaux pour l'glise pendant sept jours, lui avait prescrit des aumnes qu'elle aurait faire durant ce temps. Les enfants qu'elle devait assister lui avaient tous t montrs et elle savait aussi ceux de ses effets qu'elle devait donner chacun d'eux. LÕEglise, dit-elle en gmissant, est en grand pril : j'ai l'ordre de demander quiconque vient me voir de dire un Pater son intention. Il faut prier pour que le Pape ne quitte pas Rome; il en rsulterait des maux incalculables. On veut maintenant exiger quelque chose de lui. La doctrine protestante et celle des grecs schismatiques doivent se propager partout. Il existe deux personnes qui veulent ruiner l'glise. Il leur manque maintenant un auxiliaire de la plume duquel ils se sont servis : il a t tu par un jeune homme, il y a un an. L'un de ces hommes a quitt l'Allemagne cette poque. Ils ont partout des gens qui les aident : le petit homme noir de Rome, que je vois si souvent, a spcialement beaucoup de gens qu'il fait travailler pour lui sans qu'ils sachent proprement dans quel but. Il a aussi ses affids dans la nouvelle glise de tnbres. Si le pape quittait Rome, ces ennemis de l'glise prendraient le dessus. Je vois faire chez le petit homme noir beaucoup de soustractions et de falsifications. Je vois que dans cet endroit l'on mine et l'on touffe la religion si habilement qu'il reste peine une centaine de prtres qui ne soient pas sduits. Je ne puis dire comment cela se fait, mais je vois le brouillard et les tnbres s'tendrent de plus en plus. Cependant il y a trois glises dont ils ne peuvent s'emparer : ce sont telles de Saint-Pierre, de Sainte-Marie-Majeure et de Saint Michel. Ils travaillent continuellement les dmolir, mais ils n'en viennent pas bout. Je ne viens pas en aide, je n'te aucune pierre du chemin, je dois bien prendre garde moi. Il faut tout rebtir bien vite; tous travaillent dmolir, mme les ecclsiastiques. Une grande dvastation est proche, Les deux ennemis de l'Eglise qui ont perdu leur auxiliaire ont bien l'intention de faire disparatre des hommes pieux et instruits qui les gnent. È
On vit bientt de quels travaux, outre la prire et l'aumne, elle avait t charge par saint Michel. Lorsque le Plerin vint la voir, dans la matine du 4 octobre, il la trouva tout puise des efforts de la nuit. Ç J'ai eu, dit-elle, livrer des combats plus terribles que cela ne m'tait jamais arriv. Je suis presque morte: je ne puis dire quel point j'ai eu souffrir. Il y a longtemps que ce combat m'avait t montr d'avance. J'ai vu une personne assaillie par plusieurs dmons et combattant contre eux. Maintenant je reconnais que j'tais moi-mme cette personne. J'ai lutter contre toute une cohorte de diables : ils excitent contre moi qui ils peuvent et comme ils peuvent. J'ai entrepris trop de prires. On veut maintenant instituer plusieurs mauvais vques et il y a un endroit o l'on veut faire d'une glise catholique un temple luthrien : je dois lutter, prier et souffrir l'encontre, et c'est ce combat qui m'a t donn pour travail. Si les saints ne m'assistaient pas, je ne pourrais pas le soutenir : je suis appele combattre, quoiqu'absolument dpourvue de force, et je dois remporter la victoire : mais combien cela me donne de peine ! Je vois le diable mettre tout en oeuvre pour faire tourner la chose ma honte. Il m'envoie aussi continuellement toute sorte de gens et des visiteurs venant de loin, pour me tourmenter et m'affaiblir. È (note)
Ç Cette nuit, lorsque dans une vision du pape, j'eus vu saint Franois porter l'Eglise, je vis ensuite l'glise de saint Pierre qu'un petit homme portait sur ses paules; il avait quelque chose de juif dans les traits du visage.
(note) Le plerin lui-mme y contribua pour sa part. Le jour prcdent, par suite de l'imprvoyance de sa soeur, une modiste franaise s'tait introduite dans la petite chambre de la malade et avait, sans plus de faon, tal ses marchandises sur le lit. La malade ne put se dfaire de cette importune et se sentit toute trouble par son bavardage, si bien qu'elle put peine raconter ses visions au Plerin qui arriva plus tard. L-dessus celui-ci lui fit les reproches les plus vifs, comme si c'et t par sa faute que la modiste avait dball sa marchandise.
La chose semblait trs dangereuse. Marie se tenait debout sur l'glise du ct du nord et tendait son manteau pour la protger. Le petit homme semblait succomber. Il paraissait tre encore laque et je le connaissais. Les douze hommes que je vois toujours comme de nouveaux aptres devaient l'aider porter son fardeau :mais ils venaient un peu trop lentement. Il paraissait au moment de tomber sous le faix, alors enfin ils arrivrent tous, se mirent dessous et plusieurs anges leur vinrent en aide. C'tait seulement le pav et la partie postrieure de l'glise, tout le reste avait t dmoli par la secte et par les serviteurs de l'glise eux-mmes. Ils portrent l'glise dans un autre endroit et il me sembla que plusieurs palais tombaient devant eux comme des champs d'pis qu'on moissonne. È
Ç Lorsque je vis l'glise de Saint-Pierre dans son tat de ruine et comment tant d'ecclsiastiques travaillaient, eux aussi, l'oeuvre de destruction, sans qu'aucun d'eux voulut le faire ouvertement devant un autre, j'en. ressentis une telle affliction que je criai. vers Jsus de toutes mes forces, implorant sa misricorde. Alors je vis devant moi mon poux cleste sous la forme d'un jeune homme et il me parla longtemps. Il dit, entre autre choses, que cette translation de l'glise d'un lieu un autre signifiait qu'elle paratrait en complte dcadence, mais qu'elle reposait sur ces porteurs et qu'elle se relverait avec leur aide. Quand mme il ne resterait qu'un seul chrtien catholique, l'Eglise pourrait triompher de nouveau, car elle n'a pas son fondement dans l'intelligence et les conseils des hommes. Il me montra alors comme quoi il n'avait jamais manqu de personnes priant et souffrant pour l'Eglise: Il me fit voir tout ce que lui-mme avait souffert pour elle, quelle vertu il avait donne aux mrites et aux travaux des martyrs et comment il endurerait de nouveau toutes les souffrances imaginables s'il lui tait possible de souffrir encore. Il me montra aussi dans des tableaux innombrables la dplorable conduite des chrtiens et des ecclsiastiques, dans des sphres de plus en plus vastes s'tendant travers le monde entier et o mon pays tait compris, puis il m'exhorta persvrer dans la prire et la souffrance. C'tait un tableau immense et indiciblement triste qu'il est impossible de dcrire. Il me fut aussi montr qu'il n'y a presque plus de chrtiens dans l'ancien sens du mot, de mme que tous les juifs qui existent encore aujourd'hui sont de purs pharisiens, seulement encore plus endurcis que les anciens : il n'y a que le peuple de Judith en Afrique qui ressemble encore aux juifs d'autrefois. Cette vision m'a remplie de tristesse. È
7 octobre. Ç J'ai fait un grand voyage pour mes travaux. Je me suis trouve Rome dans les catacombes. Je vis la vie d'un martyr qui y vivait cach avec beaucoup d'autres et qui avait converti bien du monde. Il existait une poque peu postrieure celle o vivait sainte Thcle ; j'ai oubli son nom. Trs-jeune encore, il allait avec de pieuses femmes consoler les chrtiens dans les catacombes et les prisons. Il fut martyris avec plusieurs autres. Il tait rest cach un certain temps dans un ermitage. Il eut souffrit de cruels supplices et finit par tre dcapit: il emporta sa tte de l, je ne sais plus bien cette histoire. J'allai avec sainte Franoise Romaine et le martyr en question dans un caveau des catacombes dont tout le sol tait couvert de fleurs lumineuses. C'tait comme la floraison des douleurs de ce martyr et de ses compagnons qui avaient t mis mort en ce lieu. Il y avait l spcialement beaucoup de belles roses blanches, et je vis tout coup que l'une d'elles tait attache ma poitrine (la relique de ce saint). J'allai encore dans plusieurs endroits o je vis des fleurs innombrables, toutes provenant des souffrances des martyrs dont j'implorai l'intercession pour l'Eglise dans sa tribulation actuelle. Lorsque j'allai travers Rome avec sainte Franoise et l'autre saint, nous vmes un grand palais entour de flammes du haut en bas ( le Vatican ). J'avais grand-peur que les habitants ne fussent brls, car personne ne venait teindre le feu : mais lorsque nous nous approchmes, la flamme cessa et nous vmes l'difice noirci et calcin. Nous passmes par plusieurs salles magnifiques et nous arrivmes au Pape. Il tait assis dans l'obscurit et dormait dans un grand fauteuil : il tait trs-malade et trs-faible; Il ne pouvait plus marcher. Devant la porte quelques persons aillaient et venaient. Les ecclsiastiques de son plus proche entourage ne me plaisaient pas, ils semblaient faux et dpourvue de zle. Les hommes pieux et simples que je vois quelquefois prs de lui taient dans une partie plus loigne de la maison. Je lui parlai longtemps et je ne puis dire quel point ma prsence l me parut relle : car j'tais d'une faiblesse indicible et ceux qui taient prs de moi taient obligs continuellement de me soutenir. Je lui parlai des vques qu'on doit instituer prsentement. Je lui dis encore qu'il ne devait pas quitter Rome ; que, s'il le faisait, tout tomberait dans la confusion. Lui croyait que le mal tait invitable et qu'il devait s'en aller pour sauver sa personne et beaucoup de choses. Il tait trs-enclin quitter Rome et on l'y poussait beaucoup. Sainte Franoise lui parla encore plus longtemps. J'tais trs faible et prs de tomber en dfaillance, mes compagnons me soutenaient. Avant que je m'en allasse, le Pape me donna une soucoupe pleine de fraises avec du sucre. Je ne voulus pas les manger: je voulais, lorsque nous partirions, les porter un malade pour le soulager. È Elle dit plus tard, tant en extase : Ç Ces fraises ne signifient rien de bon : È elles indiquent que le pape est encore attach a la terre par beaucoup de considrations. (note) È
Ç Je vis Rome dans un tat si dplorable que la moindre tincelle pouvait mettre le feu partout. Je vis la Sicile sombre; effrayante et quitte par tous ceux qui pouvaient s'enfuir. È
Un jour, tant en extase, elle s'cria haute voix en gmissant : Ç Je vois l'Eglise compltement isole et comme tout fait dlaisse. Il semble que tout le monde s'enfuit. Tout est en lutte autour d'elle. Partout je vois de grandes misres, la haine, la trahison et le ressentiments, le trouble; l'abandon et un aveuglement complet. Je vois un point central tnbreux partir des messagers pour porter quelque chose en plusieurs lieux : Cela sort de leur bouche comme une vapeur noire qui tombe sur la poitrine des auditeurs et allume en eux la haine et la rage. Je prie ardemment, pour les opprims. Sur des lieux o prient quelques personnes, je vois descendre de la lumire, sur d'autres d'paisses tnbres. La situation est terrible. Combien jÕai pri ! 0 ville, ville (Rome) de quoi es-tu menace ?
LÕorage est proche. Prends bien garde ! mais j'espre que resteras inbranlable. È
16 octobre. Ç J'ai fait cette nuit le chemin de la croix Coesfeld. Il y avait beaucoup d'mes prs de moi. Elles me reprsentrent la dtresse de l'glise et combien il fallait prier. Je vis, sous l'image de plusieurs jardins formant un cercle autour de moi, les rapports du Pape avec les vques.
(note) C'est tort que le Plerin dans ses notes dit que Ç cette explication est faible, È car les fraises saupoudres de sucre indiquent qu'une parrtie des efforts si laborieux d'Anne Catherine est reste sans fruits. Le Pape lui remet ce symbole de ses travaux avec du sucre, c'est--dire sec des remerciements et des tmoignages de reconnaissance, parce qu'il croit gagner par des concessions les potentats de ce monde.
Je vis le pape lui-mme sur son trne, plac comme dans un jardin. Je vis dans divers jardins, les droits et les pouvoirs de ces vques et de ces vchs, sous forme de plantes, de fleurs et de fruits, et je vis des rapports, des courants, des influences, comme des fils ou des rayons allant du sige de Rome aux jardins. Je vis sur la terre, dans ces jardins, l'autorit spirituelle du moment : je vis en l'air, au-dessus d'eux, l'approche de nouveaux vques. Ainsi, par exemple, je vis dans l'air, au-dessus d'un jardin o se trouvait le svre suprieur, un nouvel vque avec la crosse, la mitre et tout le reste. Je vis autour de lui des protestants qui voulaient le faire descendre dans le jardin, mais non avec les conditions que le Pape avait exiges. Ils cherchaient s'y glisser par toute espce de moyens; ils bouleversaient certaines parties du jardin on y jetaient de mauvaises semences. Je les vis tantt dans un endroit, tantt dans un autre, cultiver, laisser en friche, dmolir et ne pas enlever les dcombres, etc. Tout tait plein de piges et de ruines. Je les vis intercepter et dtourner les voies qui allaient au Pape. Je vis ensuite que quand ils introduisaient l'vque de la manire qu'ils s'taient propose, il tait intrus, introduit contre la volont du Pape et qu'il ne possdait pas lgitimement l'autorit spirituelle . Beaucoup de tableaux semblables me furent prsents : il me fallut prier et souffrir, et tout cela me remplit de tristesse. Je vis aussi dans un vch o un saint vque tais mort, un autre trs-peu saint qui s'approchait. È
Pendant ces contemplations, elle tait continuellement en proie aux plus grandes souffrances. Elle ressentait au-dessous des fausses ctes d'affreuses douleurs causes comme par une corde serrant son corps, elle avait des vomissements de sang et l'impression si vive d'une large couronne d'pines qu'elle ne pouvait poser la tte nulle part. En outre, plusieurs fois dans la nuit, les plaies du front et celle du ct rendirent beaucoup de sang. Elle raconta un
jour, dans cet tat, les fragments suivants d'une vision sur la Passion : Ç La couronne d'pines de Jsus tait trs grande et trs-lourde et s'tendait une grande distance de la tte. Ils lui trent sa tunique tricote en la faisant passer par-dessus sa tte et arrachrent en mme temps la couronne. Je me souviens confusment qu'ils tressrent une couronne plus petite, (je connais l'pine dont elle tait faite), et ils la lui mirent prs de la croix. Les trois trous de la
croix avaient t percs de trop grandes distances. LorsquÕils eurent clou une main, ils tirrent l'autre avec des cordes jusqu' l'autre trou. Mais les pieds aussi n'atteignant pas, beaucoup prs, la place qui leur tait marque, ils les tirrent jusque-l de la mme manire; et pendant que les uns s'agenouillaient sur les membres du Sauveur, les autres enfoncrent les clous. Le corps tait disloqu toutes les articulations et on voyait en quelque sorte au travers.
Au-dessous de la poitrine, il tait tout fait aminci et creux. Ce fut un moment horrible que celui o ils levrent la croix et la firent tomber dans le trou o elle devait rester fixe; il y eut un choc si violent que le saint corps reut une affreuse secousse. È
Ç Je n'ai pas vu Jsus aller dans le purgatoire. Mais lorsqu'il tait dans les limbes, je vis les mes du purgatoire y venir. Je vis que toutes ces mes furent dlivres par lui. Je vis, avant la rsurrection, plusieurs anges recueillir et rejoindre son corps sacr le sang et la chair qu'il avait perdus dans le cours de sa Passion, et je le vis sortir du tombeau brillant d'une lumire blouissante. Ses plaies resplendissaient, et elles taient pour le corps comme une sainte parure d'une beaut incomparable. Il ne se montra pas aux disciples dans cette plnitude de gloire; leurs yeux n'auraient pu en supporter la vue. È
Ç J'ai vu que la sainte Vierge possdait des linges teints du sang de sa circoncision et de celui de ses autres plaies et qu'elle donna aux aptres, lors de leur sparation, des croix de la longueur du bras, faites d'un roseau flexible. Ils les portaient sous leurs manteaux. Ils avaient aussi des boites en mtal pour la Sainte-Eucharistie et pour des reliques qui taient, je crois, des parcelles de ces linges donns par elle. Je crois aussi qu'elle leur tricota des robes l'instar de scelle de Jsus-Christ. Elle fit plusieurs de ces robes, soit avec deux petits btons, soit au crochet. È
A la fin de ce travail de prire si pnible, elle reut une vision consolatrice dont elle communiqua ce qui suit : Ç J'tais couche sur une planche fort dure et j'tais tout entoure d'un rempart d'pines. Toutes les pines se dirigeaient l'intrieur et chaque mouvement que je faisais, j'tais blesse. Mais il y avait aussi sur la haie beaucoup de roses blanches et rouges, et d'autres fleurs blanches. Jsus vint moi comme un fianc qui me montrait son union et ses relations avec ses fiances. Je vis successivement Thrse, Catherine de Sienne, Claire de Montefalco avec de semblables symboles de souffrance, et comment l'une tait assise au milieu des pines, l'autre s'y roulait, l'autre en tait entoure de toutes parts. Je vis avec quelle familiarit et quelle hardiesse toutes lui parlaient. Je vis Claire de Montefalco traner une croix et je vis diverses personnes, notamment quelques-unes de ses consoeurs, mettre sur sa croix une foule de petits objets jusqu' ce qu'elle tombt sous le faix. Je vis Jsus lui dire qu'il tait aussi tomb sous la croix, alors elle lui fit cette prire : Ç Tendez-moi la main comme votre Pre cleste vous a tendu la main. È Il me montra aussi comment toutes les personnes qui s'approchaient de mon lit poussaient sur moi, sans le vouloir, les haies d'pines. Je vis aussi les dfaillances, les souffrances et le chagrin souvent mortel de toutes ces fiances. Alors je le vis placer devant moi une table lumineuse et la couvrir d'une nappe blanche comme la neige. Je vis un personnage de l'Ancien-Testament immoler sur cette table et offrir en sacrifice un agneau sans tache admirablement patient. Je reus des explications touchant la raret de la table, de la nappe et de l'agneau. Le sang ne tachait point la nappe. Ensuite une couverture rouge fut mise sur la table blanche, et par-dessus une autre blanche et transparente. Il y avait dessus un calice et du pain, et Seigneur me donna de l'un et de l'autre. C'tait lui-mme que je reus. Il disparut et je restai toute console. Je vis ensuite, dans divers tableaux, un abrg de toute sa Passion : je vis comment ses amis l'avaient abandonn et le l'avaient pas compris, comment ils le traiteraient aujourdÕhui et le traitent en ralit. Je vis sa prsence dans le Saint-Sacrement o il est plus prsent encore qu'il ne l'tait sur la terre pendant sa vie, et comment sa Passion se continue dans ses fidles imitateurs qui supportent patiemment et lui offrent leurs souffrances, mais aussi comment beaucoup de choses sont foules aux pieds dans la boue. Je sortis de ces visions calme et fortifie. È
9. Ddicace de l'glise du Saint-Sauveur Rome.
Ç Je fus Rome o je vis une trs-belle glise nouvellement btie et qui venait d'tre termine : je vis le Pape avec une suite nombreuse recevoir cette glise des mains de l'architecte, lequel tait vtu l'ancienne mode et portait autour du cou une chane d'or. Comme le Pape le louait, il lui rpondit par jactance qu'il aurait pu faire bien mieux encore. On le prit au mot ; on refusa de le payer parce qu'il n'avait pas fait l'glise aussi belle et aussi magnifique qu'il l'aurait pu, et parce qu'il avait omis d'y placer telles et telles sculptures qui, suivant ses propres
paroles, l'auraient embellie. Comme il dit alors, en mettant un doigt sur sa bouche : Ç Ah ! pourquoi ne me suis-je pas tu ! on aurait accept mon travail comme parfait, È on s'assura de sa personne et on ne voulait pas le relcher qu'il n'et amlior son oeuvre et qu'il n'et sculpt sur le mur de l'glise sa propre image avec un doigt sur sa bouche. Il crivit alors au Pape qu'il complterait son travail quant la construction matrielle de l'glise en question lorsque le Pape aurait parfaitement accompli sa propre oeuvre quant l'dification spirituelle de l'glise : et il dnona en mme temps beaucoup de fautes touchant la discipline du clerg, la charit envers le prochain, etc., lesquelles dparaient beaucoup l'glise. Ç L'extrieur, disait-il, n'a pas besoin d'tre plus parfait que l'intrieur. È Sur cette lettre, le Pape le laissa libre, selon le prcepte : Ç Ne fais pas autrui ce que tu ne veux pas qui te soit fait. È Je vis alors consacrer cette glise avec beaucoup de belles crmonies et je vis en mme temps dans l'air une glise d'une beaut indescriptible, dans laquelle se faisait, mais bien plus parfaitement, tout ce qui s'accomplissait dans l'glise terrestre. Elle tait remplie de saints et d'anges. Je vis au-dessous une grande procession et les choeurs clestes dans l'glise suprieure rpondant tout ce qui tait chant en bas. Pendant cette procession, je fus tout coup appele prs d'un mourant, dans un hpital o il me fallut aller par un chemin couvert de neige, en sorte que je craignais qu'on ne vit comment j'avais march pieds nus dans la neige ; mais lorsque je revins je vis les traces de mes pas efface. Je me trouvai alors dans la nouvelle lise, tout au haut du mur, et je vis qu' la procession, le Saint-Sacrement tait port dans un ciboire : au-dessus planait comme un linge blanc lumineux, et au-dessus de celui-ci une hostie resplendissante avec une grande aurole. Lorsqu'il vint prs de moi, ce Saint-Sacrement cleste vola moi : je ne le reus pas sous forme de communion, mais je l'adorai. Je vis ensuite plus bas la conscration de l'glise suivre son cours et j'entendis les rpons chants par l'glise cleste. J'y montai aussi et j'y assistai clbration d'une fte de saint Martin : je vis beaucoup de choses de la vie de ce saint, spcialement sa mort et la propagation merveilleuse de son influence spirituelle marque par des bandes lumineuses sortant de l'glise qu'il tenait la main : des extrmits de ces bandes naissaient d'autres glises qui propageaient la foi de la mme manire et portaient des fruits semblables. È
Aprs cela mon guide me porta au sommet de cette glise spirituelle qui reut de l'intrieur un accroissement et devint comme une tour pleine de sculptures lumineuses et transparentes. Il me montra du haut de cette tour la terre comme une carte de gographie. Je vis et je reconnus tous les pays o j'avais t si souvent : je vis le Gange et des endroits o gisait une quantit de pierres prcieuses tincelantes : cela me fit penser celles qui avaient t voles au tombeau des trois rois. Je vis engloutis au fond des mers beaucoup de trsors et d'objets prcieux, des marchandises, des ballots, des coffres et des navires entiers. Je vis aussi les diffrentes parties de la terre : mon guide me nomma l'Europe et, en me montrant un petit coin sablonneux, il me dit ces paroles remarquables: Ç Voici la Prusse ennemie. È Il me montra ensuite un point plus au nord, disant : Ç Voil la Moscovie apportant avec elle bien des maux. È
10. Souffrances pour l'Eglise supportes avec l'assistance de sainte Cungonde, de la fin de mai au milieu de juin 1821.
On avait demand des prires Anne Catherine pour une Ursuline trs-malade de la goutte que la violence de ses souffrances poussait un dsespoir complet. Voici ce qu'elle raconta : Ç Je fus prs d'elle, je vis sa maladie et je l'engageai ne pas prier pour sa gurison, mais demander ce qui plairait le plus Dieu. Elle sera soulage, mais ne recouvrera plus entirement la sant. È Sa prire pour cette malade fut cette fois, comme toujours en pareil cas, une participation relle, corporelle ses souffrances, c'est--dire qu'elle prit d'elle la goutte avec tous ses symptmes, accompagne de douleurs au milieu desquelles elle tait livre un travail incessant pour l'glise et le Saint-Pre. Le Plerin dit la date du 29 mai : Ç La maladie a pris un trs-grand accroissement. Dans la nuit elle a vomi de l'eau et une matire blanchtre avec de grandes souffrances, accompagnes de douleurs dans la tte et dans les membres, d'incapacit de boire, de rtention d'urine et de soif ardente. Elle est comme une mourante; mais son me est en paix. Elle peut peine et rarement prononcer quelques paroles. Toutes ses souffrances sont constamment accompagnes d'une vision o elle travaille toute seule dans une glise trs-sale et trs-nglige. A midi, elle a eu encore le sentiment des approches de la mort ; elle tait incapable de se soulever: son corps tait froid et comme paralys et elle ne pouvait pas appeler son aide. Par bonheur sa soeur vint et la releva, sans quoi le vomissement qui montait violemment menaait de l'touffer. Quoique releve, elle tait toujours dans l'tat le plus misrable et s'affaissait sur elle-mme comme morte. Mais tout coup elle se mit sur son sant, les mains jointes, et resta environ six minutes dans l'attitude de la prire, sans s'appuyer sur rien, ce qu'elle ne pouvait pas faire ordinairement. Tout paraissait pass, mais elle dit bientt : Ç J'ai seulement pris un moment de repos et remerci Dieu pour la pnible part de travail que j'ai eue faire. Ah ! c'tait un bien lourd balai que celui avec lequel j'ai balay! È Elle ne put que balbutier ces paroles, mais sa respiration tait plus paisible. Il y eut des moments de souffrance si cruelle que, pendant environ cinq minutes, ses pieds tremblrent de manire faire remuer continuellement le fauteuil sur lequel ils s'appuyaient. Quand on touche alors ces pieds qui sont comme des os effils envelopps de bandelettes, on sent un vif tressaillement dans chaque muscle et c'est ce qui donne aux jambes ce mouvement en avant. On peut peine comprendre comment une telle quantit de tortures trouve place dans ces pauvres membres. Elle dit que ce n'tait pas encore fini et comme son confesseur l'exhortait la patience, elle rpondit : Ç La patience est, l-bas suspendue en l'air dans un globe. È Bientt, aprs un peu de repos, elle retomba dans des souffrances du mme genre ; on et dit, la fin, d'une personne mise la torture jusqu' ce qu'elle en meure. È
30 mai. Ç Les vomissements ont cess : mais il est survenu un mal d'oreilles si douloureux qu'elle cache entirement sa tte dans des coussins pour ne rien entendre, parce que cela lui cause les plus vives souffrances.
31 mai. Ç Ses douleurs de tte et son mal d'oreille on continu toute la nuit et sont arrivs au plus haut degr . La douleur lui a souvent fait perdre connaissance, son tat tait lamentable. È
1er Juin. Le matin, le Plerin la trouva sereine et d'une humeur singulirement aimable. Le mal de tte s'tait un peu calm, mais elle avait de la peine entendre. Ç J'ai vu, dit-elle, des visions que je ne puis dcrire touchant l'tat de l'glise en gnral et en particulier. Je vis l'glise qui est sur la terre, sous lÕimage d'une ville semblable la Jrusalem cleste, mais de forme et de figure terrestre. Je vis dans l'intrieur de cette ville beaucoup de rues, de palais et de jardins; j'allais de l'un l'autre. Je vis, parmi les tableaux les plus tranges, des processions entires d'vques. Je reconnus l'tat de tous, je vis ce qu'ils pensaient et disaient sortir de leur bouche en images. Je vis leurs fautes envers la religion reprsentes par des difformits extrieures. Ainsi j'en vis quelques-uns qui n'avaient qu'un corps ; leur tte semblait un sombre nuage de brume; d'autres n'avaient qu'une tte et leur corps, avec leur coeur, tait une vapeur obscure : quelques-uns taient boiteux, d'autres paralytiques, d'autres dormaient ou chancelaient. Je vis aussi une fois une mitre piscopale flottant dans l'air, tandis qu'une main sortant d'un nuage tnbreux cherchait sans cesse saisir cette mitre, qui pourtant lui chappa. Sous cette mitre, je vis beaucoup de personnes qui ne m'taient pas inconnues, portant sur leurs paules des croix de toute espce avec des pleurs et des gmissement : je me vis moi-mme parmi elles. Je vis, ce que je crois, presque tous les vques du monde, mais un petit nombre seulement parfaitement sain. Je vis aussi le Saint Pre rempli de la crainte de Dieu et priant. Rien n'tant dfectueux dans son extrieur: mais il tait trs-affaibli par la vieillesse et par de nombreuses souffrances. Sa tte vacillait souvent d'une paule l'autre ou tombait sur sa poitrine comme s'il et sommeill; souvent aussi je le vis tomber en dfaillance et semblable un mourant. Je le vis souvent soutenu, pendant qu'il priait, par des apparitions clestes; alors sa tte se tenait droite. Mais aussitt qu'elle retombait sur sa poitrine, je voyais plusieurs personnes tourner rapidement la tte droite et gauche, c'est--dire regarder du cot du monde. L'glise de notre pays, quand la main sortant de l'ombre saisit la mitre qui fuyait toujours, me fut montre comme dans un tat misrable auquel devait contribuer particulirement le savent jouvenceau de l'cole. Je vis tout ce qui tient au protestantisme prendre de plus en plus le dessus, et la religion tomber en dcadence complte. Je vis la plupart des prtres s'engouer des faux brillants du jeune matre d'cole et tous travaillaient, ensemble la destruction. Il y en avait un surtout qui prenait part ce travail par vanit et par ignorance, et quand il se ravisera, il sera trop tard. Je vis tout au plus, dans le pays, quatre ecclsiastiques rester fermes et fidles. L'tat du diocse sera dplorable sous cet vque. Les tableaux que j'ai vus taient si affligeants que j'aurais presque voulu en parler hautement. Je vis aussi dans l'avenir la religion tombe trs-bas et se conservant seulement par endroits, dans quelques chaumires et dans quelques familles que Dieu protges aussi dans les dsastres de la guerre. Beaucoup de gens simples, mais clairs d'en-haut, et spcialement le matre d'cole prient pour que ce pasteur soit loign È
Ç J'ai eu encore une singulire vision. Sainte Cungonde m'apporta une couronne et un petit morceau d'or pur dans lequel je pouvais me mirer. Elle me dit: Ç J'ai fait cette couronne pour toi, elle n'est pas encore tout fait finie du ct droit ( o tait la grande douleur de la malade ) ; c'est toi de l'achever avec cette plaque d'or. Je fais cela parce que tu as dj ajout une pierre prcieuse ma couronne, avant mme que tu fusses ne. È Alors elle me montra sur un des cots de sa couronne une pierre ou une perle, si blouissante qu'on pouvait peine en soutenir la vue. Et c'tait moi qui l'avais mise l ? Je trouvai cela par trop risible et je dis tout net : Ç Comment cela se peut-il? Ce serait une chose bien trange que j'eusse fait cela avant d'tre au monde. È L-dessus elle me rpondit que toutes mes souffrances et tous mes travaux, comme ceux de tous les hommes se trouvaient dj diviss et rpartis parmi mes anctres. Elle me montra des tableaux o je vis comment Jsus avait opr dans la personne de David, comment nous avons pch dans Adam, comment le bien que nous vivifions en nous est un bien dj vivant dans nos anctres et qui tait seulement obscurci, etc. Puis elle me fit voir mon extraction du ct de ma mre qui s'appelait Hillers, en remontant par plusieurs gnrations jusqu' ses anctres elle, et il y avait l un fil par lequel s'y rattachait aussi son extraction. Mais comment avais-je ajout le joyau sa couronne? Je le compris trs bien dans la vision, mais j'aurais de la peine le redire. C'tait comme si une facult de souffrir avec patience provenant du fil de vie qui aboutissait mon existence, lui et t communique, et c'est ainsi qu'une victoire fut remporte en elle par moi ou par ce qui tait mien, victoire qui tait reprsente par ce joyau sur sa couronne. Je la vis au commencement de la vision dans une sphre ou dans un jardin cleste avec des saints qui avaient t rois ou princes. Je vis l'empereur Henri, son saint poux, dans une sphre o il me parut renouvel et plus jeune. C'tait comme si son existence dans ses aeux tait l depuis trs-longtemps ; je ne puis expliquer cela, je ne le compris pas non plus alors et je laissai la chose de ct. Il y avait en gnral dans cette vision quelque chose d'incroyablement dgag des conditions du temps : car quoique je fusse trs-tonne d'avoir dj, avant ma naissance, travaill une perle de la couronne de Cungonde, je le voyais pourtant trs bien d'une certaine manire, car je sentais que je vivais avec elle et que j'tais sa contemporaine; bien plus, que j'tais antrieure elle comme personne individuelle. Je me sentais prsente dans mon origine. Elle me montra son extraction selon la chair sa gauche, et sa droite sa descendance selon l'esprit, car elle n'avait pas d'enfants, mais pourtant cette descendance tait bien plus riche et plus fconde. Je vis mes anctres et les siens remontant jusqu' des gens qui n'taient pas chrtiens et j'en vis parmi ceux-ci qui ont t jugs avec misricorde : cela m'tonnait beaucoup parce qu'il est crit que quiconque ne croit pas et n'est pas baptis n'entrera pas dans le ciel. Mais sainte Cungonde me dit : Ç Ces gens ont aim Dieu tel qu'ils le connaissaient et leur prochain comme eux-mmes; ils ne savaient rien du Christianisme, ils taient dans une fosse tnbreuse o la lumire n'arrivait pas: mais ils taient tels, qu'ils auraient t de parfaits chrtiens s'ils avaient connu le christianisme et c'est pourquoi ils ont trouv misricorde. È Je vis le tableau de ma vie avant ma naissance ou celle de mes aeux, non comme un arbre gnalogique, mais comme quelque chose qui se rpandait sur la terre dans des lieux et des tablissements de toute espce : je vis des rayons aller d'un point un autre puis, aprs s'tre multiplies en formant des nÏuds, lancer de nouveau dans des directions spares. Je vis l beaucoup de gens pieux, j'en vis aussi dans une position leve, d'autres tout fait pauvres. Je vis encore toute une branche de ma famille dans une le : ils taient riches et possdaient de grands navires: je ne sais pas o c'tait. Je vis une norme quantit de choses dans cette vision et j'eus de grandes lumires sur l'importance qu'il y a pour nous transmettre au monde une descendance pure et conserver pur ou purifier en nous ce qui nous a t transmis par nos anctres. Et je reconnus que cela tait galement vrai pour la postrit selon la chair et pour la postrit spirituelle.
Ç Je vis aussi les parents de mon pre. Sa mre s'appelait Rensing; elle tait fille d'un riche cultivateur. Elle tait avare et, pendant la guerre de Sept Ans, elle enfouit son argent prs de notre maison. Je sais peu prs lÕendroit. Je sais aussi qu'on le trouvera longtemps aprs ma mort, quand une autre famille possdera la maison. Je savais dja cela, tant enfant. È
2 juin. Le Plerin la trouva toute bouleverse. Elle raconta ce qui suit, versant des larmes et pleine d'angoisses : Ç Je viens de passer une nuit des plus terribles. J'ai vu un chat venir vers mon lit: il sauta aprs ma main. Je le pris par les pattes de derrire, je le tins hors du lit et je voulais le tuer; mais il m'chappa et s'enfuit. J'tais veille, je voyais tout ce qui tait autour de moi ;je voyais l'enfant dormir paisiblement et je craignais qu'elle ne vt ma misre. Pendant toute la nuit, jusque vers trois heures du matin, l'ennemi me maltraita; c'tait une horrible figure noire. Il me frappa et me trana loin de mon lit ; j'tais tendue par terre et appuye sur mes mains. Il me lana en avant avec mes oreillers et m'treignit terriblement. M'ayant ainsi lance au loin, il me jeta sur le corps les coussins qui taient sous moi, puis il m'leva trs-haut en l'air ; tout cela me causa une angoisse indescriptible. Je vis clairement par l que ce n'tait pas un rve. Je fis tout ce que je pouvais. Je pris toutes mes saintes reliques et ma vraie croix, cela ne me servit rien. Je demandai Dieu et tous les saints si j'avais quelque pch sur la conscience, si je retenais injustement le bien d'autrui : je ne reus pas de rponse. J'adjurai l'ennemi, au nom de tout ce qu'il y a de sacr, de me dire quel droit il avait sur moi: Il ne rpondit pas et continua me tourmenter. Il me prenait sans cesse par le cou et par les paules, et ses mains ou ses griffes taient froides comme la glace. Enfin je me tranais jusqu' l'armoire qui est au pied de mon lit, j'y pris l'tole de mon confesseur qui y tait renferme et je la jetai autour de mon cou. Alors il ne me toucha plus et mme il me fit une rponse. Il parle toujours avec une assurance et une habilet qui me confondent et quelquefois je pourrais croire qu'il a raison, tant il parait sr de son fait. Il me reprocha de faire manquer beaucoup de choses et de lui nuire beaucoup, et cela comme s'il avait les droits les mieux fonds du monde. Quand je demandai Dieu si je possdais du bien mal acquis, l'ennemi me dit : Ç Tu as quelque chose moi. È Mais je lui rpondis : Ç Ce que j'ai toi est le pch qui a t maudit avec toi ds le commencement ! Jsus-Christ a satisfait pour nous ; prends le pch pour toi, garde-le et va-t-en avec lui dans les abmes de l'enfer ! Je ne puis dire tout ce j'ai souffert. È Elle pleurait et tremblait de tous ses membres.
3 juin. Ç Ses violentes douleurs de tte et d'oreilles ont diminu : cependant elle souffre toujours d'une oreille dont une est devenue sourde, en sorte qu'elle parle trs haut sans qu'il y ait ncessit. Mais avec cette infirmit elle est trs-avenante et cela lui donne quelque chose de naf et l'enfantin. Elle souffre de rtention. È
Ç Sainte- Cungonde, dit-elle, a t prs de moi une partie le la nuit. J'ai, ces jour-ci, appris d'elle et vu infiniment le choses, notamment touchant notre origine et notre participation une vie qui n'est pas la ntre. J'ai vu des histoires et des dtails sans nombre concernant mes anctres et les siens. Elle m'a dit aujourd'hui que, comme moi, dans sa jeunesse, elle avait t dlivre par la grce divine, de toutes les tentations charnelles et qu'elle s'tait fiance Dieu de bonne heure. Elle n'avait pas os le dire sa mre, mais elle l'avait dit son mari qui avait fait voeu de chastet avec elle, et pourtant il lui avait fallu aprs cela tre en butte de bien affreuses calomnies et subir de bien rudes preuves. Je n'ai pas vu cette nuit ce qui fut cause de sa mise en jugement et de l'preuve du feu qu'on lui fit subir, mais je l'avais vu prcdemment. Elle tait trop bonne pour un serviteur qui, lui aussi, avait eu dj beaucoup souffrir par suite d'accusations mensongres. - Je vis sa mort et celle de son mari. Je vis que son mari fut enterr dans une glise qu'il avait fait btir : elle tait ddie Saint-Pierre ( Bamberg). Je ne sais plus si ce fut dans cette glise ou dans une autre qu'elle assista un service funbre pour son mari, revtue d'un magnifique costume imprial, et qu'ensuite, devant cinq vques, elle dposa sa couronne et son riche vtement sous lequel elle portait un simple habit de religieuse, du mme genre que celui de Sainte Walburge. Elle mit aussi un voile sur sa tte. Les gens qui l'avaient vue entrer en si grande pompe furent mus jusqu'aux larmes lorsqu'ils la virent sortir. Peu de jours avant sa mort, son ange gardien lui dit que son mari viendrait la prendre son dernier moment. Je le vis en effet venir elle, et avec lui des mes innombrables de pauvres qu'elles avait nourris et d'autres personnes auxquelles elle avait fait du bien. Et je vis que ceux-ci taient ses enfants spirituels et que son mari lui montra ces nombreux enfants comme le fruit de leur union. È
4 juin. Ç Elle continue souffrir d'un violent mal d'oreilles et d'une demi-surdit. C'est une douleur trs-raffine et elle sent distinctement combien est vrai le symbole du joyau finement travaill ajouter la couronne de Sainte Cungonde. La douleur procde par lignes et par mouvements trs-subtils. Elle avait vu ce qu'elle avait faire comme un travail d'une lgance exquise et, cause de cela, elle n'avait pas voulu l'entreprendre, È
5 juin. Ç La douleur d'oreille et la duret de lÕouie continuent, mais cessent parfois pendant plusieurs heures la suite de l'imposition des mains du confesseur. Celui-ci ressent alors une douleur cuisante la main comme si elle tait pique par des orties. Il est remarquable qu'elle sait trs-bien dans son intrieur comment cette souffrance lui est impose et comment elle lui a t annonce symboliquement par le fragment de couronne que sainte Cungonde lui a donn travailler, et pourtant, dans ses rapports avec l'extrieur, elle parle chaque instant d'inflammation, de surdit, etc., et mme demande au mdecin des remdes que celui-ci lui prescrit, mais dont elle n'use pas. È
6 juin. ÇElle dclare que sa douleur d'oreilles doit durer jusqu' la Pentecte. Dieu veut ce travail, il se servira d'elle, elle est l pour cela. Ç Cungonde, dit-elle, a t mise en contact avec moi par suite d'un rapport secret qu'ont, les uns avec les autres, tous ceux qui, ds le premier ge, ont t affranchis de la convoitise de la chair. Il est impossible d'expliquer cela au monde, cause de son impuret ; il y a l un secret de la nature inconnu. Du reste, j'ai avec elle une parent selon la chair par une ligne de ses anctres. È
8 juin. Ç Sa difficult d'entendre et son mal de tte durent toujours. Cette nuit le tentateur s'est de nouveau prsent elle sous la forme d'un ange. Il lui a dit que, puisqu'Overerg ne venait pas la voir, elle ferait bien de s'adresser lui, qu'il lui viendrait en aide. Comme elle rflchissait l-dessus et se tournait vers Dieu, elle reconnut Satan et le poussa hardiment loin d'elle. È
9 juin. Ç Elle s'est trouve sans mal de tte, comme elle l'avait annonc d'avance, mais la difficult d'entendre subsiste. Elle a, dit-elle, fini et remis Dieu la couronne que Cungonde lui avait donne achever. Cungonde lui a aussi montr pour qui ce travail a t fait. Ç J'ai vu un protestant fort considr, qui pense revenir l'glise et qui lui rendra des services; ds prsent il fait, sans bruit, beaucoup de choses pour les catholiques. Il connat personnellement le Pape. Ma souffrance, ajouta-t-elle, doit tre le prix et l'achvement de la couronne qui lui est destine, s'il triomphe de son amour-propre et suit le mouvement de son coeur. Moyennant mon travail uni aux mrites de Jsus-Christ la couronne a t termine pour lui. È
11. La Pentecte. - La montagne des Prophtes
Ç J'ai vu la Pentecte, en tant que fte de l'glise, et la communication de l'Esprit-Saint travers le monde entier, m'a t montre dans plusieurs tableaux, ainsi que cela m'est souvent arriv. J'ai aussi vu les douze nouveaux Aptres et leur rapport avec l'glise. J'ai vu encore une glise spirituelle se former de beaucoup de paroisses runies et, celles-ci recevoir le Saint-Esprit. C'tait un nouveau rveil de l'glise catholique. J'ai vu un trs-grand nombre personnes recevoir l'Esprit-Saint. È
Ç J'ai fait cette nuit un grand voyage et je suis alle notamment sur la montagne des Prophtes. J'ai aussi revu le paradis qui en est voisin. Sur la montagne des Prophtes tout tait comme l'ordinaire. Je vis l'homme crire sous la tente, ranger des livres et des critures, effacer et brler, beaucoup de choses. Il me sembla aussi qu'il donnait quelques feuilles des colombes qui les emportaient en sÕenvolant. J'eus aussi une vision de l'Esprit-Saint comme une figure aile, dans une surface triangulaire, avec une effusion de lumire de sept couleurs. Je vis comment cette lumire se rpandait sur l'glise spirituelle planant en l'air, et sur ceux qui se trouvaient en relation avec elle. Dans la vision sur l'effusion du Saint-Esprit, j'eus l'impression que cette effusion avait aussi une action sur la nature. Je me trouvais au-dessus du globe de la terre, dans le voisinage de la montagne des Prophtes et je vis que les eaux qui en descendent dployaient au-dessus de la terre comme une tenture de crpe transparent et de couleurs varies. Je vis toutes sortes de choses briller travers. Chaque couleur procde d'une autre un peu diffrente et produit d'autres effets: si le voile se dchire, la pluie se rpand. Ces effusions sont lies certains temps et des saints y prsident avec leurs ftes et la clbration de leurs victoires. Le jour de la fte d'un saint est le vritable jour de la rcolte, celui o sont cueillis ses dons qu'il porte, comme un arbre ses fruits. Ce que les mes ne reoivent pas comme effusion des dons spirituels, la nature le reoit sous forme de pluie et de rose, et c'est ainsi que la surabondance de pluie peut devenir un chtiment de Dieu. Je vois souvent de mauvaises gens dans des lieux fertiles o la bndiction de la terre nourrit leur chair et, dans des pays pauvres, des gens de bien qui reoivent dans le Saint-Esprit la bndiction de la terre. Si la terre et l'homme taient en parfaite harmonie, ce serait le paradis. La prire matrise la temprature et les jours marqus dans les anciens proverbes relatifs au temps sont comme des jours o se font des distributions. Quand il est dit dans un de ces proverbes : Ç S'il pleut le troisime jour de la Pentecte, le grain ne schera pas; È cela peut signifier: Ç Si les dons spirituels qui sont distribus aux hommes ne sont reus que dans une faible mesure, ils se changent en eau qui se rpand comme un chtiment. È Je vois la vie de la nature troitement lie la vie des mes. È
Ç Le vent est quelque chose de merveilleux. Je vois souvent la tempte apporter une maladie d'une contre loigne. Cela m'apparat comme un globe plein de mauvais esprits. Les vents violents sont difficiles supporter pour moi ; je les ai toujours eus en aversion. Les toiles filantes aussi m'taient antipathiques ds ma jeunesse. L o elles tombent, je vois l'air plein de mauvais esprits. tant enfant, quand le voyais le soleil se lever et se coucher, je le croyais vivant et je me disais : Ç Il pleure sur les nombreux pchs qu'il est forc de voir. È Le clair de lune m'et t agrable cause du calme et du silence; mais j'avais le sentiment des crimes nombreux qu'il favorise et de la pression pesante et sensuelle qu'il exerce sur les hommes, car la lune est plus profondment dchue que le soleil. È
12. Judith en Afrique.
Ç J'allai prs de Judith ; dans les montagnes de la Lune. Il y avait eu beaucoup de changements. A l'endroit o, en partant de l'habitation de ses soeurs, on arrivait au chteau de Judith par un pont jet sur un ravin, il n'y avait plus de ravin. Il semblait qu'un boulement l'et combl. On pouvait arriver de plain-pied la maison. Judith, qui me fit l'effet d'tre bien plus ge, me sembla beaucoup plus rapproche du christianisme ou mme rellement chrtienne dans lÕme, quoique vraisemblablement elle ne ft pas encore baptise. S'il y avait l un prtre, cela se ferait tout de suite. Dans la chambre o je l'avais vue un jour prendre du caf avec plusieurs personnes, il y avait comme un petit autel. On voyait dessus l'image d'un petit enfant couch comme dans une jatte et il y avait devant comme une excavation, une espce de bassin pratiqu dans l'autel, o je vis une petite cuiller et un couteau blanc qui semblait en os ou en pierre. Des lampes brlaient au-dessus et il y avait des pupitres avec des rouleaux d'criture. Elle tait l en prire, avec beaucoup de personnes plus jeunes ; elle avait aussi un vieillard comme assistant. Toutes ces gens semblaient arrivs avec elle la conviction, nouvelle pour eux, que le Messie tait dj venu. Je ne vis pas encore de croix. Dans la chambre d'en haut o taient les nombreuses ttes antiques, les vieux juifs taient encore rassembls part. Le trsor qui tait dans le caveau avait notablement diminu; Judith donnait beaucoup aux pauvres gens. L'endroit qu'elle habite est admirablement situ. De sa maison, on voit au couchant, au-del d'une valle profonde, une montagne qui brille et tincelle au soleil comme si elle tait parseme d'toiles. De l'autre ct, dans un lointain trs recul, s'lvent, sur des montagnes, de hautes tours d'un aspect trange et de longs btiments. On ne peut pas voir cela de la maison; mais je l'ai vu ainsi. J'ai vu encore les gens qui habitent prs du Gange. Ils avaient dj leur glise en bon ordre et aussi prs d'eux un vieil ecclsiastique : c'tait, je crois, un missionnaire. È
43. Souffrances pour les cinq vchs de la province du Haut-Rhin.
Mars 1820.. Ç Je passai par Francfort (note) qui tait sur mon chemin et je vis dans une grande maison, peu loigne de la grande glise, se runir une socit qui va mettre en dlibration de mauvais projets. J'y vis des ecclsiastiques.
Des diables taient assis sous les fauteuilsÉ Dans un autre voyage, je revins la grande maison. Satan tait couch devant l'entre, sous la forme d'un chien noir avec des yeux rouges et il dormait. Je le poussai du pied et lui dis : Ç Debout ! Satan; pourquoi dors-tu ici ? - Je puis dormir tranquillement ici, rpondit-il; ceux qui sont l dedans font eux-mmes mes affaires. È
Elle vit aussi, dans un tableau symbolique, les rsultats de ce nouvel art de btir appliqu l'glise : Ç Je me trouvai, dit-elle, dans un navire tout perc et j'tais couche au fond, la seule petite place qui ft encore intacte ; les gens taient assis sur les deux bords du navire. Je priais continuellement pour qu'ils ne fussent pas prcipits dans les flots : cependant ils me maltraitrent et me donnrent des coups de pied. Je voyais chaque instant le navire au moment de couler et j'tais malade mourir. Enfin ils furent forcs de me conduire terre o mes amis m'attendaient pour me mener dans un autre endroit.
(note) Prcisment en ce moment des dlgus ecclsiastiques et laques des petits tats d'Allemagne s'taient runis pour la deuxime fois et dlibraient sur les moyens prendre pour arriver peu peu l'extinction du catholicisme dans cinq diocses.
Je priais toujours pour que ces malheureux dbarquassent aussi : mais peine tais-je sur le rivage que le navire coula fond et aucun de ceux qui y talent ne se sauva, ce qui me remplit de tristesse. Dans l'endroit o j'allai il y avait une grande abondance de fruits. È
Le mercredi d'aprs le dimanche de la Passion, 22 mars 1820, cette runion avait tenu Francfort sa premire sance en forme, pour dlibrer sur les moyens prendre pour s'emparer de Jsus par la ruse et le livrer la mort. Ils disaient : Ç Que ce ne soit pas la clart du jour, de peur que le Pape ne s'en aperoive et ne fasse quelque clat ! È Pendant qu'ils tenaient ainsi conseil, la pieuse vierge avait les yeux tourns vers eux et elle allait entrer en lutte avec eux. Ç Je porte, dit-elle, un norme fardeau sur l'paule droite. Je me suis charge de trop de souffrances, afin de satisfaire pour autrui. Je succombe presque la peine. J'ai maintenant de si tristes visions sur l'tat de l'humanit et notamment sur celui du clerg (note), que je ne puis m'empcher de m'imposer sans cesse de nouveaux fardeaux. J'ai pri pour que Dieu daigne toucher le coeur de ses ennemis les plus endurcis et que, pendant ces saintes ftes de Pques, ils reviennent des dispositions un peu meilleures. Je dis Dieu que je voulais chercher les plus endurcis parmi ceux que je connais, ou, comme il sait auxquels d'entre eux mes travaux et mes souffrances sont le plus ncessaires, je lui demandai la grce de souffrir pour ceux-l.
(note) Ç Je vois, dit-elle un jour, une quantit d'ecclsiastiques frapps d'excommunication qui ne semblent pas s'en inquiter, ni mme le savoir. Et pourtant ils sont excommunis, quand ils prennent part des entreprises, qu'ils entrent dans des associations et adhrent des opinions sur lesquelles pse l'anathme. Je vois ces hommes entours d'un brouillard comme d'un mur de sparation. On voit par l combien Dieu tient compte des dcrets, des ordres et des dfenses du chef de l'glise et les maintient en vigueur quand mme les hommes ne s'en inquitent pas les renient et s'en moquent. È
Alors je me sentis tout coup leve en l'air; ce fut comme si j'tais entre le ciel et la terre. Il me sembla d'abord tre dans un vaisseau brillant de lumire et je fus comme traverse par des accs de souffrances raffines, indfinissables, qui n'ont pas encore cess; en outre l'oppression dans le ct droit allait croissant. Quand je regardai au-dessous de moi, je vis trs-distinctement, travers un crpe de couleur sombre, les erreurs, les garements et les pchs innombrables des hommes, et avec quelle sottise et quelle mchancet ils agissent contre toute vrit et toute raison. Je vis des scnes de toute espce : je revis le navire en dtresse portant ces hommes convaincus de leur immense mrite et admirs aussi par bien d'autres, passer prs de moi sur une mer dangereuse et je m'attendais chaque instant le voir prir. Je connaissais parmi eux des prtres et je souffris de grand cÏur pour les aider venir rsipiscence. Je vis aussi au-dessous de moi divers endroits o se mouvaient tristement une multitude de figures gristres. C'taient des cimetires, dont on ne savait plus qu'ils eussent jamais exist. Je vis aussi diverses mes errer dans des lieux solitaires o elles avaient pri ou peut-tre fait mourir quelquÕun, je ne me rappelle pas bien lequel des deux, mais il m'a t dit, ce me semble, que ces mes se tenaient l pour quelque chose qui se rapportait l'expiation de meurtres commis. Je cherchais obtenir la gurison et le pardon pour tout ce que je voyais en demandant de nouvelles souffrances. Mais, quand je regardai au-dessus de moi, je vis, comme contraste aux abominations d'en bas; un spectacle cleste et tellement beau que j'en fus blouie. Je vis tous les saints; les choeurs des anges et le trne de la trs-sainte Trinit : je vis en dtail toutes les souffrances de notre Sauveur et comment il offrait pour nous chacune d'elles son Pre cleste : et je vis aussi la Mre de Dieu offrir de nouveau ses douleurs par Jsus, ce que faisaient galement tous les saints. C'est une vision o la varit et l'unit, le mouvement et le repos, la magnificence suprme, l'amour et l paix s'unissent d'une faon qui ne peut s'exprimer. Tandis que je regardais ainsi en haut, je m'aperus tout coup que je me trouvais sur une balance, car je vis le flau et l'aiguille au-dessus de moi. Et alors je vis dans l'autre bassin, qui tait fort abaiss vers la terre et plong dans l'obscurit, les plus endurcis placs au milieu et les autres assis tout autour sur le bord ainsi qu'ils faisaient dans ce navire que jÕavais vu. Comme alors mes douleurs redoublrent ainsi que ma patience et mes supplications, le bassin monta un peu. Mais il tait trop lourd et je vis la plupart de ces hommes tomber du bord. Tous ceux pour lesquels je donnais mes souffrances comme contre-poids, restrent vivants. Quand je regardai en haut, pleine de joie, je vis le ciel et le secours de Jsus. J'ai bien obtenu quelque chose par mes souffrances, avec la grce de Dieu : mais ces personnes ont le coeur dur comme la pierre, elles tombent d'un pch dans un autre qui est souvent pire. È
L'astuce avec laquelle ces contracteurs cherchaient colorer leurs intrigues lui apparut sons la forme du tentateur, et elle vit, en mme temps, quel salaire ils recevaient pour cela : Ç Lorsqu-'aprs mon examen de conscience, dit-elle, je me fus recommande aux plaies de Jsus, je tombai dans une grande angoisse. Je vis prs de moi un ecclsiastique lequel me dit qu'il venait de Rome et qu'il en rapportait des objets sacrs de toute espce. Il voulait me les donner. Je ressentais une grande rpugnance pour lui et pour ses dons. Il me mit sous les yeux des petites croix et des toiles diversement travailles ; mais aucune n'tait comme elle et d tre ; toutes taient de travers, contournes, pleines d'tranges dfectuosits. Il me fit de longs discours, me dit quÕil avait parl de moi au Pape. Et que je n'avais pas le confesseur qu'il m'et fallu : il me dbitait de si belles paroles que, quoiqu'il me ft tout fait antipathique, je me disais pourtant : Ç Peut-tre que je lui fais tort. È Mais lorsque j'examinai de nouveau ses singuliers objets sacrs, je lui dis, en le priant de ne pas le prendre en mauvaise part, que j'avais reu rcemment de Rome et de Jrusalem des objets du mme genre qui n'taient pas sans doute artistement travaills, mais que ce qu'il apportait semblait mass dans une affreuse marnire ou dans un vieux tombeau abandonn. L-dessus il me demanda comment je pouvais avoir une si mauvaise ide d'un homme innocent. Mais je ne voulais plus entendre parler de lui et je dis : Ç J'ai Dieu et les ossements des saints; je n'ai pas besoin de toi. Puis je lui tournai le dos. Alors il disparut. J'tais tremblante, baigne de sueur; et je priai Dieu de ne plus me faire en rencontrer qui me mit dans une telle angoisse. Quelques jours aprs il s'approcha de nouveau sous la figure un ecclsiastique qui, pendant longtemps, avec beaucoup d'hypocrisie et d'astuce, essaya de me mettre dans l'esprit toutes sortes de scrupules et me dit notamment que je me mlais de trop de choses, etc. Enfin je dcouvris que c'tait Satan, car il finit par dire qu'on me trouvait partout et qu'on n'avait nulle part de repos cause de moi. È
Les mauvais desseins qui empchrent si longtemps de faire cesser la vacance des siges piscopaux, lui furent montrs dans une vision touchante dont les terribles souffrances qu'elle eut supporter cette occasion ne lui permirent de communiquer que le peu qui suit : Ç Dans un voyage la maison des noces je passai par un champ ct duquel tait une cabane. Je trouvai un fianc qui attendait une fiance. Je me rendis une grande maison voisine du champ o taient les apostats; je rencontrai l une fiance qui tait trs-bonne. lie paraissait fort joyeuse d'aller avec moi. Il y avait aussi l son frre (note), chez lequel il y avait quelque chose d'trange et qui s'en retourna quand nous fmes moiti chemin. Je conduisis la fiance l'homme qui tait dans la cabane. Il l'accueillit avec beaucoup d'amour et de joie et lui prsenta des mets de belle apparence, mais qui tous semblaient tre des aliments spirituels. La fiance lui avait donn la main et paraissait vraiment bonne : mais elle s'excusa encore et s'en alla de nouveau sans prendre de parti. Le fianc en tait trs afflig ; mais il la regarda partir trs-tendrement. Il voulut attendre son retour et n'en pas prendre d'autre sa place. Il me fit tant de piti que je lui donnai un peu d'argent que j'avais sur moi et qu'il accepta. J'eus le sentiment que c'tait le fianc cleste et que la fiance tait son troupeau. L'argent que je lui donnai tait ma prire et mon travail par lesquels je m'tais engage envers lui pour elle. Ah! si la fiance pouvait voir le fianc ! Comme il la dsirait, comme il la suivait des yeux, comme il l'attendait, elle qui le quittait avec tant d'indiffrence! Combien n'a-t-il pas t fait pour elle! Que de facilits lui ont t donnes! Et pourtant elle l'a quitt! È
La vision de la fiance et du fianc se rpta sous les formes les plus varies, chaque fois qu'elle eut prier pour que les siges piscopaux fussent remplis, et travailler pour prvenir les consquences funestes qu'elle voyait rsulter de l'intrusion de sujets indignes. Ainsi, dans le mois de novembre, elle eut prier pour les cinq diocses durant huit jours, partir de la fte de saint Martin (note), et pendant ce temps sa prire fut toujours accompagne de la vision d'un mariage spirituel.
(note) Le pouvoir sculier.
(note) Saint Martin lui vint en aide comme patron d'une glise dont le premier pasteur suscita plusieurs obstacles la sollicitude paternelle du Pape pour les cinq fiances.
Ç Je vis, dit-elle, la fiance trs belle et trs-sainte. JÕtais sa demoiselle d'honneur avec quatre autres. Mais le fianc avait l'air sombre et sinistre; il avait cinq garons dÕhonneur. On but et on fit des rjouissances toute la journe. Mais, vers le soir, il vint un autre fianc d'une beaut merveilleuse qui mit le premier la porte et lui dit : Ç Cette fiance est trop noble et trop sainte pour toi. È Pendant ces jours-l, je fus continuellement en contemplation : je vis la maison o l'on devait clbrer la fte comme une glise et la fiance si belle et si sainte qu'on ne pouvait la regarder qu'avec une crainte respectueuse. È
Un faux prtendant la main de la fiance est mis hors de la vigne de l'glise.
Un jour Anne Catherine resta six heures dans un tat inaccoutum de sueur violente, avec paralysie de l'paule droite et du ct droit. La sueur coulait de la tte et de la poitrine et traversait tout dans le lit. En outre elle souffrait d'une coqueluche incessante et elle dit qu'il lui avait t annonc d'avance que cela durerait six heures. Pendant ce temps, elle tomba plusieurs fois en dfaillance. Ensuite elle raconta ce qui suit : Ç Lorsque tout rcemment j'tais ans la maison des noces, je trouvai des haies de noyers contre le choeur de l'glise, l o il y avait ordinairement de beaux ceps de vigne. Prcisment derrire le matre-autel, il y avait l'extrieur un rideau de noyers assez hauts, avec des noix mres. Je vis l un dignitaire ecclsiastique avec une croix. Ce devait tre quelque chose comme un vicaire gnral. Il s'approcha avec un casse-noix que je distinguai fort bien, cassa et mangea une bonne quantit de noix, puis entra dans l'glise. Je vis qu'il cachait les coquilles. Je fus affecte de la grande inconvenance qu'il commettait en entrant dans l'glise aprs avoir cass ses noix. Cet acte de casser les noix tait le symbole de la discorde et de la fausset. Il venait de la maison funeste qui tait relie par l'escalier la maison des noces et o, se rassemblent ceux qui n'entrent pas par la vraie porte. Mais il fut chass de l'glise. Cet homme tait la cause de ma sueur, de ma grande douleur l'paule et de la paralysie de mon ct droit. Il me fut montr comme quoi, aprs avoir t rejet hors de l'glise, il se tenait devant un mur et ne pouvait plus avancer ni reculer. Je le pris par les paules et je le hissai avec une peine incroyable jusqu'au haut du mur. Il me fut donn entendre, que je devais seulement le laisser tomber de l'autre ct, mais je vis qu'il se briserait tout le corps et je le portai en bas avec une fatigue inexprimable. Ensuite je le tranai encore dans un pays o je n'avais jamais t. J'y allai d'ici en remontant le cours d'un grand fleuve, puis au del d'un lac prs duquel tait une ville (Constance). Autour du lac on voyait beaucoup de villages et aussi de petites villes. Pendant que je portais mon lourd fardeau travers le lac, des mains invisibles plaaient sous moi des planches troites qui passaient tour tour l'une devant l'autre; quand je marchais sur l'troite planche, elle s'enfonait, puis remontait. Ce fut un passage difficile; cependant je portai l'homme jusqu'au bout. A l'arrire-plan on voyait de hautes montagnes. J'ai dj-vu plus d'une fois cet ecclsiastique (Wessenberg) dans la maison des noces. C'est un homme mondain ; les protestants lui sont trs-favorables et lui eux. Il les aidera beaucoup s'il peut arriver. Il s'est mis en possession de sa charge par des luttes et des artifices de toutes sortes, c'est ce que signifie le casse-noix. Il est fort oppos au Pape et il a encore de nombreux adhrents. Dernirement j'ai beaucoup pri pour l'glise et pour le Pape et c'est alors que j'ai t charge de ce travail. Il est trs-dsirable que cet homme soit amen se tenir en repos sans trop, de scandale de la part de ses partisans. Ce serait un grand coup port aux protestants- car ils l'ont constamment excit et dfendu. Il m'a t aussi montr que les protestants prennent la haute-main, mais ils perdront dj beaucoup si ce mauvais prtre n'arrive pas. È
Ç Elle fut ds lors incessamment occupe repousser les attaques des ennemis de l'glise, et les efforts que lui occasionnaient ces travaux en esprit taient si grands, que souvent tout son corps semblait se fondre en sueurs.
Ç Elle est malade, trs-malade, dit le Plerin, et d'une maladie o les causes naturelles ne sont pour rien. Elle est dans un tat de changement perptuel; tantt inonde d'une sueur glace comme si elle tait l'agonie, tantt comme brillante de sant : elle tombe d'une dfaillance dans une autre. Elle dit qu'elle a entrepris une grande chose et qu'elle a dj beaucoup fait. Quand ses souffrances deviennent tout fait intolrables, il lui vient une vision qui la console et la rjouit au point qu'elle ne peut s'empcher de rire. Ainsi lorsqu'elle tait tout abattue par l'excs de souffrances, saint Benot est venu et l'a plaisante amicalement de ce qu'elle trbuchait toujours comme un petit enfant, quoique dj avance en ge. Saint Joseph l'a conduite dans un champ plein de fleurs et lui a dit : Ç Marche dessus sans en briser aucune. È Cela ne lui tait pas possible; il n'y a que l'enfant Jsus qui le puisse, et Joseph lui dit : Ç Tu, vois bien que tu n'es pas ta place ici. È On lui a montr aussi un grand trsor form de perles, c'est--dire de grces perdues et foules aux pieds, qu'elle doit recueillir l'aide de ses souffrances afin de payer la dette de ceux qui ont mpris ces grces. Ses sueurs sont un supplice qui l'affaiblit mortellement; elle l'offre constamment pour les mes du purgatoire. Elle a t souvent aussi conduite prs d'elles et a vu que ces mes devenaient plus claires d'heure en heure et la remerciaient pour la consolation que leur avait procure l'offrande faite pour elles. tant alle dans la maison des noces, elle y a vu de nouveau les dangereuses menes du faux prtendu de la fiance. Ç Dans la maison des noces, dit-elle, j'ai trouv peu d'ecclsiastiques qui fussent mon gr. Il m'a fallu faire la cuisine pour eux, c'est--dire leur prparer des aliments spirituels. Beaucoup se mirent ensemble table et je vis celui que j'avais port s'y asseoir trs-effrontment avec cinq de ses adhrents. J'avais prpar trois plats que j'apportai ; alors cet impudent dit d'un air trs-ddaigneux : Ç Le Pape nous a donn l un fameux cuisinier; maintenant nous n'aurons manger que des pois gris. È
14. Dans la semaine d'aprs Pques de 1820, elle eut une vision touchant le mal immense que cet homme et ses adhrents faisaient l'glise et celui que faisaient les rsolutions de Francfort. Ç Je vis, dit-elle, sur une verte prairie (note) beaucoup de gens, parmi lesquels il y avait des savants, se runir part : et il apparut une nouvelle glise dans laquelle ils se trouvrent rassembls. Cette glise tait ronde avec une coupole grise et tant de gens y affluaient que je ne comprenais pas comment l'difice pouvait les contenir tous. C'tait comme un peuple entier. Cependant elle devenait de plus en plus sombre et noire et tout ce qui s'y faisait tait comme une noire vapeur.
(note) La plaine verte ou la prairie dsigne les ftes de l'glise, l'anne ecclsiastique, la communion des fidles dont les propagateurs et amis des prtendues lumires ne veulent pas sortir, malgr leur incrdulit et leur rvolte coutre les chefs de l'glise, parce qu' la manire des jansnistes, ils travaillent dtruire l'glise du dedans au dehors. C'est pourquoi ils se rassemblent Ç part È sur la prairie, c'est--dire dans l'glise, y btissent une glise Ç particulireÈ o ils rpandent Ç leurs lumires, È c'est--dire la nuit de l'incroyance et les horreurs de la mort spirituelle. L o pntrent les prtendues Çlumires, È elles produisent les tnbres, la mort et la pourriture.
Ces tnbres se rpandirent au dehors, toute la verdure se fltrit; plusieurs paroisses des environs furent envahies par l'obscurit et la scheresse, et la prairie une grande distance devint comme un sombre marcage. Je vis alors plusieurs troupes de gens bien intentionns, courir vers un ct de la prairie o il y avait encore de la verdure et de la lumire. Je ne puis trouver de termes pour dcrire l'action terrible, sinistre, meurtrire, de cette glise. Toute verdure se desschait, les arbres mouraient, les jardins perdaient leur parure. Je vis, comme on peut voir dans une vision, les tnbres produire leur effet une grande distance ; partout o elles arrivaient, s'tendait comme une corde noire. Je ne sais pas ce que devinrent toutes les personnes qui taient entres dans l'glise. C'tait comme si elle dvorait les hommes (note) : elle devenait de plus en plus noire, elle ressemblait tout fait du charbon de forge et s'caillait d'une manire affreuse. Aprs cela j'allai, guide par trois Anges, dans un lieu verdoyant entour de murs, grand peu prs comme le cimetire qui est ici devant la porte ; j'y fus place comme sur une banquette leve. Je ne sais pas si j'tais vivante ou morte; mais j'avais une longue robe blanche. Le plus grand des trois me dit : Ç Dieu soit lou ! Il restera encore ici de la lumire et de la verdure. È Alors il tomba du ciel, entre moi et l'glise noire, comme une pluie de perles brillantes et de pierres prcieuses blouissantes (note) et l'un de mes compagnons m'ordonna de les recueillir. Puis ils me quittrent. Je ne sais s'ils partirent tous ; je me souviens seulement que, dans la grande anxit que me causait l'glise noire, je n'eus pas le courage de recueillir les pierres prcieuses.
(note) C'est--dire dans le sens spirituel, elle les prive de la vie de la grce par la destruction de la foi et de la vie chrtienne qui nat de la foi.
(note) Les mrites de ses souffrances et de ses prires qui arrtent le progrs de la corruption.
Mais lorsque l'Ange revint moi, il me demanda si je les avais recueillies et je lui rpondis que non; sur quoi il m'ordonna de le faire tout de suite. Alors je me tranai en avant et je trouvai encore trois petites pierres avec des facettes tailles comme des cristaux. Elles taient ranges par ordre : la premire tait bleue, la seconde d'un rouge clair, la troisime d'un blanc brillant et transparent. Je les portai mes deux autres compagnons qui taient plus petits que le premier, et, tout en marchant et l, ils les frottrent les unes contre les autres et en firent jaillir les plus belles couleurs et les plus beaux rayons de lumire qui se rpandirent partout. L o ils arrivaient, la verdure renaissait, la lumire et la vie se propageaient. Je vis aussi d'un ct l'glise tnbreuse se dgrader. Puis, tout coup, une trs-grande foule se rpandit dans la contre verdoyante et claire, se dirigeant vers une ville lumineuse. De l'autre ct de l'glise noire tout resta encore dans une nuit sombre. È
15. La vision suivante, o tous les ravages exercs par l'incrdulit dans l'glise de son poque et le renouvellement futur de celle-ci lui furent montrs, comprend encore plus de choses. Il lui fut dit, cette occasion, que la vision embrassait sept priodes de temps. Malheureusement, lorsqu'elle la raconta, elle ne fut pas en tat de bien marquer ces priodes, ni de dire, parmi les scnes et les faits qui passrent sous ses yeux, lesquels auraient lieu de son vivant, lesquels se produiraient seulement aprs sa mort.
Ç Je vis la terre comme une surface ronde qui tait couverte d'obscurit et de tnbres. Tout se desschait et semblait prir. Je vis cela avec des dtails innombrables chez des cratures de toute espce, telles que les arbres, les arbrisseaux, les plantes, les fleurs et les champs. C'tait comme si l'eau tait pompe dans les ruisseaux, les fontaines, les fleuves et les mers, ou comme si elle retournait sa source, aux eaux qui sont au-dessus du firmament et autour du paradis. Je traversai la terre dsole et je vis les fleuves comme les lignes menues, les mers comme de noirs abmes o l'on ne voyait plus qu'au centre quelques flaques d'eau. Tout le reste tait une vase paisse et trouble dans laquelle je voyais les animaux et des poissons normes embourbs et luttant contre la mort. J'allai assez loin pour pouvoir reconnatre le rivage de la mer o j'avais vu autrefois noyer saint Clment. Je vis aussi des lieux et des hommes dans le plus triste tat de confusion et de perdition et je vis, mesure que la terre devenait plus dsole et plus aride, les Ïuvres tnbreuses les hommes aller croissant. Je vis beaucoup d'abominations dans un grand dtail; je reconnus Rome et je vis l'glise opprime et sa dcadence l'intrieur et l'extrieur. Je vis de grandes troupes venant de plusieurs pays se diriger sur un point et des combats se livrer partout. Je vis au milieu d'eux une grande tache noire, comme un norme trou; ceux qui combattaient l'entour devenaient de moins en moins nombreux, comme si plusieurs y fussent tombs sans qu'on le remarqut. Pendant ce temps, je vis encore au milieu des dsastres les douze hommes dont j'ai dj parl, disperss en diverses contres sans rien savoir les uns des autres, recevoir des rayons de l'eau vive. Je vis que tous faisaient le mme travail de divers cts; qu'ils ne savaient pas dÕo il leur tait command et que quand une chose tait faite, une autre leur tait donne faire. Ils taient toujours douze, dont aucun n'avait plus de quarante ans. Il y avait parmi eux trois prtres et quelques-uns qui voulaient le devenir. Je vis aussi qu'il y en a un avec lequel j'ai quelque fois des rapports, qui est connu de moi ou qui demeure dans mon voisinage. Il n'y avait rien de particulier dans leur costume, mais chacun tait
habill la faon de son pays et suivant la mode actuelle : je vis que tous recevaient de Dieu ce qui s'tait perdu et qu'ils opraient le bien de tous les cts ; ils taient tous catholiques. Je vis aussi chez les tnbreux destructeurs de faux prophtes et des gens qui travaillaient contre les crits des douze nouveaux aptres. Je vis souvent ceux-ci disparatre dans le tumulte et toujours en sortir plus brillants. Je vis aussi une centaine de femmes assises comme dans l'tat de ravissement et prs d'elle des hommes qui les magntisaient; je les vis prophtiser. Mais elles m'inspiraient de la rpugnance et de l'horreur et, comme je crus voir aussi la personne de Munster (note), je me dis avec anxit que du moins le pre (son confesseur) ne serait pas prs d'elle. Comme les rangs de ceux qui combattaient au tour de l'abme tnbreux allaient s'claircissant de plus en plus, et comme pendant le combat toute une ville avait disparu (note), les douze hommes apostoliques gagnaient sans cesse un plus grand nombre d'adhrents, et de l'autre ville (Rome, la vritable ville de Dieu) partit comme un coin lumineux qui entra dans le disque sombre. Je vis au-dessus de l'glise, fort amoindrie, une femme majestueuse revtue d'un manteau bleu de ciel qui s'talait au loin, et portant une couronne d'toiles sur sa tte. La lumire partait d'elle et entrait toujours plus avant dans les sombres tnbres. L o cette lumire pntrait, tout se renouvelait et fleurissait. Je vis dans une grande ville une glise qui tait la moindre devenir la premire (note). Les nouveaux aptres se runirent tous dans la lumire.
(note) Voir le tome 1er
(note) C'est--dire l'difice de la fausse glise avec ses dpendances.
(note) Allusion la naissance de l'archiconfrrie du Trs-Saint et Immacul Coeur de Marie comme commencement de la rnovation de la vie chrtienne. La moindre glise de Paris, Notre-Dame-des-Victoires, est vritablement devenue une des premires glises du monde et un gage que Marie crasera la tte de l'incrdulit et de l'hrsie.
J'ai cru me voir au premier rang avec d'autres que je connaissais, (c'est--dire avec ceux qui avaient contribu comme elle et d'une manire semblable au bienfait de la rnovation). Maintenant tout refleurissait. Je vis un nouveau Pape trs ferme, je vis aussi le noir abme se rtrcir de plus en plus : la fin il tait arriv ce point qu'un seau d'eau pouvait en couvrir l'ouverture. En dernier lieu je vis encore trois troupes ou trois runions d'hommes s'unir la lumire. Ils avaient parmi eux des gens de bien clairs, et ils entrrent dans l'glise. Alors tout se renouvela. Les eaux abondaient de toutes parts: tout tait vert et fleuri. Je vis btir des glises et des couvents. Pendant que l'affreuse scheresse durait encore, je fus porte travers une prairie verdoyante, pleine de ces fleurs blanches que j'avais eues cueillir autrefois. Ensuite je rencontrai une haie d'pines laquelle je m'tais fort dchire pendant la priode des tnbres: elle tait maintenant couverte de fleurs et j'y entrai joyeusement.
16. Elle vit aussi, avec leurs terribles consquences, les mesures que les propagateurs des lumires prenaient, partout o ils arrivaient au pouvoir et l'influence, pour abolir le culte divin ainsi que toutes les pratiques et les exercices de pit, ou pour en faire quelque chose d'aussi nul et d'aussi vain que l'taient les grands mots de lumire, de charit, d'esprit, sous lesquels ils cherchaient cacher eux-mmes et aux autres le vide dsolant de leurs entreprises o Dieu n'tait pour rien.
Le 12 avril 1820, elle raconta ce qui suit: Ç J'ai eu encore une vision sur la grande tribulation, soit chez nous, soit dans des pays loigns. Il me semblait voir qu'on exigeait du clerg une concession qu'il ne pouvait pas faire. J'ai vu beaucoup de vieux prtres et quelques vieux franciscains, qui toutefois ne portaient pas l'habit de leur ordre et notamment un ecclsiastique trs-g, pleurer bien amrement. J'en vis aussi quelques jeunes pleurer avec eux. J'en vis d'autres, parmi lesquels tous les tides, se prter volontiers ce qu'on demandait d'eux. Je vis les vieux, qui taient rests fidles, se soumettre la dfense avec une grande affliction et fermer leurs glises. Je vis beaucoup d'autres gens pieux, paysans et bourgeois, s'attacher a eux : c'tait comme si l'on se divisait en deux partis, un bon et un mauvais. È
Comme les propagateurs des lumires portaient une haine toute spciale la dvotion du rosaire, l'importance de cette dvotion lui fut montre dans une vision d'un sens trs profond. Ç Je vis, dit-elle, le rosaire de Marie avec tous ses mystres. Un pieux ermite avait imagin cette manire d'honorer la Mre de Dieu et lui avait tress, en toute simplicit, des guirlandes de fleurs et de plantes. Il avait une rare intelligence de la signification de toutes les plantes et de toutes les fleurs; ses guirlandes avaient un sens symbolique de plus en plus profond. Alors, la sainte Vierge ayant demand son fils une grce pour lui, il lui donna le rosaire. È Aprs cela, Anne Catherine fit la description du rosaire; mais il fut impossible au Plerin de reproduire ses paroles, elle-mme, l'tat de veille, ne pouvant bien exprimer ce qu'elle avait vu. Elle vit le rosaire entour de trois ranges de feuilles denteles de diverses couleurs, sur lesquelles tous les mystres de l'glise contenus dans l'Ancien et le Nouveau Testament taient reprsents en figures transparentes. Au centre du rosaire se tenait Marie avec l'enfant Jsus. D'un ct elle tait entoure d'anges, de l'autre de vierges qui se donnaient la main. Tout avait l sa signification et indiquait par la couleur, la matire et les attributs, l'essence la plus intime des choses. Alors elle dcrivit chacune des perles du rosaire et commena par la croix de corail sur laquelle on rcite le Credo. Cette croix sortait d'un fruit qui ressemblait au fruit de l'arbre de la science. Elle tait travaille jour, d'une couleur particulire et couverte de petits clous. Dans l'intrieur tait l'image d'un jeune homme, de la main duquel sortait un cep de vigne s'tendant vers les branches de la croix sur lesquelles taient assises d'autres figures qui suaient des grains de raisin. Les divers grains du rosaire taient relis entre eux par des rayons de couleurs varies formant des anneaux et semblables des racines, conformment leur signification naturelle et mystique. Chaque Pater tait entour d'une guirlande de feuilles particulire. Du milieu de cette guirlande sortait une fleur dans laquelle apparaissait un des mystres joyeux ou douloureux de la sainte Vierge. Les divers Ave Maria taient des toiles formes de certaines pierres prcieuses sur lesquelles les patriarches et les anctres de Marie taient figurs dans des scnes qui se rapportaient la prparation de l'Incarnation et de la Rdemption. Ainsi, ce rosaire embrassait le ciel et la terre, Dieu, la nature, l'histoire, la restauration de toutes choses et de l'homme par le Rdempteur qui est n de Marie ; et chaque figure, chaque matire, chaque couleur, suivant sa signification essentielle, tait employe l'accomplissement de cette oeuvre d'art divine. Quelque indescriptible que ft ce rosaire, raison du sens profond qu'il prsentait, la description qu'en faisait la voyante tait touchante et pleine de navet. Tremblante de joie, elle allait d'une feuille l'autre, d'une figure l'autre et dcrivait tout avec la promptitude inquite et joyeuse d'un enfant plein de vivacit. Ç Ceci est le Rosaire, disait-elle, tel que la Mre de Dieu l'a donn aux hommes comme la dvotion qui lui plait le plus. Peu l'ont dit de cette manire. Il a t aussi montr saint Dominique par Marie. Sur la terre, il a t tellement sali et souill de poussire que Marie l'a recouvert de son voile, comme d'un nuage travers lequel il brille. Il faut une grande grce, beaucoup de simplicit et de pit pour le comprendre encore. Il est voil et tenu distance; on ne peut s'en rapprocher que par la pratique et la mditation. È
17. Pendant toute l'octave de la Fte-Dieu de 1821, elle eut des visions sur l'tat de la dvotion envers le Saint-Sacrement dans tous les pays allemands. Elle gmissait au milieu de ses souffrances en voyant combien cette dvotion tait abandonne et elle assurait que, s'il y avait quelque amlioration, c'tait l o le Saint-Sacrement tait frquemment expos et port en procession : si on ne faisait pas ces choses au moyen desquelles la foi jette de temps en temps dans une me tide de nouvelles et plus fortes racines, la dvotion au Saint-Sacrement tomberait tout fait en dcadence et le sacrement lui-mme dans l'oubli. Elle disait cela en l'appliquant particulirement cette partie de l'glise o elle a vu toutes choses se desscher et mourir devant le progrs des lumires et sous le rgime de la libert, de la charit et de la tolrance, et elle eut supporter, pour le renouvellement futur de la foi et de la pit, de grandes souffrances qui lui arrivrent sous la forme de travaux trs-pnibles dans la vigne o elle eut arracher beaucoup d'orties et de mauvaises herbes. Ses mains taient alors toutes couvertes de taches bleues et de piqres comme celles de l'ortie. Dans le mois de dcembre ses regards furent encore appels de ce ct et le spectacle de la corruption toujours croissante lui inspira une telle compassion que, toute surcharge qu'elle ft d'ailleurs de peines de toute espce, elle supplia Dieu de lui envoyer de nouvelles souffrances. Elle sentait bien qu'elle en prenait trop sur elle, mais les peines que lui causait la charit lui semblaient plus grandes qu'aucun martyre corporel; aussi ne cessait-elle de demander Dieu des souffrances pour l'expiation des outrages faits au Saint-Sacrement. Elle fut exauce; mais condition qu'elle demanderait la permission de son confesseur, afin que le mrite de l'obissance lui donnt la force de ne pas succomber des tourments si grands et si multiplis. Voici ce que le Plerin rapporte la date du 12 dcembre 1821, qui tombe dans l'octave de la trs-sainte et immacule Conception de Marie : Ç Depuis quelques jours et quelques nuits, elle a continuellement des crampes dans le bas-ventre une toux convulsive et des crachements de sang. Elle est souvent en dfaillance et dans un tat de prostration presque mortel, mais elle a des visions incessantes sur les dangers que court la foi. Ç Je dois souffrir cela, dit-elle en extase, je l'ai pris sur moi. J'espre pouvoir y rsister. È Puis elle voulut tout coup s'lancer hors du lit et s'cria: Ç Il faut que je voie mon confesseur, pour lui demander si je le puis. Je dois encore ouvrir une fontaine dans le coeur le Jsus. Il y a cinq sources, mais qui sont tout fait obstrues par les hommes. Hlas ! ils ne laissent pas l'eau de ces sources arriver eux. Je dois encore entreprendre cela ; je demande un nouveau travail quoique je n'en aie pas fini avec l'ancien. Je dois demander mon confesseur s'il me le permet. È Mais le confesseur n'tait pas prsent et la malade rpta encore plusieurs fois, quoiqu'inutilement, la mme prire afin de pouvoir dgager la source obstrue. Le Plerin crut au commencement qu'elle tait en dlire ; cependant il eut bientt rapporter ce qui suit : Ç Son tat est de plus en plus dsespr ; c'est un inextricable labyrinthe de tortures, de dfaillances, de vomissements et de sueurs de sang, de crampes dans le bas-ventre, de soif ardente avec impossibilit de boire, de tentations continuelles d'impatience et de combats pour y rsister, de propension tout prendre en mal et de luttes l'encontre. Et le jour d'aprs : Ç Aujourd'hui s'est produit tout coup un tat tout diffrent de celui de la semaine passe, savoir une douloureuse paralysie des membres avec tous les tourments de la goutte la plus violente. On ne pouvait pas la toucher sans que la douleur la fit soupirer et pourtant il fallut la mettre plusieurs fois sur son sant pendant la nuit, cause des souffrances de la rtention. Elle est trop faible pour rendre compte du rapport intime de ses souffrances avec son travail de prire. Dans l'aprs-midi, comme le Plerin tait assis avec le confesseur dans la pice voisine, ils ne furent pas mdiocrement effrays l'un et l'autre, quand la malade, que la goutte rendait incapable d'aucun mouvement, sortit tout coup de son lit, nu-pieds, entra dans la chambre les mains jointes et d'un pas assur, et s'agenouillant devant le confesseur, lui dit : ÇJe demande une bndiction; j'en ai besoin pour une personne qui certaines circonstances la rendent ncessaire. È Il lui donna tranquillement sa bndiction et le squelette ambulant retourna son lit d'un pas aussi sr que l'et fait une personne bien portante. En pareil cas, le moindre de ses mouvements a quelque chose de saisissant et de touchant au del de tout ce qu'on peut dire. Ce n'est pas l se mouvoir avec la conscience de ce qu'on fait comme font d'autres personnes, mme les plus gracieuses. On dirait d'une plante qui se tourne vers la lumire. Il y a l quelque chose d'involontaire et de surprenant qu'on ne peut dcrire. Peu auparavant elle avait dit : Ç La terre est jonche de feuilles de rose; quelqu'un devrait bien aller l. È Aprs la bndiction, elle dit qu'elle avait toujours oubli de se confesser d'avoir si souvent suivi son propre sentiment et que cela l'avait bien tourmente ; maintenant qu'elle avait reu l'absolution, elle se sentait le coeur lger. Quand plus tard elle sortit de l'tat d'extase, elle tait trs-fatigue, trs-faible et elle avait le sentiment que tout un monde de souffrances pesait sur elle. Elle revint de nouveau sa vision o il lui fut montr que pour une infinit de personnes qui avaient bonne volont, l'accs aux sources de grce du coeur de Jsus se trouvait empch et form par la suppression des exercices de dvotion, par la clture et la profanation des glises. Elle avait aussi reu lÕavis de faire pour cela un exercice spcial de dvotion en honneur du Sacr-Coeur de Jsus. Ç Les grandes crises de souffrance, dit-elle, sont prcdes par des visions de roses et de fleurs semes sur moi et qui reprsentent les diffrentes espces de douleur. Ainsi, lorsque les douleurs de goutte m'ont prise, j'ai vu une pyramide d'pines toute couverte de roses et j'ai soupir, pleine d'effroi, la pense que j'avais la gravir. È
Dans une autre occasion elle pronona ces paroles svres : Ç Je vois les ennemis du Saint-Sacrement qui ferment les glises et empchent qu'on l'adore, s'attirer un terrible chtiment. Je les vois malades et au lit de la mort sans prtre et sans sacrements. È
18. Depuis le dimanche de Quasimodo jusqu'au troisime dimanche aprs Pques (1820), ses souffrances expiatoires augmentrent tel point que son entourage, bien qu'accoutum depuis longtemps de pareils spectacles, pouvait peine en supporter la vue. Anne Catherine souffrait cause des attaques diriges par les adhrents de Wessenberg contre le clibat des prtres et des scandales sans nombre lis ces malheureuses menes. Ses souffrances corporelles furent peut-tre encore moins pnibles pour elle que les efforts maladroits et dsordonns de son entourage pour lui porter secours et le trouble qui en rsultait dans la paix du mnage. Quelque temps auparavant le frre du Plerin tait arriv Dulmen. Ayant trouv un jour les souffrances de la malade augmentes par le tapage qui se faisait dans le jeu de quilles tabli sous ses fentres, il prit la rsolution bien arrte de la transporter dans une autre demeure plus tranquille. Il chercha par de srieuses reprsentations gagner son projet l'approbation du confesseur, de Wesener et, par l'intermdiaire de ceux-ci, celle de l'abb Lambert, alors malade et forc de garder le lit; mais ce dernier rsista. Quand Wesener voulut lui persuader d'y consentir, ce vieillard, afflig de pnibles infirmits corporelles et fort dsireux de finir ses jours en paix, se trana Ç plein d'affliction È (note) prs du lit de la malade pour dclarer qu'il voulait mourir tranquille dans l'ancien logement et qu'il ne pouvait pas se transporter dans un autre. Le souci que lui causait cette affaire l'avait entirement boulevers, il en devint plus malade, fut pris de coliques et de vomissements. Elle-mme, par suite d'instances du mme genre, tomba dans l'tat le plus dplorable. A cela vint s'ajouter que chacune des personnes nommes plus haut la pressait d'employer tel ou tel remde, sans tenir compte de la signification intrieure et spirituelle de souffrances extraordinaires qui naturellement n'auraient pu avoir pour terme que la mort. Dieu seul sait ce qu'il en cota la pauvre malade pour conserver la patience au milieu de ce dsordre irritant et l'on comprendra qu'elle dsirt ardemment voir Overberg afin que son autorit lui rendit le repos dont elle avait besoin. Mais coutons les dtails donns par le Plerin, la date du 15 avril : Ç Je la trouvai dans un tel tat de souffrance qu'il lui tait impossible de parler. Pendant toute la nuit elle avait eu une douleur si excessive dans le ct droit qu'elle ne pouvait remuer ni la main, ni le pied. Elle n'tait pas mme en tat d'loigner ses pieds de la bouteille d'eau chaude qu'on avait place dans son lit, ni d'tendre la main pour prendre un verre. Elle resta ainsi toute la nuit en proie une soif ardente, s'abandonnant entirement la misricorde de Dieu. Les lsions causes dans l'intrieur du bas-ventre par l'accident du panier de linge arriv au couvent se font sentir de nouveau avec une extrme violence. Elle souffre aussi d'une rtention d'urine absolue.
(note) Ce sont les paroles du Plerin.
Quand son confesseur la visita le lendemain matin, il lui fallut subir des lotions d'eau-de-vie sur le corps. Ce fut en vain qu'elle essaya de se soustraire ce traitement. Son mal en fut aggrav. È
16 avril. Ç Les douleurs de la plaie du ct lui sont encore bien plus sensibles que les souffrances dans le bas ventre. Elles ont commenc par une vision sur l'incrdulit de saint Thomas. Il y eut encore effusion de sang au mme endroit pendant qu'elle contemplait une scne de l'vangile d'aujourd'hui dimanche, et elle eut souvent la sensation que l'air entrait et sortait par la plaie lorsqu'elle respirait, si bien qu'elle mit la main devant. La rtention est de plus en plus pnible. En outre, le bruit du jeu de quilles sous ses fentres lui est extrmement incommode. Un ami cherche lui persuader d'aller se loger ailleurs. È
17. Ç Les douleurs s'accroissent, l'inflammation augmente, le corps enfle. Elle perd souvent connaissance par suite des souffrances que lui cause la rtention ; elle reste tout fait sans mouvement et ressemble au cadavre d'une personne morte d'inanition. Souvent, au milieu de ses souffrances, elle ressent une faim subite et tellement violente du Saint-Sacrement que son coeur est tout brlant pendant que ses mains sont froides et livides comme si elle tait morte. È
18. Ç Son tat est lamentable. Son confesseur a demand au cur de Haltern de venir pour prier sur la malade et la bnir. Cela lui procure du soulagement; mais le soir le confesseur requiert l'application de l'eau-de-vie. Elle obit, et les douleurs augmentent tel point qu'elle dit en gmissant : Ç Je me suis attir cela moi-mme, parce que je n'ai pas cess de demander des souffrances expiatoires. Maintenant le feu doit faire son oeuvre jusqu'au bout. Je dois tout abandonner Dieu. È
19. Ç Elle a t toute la nuit en proie une chaleur ardente et elle n'ose pas boire cause de sa rtention. Le cur de Haltern est encore venu aujourd'hui et lui a procur du soulagement par ses prires et sa bndiction. Dans l'aprs-midi, quand le Plerin l'a visite, il l'a trouve sur sa couche dans une position tout autre que sa position ordinaire. Elle avait la tte l o sont ordinairement les pieds et poussait des gmissements que la douleur lui arrachait; elle tait ramasse sur elle-mme dans son lit et croyait trouver du soulagement dans cette position. Elle avait une fivre des plus violentes. Maintenant la douleur s'est concentre sur le ct droit de la colonne vertbrale. Elle remerciait Dieu de ses souffrances, se sentait prs des mes en peine et se rjouissait d'tre dans le purgatoire et de ne plus pouvoir offenser Dieu.
20. Ç Les douleurs durent toujours. Elle voit toutes les parties intrieures de son corps qui sont lses et douloureuses. Son lit est tremp de sueur jusqu' la paillasse. Sa soeur, quoique peu facile mouvoir, ne peut s'empcher de pleurer l'aspect de semblables souffrances. La malade dit au Plerin que, si elle ne reoit point d'assistance, elle mourra, car elle ne peut plus supporter les douleurs qu'elle prouve. Elle est toute dfigure. Elle a appel en toute hte le cur de Haltern, qui n'a pas tard venir, lui a parl, a fait des prires prs d'elle et lui a impos les mains, sur quoi elle s'est bientt endormie d'un doux sommeil. Elle a dit ce propos : Ç J'avais pri ardemment pour que Dieu me pardonnt d'avoir demand un supplice que je ne pourrais pas supporter jusqu'au bout, mais je l'ai suppli aussi d'avoir piti de moi en vue du sang de son fils et de vouloir bien me venir en aide, si je puis faire encore quelque chose de bon sur la terre. Je sens bien que si je mourais de ce mal que j'ai obtenu force d'instances, j'aurais caus ma mort, ce qu'il me faudrait expier en Purgatoire. N'ayant obtenu d'autre rponse que celle-ci : Ç Le feu que tu as pris sur toi doit brler jusqu' la fin, È je ne me suis plus laisse aller aucune esprance, car je vis tout de suite que jÕtais dans un tat extrmement dangereux et je recommandai Dieu bien des choses qu'il me fallait laisser derrire moi sans les rgler. Lorsque le cur m'a impos les mains et a pri, on et dit qu'un courant de lumire plein de douceur passait travers moi; je me suis endormie, j'ai eu une vision o il me semblait que j'tais enfant et qu'on me berait. Ce fut aussi comme si une lumire reposait sur moi et quand il retira sa main, cette lumire s'vanouit. Je me sentis beaucoup mieux et je repris de l'esprance. È Vers midi le mal empira, le vieux malade Lambert lui imposa aussi la main, dit un rosaire et ce fut encore un secours pour elle. Plus tard le Plerin lui mit dans la main les crotes de ses stigmates. Elle sourit d'un air tonn et dit : Ç Je vois l une pauvre personne dans un bien triste tat. Le cur de Haltern doit la connatre; elle est couche en face de moi, elle est bien plus plaindre que moi, mais elle est patiente. Hlas ! elle est en grand danger; pourtant le cur lui a fait beaucoup de bien. Je ne puis plus la voir souffrir, cela me rend plus malade. Je veux prier pour elle; cela servira aussi m'humilier, car elle est bien meilleure, bien plus malade et bien plus patiente que moi. È Le Plerin reprit le papier o taient les crotes des stigmates.
21. Ç Aujourd'hui elle a paru se trouver mieux : sainte Walburge et Madeleine d'Hadamar l'ont console; elle est le plus souvent absente en esprit. È
22. Ç Les douleurs et la rtention n'ont plus la mme intensit, mais la prostration des forces est si grande qu'elle peut peine parler. Le confesseur lui a dit aujourd'hui : Ç Vous ne voulez pas de spiritueux et pourtant j'ai bien vu par moi-mme combien leur emploi est bon pour le bas-ventre et pour le dos ! È
23 avril, deuxime dimanche aprs Pques. Ç Sur la demande de Lambert et de la soeur d'Anne Catherine, la matresse de la maison a apport aujourd'hui une petite tasse de bouillon de poulet fort lger et sans sel. Tous trois tourmentrent la malade pour lui en faire prendre, car, disaient-ils, elle ne pourrait recouvrer ses forces si elle restait sans nourriture. Elle se soumit avec patience ce qu'on lui demandait et prit le bouillon; mais elle ressentit l'instant de fortes nauses et jusqu'au soir elle fut dans un tel tat que tous pleuraient, s'attendant la voir mourir. Elle avait une fivre des plus violentes, le frisson et la chaleur se succdaient rapidement et la douleur au bas-ventre avait t remplace tout coup par un tat d'insensibilit complte, symptme de gangrne, suivant le mdecin. Arrive au dernier degr de faiblesse, elle dit en souriant : Ç Je ne suis plus malade, je ne sens plus aucune douleur. È Le confesseur voulait qu'elle dormit, mais son ardente fivre ne le lui permit pas et elle dit d'une voix suppliante : Ç Je le voudrais bien, mais je ne puis pas. È Comme alors elle cherchait de la force dans de tendres effusions d'amour vers Dieu auquel elle parlait voix basse, le confesseur reprit : Ç Que voulez-vous aux saints? Dormez, soyez bien obissante. È Ç Hlas! dit-elle encore, je ne le puis pas; je le voudrais pourtant bien. È A la fin elle tomba en extase et tout son corps se raidit, mais l o les doigts du prtre la touchaient, ses muscles battaient (note) en mme temps que la fivre s'apaisait. È
(note) Ce battement, dit le Plerin dans ses notes, est un tmoignage intrieur de la plus grande importance que la nature rend l'glise, mais il reste incompris : on ne l'observe malheureusement qu' la lgre et sans tirer les consquences de ses propres apprciations.
24 avril. Ç Le mdecin et le confesseur sont inquiets de l'invasion de la gangrne. Elle-mme dsire l'extrme-onction et demande qu'on crive Overberg pour qu'il vienne la voir avant sa fin. Lambert et Limberg diffrent de lui donner la sainte communion parce qu'ils voudraient qu'elle lui ft donne par le vicaire gnral qu'on attend aujourd'hui Dulmen. È Or, il ne vint pas et la malade resta sans assistance de la part des hommes. Mais Dieu prit piti de sa fidle servante. Le Plerin rapporte ce qui suit la date du 26 avril : Ç La malade qui semblait l'extrmit se dressa tout coup sur son sant, facilement et sans effort, comme une personne bien portante et joignit ses mains pour prier. Son visage prit l'instant les couleurs de la sant et de la jeunesse avec l'expression de la pit la plus tendre et la plus aimable. Elle resta ainsi quelques minutes, fit ensuite un mouvement de la bouche comme si elle recevait un aliment et le mangeait, puis elle se recoucha entirement change. Elle parla gaiement, avec un abandon plein de navet. Ç J'ai, dit-elle, obtenu quelque chose ; j'ai si longtemps mendi prs de la table magnifiquement servie que j'ai fini par en avoir une petite miette et cela m'a compltement refaite; je suis toute change. Tout va bien, tout est dans la main de Dieu, j'ai tout abandonn Dieu, je suis toute soulage; il est sorti de mon corps comme une sombre vapeur qui s'en est alle en l'air : elle peut rester o elle est, je n'en veux plus. È Le jour suivant, elle dit : Ç Lorsqu'tant dans l'tat de contemplation, je voyais tout ce qu'on faisait pour me secourir ou pour arranger les choses autour de moi de la manire dont on le fait dans ce bas monde, cela me paraissait tellement au rebours du bon sens que, mme au milieu de mes souffrances, je ne pouvais m'empcher d'en sourire. È
27 avril. Ç Ce matin elle tait trs-faible. Le Plerin lui dit qu'Overberg avait rpondu qu'il ne pouvait pas venir pour le moment. Cela la fit pleurer amrement : cependant elle se remit bientt et raconta une vision d'enfants qu'elle avait eue pendant la nuit et qui l'avait console des souffrances qu'elle avait eues endurer. Ç J'tais enfant, dit-elle, je me trouvais la maison et malade la mort. J'tais toute seule; mon pre et ma mre n'taient pas l, mais les enfants du voisin, ceux du maire et plusieurs autres vinrent autour de moi; et combien ils taient doux et aimables! Ils prirent aux arbres des branches vertes (on tait en mai), et les plantrent en terre pour faire un jardin. Ils firent une cabane et y portrent beaucoup de feuillage sur lequel ils me couchrent, puis ils vinrent m'apporter des joujoux, tels que je ne pouvais en imaginer d'aussi beaux : c'taient des poupes, de petites crches, des ustensiles de cuisine, des animaux, de petits anges ; et je jouai avec jusqu'au matin. Je pense quelquefois que ces merveilleux objets devraient tre encore l. Cet aprs-midi, j'ai de nouveau beaucoup pleur et une fois j'ai serr la Mre de Dieu sur mon coeur en lui rptant plusieurs fois : Ç Vous tes ma mre, mon unique mre ! È Ce qui m'a beaucoup console.
Il lui fallut travailler bien souvent l'encontre du mal affreux que faisaient les attaques contre le clibat des prtres, ainsi qu'on le voit clairement par la vision suivante du 16 aot 1821. Ç J'ai t conduite, dit-elle, vers un troupeau (diocse), une des extrmits du champ de la maison des noces (c'est--dire qui tait entour de paroisses protestantes). Parmi les moutons qui le composaient, il y avait beaucoup de mauvais bliers qui endommageaient le troupeau en le frappant avec leurs cornes. Il me tut ordonn de mettre part les mchants bliers. Cela tait trs-dsagrable et trs-pnible pour moi, car je ne pouvais pas bien les distinguer des autres. Alors saint Stanislas Kotska apparut et m'assista. Il me fallut aller un large cours dÕeau trs-rapide et y rassembler les bliers. Le saint me dit : Ç Les mchants bliers sont ceux qui ont derrire les oreilles et la nuque des poils rudes mls leur laine. È Je saisis sept de ces bliers et je les jetai dans l'eau froide qui les emporta. . -19 aot : Ç J'ai eu une terrible nuit. J'ai t cloue et crucifie par le monde, la chair et le diable. J'eus aussi combattre contre un affreux blier de trs-grande taille. J'en vins bout la fin; je lui courbai les cornes sur le cou, je les brisai et les plaai en croix sur son dos, en disant : Ç Toi aussi, il faut que tu portes une croix. È
Dans une vision postrieure, les fruits que devaient produire les souffrances supportes par elle lui furent montres : Ç Je vis, dit-elle, une runion de jeunes ecclsiastiques dans une maison qui me sembla tre un sminaire. Il devait y avoir un repas. J'arrivai l en partant comme dÕune autre rgion plus leve; j'avais procurer beaucoup de choses pour le repas. Tout ce que j'apportai avait t recueilli en divers endroits avec de grandes fatigues. Je fus aide par des pauvres et des estropis et aussi par les mes de plusieurs dfunts. Mes compagnes de couvent devaient aussi m'aider, mais il me fallut les clairer pour les faire sortir d'un sombre caveau (le purgatoire) et alors elles m'assistrent. La rvrende mre fit remarquer aux autres combien il tait tonnant que je fusse charge de les mener ce travail. J'avais distribuer douze pains de sucre qu'il me fallut confectionner moi-mme. J'avais tir de trs-loin la canne sucre et je lui avais fait subir les prparations ncessaires. J'en distribuai onze : j'en avais mis un de ct pour les besoins des pauvres. Une de mes compagnes, la soeur Eswig, fit du bruit ce sujet et m'accusa d'avoir soustrait ce sucre pour moi. Je rpondis : Ç CÕest bon, je vais le partager ; mais maintenant chacune va me donner pour ma peine quelque chose de tout ce qu'elle a È et de cette manire je reus plus que je n'avais eu d'abord. Cette vision prit une grande extension. Je vis le sacerdoce et les ordres religieux se relever aprs une grande dcadence ; je vis comment, aprs ma mort, la prire et le travail de pieux amis contribueraient ce rsultat. Il semblait qu'une masse de gens pieux avait surgi et que tout sortait d'eux et se dveloppait. Les dons faits aux ecclsiastiques taient trs varis. Chacun recevait ce qui lui manquait. Il se trouvait parmi ces dons des herbes et des fleurs d'une espce toute particulire. Parmi ces ecclsiastiques les meilleurs furent choisis tout d'abord. È
Elle avait du reste beaucoup faire dans les sminaires comme on le voit par la vision suivante de mai 1821 : Ç Je me trouvai dans une longue salle. Des deux cts taient devant des pupitres, des jeunes gens en habits longs qui semblaient tre des sminaristes. Au milieu un gros homme allait et venait. J'tais cache dans un coin. Tout coup la place des hommes, je ne vis plus, des deux cts, que des chevaux et au milieu un gros boeuf ruminant qui allait et venait, pendant que derrire lui les chevaux montraient les dents et faisaient toute sorte de grimaces moqueuses. J'esprais que le bÏuf leur montrerait les cornes et les obligerait rester tranquilles, mais la seule chose qu'il fit, fut, en arrivant un bout de la salle, de frapper la muraille avec ses cornes. Il y avait dj un trou et je me disais que tout allait s'crouler sur eux. Je ne savais pas comment sortir de l. Enfin un cheval courut vers un autre; je trouvai une porte l'endroit qu'il avait quitt et je m'en allai bien vite. È
Le soir du 15 janvier 1822 elle vomit des flots de sang, puis elle dit tout coup : Ç Voil qu'un cur bien pieux vient de mourir de vieillesse Rome. Il a reu l'absolution gnrale : je l'ai reue avec lui. Son me est alle tout droit en purgatoire, mais elle en sortira trs-promptement. Il nous faut prier. Il tait bien attach au Pape et pendant la captivit de celui-ci, il a fait beaucoup de bien en secret. Quant au Pape, il n'a plus longtemps vivre. È Elle dit encore : Ç Cet homme pieux tait un des douze en qui je vois toujours les soutiens inconnus de l'glise et dont j'ai parl plusieurs fois. Il est le second qui soit mort, il en reste dix; mais j'en vois grandir de jeunes. C'tait un ami et un conseiller du Pape, mais pour rester fidle sa paroisse, il n'a jamais voulu accepter une position plus leve. Elle parle encore de ce prtre en termes trs affectueux.
19. Fte de l'Eglise l'occasion d'un pape futur.
Le 27 janvier 1822, (fte de la Conversion de saint Paul, dans le calendrier de Munster), elle fut toute l'aprs-midi plonge dans l'extase et pria avec beaucoup de ferveur. Le soir elle dit au Plerin : Il y a eu dans l'glise spirituelle une fte d'actions de grces ; il y avait l une gloire splendide, un trne magnifiquement orn. Saint Paul, saint Augustin et d'autres saints convertis figuraient l d'une manire toute spciale. C'tait une fte o l'glise triomphante remerciait Dieu d'une grande grce qui ne doit arriver maturit que dans l'avenir. C'tait quelque chose comme une conscration future. Cela avait rapport au changement moral opr dans un homme de condition, svelte et assez jeune, lequel doit un jour tre Pape. Je le vis en bas dans lÕglise entour d'autres hommes pieux : il avait t li avec ce vieux prtre que j'ai vu mourir Rome, il y a quelques jours. J'ai vu aussi dans cette vision beaucoup de chrtiens rentrer dans le sein de l'glise. Ils entraient travers les murs de l'glise. Je vis que ce Pape doit tre svre et qu'il loignera de lui les vques tides et froids. Mais beaucoup de temps doit encore s'couler jusque-l. Tous ceux qui ont concouru par leurs prires l'obtention de cette grce taient l prsents dans l'glise. Je vis aussi les autres que je vois souvent comme tant particulirement des hommes de prire. Le jeune homme tait dj dans les ordres et il semblait qu'il ret aujourd'hui une dignit. Il n'est pas Romain, mais Italien, d'un endroit qui n'est pas trs loign de Rome, et qui appartient, je crois, une pieuse famille princire. Il voyage quelquefois. Il doit y avoir encore, pendant un certain temps, beaucoup de luttes et de troubles. C'tait une fte joyeuse, d'une beaut indescriptible et j'tais fort heureuse : mais cette glise est toujours l, je veux y retourner. È A ces mots elle retomba en extase. Le confesseur raconta le jour suivant qu'elle s'tait releve dans son lit et avait pri ardemment, tant dans l'tat extatique, jusqu'au moment o il lui avait ordonn de se recoucher.,
20. Dans l'automne de 1822, Anne Catherine fut incessamment occupe de l'tat de l'glise en Allemagne. Chaque nuit il lui fallait faire Rome un voyage des plus fatigants. Tantt elle avait conjurer les dangers qui menaaient un courrier auquel des voleurs et des assassins tendaient des embches pour s'emparer de ses dpches, tantt elle trouvait sur son chemin des malades et des lpreux qui demandaient des soins et la chargeaient de paquets malpropres; tantt elle avait s'introduire chez des fiances et les protger contre de faux fiancs, c'est--dire s'opposer la prise de possession illgitime et coupable de certains siges piscopaux. Ces voyages taient accompagns de trs-grandes souffrances corporelles, de sorte qu'elle n'tait en tat d'en raconter que peu de chose. On voit pourtant clairement par la vision suivante que ces voyages avaient pour motifs les affaires de la province ecclsiastique du Haut-Rhin, o, prcisment dans ce temps-l, on allait tout mettre en oeuvre pour faire consentir le Saint Sige donner l'institution des siges piscopaux en renonant absolument aux droits de l'glise, et reconnatre comme pasteurs des hommes qui avaient pris d'avance vis--vis leurs protecteurs l'engagement formel de traiter la foi catholique, les droits et les prescriptions de l'glise comme des choses dont il ne devait plus tre question. Anne Catherine doit travailler l'encontre de ces projets comme un instrument dÕexpiation employ par Dieu contre le mystre d'iniquit. Ç J'tais en route vers Rome, raconta-t-elle le 22 octobre 1822, et j'eus beaucoup faire avec un singulier enfant que je trouvai sur le chemin au bord d'une lande. Cet enfant ne paraissait pas avoir plus d'un jour et il tait couch au milieu dÕun globe sombre qui semblait une masse de vapeurs brumeuses, mais qui tait form de milliers de fils tresss ensemble et partant des contres les plus diverses. Il me fallait percer ce tissu pour en tirer l'enfant et le prendre avec moi. Il tait fortement emmaillot dans un joli petit manteau avec un grand collet dentel : je sentis sur son dos quelque chose de cach sous le manteau (cela semblait tre un petit livre), et je m'efforai inutilement de l'en tirer : je sentais que ce nÕtait rien de bon. L'enfant d'un jour se mit rire. Je fus effraye et je ne pouvais m'expliquer ce rire. J'ai appris ce cela signifiait : ceux qui avaient ourdi la trame ne doutaient pas de la russite. Ils avaient ainsi emmaillot lÕenfant pour le porter secrtement Rome. Je ne sais qui je devais remettre l'enfant : mais je crois que cÕtait un sculier. Je vis aussi des gens moi connus se rjouissant fort de ce que j'avais pris l'enfant : car il y avait Rome, mme parmi les prlats, bien des personnes de sentiments peu catholiques qui travaillaient au succs de cette affaire. Je vis aussi en Allemagne des ecclsiastiques mondains et des protestants clairs manifester des dsirs et former un plan pour la fusion des confessions religieuses, et pour la suppression de l'autorit papale. Il tait question d'tablir plusieurs chefs suprieurs, de supprimer beaucoup de dpenses en diminuant le nombre des ecclsiastiques, et ce plan avait, Rome mme, des fauteurs parmi les prlats. (J'ai souvent vu que le cardinal C. ne vaut rien, qu'il fait beaucoup de mal et qu'il hait son pre : mais il est trop avant dans les affaires et on ne peut pas le renvoyer. Il est aussi tout fait circonvenu par la secte secrte). C'est une association trs-rpandue. Elle travaille plus vite, mais du reste plus superficiellement que les francs-maons. È
L'enfant dans le globe, dans la sphre de brouillard, est le plan ourdi par plusieurs pour la suppression de la foi catholique et recouvert de belles phrases comme d'un manteau : le brouillard est l'image de la fourberie qui travaille dans l'ombre. Le rire de l'enfant reprsente la joie prmature qu'prouvent les inventeurs du plan (gens adonns aux plaisirs de la table), d'avoir tromp le Pape en dpit des dclarations et des brefs. Le livre cach sous le manteau de l'enfant et, qu'Anne Catherine ne peut pas retirer, reprsente les crits envoys Rome en faveur du projet, lesquels font la vrit leur chemin, mais ne peuvent empcher que le plan ne soit pntr et qu'une raction ne s'lve contre lui. C'est pourquoi elle vit encore que l'on recherchait des dcisions d'anciens conciles, et, cette occasion, le Pape Glase lui fut montr travaillant contre les crimes secrets et les sorcelleries des manichens, lesquels lui furent dsigns comme une image de la nouvelle secte des illumins. L'intention de rduire rien le chef suprme de l'glise et son autorit existait rellement, comme s'en est vant tout haut avec un cynisme impudent, le conseiller ecclsiastique Werkmeister, le membre le plus actif et le plus influent de la secte. Cet homme, ancien moine Neresheim, devenu conseiller ecclsiastique Stuttgart, s'attribuait publiquement le mrite d'avoir montr par ses pamphlets Ç comment Papaut pouvait et devait tre extirpe avec toutes ses racines. È Et prcisment cet crit o il proposait aux gouvernements laques les voies les plus sres et les moyens les plus efficaces pour atteindre ce but (note) fut suivi point par point dans les dcisions de l'assemble de Francfort mentionne plus haut. Pendant que les fauteurs et instigateurs de ce plan avaient en main tous les moyens, non seulement d'annuler toute rsistance, mais encore de gagner chaque jour de nouveaux instruments et de nouveaux cooprateurs, pendant qu'ils se flattaient d'avoir aplani les voies Rome mme pour prvenir la condamnation qu'ils craignaient de la part du Saint Pre pour leurs mesures, cÕtaient les prires et les souffrances de la patiente de Dulmen qui arrtaient dans son cours l'oeuvre de destruction. Elle marcha si courageusement centre les ennemis de Dieu et assigea Dieu de si vives supplications que peu de temps aprs elle put raconter ce qui suit : Ç Il est entr dans les desseins de Dieu que le Pape soit malade en ce moment : cela le fait chapper un pige qui lui tait tendu. L'ennemi avait tout prpar longtemps d'avance, mais il n'atteindra pas son but. Le plan est dcouvert. J'ai encore plusieurs visions ce sujet, mais je ne me rappelle que la suivante. Je vis la fille du roi des rois attaque perscute. Elle pleurait beaucoup sur tout le sang qui allait se rpandre (note) et promenait ses regards sur une tribu de vierges fortes (note) qui devaient combattre ses cts.
Note : Projet d'une nouvelle constitution de l'glise catholique dans la Confdration germanique. imprim dans la patrie allemande, 1816
Note Les mes nombreuses qui allaient se perdre.
note Les prtres chastes, comme dfenseurs de ses droits.
J'eus beaucoup faire avec elle et je la suppliai de penser d mon pays et certaines contres que je lui recommandai. Je demandai pour les prtres quelque chose de ses trsors : elle rpondit : Ç Oui, j'ai de grands trsors, mais on les foule aux pieds. È Elle portait un vtement bleu de ciel. L dessus, je reus de mon conducteur une nouvelle exhortation prier moi-mme et exciter tout le monde, autant que possible, prier pour les pcheurs et en particulier pour les prtres gars. Ç De bien mauvais temps vont venir, me dit-il. Les non-catholiques sduiront bien des gens et chercheront par tous les moyens imaginables tout enlever l'glise. Il s'ensuivra une grande confusion. È
Ç J'eus une autre vision o je vis comment on prparait l'armure de la fille du roi. Une multitude de personnes y contribuaient. Et ce qu'elles apportaient consistait en prires, en bonnes Ïuvres, en victoires sur elles-mmes et en travaux de toute espce. Tout cela allait de main en main jusqu'au ciel et, l chaque chose, aprs avoir subi un travail particulier, devenait une pice de l'armure dont on revtait la vierge. On ne pouvait qu'admirer quel point tout s'ajustait bien et l'on tait frapp de voir comment chaque chose en signifiait une autre. La vierge fut arme de la tte aux pieds. Je reconnus plusieurs des personnes qui donnaient leur concours et je vis avec surprise que des tablissements entiers et de grands et savants personnages ne fournissaient rien, tandis que des pices importantes de l'armure provenaient de gens pauvres et de petite condition. È
Ç Je vis aussi la bataille. Les ennemis taient infiniment plus nombreux : mais la petite troupe fidle abattait des rangs entiers. Pendant le combat la vierge arme se tenait sur une colline : Je courus elle et lui recommandai ma patrie et les endroits pour lesquels j'avais prier. Son armure avait quelque chose d'trange : tout y avait une signification; elle portait un casque, un bouclier et une cuirasse. Quant aux gens qui combattaient ils ressemblaient nos soldats d' prsent. C'tait une terrible guerre : la fin il ne resta plus qu'une petite troupe de champions de la bonne cause, lesquels remportrent la victoire È.
Tableau symbolique d'un diocse spar du rocher de Pierre.
Ç Je vis une glise se tenant sur l'eau et en grand danger de s'y abmer. Elle n'avait plus de fondement solide, elle tait sur la mer, flottant comme un vaisseau: J'avais, avec quelques autres, de terribles efforts faire pour la mettre en quilibre; nous y faisions entrer beaucoup de personnes que nous placions en divers endroits pour se faire contre-poids les unes aux autres. Cela se faisait sur des poutres et des planches flottant d'un ct et de l'autre. JÕeu spcialement faire entrer beaucoup d'enfants (note). Mais je vis dans l'glise, douze hommes prosterns par terre qui priaient avec ferveur sans faire aucun mouvement : tout contre l'entre, devant un autel, taient prosterns plusieurs enfants. Dans l'intrieur, je ne vis pas de pape, mais un vque prostern devant le grand autel. Dans cette vision il y avait aussi des navires d'o l'on tirait sur l'glise et d'o l'on lanait contre elle des masses de projectiles incendiaires; mais nous suspendmes devant elle des draps mouills et elle n'prouva aucun dommage. Il semblait quÕelle tait menace de plusieurs cts et je pensai qu'on voulait l'empcher de prendre pied nulle part. Lorsqu'elle fut en quilibre, avec beaucoup de personnes dedans, elle sÕenfona un peu et ce fut comme si elle reposait sur un fond de sable.
(note) Symbole de l'avenir dans lequel cette l'glise chancelante, prte disparatre sous les flots, retrouvera peu peu un terrain plus solide et finalement une complte union avec le rocher de Pierre.
Alors nous posmes des poutres, nous fmes un pont et elle se trouva de nouveau relie la terre ferme. Ë peine cela ft-il fait que plusieurs mauvais prtres (note) y accoururent avec d'autres personnes qui n'avaient donn aucune aide : ils injurirent les douze hommes qui priaient et leur donnrent des soufflets : mais ceux-ci supportrent tout en silence et continurent prier. Il nous fallut alors apporter de grosses pierres que nous enfoumes tout autour pour poser un fondement, et ce fondement ne cessa de s'accrotre : c'tait comme une croissance vgtale. Les pierres afflurent; ce fut comme si le rocher s'levait de lui-mme tout d'une pice, et tout prit une ferme consistance. Alors beaucoup de gens, mme des trangers, entrrent par la porte et l'glise se retrouva sur la terre ferme. È Cette vision dura plusieurs nuits, accompagne d'un rude travail. Une fois, tant en extase, elle fit entendre ces paroles ou plutt ces lamentations : Ç Ils veulent enlever au pasteur le pturage qui est lui ! Ils veulent en imposer un qui livre tout aux ennemis ! È Alors, saisie de colre, elle leva son poing ferm, en disant : Ç Coquins d'Allemands ! (note) attendez ! vous n'y russirez pas ! Le pasteur est sur un rocher ! vous, prtres, vous ne bougez pas ! vous dormez et la bergerie brle par tous les bouts ! vous ne faites rien ! oh ! comme vous pleurerez cela un jour ! si vous aviez dit seulement un Pater ! Toute la nuit il m'a fallu voir comment les ennemis du Seigneur Jsus l'ont tran et l et maltrait sur le Calvaire ! Je vois tant de tratres ! Ils ne peuvent pas souffrir qu'on dise : Ç cela va mal. È Tout est bien leurs yeux pourvu qu'ils puissent se glorifier avec le monde ! È
(note) La vieille clique librale qui, lorsqu'il n'y a ni fatigue ni danger, ne manque gure de s'emparer des places aux dpens d'autrui.
(note) Les soi-disants patriotes allemands, hostiles la langue latine comme langue de l'glise, et voulant tablir une glise nationale allemande sans Pieu, sans sacrements sans pape.
21. Avril 1823 : Ç Cette nuit j'ai travaill jusqu' extinction et je suis toute pleine de douleurs. D'abord il mÕa fallu traner dans l'glise un grand homme qui voulait empcher d'adorer le Saint-Sacrement dans une glise rituelle et qui m'avait prise par les paules. Il rsistait, mais je lui tins fortement les mains et, ne pouvant pas se dgager, il me tirait en arrire, appuy sur ses genoux. Je le conduisis avec une peine extrme jusque devant l'autel. Or le feu tait dans la maison (des noces) d'o cet homme sortait: semblait qu'il l'et allum lui-mme et il me fallut prendre des peines infinies pour tout sauver et tout porter la bergerie. Le feu courait dj sous les tuiles : personne ne mÕaidait : je vis plusieurs prtres de ma connaissance se promener avec insouciance autour de la maison. Enfin vint moi un autre ecclsiastique et quelqu'un qui me sembla avoir l'air d'un jurisconsulte : ils m'aidrent tout ramasser. Nous emes prendre dans plusieurs caves des coffres, des cassettes, des manteaux et des chandeliers; cÕtaient des chandeliers d'glise, je m'en souviens encore. Nous portmes tout cela la bergerie; je travaillai jusqu' en mourir. Comme dj le feu sortait du toit, le prtre courut encore jusqu' une chambre, y enleva un fils de la maison (note) que l'homme que j'avais tran dans l'glise avit d tuer, mais qui tait rest vivant. Au-dessus de la salle en feu dormaient aussi des serviteurs qui furent sauvs heureusement. La vapeur et la fume cessrent et nous sauvmes tout nous trois. È
Elle eut dans ce temps s'occuper du cardinal Consalvi qui tait malade et qu'elle voulait convertir : car elle le voyait toujours entour d'un brouillard, d'un mur de sparation, comme s'il et t sous le coup de l'excommunication.
(note) Le fils, l'enfant, c'est l'quivalent du plan. Le plan dont il est question ici indique les relations qu'on voulait tablir avec le schisme grec. Elle vit ce fils s'en aller en Russie.
Elle demanda Dieu pour lui la gurison corporelle et spirituelle et voici ce qu'elle raconta ce sujet : ÇJe le vois dans un tat tout diffrent de celui o il tait auparavant. Sa longue maladie a t une grce de Dieu, il a de tout autres sentiments sur beaucoup de points. C'tait comme s'il mourait, puis revenait la vie, mais tout chang : il fit plusieurs aveux au Saint Pre, s'accusa sur bien des choses, il renona tout, mourut tout, et alors je vis de nouveau la vie en lui. Je le vis tendu dans son lit et autour de lui plusieurs dignitaires ecclsiastiques; une fois aussi j'y vis le Pape. Autour de lui taient des crits et des objets de toute espce; on parlait, on interrogeait et je le vis souvent lever la main comme pour attester quelque chose. Peut-tre ne pouvait-il plus parler distinctement. Il semblait dclarer qu'il se dgageait de tout, qu'il abandonnait tout. Le Pape fut quelque temps seul avec lui; je ne sais pas s'il se confessa, mais il leva
encore la main comme il l'avait fait prcdemment et je crois qu'il passa le bras autour du cou du Pape. Je ne sais pas bien s'il l'embrassa, ou s'il lui fit ses adieux, ou si le Pape lui pardonna quelque chose. Aprs cela le Pape sortit. Parmi les crits que le cardinal remit au Pape, il y en avait un en particulier qui avait rapport notre glise et qui n'tait nullement conforme au sentiment du Saint Pre celui-ci me sembla mme n'en rien connatre et c'est un bonheur qu'il en ait t ainsi :les choses maintenant tourneront tout autrement que les ennemis ne s'y attendaient. Le cardinal pleura, le Pape pleura ainsi que les autres qui taient avec lui; ils semblaient se faire des adieux. È
22. J'ai eu beaucoup m'occuper de l'glise de ce pays-ci : J'ai du reste prsent souffrir de cruelles tortures ; je passe par des tats terribles. J'ai normment travailler pour l'glise en gnral et ma tte se perd en quelque sorte, par suite du dsordre et de la dtresse que je vois tout, ainsi que des peines et des travaux qu'il me faut porter. J'ai eu une vision sur la fcheuse situation des jeunes tudiants d'aujourd'hui; j'ai vu qu' Munster ils couraient les rues ainsi qu' Boun, qu'ils avaient dans les mains des paquets de serpents, qu'ils les mettaient dans leur bouche et en suaient la tte; et j'entendis ces paroles Ç Ce sont des serpents philosophiques. È Souvent aussi jÕai vu de vieux matres d'cole pieux et simples qu'on traite d'ignorants, former les enfants la pit, tandis que nouveaux instituteurs et institutrices si habiles ne leur mettent rien dans la tte. Cela vient de ce que par leur orgueil, leur jactance et leur suffisance, ils enlvent leur travail tout son effet et mme le gtent entirement. C'est comme pour la bndiction attache aux bonnes oeuvres, lesquelles, faites publiquement ou par les soins de la police, ont peu d'efficacit. L o il n'y a ni charit, ni simplicit,
rien ne profite ni ne prospre intrieurement. È
Je vis que beaucoup de pasteurs se laissaient prendre des ides dangereuses pour l'glise. Accable de tristesse, je dtournai les yeux de cette vision qui me remplissait dÕangoisses et je priai pour les vques : je me disais que sÕils devenaient meilleurs, les autres le deviendraient comme eux-mmes. Je vis, entre autres choses, que la maison d'o il m'avait fallu emporter cet homme dont j'ai parl, tait lÕEglise sous le cardinal Consalvi. Il y avait de ses enfants (des plans) dans toutes les chambres et toutes ses vues se trouvaient l runies et formant un ensemble. Mais j'eus le traner l'autel, ce qui signifiait sa conversion et l'aveu de ses fautes. Il avait mis le feu la maison et il me fallut,
avec d'autres, sauver tout ce qu'il y avait de prcieux et le porter la bergerie. È
Ç Ils btissaient une grande glise, trange et extravagante; tout le monde devait y entrer pour s'y unir et y possder les mmes droits; vangliques, catholiques, sectes de toute espce : ce devait tre une vraie communion des profanes o il n'y aurait qu'un pasteur et un troupeau. Il devait aussi y avoir un Pape, mais qui ne possderait rien et serait salari. Tout tait prpar d'avance et bien des choses taient dj faites : mais l'endroit de l'autel, il n'y avait que dsolation et abomination. Telle devait tre la nouvelle glise et c'tait pour cela qu'il mettait le feu la maison de l'ancienne glise. Mais Dieu avait d'autres desseins. Le cardinal se vit au moment de mourir, se repentit, avoua ses fautes, et revint la vie. È
Le Plerin ajouta ces mots : Ç Elle est dans un tat qui vraiment fait frmir. Toute communication a cess. Il lui a t dit qu'elle a encore quinze jours souffrir pour l'glise, d'ici la Pentecte. È
Dans l'automne de 1823, elle raconta ce qui suit : Ç J'ai vu le Pape (note) au moment o il faisait une chute. Quelques personnes venaient de le quitter l'instant. Il se leva de son fauteuil pour aller chercher quelque chose, alors il tomba. Lorsqu'il fut mort, je ne pouvais croire que cela ft. C'tait encore pour moi comme s'il gouvernait et comme si tout partait de lui. Je le vis mort sur sa couche et pourtant il me semblait que je le voyais encore agissant. Pie VII tait continuellement en prire, il s'entretenait continuellement avec Dieu et recevait souvent des lumires d'en haut. Il tait trs-doux et trs-condescendant. Lon XII ne prie peut-tre pas encore comme lui, mais il a une volont ferme. È
Ç A la fte de l'Assomption, j'ai vu beaucoup de choses sur Consalvi ; c'tait comme si le Pape et en outre un autre cardinal l'exhortaient tenir sa promesse et prendre srieusement en main la cause de l'Eglise.
(note) Pie VII mourut le 20 aot 1823 la suite d'une fracture de l'os de la hanche, occasionne par uni chute.
J'ai vu aussi que Consalvi, dans sa jeunesse, avait appris de sa mre, une courte invocation en l'honneur de Marie, qu'il la rptait frquemment matin et soir et qu'il avait par l obtenu la protection de la sainte Vierge que j'ai vue souvent intercder pour lui auprs de Jsus. Je vis aussi que Marie l'avertissait et lui envoyait des grces pour qu'il s'amendt. È
Novembre : Ç Ces jours-ci il m'a fallu exciter un homme qui a un emploi dans l'glise de saint Pierre de Rome faire savoir au Pape qu'il est franc-maon. Il s'excusait, disant quÕil n'tait que caissier; que, comme d'ailleurs il n'y avait pas de mal cela, il dsirait garder sa place. Mais le Pape lui reprsenta svrement qu'il lui fallait ou rompre immdiatement avec ses engagements ou se dmettre de son emploi. J'entendis l'entretien. È
23. Avec le mois de janvier 1823 commencrent des travaux par la prire et la souffrance qui consistaient recueillir pniblement et distribuer des toffes destines confectionner des ornements sacerdotaux. En mme temps elle commena aussi prparer ses cadeaux de Nol pour les pauvres enfants; mais il lui manquait tantt une chose, tantt une autre : quelquefois aussi une assistance maladroite gtait son travail et le rendait inutile. Dans le cours de ses cruels maux d'yeux, elle eut mille fois vaincre des tentations d'impatience, mais elle en vint bout force de persvrance. Cela se rpta encore lors de ses travaux en vision o elle ne pouvait arriver que trs-difficilement achever la confection d'un ornement, parce que sans cesse telle toffe ou telle pice lui manquait. Voici ce qu'elle raconta Ç J'ai fait un voyage l'le de Chypre (o en ce mme elle accompagnait notre Seigneur dans ses prgrinations). En quittant le continent, j'avais Marseille ma droite et je passai seulement une fois par-dessus la pointe extrme d'un pays; mon guide et moi longions toujours le rivage comme en volant. Sur le chemin j'eus et l quelque chose faire et diverses dispositions prendre : ainsi il me fallut une fois porter un petit paquet que je tenais cach et le remettre : je le portais dans un rouleau sous ma robe. Souvent il me fallut porter des lettres au milieu de danger qui m'effrayaient, surmonter de grands obstacles, encourager des gens qui priaient ou en rveiller d'autres qui dormaient, bander des plaies des malades, arrter dans leurs entreprises des voleurs et d'autres malfaiteurs, consoler des prisonniers, avertir des personnes en danger. Plusieurs fois dj, depuis quelques jours, j'ai eu avertir un homme qui portait une lettre comme celle dont fut charg Urie et o l'on recommandait de se dfaire du porteur. C'tait en de de Rome. Je lui demandai o il allait, lui disant qu'il se trompait de chemin. Ç Non, me dit-il, l'adresse est sur ma lettre: È Alors je lui dis : Ç Ouvre la lettre et tu verras. È Il l'ouvrit, vit ce qu'on mditait contre lui et changea de direction. È
Ç J'eus, aprs cela, faire un travail extraordinairement pnible o il fallut m'occuper de vtements ecclsiastiques de toute espce. C'tait dans la maison que j'avais vue brler au printemps. J'tais charge de faire une aube pour un vque que je voyais marcher dans le lointain : je ne pouvais pas en venir bout et je mendiais de tous cts. Overberg dit qu'il ne donnerait pas plus d'un gros (note) pour ce travail, cela me fit de la peine. Je devais faire l'aube parce que ma mort tait prochaine... En Suisse aussi, j'eus mendier afin de rassembler a grand peine des chiffons de toute sorte pour des rochets de choeur et en faire un lourd paquet et qu'il me fallait traner Rome o les rochets doivent tre faits. È
(note) Pice de monnaie valant peu prs seize centimes.
Ç Je me trouvai Rome dans une assemble o sigeait le Pape entour de plusieurs ecclsiastiques. Il tait question de rtablir ou d'organiser quelque chose, mais les ressources qui auraient permis d'y arriver avaient t gaspilles : on voulait, cause de cela, laisser l la chose et on disait : Ç o il n'y a rien, on ne peut rien faire. È Le Pape tait pour qu'on agit. Je dis alors : Ç Une bonne chose ne doit pas tre abandonne : l o il n'y a rien, Dieu peut aider. È le Pape me dit que j'avais beaucoup de courage pour une religieuse, mais que j'avais raison. È
Ç J'allai de nouveau Rome o j'eus un grand sujet de chagrin. J'y trouvai, suspendue en l'air, une norme quantit de linge d'glise qui tait l depuis le temps du dernier Pape. Il y avait l beaucoup de choses que j'avais confectionnes et livres. Une grande partie n'avait pas t employe, mais nglige et gaspille: des pointes, des rubans, des galons avaient t dtachs des habits sacerdotaux, on en avait aussi dchir des morceaux. J'avais donn en outre leurs crucifix d'ivoire, mais les corps avaient t enlevs: il ne restait plus que les croix de bois et les socles en marbre ; on avait suspendu une croix un tout petit corps de laiton. Au milieu de ce linge, se promenaient divers ecclsiastiques considrables : ils s'arrtaient de prfrence prs du linge qui servait lors des examens dans les coles, des habits de premire communion et d'autres objets sans valeur, mais ils laissaient les ornements d'glise suspendus ple-mle. Je me mis surtout en colre l'occasion de cinq affreuses chemises de femme, pendues au milieu du grand linge d'glise et faites suivant une mode recherche tout fait extravagante. J'en fus scandalise parce quÕelles me parurent indcentes et moins convenables pour une fiance et un fianc que pour des adultres. La partie suprieure tait mal cousue avec des paulettes de grosse toile d'emballage : le reste tait d'une toffe trs-fine et transparente, avec toute espce de broderies, de barbes et de dentelles. Les manches taient aussi d'une toffe trs-fine et il y avait en haut un capuchon qu'on tirait sur les yeux pour ne point voir, comme si l'on pouvait cacher la nudit et la honte sous ce vilain voile. J'tais tout indigne du scandale de ces chemises : j'empaquetai les objets que j'avais fournis dans une longue corbeille, pour les emporter avec moi, me plaignant seulement de ce que mes croix avaient t ainsi dpouilles. Mais un des ecclsiastiques qui taient l ne voulut pas me laisser faire mon paquet, tandis qu'un autre que je connaissais parlait en ma faveur. Je vis aussi feu l'abb Lambert passer dans le lointain (c'tait hier saint Martin jour de sa fte). Je lui demandai de m'aider et pourquoi il ne m'avait pas encore emmene. Il sourit, leva le doigt comme pour faire une menace et rpondit : Ç Prends patience, ne t'ai-je pas dit que-tu dois encore beaucoup souffrir? È puis il s'en alla. Je disputai encore longtemps pour ravoir ce qui m'appartenait. Je pris enfin les socles en marbre des croix nues et j'empaquetai le tout. Je demandai comment les ignobles chemises taient venues l : je les aurais volontiers mises en pices. J'appris que cela s'tait fait par gard pour des messieurs protestants, qu'on les avait prises par complaisance et par tolrance. J'en dtachai une et ce fut alors seulement que je dcouvris le capuchon : j'avais cru d'abord que c'tait un collet. J'tais tellement en colre que je me dis : Ç Attendez un peu, que je couse vos belles nippes avec du ligneul, afin que vous soyez obligs de montrer tout le monde par o elles pchent. È Je vis aussi le Pape fort indign de ces ignobles chemises. Il en dtruisit une qu'il dchira en morceaux. Je vis plusieurs cardinaux et aussi des princes sculiers trs-mcontents de ce qu'on dchirait es chemises. È
Ç Les cinq ignobles chemises, ajoute le Plerin expliquant cette vision, signifient l'occupation de cinq siges piscopaux vacants, laquelle, selon les vues des pouvoirs sculiers, au lieu d'une chaste et lgitime union fonde sur la fidlit et sur la foi, avec la fiance qui est l'glise pourvoir, tablirait des relations adultres reposant sur la trahison et le parjure, mais dont il faut voiler le vice intrinsque l'aide de belles phrases sur la tolrance, la paix, la gratitude, etc. Le tableau est aussi frappant que possible : il en est de mme de ce qui se rapporte aux reprsentations scolaires et l'appareil thtral dploy, lors des premires communions, lesquels, dans un si grand nombre d'mes enfantines, chassent la pit et le recueillement, la foi et le respect d au Saint-Sacrement, les empchent de se prparer dignement et srieusement, et dtournent leur attention vers la parure et les frivolits de l'habillement. Anne Catherine souffrait d'autant plus la vue de ces choses, qu'elle avait une connaissance plus profonde de l'impression presque toujours dcisive pour le reste de la vie que produit une premire communion bien faite et prcde d'une prparation srieuse. Un jour, le Plerin la trouva occupe donner des leons sa petite nice, qui pleurait chaudes larmes parce que l'institutrice avait ordonn aux enfants d'crire quelque chose du sermon du dimanche. L'enfant n'en avait pas compris un mot, sinon ce qui avait t dit sur la manire dont les Pharisiens se justifiaient leurs propres yeux. Anne Catherine dit que cela suffisait. Les enfants parlent le bas-allemand, tandis que l'instruction et la prdication se font en haut-allemand : cette tche impose aux enfants, disait Anne Catherine, tait dj un fruit de l'impulsion donne par le pernicieux jeune matre d'cole de la maison des noces. È
24. Voyages pour porter secours.
Ç J'ai eu cette nuit faire un merveilleux travail. Je rflchissais hier au soir sur le malheur des personnes qui vivent dans le pch d'impuret et je priais pour celles qui sent dans ce cas. Alors l'me d'une femme de condition vint moi prs de mon lit et me demanda de prier Dieu pour la conversion de sa fille : il fallait prier les bras en croix, disait-elle, pour forcer Dieu en quelque sorte faire misricorde, parce que son Fils a pri ainsi. La fille de cette femme allait mourir et dix-huit fois dj elle avait cach des pchs dans la confession. Alors mon guide me fit faire un grand voyage. La route, en partant d'ici, se dirigeait d'abord au levant et revenait ensuite au couchant : je rencontrai successivement des cas o mon assistance tait requise. Il y en eut au moins dix dont je ne me rappelle que les trois suivants. È
Ç J'arrivai dans une belle ville o il y avait plus de luthriens que de catholiques et je fus introduite dans la maison d'une veuve : elle tait malade dans son lit. Lorsque j'entrai avec mon guide, son confesseur venait de la quitter et elle tait entoure d'amies et de compagnes. Je me tenais en arrire, ne sachant pas que j'tais l seulement comme un esprit et comme une messagre. Je regardai tout et j'eus l'impression que peut avoir une pauvre personne de rien qui est traite avec peu d'gards dans ses rapports avec des gens du grand monde. Je vis bientt tout ce que cette personne avait fait. Elle tait catholique : elle vivait pieusement en apparence et faisait beaucoup d'aumnes : mais elle s'tait livre des dsordres secrets et l'avait cach dix-huit fois dans la confession, croyant toujours compenser ses fautes par des aumnes. Elle ne faisait pas connatre ses pchs, non plus que la maladie dont elle tait atteinte. J'tais intimide et confuse devant ces personnes de haut rang et j'entendis la malade dire en riant ses amies qui la relevaient dans son lit : Ç Je ne lui ai pourtant pas dit (au prtre) telle et telle chose; È ce qui faisait rire celles-ci. Alors les autres s'loignrent un peu comme pour la laisser dormir et mois guide me dit de me souvenir que j'tais l une messagre de Dieu et d'aller en avant. Je m'approchai alors avec lui du lit de la malade; je m'adressai elle et je vis que toutes mes paroles lui taient montres comme crites en lettres lumineuses et que chaque ligne se prsentait successivement, puis disparaissait pour faire place celle qui suivait. Je ne sais pas si elle me vit, moi ou mon guide, mais elle plit et tomba comme en dfaillance, tant son effroi fut grand. Et je vis qu'alors elle lut plus distinctement ce que je disais et qui apparaissait devant elle. Or je lui disais : Ç Tu ris et tu as dix-huit fois abus des sacrements pour ta condamnation : tu as... È et alors je lui racontai toutes les transgressions passes sous silence. Ç Tu as cach tout cela dix-huit fois dans une confession mensongre : dans peu d'heures tu seras devant le tribunal de Dieu : aie piti de ton me : confesse tes fautes et repens-toi. Ç Elle tait comme anantie : une sueur froide coulait sur son front. Je m'loignai d'elle : elle cria son entourage qu'elle voulait voir son confesseur. On lui reprsenta tout ce qu'il y avait d'trange dans une pareille demande faite au moment o il venait de la quitter. Elle ne tint compte d'aucune observation : elle tait dans une affreuse angoisse. Le prtre fut appel : elle confessa tout en pleurant : elle reut les derniers sacrements et mourut. Je sais son nom, mais je ne puis pas le dire parce que des personnes de sa famille vivent encore. C'est avec une impression consolante et pourtant dchirante de la misricorde dd Dieu que j'ai eu agir ainsi. È
Ç J'allai dans une contre marcageuse, toute remplie de grands trous et de fondrires. Mon guide me conduisit tout le temps sans me faire toucher la terre. Nous arrivmes un village et dans une maison de paysan o la matresse du logis tait trs-malade : il n'y avait pas de prtre dans le voisinage. C'tait une femme adultre qui faisait l'hypocrite : elle se tenait spare de son mari pour commettre le pch avec un autre. Je lui mis sous les yeux sa mauvaise conduite et je lui dis qu'il fallait confesser sa faute son mari et lui demander pardon. Du reste elle se repentait. Elle lui avoua tout, en pleurant beaucoup. Son complice fut aussi oblig de venir : le mari lui ouvrit encore la porte. Elle lui dclara avec beaucoup de gravit que tout rapport devait cesser entre eux. Elle n'est pas morte, elle a recouvr la sant. È
Ç J'allai dans une grande ville, dans une maison o il y avait un beau jardin avec des bosquets, des pices d'eau et des maisonnettes de plaisance. Les chefs de la famille vivaient, la mre tait une bonne et pieuse femme : la fille, fort sage en apparence, se glissait dans le jardin pour y entretenir des relations trs-coupables et s'y rencontrer avec des hommes qui l'attendaient en cachette. Je la trouvai la nuit hors de la maison : elle attendait un amant. C'tait la nuit dernire. Je me trouvai prs d'elle et je priai Dieu de lui venir en aide. Je vis une figure dans laquelle je reconnus Satan, qui voulait s'approcher d'elle, mais qui ne le put pas. Elle tait intrieurement inquite et mue et je la suivis dans une maisonnette du jardin o elle vit une autre figure enveloppe dans un manteau qu'elle crut tre son amant qui l'attendait. L'homme ne s'approcha pas dÕelle, mais elle alla et le tira par son manteau qui l'enveloppait. Alors le manteau s'ouvrit : elle vit (et je vis comme elle) l'image du Sauveur, les mains lies, tout sanglant, couvert du haut en bas des blessures de la flagellation et la couronne d'pines sur la tte ; puis cette image de douleur lui dit : Ç Vois dans quel tat tu m'as mis ! . Alors la jeune fille tomba terre comme un corps mort. Je la pris dans mes bras et je lui dis qu'elle menait une vie abominable, qu'il fallait se confesser et faire pnitence. Elle revint elle et, croyant sans doute que j'tais une servante ou bien une trangre qui l'avait rencontre, elle me dit seulement d'une voix suppliante : Ç Ah ! si j'tais dans la maison ! Mon pre me tuera s'il me trouve ici ! Ç Je lui dis que, si elle promettait de confesser ses pchs et de s'en repentir, elle rentrerait dans sa chambre (car autrement il lui fallait
attendre le matin pour s'y glisser quand la maison serait ouverte). Elle promit de s'amender et de se confesser, et reprit assez de force pour pouvoir rentrer dans la maison de la manire accoutume. Mais l elle se trouva malade : le prtre qu'elle demanda, ds qu'il fit jour, se trouvait prt aussi par la grce de Dieu. Elle se confessa, se repentit sincrement et mourut munie des derniers sacrements. Ses parents ne surent rien de ses pchs. È
Ç J'ai vu cette nuit une dizaine de cas semblables. Je ne pus pas russir partout. Quelques-uns ne voulurent pas se rendre : c'est quelque chose d'horrible. Je ne plus m'empcher d'en pleurer encore : le diable les tenait attachs par des liens trs-forts... J'ai surtout trouv difficile de ramener des ecclsiastiques qui vivaient dans des pchs de ce genre J'ai rencontr encore cette nuit des cas semblables pour lesquels il n'y a d'esprance que dans la prire. È
Novembre 1820. Ç J'entrepris un grand voyage o j'eus beaucoup faire. Je ne me rappelle distinctement que les cas suivants parmi bien d'autres. Mon guide me conduisit dans les environs de Paderborn prs d'une maison situe sur la route et il me dit : Ç Il y a dans cette maison une jeune fille plonge dans toute espce de vanits et tu dois lui donner quelques avertissements. Elle va revenir de la danse chez elle, et je te donnerai la voix et le langage de la pieuse fille d'un voisin : quand elle se dshabillera, tu lui feras des exhortations È. Je vis alors en tableaux toute la manire de vivre de cette jeune fille. Je vis combien elle tait vaine, passionne pour la toilette et pour la danse, drgle dans ses moeurs, et comment elle trompait ses amants les uns aprs les autres. Je la vis en ce moment revenir de l'endroit ou l'on dansait : elle entra dans sa chambre sans lumire et se dshabilla pour se mettre au lit. Je m'approchai d'elle et lui dis : Ç Tu devrais pourtant penser quitter avec cette toilette la vie que tu mnes et ne plus servir 1e diable, mais ton Dieu, qui t'a donn ton corps et ton me et qui a rachet celle-ci de son sang. È Lorsque la jeune fille entendit ces paroles, elle fut trs-mcontente et trs-irrite et me dit que je ferais bien mieux de m'en retourner chez moi, que mes bavardages taient hors de saison, qu'elle n'avait pas besoin de gouvernante, qu'elle savait ce qu'elle avait faire. Elle alla se mettre au lit sans avoir pri et quand elle eut dormi quelque temps, mion guide me dit : Ç Il faut encore la secouer. Je lui ferai voir quelques tableaux qui lui apprendront ce qu'est en ralit la vie qu'elle mne. È Je ne vis pas des tableaux, mais je sus qu'elle vit Satan, qu'elle se vit elle-mme ainsi que ceux qui lui faisaient la cour. Mon guide ne nomma pas Satan par son nom : il l'appela, je crois, le prince du monde. Je la secouai. Alors, toute palpitante d'angoisse et de terreur, elle se leva prcipitamment, s'agenouilla sur son lit et rcita dans une grande perplexit tout ce qu'elle savait de prires. Je la vis aussi courir sa mre et lui raconter qu'elle avait eu de terribles angoisses et qu'elle ne voulait plus jamais aller la danse. Sa mre chercha l'en dtourner, mais elle n'y parvint pas : le lendemain, elle alla, comme je le lui avais prescrit, trouver un prtre et fit une confession gnrale de toute sa vie. Et j'ai eu l'assurance qu'elle se corrigerait. È
8 mars 1820. Ç Pendant un voyage que j'ai fait cette nuit, je traversai d'abord une neige paisse et je vis deux voyageurs que d'autres hommes frappaient coups de bton. L'un dÕeux tomba mort. Je courus pour les secourir, et il me sembla que j'effrayais les assassins. L'autre vivait encore. Il vint des gens de sa famille qui le transportrent chez un mdecin dans un endroit du voisinage. J'obtins par ma prire qu'il en reviendrait. Je sais bien que je ne dois plus ajouter mon fardeau, mais je voulais pourtant souffrir quelque chose sa place et j'obtins ce que je dsirais. Aprs cela je fis encore un grand voyage. Comme je revenais je me trouvai de nouveau dans les neiges. Lorsque je me rapprochai de chez moi, je vis, entre autres misres, un pauvre homme affam, qui voulait se procurer du pain pour ses enfants, faire une chute dangereuse, au point qu'il ne pouvait plus se dgager de la neige. J'obtins aussi qu'il serait tir de danger et qu'il trouverait des aliments. Je que crois que nous entendrons parler de cet homme. È Dans lÕaprs-midi, vers quatre heures, le Plerin la trouva malade et trempe de sueur. Elle a dit que cela continuerait jusqu' cinq heures. Une forte sueur, devant durer de trois heures cinq, lui a t impose pour la gurison de lÕhomme. Le Plerin voit que c'est une sueur de sang et d'eau et qu'elle en a rendu une norme quantit, de quoi remplir une chopine. Elle se trouve bien malgr cela, seulement elle prouve une lassitude excessive. Elle dit au Plerin : Ç On peut en penser ce qu'on voudra : je sait que cÕest la volont de Dieu que je fasse ainsi, que je souffre ainsi. J'ai fait cela ds ma premire jeunesse, je suis appele par Dieu ces travaux de misricorde: tant ge seulement de quatre ans, j'entendis ma mre pousser des gmissements : elle tait dans les douleurs de l'enfantement pour la naissance de ma soeur. J'tais couche prs d'une vieille femme et je ne cessais d'implorer Dieu en lui disant : Je veux avoir les douleurs de ma mre : donnez-moi les douleurs de ma mre. È
Voyage Palerme.
Aot 1820 : Ç Hier, pendant toute l'aprs-midi, j'avais dj le pressentiment que je devais partir et que quelqu'un rclamait des prires et des secours. Cette nuit, j'ai eu une vision : dans lÕle qui est l'extrmit de l'Italie, lors des meurtres et des brigandages affreux que j'ai vus commencer l rcemment, il y avait parmi les meneurs un homme qui poussait des cris vers Dieu et vers la sainte Vierge pour qu'ils vinssent son secours : il tait dcid changer de vie. Depuis deux ans la vrit il avait men celle d'un impie, mais il voulait fermement s'amender. Je vis aussi qu'il avait femme et enfants et que sa femme tait parmi les plus furieux du parti. Pour lui, tout en vivant comme un impie, il portait sur lui une petite image de la Mre de Dieu, peinte sur parchemin ou sur autre chose
Elle tait cache dans son habit entre les boutonnires, il ne s'en tait jamais spar et y avait souvent pens. Elle tait de couleur bleue et or et trs-joliment peinte. Je le vis comme une espce de chef subalterne parmi plusieurs insurgs endormis, lesquels avaient des armes, mais pas d'uniformes. Il semblait qu'ils dussent faire une attaque vers le matin : ils taient couchs en plein air devant un lieu habit. Je vis dans ce pays de grandes misres : beaucoup d'honntes gens y ont t tus et d'autres priront encore pour que la vue des malheurs qui vont venir leur soit pargne. J'ai vu la dtresse, le dsordre et l'exaspration rgner un point effrayant. J'ai vu le peuple trs-pauvre et adonn bien des superstitions. Je vis ce pauvre homme dans de grandes angoisses de conscience: il implorait sans cesse Dieu, et Marie. : Ç Ah ! disait-il, si ce que la religion enseigne est vrai, que la sainte Vierge prie donc pour moi afin que je ne meure pas dans mes pchs ; autrement je serai condamn pour toujours. È Il la suppliait de lui venir en aide parce qu'il ne savait pas comment se tirer de l. J'eus aussi une vision sur sainte Rosalie et sur le jour de sa fte aprs lequel ces horreurs commencrent. A peine eus-je senti et vu la dtresse et les angoisses de cet homme que je priai du fond du coeur d'avoir piti de lui et de le sauver,
Et lÕinstant, sans avoir le sentiment que j'eusse fait un voyage, je me trouvai devant lui au milieu de ses camarades endormis. Je ne me souviens pas de tout ce que je lui dis : je sais seulement que je lui dis de se lever et de sÕen aller parce que sa place n'tait pas l. Je ne crois pas quÕil m'ait vue : il peut avoir eu seulement un mouvement intrieur. Il quitta les rebelles, courut la mer et monta dans une petite embarcation qui avait deux rameurs et une voile. J'tais aussi l : nous navigumes; sans rencontrer d'obstacles, la clart de la lune brillant dans une nuit tranquille et nous arrivmes avec une vitesse extraordinaire prs de la capitale de cette le o sont les deux religieuses stigmatises (Cagliari en Sardaigne). Je le laissai l en sret : il voulait s'amender et vivre pieusement, inconnu de tout le monde. Je visitai la religieuse de Cagliari, qui habite chez une pieuse femme et je la trouvai passablement bien portante et priant pour que le monde soit dlivr des malheurs qui l'accablent. Je visitai aussi Rose Serra au couvent des capucines d'Ozieri, je la trouvai trs vieille, maigre, malade : personne ne parlait des grces quÕelle a reues. Les religieuses taient bonnes et trs pauvres. Le pays tait tranquille. Je touchai Rome en revenant et je trouvai le Saint-Pre dans une grande affliction. Il lui a t ordonn dans la prire de n'admettre personne prs de lui pour le moment. L'Eglise noire qui est l est en progrs, et il y a beaucoup de malheureux prts s'y joindre, aux premiers troubls. J'ai vu la secte secrte qui entretient tous ces complots : elle travaille trs-activement. È
Salut d'une famille franaise Palerme.
Ç Depuis plusieurs jours, j'ai eu diffrentes visions touchant une affaire qui doit tre termine cette nuit : on me fit voir une famille dans le malheureux endroit o le massacre a eu lieu. Je vis une maison riche et bien tenue, un mari avec sa femme et de grands enfants, un serviteur ancien esclave, brun avec des cheveux crpus, mais trs entendu. Il m'a t montr comment cette famille est venu l. Ce sont des Franais : je les vis, avant la rvolution mener en France une vie heureuse et chrtienne : je vis qu'ils taient vraiment bons et pieux. Ils avaient, spcialement une dvotion cordiale envers la Mre de Dieu; il allumaient tous les samedis une lampe devant son image et faisaient ainsi en commun un exercice de pit. L'esclave alors n'tait pas chrtien, mais c'tait un homme d'un bon naturel, extrmement intelligent et actif. Il est d'une taille lance et trs-bien fait, si souple et si adroit que j'avais toujours du plaisir voir la manire dont il servait ses matres. Je n'ai jamais pu souffrir les gens roides, lents, incapables de mouvement : je pense souvent que les mes des personnes qui savent se remuer sont aussi plus facile, mouvoir. Je vis que le matre et toutes les personnes de la maison aimaient cet esclave : chacun dsirait que Dieu, par une impulsion intrieure, l'ament au christianisme et son matre et sa matresse priaient souvent la sainte Vierge pour cela. Je vis alors que l'esclave tomba malade et que, la veille du jour de l'Assomption, son matre vint le trouver, lui apporta une image de Marie et lui demanda, puisqu'il n'avait rien d'autre faire, d'entourer cette image d'une guirlande de fleurs aussi belle que possible : il lui rappela en mme temps que celle que reprsentait l'image pouvait avoir piti de ses souffrances et le recommander la misricorde de Dieu; il l'engageait donc travailler cette guirlande avec toute l'affection dont son coeur tait capable. Je vis que le serviteur accueillit avec joie la demande de son matre, prpara pour l'image une guirlande trs-belle et trs-artistement faite et que, durant son travail, il fut remu intrieurement: Je vis aussi que la Mre de Dieu lui apparut pendant la nuit et le gurit : elle lui dit que sa guirlande lui avait t agrable et qu'il devait aller trouver son matre pour se faire instruire et prparer baptme. Je vis l'esclave faire le lendemain ce qui lui avait t dit et je vis le matre, qui avait ardemment pri pour cela, tout joyeux de ce que sa tentative avait russi. Je vis alors cet homme devenir chrtien et trs-dvot la Mre de Dieu. Il lui tressait une guirlande pour chacune de ses ftes, et, quand il n'avait pas de fleurs, il en faisait en papier de couleur: il allumait aussi tous les samedis un cierge devant l'image et sa pit tait grande. La Mre de Dieu de son ct ne laissa pas sans rcompense la pit de cette famille : car je les vis courir de grands dangers pendant la rvolution franaise, s'embarquer et arriver heureusement en vie. Cette scne me fut montre, et je vis ensuite cet homme devenir l trs-riche. Il avait des maisons magnifiquement meubles, des jardins et des habitations de campagne, une famille nombreuse et toutes choses en abondance. Mais il nÕtait plus aussi pieux : il s'tait engag dans toutes sortes de mauvaises entreprises. Il avait un emploi public et sÕtait mis en relations avec la faction rvolutionnaire. Sa position tait telle qu'il lui fallait ou prendre parti pour la rvolution ou s'exposer aux plus grands prils : il ne pouvait pas reculer. Il tait encore rest dans la maison quelque chose de ses anciennes habitudes : le cierge tait allum tous samedis en l'honneur de la Mre de Dieu. Le bon serviteur tait rest beaucoup meilleur que ses matres et faisait sa guirlande comme auparavant. J'allai plusieurs fois prs de ces gens pour exhorter le matre s'amender et s'enfuir. La premire fois (c'tait avant l'Assomption), je m'avanai la nuit prs du lit o le mari et la femme taient couchs, je leur remis en mmoire les jours de pit et d'innocence o, l'approche de cette fte, ils avaient converti lÕesclave au moyen de la guirlande de fleurs en l'honneur de Marie : or voici que le jour de cette fte revenait Je leur montrai combien leur tat actuel tait l'oppos de celui d'alors :puis j'exhortai le mari faire une guirlande de toutes ses mauvaises habitudes et de tous ses pch comme il en avait jadis fait une de fleurs, et la brler devant la Mre de Dieu, le jour de sa fte, avec un repenti sincre, aprs quoi il devait quitter le pays aussitt que possible. Je le pris par le bras et, le rveillai :lui-mme rveilla sa femme. Ils se racontrent alors qu'ils avaient fait le mme rve et ils furent trs-mus. L'esclave avait allum le cierge devant l'image cause de la fte. J'alla encore quelquefois l pour pousser le mari prendre son parti. Cela leur cote beaucoup, il leur faut abandonner leurs maisons, leurs terres et renoncer leur grande opulence. La dernire nuit, j'allai le trouver : ils taient prts. Ils avaient ramass beaucoup d'or, plus qu'il ne leur en fallait : ils laissrent l tout le reste et s'embarqurent pour l'Inde sur un grand navire, parce que le mari avait entendu dire qu'il y avait l une le o la religion prosprai de nouveau. Ainsi le bon serviteur revint dans sa patrie. Je vis d'horribles misres dans ce pays (la Sicile). Tout le monde s'espionne rciproquement. J'ai vu aussi la femme de cet homme qui s'est enfui en Sardaigne. Elle est si enrage qu'elle voudrait le baigner dans son sang. C'tait elle principalement qui avait pouss son mari conspirer. Celui-ci, lors de sa fuite, tait si mu qu'il se tournait en esprit vers tous les sanctuaires. Il s'est confess en Sardaigne, chose singulire, on m'a dit qu'il viendra dans notre pays et que je pourrai peut-tre le voir. È
14 octobre. Ç J'ai vu la famille qui a son service l'ancien esclave indien, aborder dans lÕle pour laquelle ils s'taient embarqus. Ils ont t bien reus. È
2 septembre. Ç Je vis Syracuse la fte de saint Evodius, et je vis un homme pieux qui invoquait le saint du fond du coeur. Les troubles qui existaient partout l'inquitaient beaucoup, et il voulait quitter le pays, mais il avait plusieurs enfants et sa femme s'y refusait. Je fus charge de lui dire qu'il devait partir. Il tait dj nuit quand j'entrai dans la cour de sa maison o il marchait de long en large, plein de soucis et d'inquitude. Il ne me demanda pas qui j'tais : nous parlmes ensemble et je lui dis qu'il devait s'loigner, mme sans sa femme, si elle ne voulait pas, que du reste elle ne tarderait pas le rejoindre. Alors il prit son parti. È
13 octobre. Ç Cette nuit j'ai rencontr pur la mer un navire sans rames et sans voiles ballott par la tempte. Il tait plein de gens qui s'enfuyaient de Sicile. Mon guide me donna une barre de fer ronde avec laquelle je devais pousser le navire en avant. Mais elle glissait toujours; jÕen aurais voulu une pointue. Il me dit qu'il me fallait pousser ainsi avec peine et avec fatigue, que je devais tout faire de la sorte. Il ajouta que les objets arms de pointes taient pour les affaires du monde et qu'on ne s'en servait que trop en Sicile. Les passagers arrivrent heureusement terre. È
Un homme dtourn du vol.
Ç J'tais dans une petite ville, plus de cent lieues d'ici. J'y vis dans une glise une image de Marie laquelle taient suspendues des offrandes en argent. Je vis trois hommes qui voulaient dpouiller cette image la nuit suivante. J'en connaissais un : il tait bon au fond. Je lui avais donn une chemise avant qu'il quittt le pays : c'taient la faim et la misre qui l'avaient dgrad ce point. Les autres ne m'inspiraient pas les mmes sentiments : peut-tre taient-ils d'une autre religion. Je ne pouvais pas prier pour eux avec la mme ferveur. Ces hommes se disaient : Ç Nous mourons de faim, l'image n'a besoin de rien. È Ils croyaient que c'tait ne voler personne. Les pauvres parents de celui que je connaissais l'avaient, lors de son dpart, recommand Marie et Joseph, et j'tais maintenant charge de le dtourner du vol. Ils voulaient entrer la nuit, l'aide d'une chelle, par la fentre de l'glise. Celui dont j'ai parl devait rester prs d'un mur et faire le guet. La chose ne lui plaisait gure, mais la faim le poussait. Heureusement, une femme, abandonne de son mari avec plusieurs enfants et accable de dettes tait prier devant l'glise. Elle tait au moment de tout perdre parce qu'elle ne pouvait retirer ce qu'elle avait mis en gage, et elle avait recours la Mre de Dieu. La prsence de cette femme effraya ces malheureux. Je priai aussi pour elle. Mais ils voulaient se concerter de nouveau le lendemain. (Ici la malade engagea fortement le Plerin prier avec elle pour ce pauvre homme.) Le jour suivant, vers midi, je vis les trois compagnons se promener ensemble et dlibrer sur ce qu'il y avait faire. Mais l'homme en question ne voulut pas recommencer: il dit qu'il aimait mieux, lorsqu'il aurait faim, arracher des pommes de terre et les faire cuire. Ils le menacrent de la tuer s'il n'allait pas avec eux. Il promit d'y aller, mais il les quitta avec la ferme rsolution de n'en rien faire. L'glise est situe l'extrmit de la petite ville. È
Ç Dans ma jeunesse, j'empchai une fois un jeune homme de faire un grand pch. Plus tard il se maria la personne, et j'eus souvent l'occasion de donner des avis tant lui qu' sa femme. Ils taient dans le besoin et il pensait recourir au vol. Je le vis plusieurs fois la nuit se glisser avec un sac vers les fours des boulangers pour y drober du pain; je l'en empchai toujours, soit en faisant du bruit, soit en me mettant en face de lui. J'eus le bonheur de l'empcher plusieurs fois. Une fois je le vis se glisser dans la maison un homme de ma connaissance qui avait ptri du pain dans sa huche. J'tais comme enchane et je ne pouvais pas lÕarrter : il avait dj dans son sac une grande quantit de pte, lorsque le propritaire, rveill par l'aboiement chiens, voulut allumer sa lampe. Si elle s'allumait, le voleur tait perdu et sa famille dshonore jamais : car il tait oblig de passer devant cet homme. Je ne pouvais plus l'empcher de voler. Je voulus le sauver pour qu'il sÕamendt. Je trouvai la force de faire battre la porte et tablir ainsi un courant d'air qui teignit plusieurs fois la lampe et le voleur s'chappa avec son sac. Quelques semaines aprs, l'homme vol vint me voir et me raconta toute l'affaire : il ne savait pas, disait-il, pourquoi il n'avait pas mis la main sur le voleur ; il en avait eu intrieurement piti. Celui-ci pouvait maintenant s'amender : il tait bien aise de ne pas l'avoir reconnu, etc. Il parla trs bien. La femme du voleur vint aussi me trouver, et comme elle me rappelait qu'avant son mariage, je l'avais prserve du pch, je lui parlai de la facilit avec laquelle de petites fautes font tomber dans de trs-grandes. Elle pleura beaucoup, elle savait ce qu'avait fait son mari. Tous deux ont fait rparation et se sont amends. J'agis ainsi d'aprs la volont de Dieu. È
22 janvier 1820. Ç Je fus tout coup appele par une ardente prire et je vis, au-del de la mer, dans une contre maritime, un vieillard qui paraissait trs-agit et qui priait. Il y avait beaucoup de neige dans le pays; on y voyait des pins et d'autres arbres du mme genre avec des feuilles piquantes. Cet homme portait une grande pelisse et il tait coiff d'un bonnet de fourrure grossirement fait o pendait une queue d'animal. Il habitait une grande maison isole, dont dpendaient plusieurs autres plus petites situes dans le voisinage. Je ne vis pas d'glise, mais quelque chose comme des coles. Cet homme semblait tre vraiment bon. Son fils, qui menait une vie trs-drgle, avait quitt la maison dans un accs de colre pour s'embarquer sur un navire. JÕaperus ce navire. Il s'y trouvait de grandes valeurs en marchandises et en argent. Le pre, qui avait le pressentiment d'un grand danger o se trouvait ce btiment au milieu de la tempte, tait dans une vive inquitude la pense qu'il allait couler et que son fils mourrait dans son pch. I1 se mit prier avec ardeur et envoya des domestiques et des servantes chargs de porter des aumnes et de demander des prires dans les environs. Lui-mme alla dans un bois o vivait en solitaire un homme pieux dans lequel il avait beaucoup de confiance, pour lui demander aussi des prires. Je vis cela au-del de la mer, et je vis sur la mer orageuse le navire qui portait le fils courir de trs-grands dangers. Je le vis ballott et l par la tempte. C'tait un norme btiment presque grand comme une glise. Je vis les hommes de l'quipage grimper aux mts et pousser des cris. Il y avait l peu de gens qui eussent de la religion. Je vis le fils, il n'tait pas bon. Tout paraissait dsespr. Je priai Dieu de toutes mes forces, et je vis dans plusieurs directions plusieurs personnes qui priaient, notamment le vieillard dans la fort. Je priai avec une grande ferveur et je prsentai Dieu ma demande avec beaucoup d'insistance et de hardiesse. J'tais peut-tre trop hardie, car je reus une rprimande, mais je ne me dcourageai pas. Il semblait que je ne dusse pas tre exauce: mais la dtresse que je voyais tait dchirante, et je ne cessai pas prier, d'implorer et de crier, jusqu'au moment o je vis navire aborder dans une anse dont les bords taient entirement revtus de maonnerie. Il paraissait y tre en sret. Le pre reut aussi une assurance intrieure qui le tranquillisa, et j'eus l'espoir que le fils s'amenderait. L-dessus je remerciai Dieu. J'ai su, sur les rapports du fils et pre qui tait veuf, toute une histoire dont j'ai perdu le souvenir. È
6 juillet 1820. Ç Il m'a fallu faire un grand voyage: un guide m'accompagnait. C'tait prs d'une ville du Nord: l vivaient pauvrement, dans une maisonnette isole deux poux qui semblaient tre des fermiers : ils se croyaient la veille d'tre chasss de leur demeure et rduis la misre. Pourquoi cela, je n'en sais rien. Ils avaient confiance en moi, et dans leurs terribles angoisses ils s'taient souvenus de moi, pensant que je m'adresserais Dieu pour qu'il vint leur secours. I1s avaient prs dÕeux de petits enfant, et je vis qu'ils avaient aussi, dans une contre loigne, des enfants-adultes; un fils, qui tait dans une bonne position, s'occupait de diverses affaires et fit beaucoup pour ses parents, et une fille qui semblait dans mon voisinage, et qui se tenait derrire moi, me poussant en avant vers ses parents. Le mari n'avait pas toujours t bon, mais il l'tait devenu. Sa femme semblait plus ge que lui. Il me fallut aller eux : leur prire mÕattirait et mon conducteur m'ordonna de le suivre jusque-l. J'avais prs de moi quelque chose dont je ne me souviens plus, un objet rel on symbolique. Dans le voyage, je me trouvai devant un rempart perpendiculaire qui me barrait le chemin, et que, suivant toute apparence, il m'tait impossible de franchir. Mais je me souvins de ce qu'a dit Jsus, que la foi peut transporter les montagnes: pntre de cette vrit, je m'lanai pour sauter dessus, et la hauteur escarpe s'abaissa sous mes pieds jusqu'au niveau de la plaine. Je passai aussi par la contre o, un jour, j'avais vu sauv par la prire un pre de famille dont la vie tait en danger, pendant que des orages terribles s'amassaient sur lui. En passant par un pays de montagnes, je vis ma droite sainte Hedwige, et je vis encore sur le chemin d'autres saints en relations avec les pays dont ils taient les patrons ou dans lesquels leurs corps reposaient. Les gens vers lesquels j'allais, habitaient une pauvre maisonnette peu de distance d'une petite ville. Il faisait nuit lorsque j'entrai. Le mari tait lev, je crois qu'il avait entendu du bruit. La femme tait couche dans son lit et pleurait. Je ne sais plus ce que j'eus faire l, ni ce que j'y apportai, mais ils furent consols et secourus : le danger tait pass lorsque je les quittai. Je fus reconduite par une autre route, plus au couchant, et j'eus encore beaucoup faire sur le chemin. Il me fallut empcher un vol. È
2 mars 1822. Une somme importante avait t vole un pauvre receveur de la douane qui tait protestant. Il avait perdu sa place et manquait de pain, lui et sa famille. Le Plerin demanda la malade de prier pour lui et elle y tait fort dispose. Ayant pri plusieurs fois pour cette famille, elle dit : Ç Chose tonnante, on ne peut presque rien faire dans ce cas par la prire. Je vois de ces protestants indiffrents dans un tat tout fait singulier. Ils sont dans l'ombre, dans le brouillard, compltement sourds et aveugles, et ils se heurtent de ct et d'autre. Ils sont comme milieu d'un vent qui les rend inaccessibles et dont le souffle enlve tout ce qu'ils ont sur eus. Je ne sais pas si cette fois Dieu viendra en aide. È
16 octobre 1820. ¥ J'tais dans une grande ville o il y plusieurs faubourgs, beaucoup de fume et de noirs monceaux de charbon ; il s'y trouve beaucoup d'tudiants et de savants, et aussi plusieurs glises catholiques. J'y ai vu, dans une auberge, un homme qui n'avait rien de bon dans l'esprit. Il tait assis table et un chien noir, d'un aspect trange, sautait en l'air aprs lui ; il semblait que ce ft le diable. Je vis qu'il voulait tromper les gens de l'auberge et que, pour ne pas payer son cot, il monta sur la fentre et s'chappa. On l'attendit inutilement la porte, il tait parti. Je le vis ensuite dans une fort o un homme pieux voyageait pied. C'tait une fort de sapins. Il attaqua cet homme qui, pour sauver sa vie, lui donna un petit sac d'argent et s'enfuit. Le voleur avait son ct un couteau qu'il tenait cach : Il voulut courir aprs le vol et le tuer par derrire, mais mon conducteur et moi nous lui barrmes le chemin : de quelque ct quÕil allt, nous nous trouvions toujours devant lui. En mme temps l'argent devint pour lui si lourd porter qu'il fut presque saisi de dsespoir. Ses bras et ses jambes tremblaient, et il se mit crier celui qu'il avait dpouill : Ç Mon ami; mon ami, arrtez ! reprenez votre argent : ! È Alors il put avancer, le voyageur l'attendit, il courut lui et lui donna son argent; il lui avoua tout, mme qu'il avait voulu l'assassiner et que cÕtaient deux figures blanches qui l'avaient ainsi terrifi. Il ne voulait plus jamais, disait-il, faire pareille chose. Il tait tudiant, il avait plusieurs complices de ses vols, il voulait les ramener au bien. Alors il continua sa route en compagnie du voyageur qui lui promit de s'intresser lui. È
Assistance donne dans le royaume de Siam.
12 novembre 1820. Ç J'allai dans un grand dsert o je vis un homme et une femme trs-misrables et l'air trs-farouche qui taient agenouills et criaient vers Dieu. J'allai eux et ils me demandrent ce qu'ils devaient faire : j'tais certainement la personne qui, aprs qu'ils avaient si souvent cri au secours, leur avait t annonce en songe comme devant les consoler. Je ne sais plus si j'avais vu d'avance, dans une vision, la dtresse de ces gens ou si je l'appris d'eux. Ils taient tous deux abandonns dans le dsert cause d'un grand crime. Ils auraient d subir une mutilation, mais on les avait laisss s'enfuir par piti. Leur grande misre leur avait fait faire pnitence, et comme ils ne savaient rien de Dieu, ils en taient arrivs dans le dsert prier ardemment pour tre instruits, et leur ange gardien leur avait dit en songe que Dieu leur enverrait quelqu'un pour leur dire ce qu'ils avaient faire. ils vivaient dans une caverne et, comme tous les ans on faisait l une grande chasse, ils en cachaient l'entre avec des broussailles et mettaient devant une charogne. Quand les chasseurs en sentaient l'odeur, ils quittaient cet endroit comme tant impur, pour se conformer une vieille coutume, et ainsi ces pauvres gens n'taient pas dcouverts. Ils taient comme abrutis par le chagrin et par les privations. Je leur donnai des consolations et des conseils que Dieu m'inspira pour eux, et je leur dis avant tout qu'ils vivaient l'un avec l'autre dans un commerce coupable qui tait une abomination devant Dieu, qu'ils devaient dornavant s'abstenir de ces relations jusqu' ce qu'ils eussent t instruits dans la religion chrtienne et unis l'un l'autre d'une manire rgulire. Les pauvres gens eurent de la peine comprendre cela, et la chose parut leur coter beaucoup, tant ils taient abrutis et devenus semblables des animaux sauvages. Je leur indiquai aussi comment ils pourraient gagner un endroit o je voyais le christianisme faire de grands progrs dans ces contres, et o j'avais envoy plusieurs personnes de Sicile. C'tait l qu'ils devaient tre instruits. Je ne me rappelle pas autre chose de cette vision. È
Ç J'allai aussi dans l'le o les chrtiens sont si bien accueillis par les habitants paens. J'y vis plusieurs maisons nouvellement construites. Le gentilhomme franais, migr de Palerme avec sa famille, tait l : il s'tait bti une maison et en arrangeait une autre pour donner l'hospitalit des prtres. Malheureusement il y avait peu de missionnaires catholiques, il y venait le plus souvent des missionnaires htrodoxes. È
Ç Dans ce voyage je me trouvai au milieu de la mer, prs d'un navire qui tait en grande dtresse. Il ne pouvait plus marcher et tait au moment de couler bas. Je vis tout autour beaucoup de mauvais esprits. Il s'y trouvait toute une famille venant de Sicile, depuis le grand'pre jusquÕaux petits enfants, et ils ne pouvaient pas avancer, parce qu'au moment du pillage ils s'taient appropri des trsors appartenant l'glise, l'aide desquels ils voulaient se btir de grandes maisons dans le pays o ils aborderaient. Je fus charge de leur dire qu'ils couleraient bas trs-certainement, s'ils ne rejetaient pas et ne restituaient pas ce bien mal acquis: mais ils ne savaient comment le faire sans se trahir. Alors je leur conseillai de le dposer, avec l'adresse du possesseur lgitime, sur un point du rivage o il pourrait tre trouv et rapport par d'autres navires. Je savais que Dieu y pourvoirait. Lorsqu'ils eurent fait cela, ils purent avancer sans obstacle. È
25. Travaux pour des couvents.
13 aot 1820. Ç J'eus visiter un dignitaire ecclsiastique qui laissait de ct plusieurs affaires trs-pressantes, ce qui avait des rsultats trs-fcheux. Toute sa manire d'tre me fut montre : il avait un bon jugement et une humilit qui semblait exagre, mais il tait trs-ngligent. Je vis qu' l'occasion d'une affaire concernant un couvent, il avait reu des lettres de la suprieure, mais, les ayant places parmi d'autres papiers, il les avait compltement oublies, et il tait rsult de l un grand dsordre. Je vis aussi qu'il ne prenait pas assez au srieux les affaires actuelles de l'glise. Je ne pouvais pas croire que je fusse charge d'avertir un homme aussi distingu et de tant d'humilit : je me dfiai de cette mission comme d'un pur rve, et j'y fus compltement incrdule. Alors tout a coup saint Thomas parut devant moi et me parla contre l'incrdulit: je vis plusieurs visions sur lui, comme quoi il avait dj t incrdule ds le commencement, et comment son incrdulit aux rcits sur les miracles de Jsus l'avait conduit Jsus et avait fini par la persuasion qui avait fait de lui un disciple. Je vis en outre plusieurs choses de sa vie. Je fus ensuite conduite prs du prtre pour lequel je devais prier. Il tait couch dans une grande chambre, lisant la lumire d'une bougie. Je vis qu'il tait mu et que ses diverses ngligences taient comme un poids sur son coeur. Il se leva, chercha dans son critoire la lettre longtemps oublie de la suprieure, et en prit lecture. È
Ç J'eus aussi un travail faire pour de futures religieuses. Je vis dans un couvent plus de trente jeunes femmes qui n'avaient pas encore embrass l'tat religieux. Elles s'entretenaient ensemble. Il semblait qu'elles fussent de trois classes; les unes appartenant deux instituts existants consacrs au soin des malades et l'ducation, lesquels devaient tre renouvels: les autres un troisime qui tait fonder et qui devait avoir aussi pour objet le travail manuel et l'ducation. J'tais peine de ce que ces filles souffraient qu'il y et tant de salet parmi elles. Il y avait aussi l une personne destine devenir suprieure, et quelques-unes qui ne voulaient tre que soeurs converses, mais qui me parurent aussi bonnes que les autres. Mon guide me dit : Ç Vois ! ces personnes sont toutes hsitantes, elles sont dcides et ne le sont pas : elles disent: .Ç Dieu veut ceci, Dieu veut cela; quelle est la volont de Dieu ? si c'est la volont de Dieu, etc. È En mme temps elles sont trs-attaches leur volont propre et elles ont affaire l dehors des chevaux qu'il te faut dompter. È Alors il me mena devant la maison o se trouvait tout un troupeau de chevaux furieux. Ces chevaux taient les passions des personnes de cette maison et aussi d'autres personnes vivant dans le monde qui voulaient empcher l'tablissement de la maison. Ces passions les reliaient tous ensemble et ils travaillaient au-dedans et au-dehors contre le progrs de lÕinstitut. Il y avait peu prs autant de chevaux que de personnes dans la maison : tous faisaient rage contre la maison, tous voulaient lui donner l'assaut. Je me dis que cÕtait comme en t quand les chevaux sont tourments par
les mouches et veulent entrer dans les maisons. Il me paraissait bien singulier d'avoir me mler de ces chevaux, tant si faible et ne m'tant jamais occupe de chevaux sinon quand, dans mon enfance, je conduisais mon pre son cheval au point du jour. Mon guide me dit: Ç Tu dois l'aide de moyens spirituels, monter tous ces chevaux, les dompter et les mettre sous tes pieds. È Je me demandais comment cela pourrait jamais se faire, alors il me dit : Ç Tu le peux et tu le feras, mais seulement par la prire et par la patience, en supportant avec patience et douceur ce qui t'est encore rserv et ce que tu as souffrir. Tu auras recommencer sans cesse. N'as-tu pas dit bien souvent que tu voulais recommencer mille fois? Commence donc maintenant de nouveau supporter chaque instant de nouvelles souffrances; pense toujours que tu n'as rien souffert, ni rien fait : c'est ainsi que tu dompteras tous ces chevaux. Tant que tu ne les auras pas dompts, ces jeunes filles seront imparfaites. Tu agiras aussi par l sur ce qui t'entoure; tu seras la suprieure spirituelle des mes de ces nouveaux rejetons de la vie religieuse : tu dois les cultiver, les pousser et les purifier dans les voies spirituelles par des moyens spirituels. È - Je lui dis qu'il me paraissait absolument impossible de dompter ces chevaux parce que quelques-uns taient par trop furieux. L-dessus il me rpondit: Ç Celles auxquelles ces chevaux ont rapport deviendront prcisment les meilleures, les plus fortes colonnes de la maison des noces. Ce sont les grands talents, elles seront tout fait fortes quand leurs chevaux seront dompts.È
Ç Alors, tant sortie, je commenai chasser les chevaux et je les poussai devant moi quelque distance de la maison. Ils se mirent courir dans diverses directions, et je vis dans un cercle autour de moi divers tableaux o figuraient des personnes qui travaillaient sciemment ou leur insu contre l'tablissement de la maison. Il y avait l des gens dont les intentions taient mauvaises et des gens de bien qui avaient bonne volont, mais peu clairs, et je vis avec peine que ces derniers agissaient bien plus contre elle que les autres. Je vis notamment parmi eux des ecclsiastiques fort considrs. È
Ç J'eus encore (plus tard) prier pour le rtablissement d'un couvent de femmes qui me fut montr par deux saintes religieuses. Je vis le couvent et l'endroit o le linge du couvent tait lav et blanchi. Il y avait une surabondance de linge, mais dans le plus grand dsordre. A l'extrmit du jardin coulait un cours d'eau frache et vive, mais on ne s'en servait pas: on allait une mare d'eau trouble plus rapproche. Mes saintes compagnes me dirent : Ç Vois ! autant il est difficile de remettre l'ordre dans cette masse de linge, autant il l'est de le remettre dans la communaut. Essaye le voir si tu le pourras ! È Je me mis l'ouvrage et trouvai le linge plein de vieilles taches de toute espce et fort abm; il fallut me donner terriblement de peine. Je ne pus pas terminer ma tche et j'aurai encore m'en occuper. È
Prire pour la Grce.
31 juillet 1821. Ç J'ai eu cette nuit un singulier travail faire. J'tais en prire pour les chrtiens et pour tant d'innocents dont la misre est grande en Turquie, et il me fallut combattre toute la nuit contre des Turcs pour repousser leurs attaques. J'avais appel au secours saint Ignare de Loyola, il me donna son bton et m'apprit comment je devais m'en servir. Je me trouvai au-dessus d'une ville, situe assez haut sur un golfe tourn vers le couchant. Il y avait sur la mer devant la ville beaucoup de navires; c'tait comme une fort de mts. Je vis dans une vision comment le saint martyr Ignace d'Antioche avait pass l, charg de chanes, lorsqu'on le conduisait Rome, et y avait reu la visite d'autres vques. Je vis autour de la ville beaucoup de soldats turcs qui voulaient y entrer, tantt sur un point, tantt sur un autre, par des jardins et des brches faites aux murs. Tout tait dans la confusion et il n'y avait d'ordre nulle part. Je pouvais me tenir en l'air comme si j'avais eu des ailes. Quand je m'levais un peu, je volais. Je rassemblai mes vtements autour de mes pieds, et, tenant la main le bton de saint Ignace, je planai la rencontre des Turcs qui attaquaient. Il semblait qu'une quantit de balles passaient autour de moi. Je les repoussai toujours. Il y avait encore avec moi plusieurs figures blanches, mais souvent elles restaient en arrire, je planais toute seule en avant et quelquefois j'avais grand'peur de rester accroche dans de grands arbres qui avaient de larges feuilles et des fruits noirs en forme de grappes. Souvent aussi je me disais : Ç Il est bon que les gens de mon pays ne me voient pas ainsi en l'air: ils diraient certainement que je suis une sorcire. È Pendant qu'il me fallait ainsi combattre, tantt d'un ct, tantt de l'autre, je vis une grande quantit de personnes sortir en toute hte de la ville avec leurs bagages et monter sur des vaisseaux bords de galeries du haut desquelles on jeta de petits ponts jusqu'au rivage. Tous les vaisseaux taient remplis d'habitants de la ville. Je travaillai ainsi toute la nuit. Je vis aussi les Grecs: mais ils me parurent presque plus cruels et plus sauvages que les Turcs. Je vis aussi une grande distance, du ct du nord, de nombreuses troupes en marche contre les Turcs, dans une vaste plaine, et j'eus l'impression que, si elles arrivaient, les choses empireraient encore. J'eus aussi une vision o il me fut montr jusqu' quel point les Grecs taient spars d'avec l'glise. Je vis cela sous la forme d'un fleuve qui coulait et j'en ressentis une impression trs-pnible. Les Turcs, quand ils se rpandent ainsi travers le pays, ne ressemblent pas des soldats : ils n'ont pas d'uniformes dans ce pays; ils courent demi nus, affubls de haillons de toute espce. È
Travail pour la paroisse de Gallneukirchen en Autriche sduite par les sectaires.
23 novembre 1822. Ç Dans le voyage que j'ai fait cette nuit, j'ai eu sainte Odile prs de moi. Elle alla avec moi Ratisbonne et dit prs d'une maison : Ç C'est l qu'habitait Erhard qui m'a donn la lumire des yeux et celle de l'me. È Il semblait que cela se ft pass hier. Sur le chemin, sainte Walburge aussi se joignit nous. J'ai eu beaucoup disputer dans cette maison; je me suis extrmement fatigue. Walburge et surtout Odile ne voulurent pas me laisser disputer plus longtemps. Odile me dit : Ç Il faut que nous allions plus loin ; il y a en Autriche un endroit o ils veulent enlever une fiance et il faut que tu rveilles ses frres, autrement toute la descendance se perdra. È Elle ne me laissa pas de repos et il fallut partir. C'tait un pays de montagnes sur le territoire autrichien : il y a l belles vaches tachetes et de magnifiques prairies, mais au milieu desquelles on voit souvent de grands rochers ; il y a aussi de grandes tendues d'eau dormante avec des roseaux. Le pays est habit par des gens simples, dont quelques uns ont l'air idiot ; ils se comportent en tout comme des enfants. L'endroit o j'allai est peu prs deux lieues d'une grande rivire. il y avait l un chteau avec des maisons lÕentour. La fiance habitait dans ce chteau. Elle consentait se laisser enlever par un autre fianc que le sien. Il faisait le guet la porte avec des valets et une voiture. Elle faisait ses paquets en silence et elle tait au moment de sortir. Son vrai fianc n'tait pas l, elle le trouvait trop raide et trop svre. Pousse par Odile, j'allai pour rveiller les frres de fiance qui dormaient dans un btiment dpendant du chteau. J'eus une peine incroyable en venir bout. J'eus beau les prendre par les paules et crier : ils continurent dormir profondment. Enfin je leur mis sous le nez une petite herbe que j'avais cueillie sur le chemin, alors ils se rveillrent. Je leur dis tout et je les fis venir avec moi devant la maison : lorsque la fiance sortit, nous nous emparmes d'elle trs-doucement et nous la reconduismes chez elle. Le sducteur attendit encore ; puis il revint chez lui. Il se promenait, plein de rage, dans une belle salle qu'on avait magnifiquement dcore avec des colifichets de toute espce, des fleurs artificielles et des miroirs emprunts de tous cts. On y apportait encore des miroirs. La colre le mettait hors de lui et il aurait volontiers tout bris. Ce travail m'a beaucoup fatigue. Tous les chemins taient comme obstrus : souvent je m'garais dans un labyrinthe de rochers, ou bien je me trouvais au milieu de pierres, de troncs d'arbres et de poutres amoncels (symboles de la fatigue et des difficults vaincre). Je reus aussi ce sujet diverses explications. La fiance est une paroisse voisine de la frontire o beaucoup de personnes gares par un prdicateur hrtique avaient form le projet de sortir de l'glise. Les frres sont deux chapelains qui sont trs-bons, mais peu vigilants. Le fianc lgitime, habitant quelque distance, est le cur qui est un peu raide et ngligent. La salle du sducteur reprsente les vanteries du prdicant et les joies frivoles.
Ç Quand cela fut fini, sainte Odile s'en alla dans la direction du levant, sainte Walburge dans celle du couchant : elles avaient encore d'autres choses faire. È
21 novembre. Ç J'ai eu encore beaucoup de fatigue et de travail l'occasion de cette paroisse. Il me fallait avoir la bndiction de mon pre et, pour aller lui, j'ai eu faire un voyage excessivement pnible travers mille obstacles. Je le trouvai dans un beau jardin, au milieu de belles habitations. Je lui parlai de la duret de mon frre an l'gard du plus jeune. Il me dit qu'il savait par sa propre exprience ce qu'il y avait l de fcheux; mais il me fallait avoir sa bndiction. Il me la donna : et, aprs l'avoir reue, j'allai dans une autre rgion plus leve, dans une glise spirituelle. Il y avait l de saints vques des premiers temps, lesquels avaient prch dans le pays o se trouvait la paroisse en danger. Je vis saint Maxime, saint Rupert, saint Vital ; les frres de sainte Walburge et saint Erhard taient aussi l, ainsi que de pieux curs morts dans ce pays. Je reus d'eux un grand cierge bnit, merveilleusement beau; il me fallait le porter tout allum dans cette paroisse, avec beaucoup de fatigue et par un long chemin o il risquait sans cesse de s'teindre. Je l'y portai heureusement, le plaai au milieu de la paroisse sur un chandelier et tout fut clair comme par la lumire du jour. Il y avait l une vilaine lampe fumeuse, descendant tout prs de terre et o brlait de l'huile de poisson ; elle pendait une longue mche et tout tait terne et obscur l'entour : sa lueur faisait l'effet d'un trou dans le sol. Il me fallut emporter cette lampe, non sans beaucoup de peine. Je ne pouvais pas la maintenir au bout de la longue perche, le chemin tait encombr d'obstacles, de poutres, de pierres, de monticules, de dcombres. Je me heurtai, je salis mon vtement avec de la graisse, je me blessai au genou; j'tais harasse et impatiente. Je vins en gmissant trouver ma mre; elle tait dans une belle maison, dans un beau lit ; elle eut piti de moi. Comme je me plaignais, elle me dit de laisser l cette lampe que je ne pouvais pas manier. Il fallait la tordre et la suspendre aux poutres du vestibule. Je m'aperus qu'elle tait de fer et je dis qu'on ne pouvait pas la tordre : mais ma mre m'en ayant donn l'ordre, je pus la tordre comme du plomb de gouttire et je la suspendis dessus des poutres dans le vestibule inachev. Ma mre me prit dans son lit et me banda le pied. È
Ç Je vis alors dans la paroisse tout le monde se rassembler autour de la lumire. Les deux chapelains travaillaient avec succs. Il en vint de loin un troisime trs-zl. Je vis le cur, il demeurait un quart de lieue de l et il tait un peu raide. Je vis l un des saints qui avaient converti ce pays: c'tait saint Rupert. Il fit une instruction avec sa voix d'tre incorporel qui rpandait la lumire. Le nouveau chapelain tait tout ravi, il demanda au cur s'il ne trouvait pas cela admirable. Celui-ci dit: Ç Je n'entends pas un mot. È Alors les deux chapelains entendirent aussi, et ayant questionn le cur, ils le conduisirent plus prs. L il entendit un peu. Ds lors, la situation s'est amliore.
Voyage dans une le japonaise.
24 dcembre 1822. Ç J'ai fait cette nuit un grand voyage, tantt par eau, tantt par terre, jusqu' une le qui est sur la route du Japon. J'ai t un certain temps sur un navire en compagnie de chrtiens et de juifs. Je parlai ceux-ci de Jsus et je vis une motion particulire dans l'me de ces gens. Cela ressemblait ce qui m'est arriv encore rcemment dans un cas o j'ai eu parler en vision avec quelques personnes d'ici. Je les convainquis, et au bout de quelques jours, elles vinrent moi et me demandrent si elles ne devaient pas faire telle ou telle chose, vu qu'elles taient dans une inquitude continuelle. C'tait l'effet de ce que je leur avais dit. - Prs de lÕle o j'abordai, il y en avait encore d'autres plus grandes et plus petites. Elle s'appelle Pahgai (elle articula les lettres l'une aprs l'autre). Les bords sont escarps et rocailleux et l'aspect en est sinistre et sombre. Il semble qu'il y vient rarement des navires. Elle peut avoir dix lieues de tour. Il y a une ville et j'ai vu les habitants adorer comme une figure de lion qu'ils portent en procession. Il ne s'y trouve pas de chrtiens. J'allai voir une vieille femme malade : elle tait de ceux qui habitent l'entour d'une haute montagne, dans des cavernes devant lesquelles ils construisent un appentis dont l'paisseur varie selon la saison. Ces gens sont basans et assez laids, mais d'un trs-bon naturel. Il faisait jour lorsque j'arrivai l. La femme tait tendue sur une couche de mousse trs-blanche : elle avait sur les paules une espce de peau velue et sur le corps une couverture. Au commencement elle parut effraye, mais ensuite elle prit confiance. Je lui racontai beaucoup de choses touchant l'enfant Jsus et je lui dis de faire une crche. Elle avait l-dessus quelques notions confuses venant de ses anctres. Elle tait au moment de mourir. Je lui demandai si elle voulait gurir : elle croyait qu'il lui fallait maintenant aller dans son pays, cÕtait le terme dont elle se servait. Je l'engageai invoquer du fond du coeur l'enfant Jsus et je lui dis qu'elle pourrait peut-tre recouvrer la sant. Elle le fit de tout son coeur et promit de construire une crche aussi bien qu'elle le pourrait. Elle avait toujours eu un grand dsir de connatre la vraie religion : Ç Toute ma vie, disait-elle, j'ai ardemment souhait de voir des hommes blancs qui pussent m'instruire; souvent, tant dans les champs, j'avais le sentiment, qu'ils taient derrire moi et je regardais tout autour de moi dans l'espoir de les voir. È Elle se plaignit moi de ce que son fils et sa fille taient dans l'esclavage : elle n'avait aucune esprance de les revoir. Ah! si seulement ils pouvaient arriver la connaissance de la vraie religion: si son fils revenait et l'annonait son peuple ! Toute sa religion consiste faire des bandes de riz: elle enfonce en outre une croix dans la terre et la porte presque toujours sur elle. Elle tait couche sur trois croix de fer qu'elle avait places prs d'elle dans son lit de mousse. Les gens de ce pays font des espces de processions autour de leurs champs et brlent du riz en l'honneur du dieu suprme. Ils font trois rcoltes par an. J'enseignai cette femme comment, dans mon enfance; j'avais construit une crche dans un champ, comment nous priions devant, et comment, en jouant, nous choisissions entre nous une espce de prtre qui prsidait la prire et maintenait l'ordre partout. Ces gens savent trs-bien tresser et ils font de jolis paniers et des figures de toute espce avec de menus joncs, des herbes et des branches de saule. La femme avait de cette manire tress un corps sur sa croix. Je lui enseignai tout ce qu'elle devait enseigner aux autres son tour et ce qu'ils auraient faire. Je priai aussi avec elle et je ne la dcidai qu'avec peine se lever. Elle croyait toujours que cela lui tait impossible, qu'elle tait trop malade et qu'elle allait retourner dans son pays natal. Mais comme je lui avais dit plusieurs reprises que l'enfant Jsus ne pouvait rien refuser quiconque le prie du fond du coeur, elle pria et se leva. Elle avait une longue chemise de coton et un mouchoir bariol autour de la tte : il semblait bourr de mousse. Lorsqu'elle se fut leve, elle sembla ne plus me voir : elle appela ses voisins, leur raconta quelle tait gurie, qu'une personne tait venue elle d'une toile; je ne sais plus de quelle toile, ou bien du ciel, et lui avait racont des histoires du Sauveur nouveau n dont c'tait-la fte le lendemain, qu'il lui avait fallu prier et que l'enfant Jsus lui avait rendu la sant, enfin qu'elle avait promis de construire une crche et appris tout ce qu'il fallait pour cela. Il y eut cette occasion une grande joie parmi ces gens simples et innocents. Ils crurent tout ce que cette femme leur disait, car ils avaient beaucoup d'affection et de considration pour elle. J'ai aussi appris l qu' une poque antrieure, un voyageur chrtien, tant venu dans ce pays, avait vu les habitants; alors paens, honorer pendant vingt jours dans l'anne un enfant dans une crche, seul usage qui ft rest chez eux d'une premire conversion de l'le. È
Ç Le 25 dcembre, je fus encore prs de cette femme et je vis qu'elle avait fait une jolie crche, orne avec une simplicit nave. L'enfant tait une poupe emmaillote, le visage n'tait indiqu que par des lignes et n'avait pas de relief. Le corps de la poupe tait adroitement tress. Elle tait couche au milieu d'un jardin, dans une belle corbeille entoure de mousse fine et de fleurs. La femme avait tendu au-dessus une tente de la meilleure toffe qu'elle possdt. Il y avait une sainte Vierge habille avec du papier fin formant beaucoup de petits plis. L'enfant tait trs grand en comparaison de la mre. Il y avait encore un saint Joseph, trois rois et des bergers, tous habills avec du papier. Elle avait plac tout autour beaucoup de flambeaux, ce qui faisait un trs-bel effet sous les arbres. La lumire tait de longs roseaux creux fichs en terre. Il y avait dedans de l'huile avec une mche et autour -de la tige un anneau au moyen duquel on faisait monter l'huile; aux flambeaux taient attachs partout ds morceaux de papier pliss de diverses couleurs, des roses, des toiles, des guirlandes de papier. Ces gens avaient aussi parqu dans le voisinage une quantit d'animaux trs-agiles formant des troupeaux : ce ne sont pas des moutons, ni des chvres comme les ntres, ils ont de longs poils et courent fort vite. Tout cela tait vraiment beau. Beaucoup de gens vinrent en procession, parmi lesquels des enfants : ils tenaient des torches la main et s'agenouillaient prs de la crche o ils posaient toute sorte de choses qu'ils voulaient donner pauvres. La femme enseignait, racontant tout ce qui tait arriv et tout ce qui lui avait t dit touchant la naissance du Christ, son enfance, sa doctrine, ses souffrances et son ascension au ciel, et tous taient pleins de joie et dsir d'tre instruits. Ces gens venaient tous avec des couronnes et de longues guirlandes de fleurs. La femme tait trs-vieille et pourtant encore trs-vive et trs-leste. Cependant qu'ils clbraient leur fte, je vis la sainte Vierge assister avec l'enfant Jsus; mais ils ne la virent pas. Elle tait vtue comme Bethlhem, prs de la crche, et lÕenfant Jsus aussi. Elle avait une coiffe avec un pli faisant une pointe sur le front. È
Ç Plus tard je m'entretins encore avec la vieille femme et j'appris que, dans une autre le peu loigne, deux sicles auparavant, les habitants avaient construit un tombeau pour le jour anniversaire de la mort de saint Thomas, qu'ils y taient alls en plerinage pendant vingt jours (ce nombre se trouve frquemment dans leurs ftes), qu'ils avaient plac de beaux pains sur le tombeau, que l'aptre tait apparu et les avait bnis : ils s'taient ensuite partag ce pain, le regardant comme un objet trs-saint, mais plus tard il tait arriv quelque chose qui leur avait fait perdre cette grce et l'aptre n'tait plus venu. Ils croyaient lui avoir fait quelque offense. Tel tait le rcit et la croyance de ces gens. La vieille l'avait appris de ses aeux. Ayant entendu cette femme exprimer un si ardent dsir que son fils unique qui tait sur un vaisseau pt rapporter dans sa patrie quelques notions du christianisme, il me fut donn de jeter en regard sur lui. Il tait plus qu'un simple matelot; il tait dj quelque chose comme un pilote sur un navire o il y avait des gens de toute espce. Il avait, dans un autre endroit, parl en termes si pressants du dsir qu'avaient ses compatriotes de connatre la religion chrtienne que deux hommes avaient pris la rsolution d'aller les visiter. Ce ne sont pas des prtres, ce que je crois. On fait l-dessus un rapport Rome ; peut-tre, qu'ils demandent l'envoi d'un prtre. È
Ç Dans l'autre partie de lÕle qui n'est pas cultive, habitait une race de gens plus noirs qui sont des espces d'esclaves. La population dont ma femme fait partie porte de longs vtements, des bonnets pointus, les uns plus petits, les autres plus grandi. Ils ont beaucoup de riz. Il y a aussi l des arbres couverts de grosses noix, et des singes qui grimpent comme feraient des hommes sur les rochers escarps et se jettent toutes sortes de choses. La femme demeure deux lieues de la mer peu prs. È
Conversion d'un rabbin Maestricht.
Le 16 fvrier 1821, le Plerin voulut lui lire une lettre tenant la nouvelle de la conversion d'un rabbin de Maestricht. A peine avait-il commenc qu'elle l'interrompit ces paroles : Ç Je connais, cette histoire, je l'ai vue plusieurs intervalles de temps. Il doit y avoir un an de cela. JÕai vu une fois ce juif voyageant dans la malle-poste. Il y avait dedans avec lui des personnes pieuses qui parlrent de la Mre de Dieu et d'une image miraculeuse de Notre-Dame de Bon-Conseil, si je ne me trompe, qu'ils taient alls vnrer et des miracles qu'ils avaient vus l. Le juif dit : Ç Mre de Dieu ! mre de Dieu ! Dieu n'a pas de mre. È
Il tourna cette croyance en ridicule : ces bonnes gens furent contrists et formrent dans leur coeur le voeu que dÕautres chrtiens compatissants priassent pour ce juif et obtinssent d'tre touch par Marie. Comme, depuis ma jeunesse, je ressens une grande compassion pour les juifs, et que la misricorde de Dieu m'a montr en vision beaucoup de choses pour lesquelles il fallait prier, je vis aussi celle-l et je priai. Plus tard je vis souvent ce juif et comment il ne pouvait s'empcher de penser Marie : je vis plusieurs fois Marie s'approcher de lui, lui prsenter l'enfant Jsus et dire : Ç C'est le Messie. È Je ne sais pas s'il vit rellement des choses de ce genre ou si seulement ses penses intrieures me furent montres, de mme que je vois sous une forme visible des consolations et des tentations. Lui-mme avait ces penses pour des tentations et les combattait: il cherchait les processions o l'on portait le Saint-Sacrement pour y contredire et, s'en moquer en lui-mme. Je le vis une procession, celle de la Fte-Dieu, ce que je crois, tomber involontairement genoux. Je ne sais pas si ce fut seulement l'effet d'une motion inexplicable pour lui ou sÕil vit ce que je vis moi-mme, savoir la Mre de Dieu montrant l'enfant Jsus dans le Saint-Sacrement. Je vis que l-dessus il se fit chrtien. Je suis sre que, si on l'interrogeait, il dirait que la pense de Marie le poursuivait souvent. Je n'ai rien entendu dire de cette conversion et j'ai cru que c'tait seulement un rve que j'avais fait. È
Un infanticide empch.
Le soir du 27 fvrier 1821, elle tait en prire dans son lit. Tout coup elle s'cria : .Ç Oh ! je suis venue bien propos. Il est heureux que j'aie t l ! l'enfant est sauv ! jÕai pri pour qu'elle lui donnt sa bndiction : aprs cela, elle ne pouvait plus le jeter dans la mare. Une jeune fille qui avait failli voulait noyer son enfant : ce n'est pas loin d'ici. Dernirement j'ai tant pri pour les enfants innocents afin qu'ils ne meurent pas sans baptme et sans bndiction ! car le temps du martyre des saints Innocents est proche : il faut profiter de ce temps. Maintenant j'ai pu aller au secours d'un enfant et d'une mre, peut-tre parviendrai-je voir encore l'enfant. È Telles furent ses paroles immdiatement aprs le fait accompli dans la vision. Le lendemain elle donna des explications plus dtailles
Ç J'ai vu, dit-elle, une fille de mauvaises moeurs dans le pays de Munster. Elle tait accouche derrire une haie et elle alla vers une mare profonde au-dessus de laquelle tait comme une crote verdtre. Elle voulait jeter l'enfant dans l'eau. Il y avait prs d'elle une grande figure sombre qui pourtant jetait une sorte de lumire sinistre: je crois que c'tait le mauvais esprit. Elle avait l'enfant dans son tablier. Je m'approchai. d'elle, je priai, et je vis s'loigner la figure noire. Elle prit son enfant, le bnit et l'embrassa encore une fois, mais aprs l'avoir embrass, elle n'eut plus la force de le noyer. Elle s'assit par terre et pleura amrement : elle ne savait que faire. Je la consolai et je lui suggrai la pense d'aller trouver son confesseur. Elle ne me vit pas, mais son ange gardien le lui dit. Elle me parut tre de la classe moyenne. È
Assistance donne une jansniste mourante.
Ç J'ai vu cette nuit ma mre qui m'appelait pour faire un voyage. Elle me montra dans le lointain un chteau o je vais aller assister une femme qui se mourait. Dans ces cas; je suis toujours embarrasse et je ne puis comprendre pourquoi ma mre en use avec moi d'une faon si singulire et me parle en termes si brefs. C'est sans doute parce qu'elle est un esprit et moi une personne vivante. Il fallut donc me mettre en route avec mon guide sur un chemin difficile et pnible. Il se dirigeait vers les Pays-Bas, comme me le fit croire la configuration des lieux. Quand nous arrivmes assez prs pour qu'on pt voir le chteau, deux routes se prsentrent qui paraissaient y conduire, l'une unie et commode, l'antre trs-marcageuse et d'un aspect triste. Mon guide me dit alors de choisir. Je fus d'abord trs-indcise, et, cause de mon extrme fatigue, j'inclinais prendre le bon chemin; je finis pourtant par prendre le mauvais, l'intention des mes du purgatoire. Lorsque j'arrivai au chteau, je vis que c'tait un vieil difice dlabr et entour de fosss. Il y avait de bon terrain dans les environs; il s'y trouvait aussi des bois de sapins. Je ne savais pas comment entrer dans ce chteau : alors ma mre m'apparut de nouveau et me montra une petite ouverture, comme une sorte de fentre, par laquelle je devais m'introduire en grimpant. J'arrivai prs d'une veille dame de condition qui se trouvait dans un tat pitoyable. Elle tait au moment de mourir, couverte d'ulcres infects qui faisaient d'elle un objet de dgot. Elle tait couche assez prs de la porte, et abandonne de tout le monde. On lui avait donn pour gardien un vieux domestique de la maison. Prs d'elle, sur des assiettes de porcelaine, non pas rondes, mais de forme oblongue avec des angles, si je ne me trompe, taient placs plusieurs jolis petits pains beurre ronds. Dans la maison personne ne pensait elle. Des jeunes gens habitaient une autre partie du chteau, ils clbraient une fte. C'tait, je crois, celle de quelqu'un d'entre eux. La pauvre vieille dame n'avait pas de prtre pour l'assister. Ces gens n'taient plus catholiques. Un ecclsiastique que la vieille dame avait autrefois prs d'elle tait devenu jansniste et elle avait fait comme lui. J'ai aussi vu quelque chose dont je ne me souviens plus trs bien sur ce que sont ces jansnistes qui, au commencement, se sont spars de l'glise, gars par le dsir malentendu d'une plus grande perfection, puis sont devenus plus tard des espces de calvinistes. J'ai vu aussi que les gens qui, en Bavire, ont paru dbuter avec tant de pit, pourraient bien tomber dans des erreurs semblables. Sur l'ordre de mon guide, il me fallut, pour me vaincre, donner un baiser la pauvre vieille dame toute couverte d'ulcres dgotants. Lorsque j'entrai dans la chambre, elle devint tout autre; elle se mit sur son sant, se montra pleine de joie, me remercia cordialement d'tre venue et tmoigna le dsir de voir un prtre catholique. Il y en avait un dans un petit endroit loign de trois lieues. Il fut amen en secret par le vieux domestique et apporta avec lui le saint viatique. Elle se confessa, revint l'glise et mourut en paix. È
Le 28 aot 1822, comme elle s'entretenait avec son confesseur, elle s'arrta tout coup, tomba en extase et son visage prit une expression trs-grave. Revenue elle, elle raconta ce qui suit : Ç Mon ange gardien m'a appele pour un homme de la classe moyenne qui est mourant la suite d'une attaque. È D'aprs le tmoignage du confesseur, de semblables cas se prsentaient trs-frquemment.
Mort touchante d'un pcheur converti Munster.
2 septembre 1802. Je vis un pauvre invalide trs-bon chrtien mourir dans de grands sentiments de pnitence. Je vis la sainte Vierge et l'enfant Jsus son lit de mort. Je vis l'histoire de cet homme. Il appartenait une famille distingue de France; ses parents l'avaient offert la pinte Vierge lors de sa naissance : ils furent, je crois, guillotins. Je le vis se faire soldat, puis dserter, mais comme il avait toujours gard au fond de son me un grand respect pour la sainte Vierge, elle le sauvait toujours des dangers qu'il courait. Il entra la fin dans une bande de voleurs ou, pour mieux dire, d'assassins. Il vcut alors dans la dbauche, mais toutes les fois qu'il passait devant une image de Marie, il tait pris de honte et tremblait. Enfin, il fut jet pour la vie dans un sombre cachot. mais ses compagnons le dlivrrent. Je le vis mener une vie errante, puis mis en prison pour vol dans la ville. Il fut encore mis en libert par suite de l'invasion des Franais et il redevint soldat : il dserta de nouveau, prit du service ailleurs et, ayant reu un coup de feu dans le bras, il vcut ensuite dans la ville de sa pension d'invalide. Il se maria, soigna des malades domicile et remplit d'autres offices charitables du mme genre. Il voulut encore voler Ueberwasser, mais la sainte Vierge vint sa rencontre et lui dit que ses parents le lui avaient donn lors de sa naissance et qu'il devait s'amender. Alors il rentra en lui-mme, pensa la longanimit de Dieu envers lui et fit une rigoureuse pnitence. Il se donnait la discipline pendant des nuits entires, jenait frquemment et il mena ds lors une vie vraiment sainte. J'ai vu cet homme mourir cette nuit dans la joie et dans la paix et la sainte Vierge lui apparatre: Il a souvent chang de nom. È
28 novembre 1822. Elle tait trs-malade et raconta ce qui suit : Ç J'ai eu beaucoup travailler dans les Pays-Bas : je me trouvai l prs d'un cur qui tait la mort et dans une dplorable situation. On ne pouvait rien obtenir de lui : il tait franc-maon et une troupe nombreuse de gens de la secte formait autour de lui comme une chane ferme laquelle avait pour cadenas un autre cur qui vivait d'une manire scandaleuse avec une femme. Celui-ci tait aussi franc-maon et tellement dcri que les fidles ne voulaient plus recevoir la communion de sa main. Cet homme devait prparer la mort son confrre qui connaissait sa mauvaise vie. C'tait une vilaine affaire. La chane tait solidement ferme et les choses se passaient avec autant de solennit et de recueillement apparent que s'il se ft agi d'un saint assist par des saints. Je pntrai grand'peine jusqu'au malade et j'obtins par ma prire qu'il resterait en vie jusqu'au lendemain s'il reconnaissait ses fautes. Ce nid d'impies doit tre nettoy. J'ai eu aussi m'occuper de l'vque et des affaires qu'il a Rome. J'ai t encore prs de cinq bguines qui vivaient dans cet endroit, prenant leurs aises et se complaisant en elles-mmes ; j'ai eu leur envoyer un homme pieux pour les rveiller un peu afin qu'elles changent de vie. È
29 novembre. Ç Le cur vit encore et s'amende, il fait tout connatre, cela aura beaucoup de consquences. (Elle tait horriblement malade.) L'autre aussi fera des aveux et les personnes sduites par lui, ainsi que leurs enfants, obtiendront une pension alimentaire. È
Les souffrances pour le malheureux prtre se prolongrent pendant plusieurs nuits, une fois elle eut des sueurs affreuses. Elle vit dans sa vision deux tabliers de peau qu'il lui fallait tremper de sa sueur pour que le mourant ft en meilleur tat.
Vol avec effraction dans une glise.
Octobre 1820. Ç Cette nuit, tant livre des souffrances sans relche, j'ai vu avec de terribles angoisses un vol commis dans l'glise d'ici ; je n'avais personne que je pusse appeler et envoyer. Cela s'est pass entre une heure et trois heures du matin. Il y avait cinq six hommes, trois taient dans l'glise, d'autres faisaient le guet en dehors aux angles de l'difice. Le veilleur de nuit passa eux fois prs d'eux, mais ils se cachrent. J'en vis deux passer devant mon logis. Il me sembla que l'un d'eux tait rest cach dans l'glise et l'ouvrit. Je les ai vus vers deux heures et demie occups piller et briser. Une femme faisait le guet dans la rue derrire le choeur: un autre complice se tenait dans les environs de la maison du mdecin. J'ai vu aussi un garon de huit ans en observation prs de la poste. Une fois ils furent obligs de faire un temps d'arrt parce qu'il passait quelqu'un dans le cimetire. Ils projetaient aussi de s'introduire par effraction chez un chanoine. Ils firent longtemps le guet. Ce sont les mmes qui ont vol chez le doyen. Je crois que l'un d'eux a sa mre ici. Lorsqu'ils rpandirent les hosties sur la nappe de autel, l'un d'entre eux dit : Ç Je vais mettre notre Seigneur
Dieu sur un lit. È Ils firent aussi quelque chose derrire le grand autel. C'tait un horrible spectacle. Je vis un diable prs de chacun d'eux. Ces diables les aidaient, mais ils se tenaient autour de l'autel une assez grande distance. Je les vis courir les uns vers les autres : il semble qu'un diable ne sait pas ce que l'autre a dans l'esprit. Parfois il en venait un travers l'air qui soufflait quelque chose l'oreille d'un de ces misrables. Je vis des anges au-dessus du corps du Seigneur. Lorsqu'ils arrachrent l'argent de la grande croix, je vis tout coup en vision Jsus adolescent qu'ils frappaient, poussaient et foulaient aux pieds. C'tait horrible. Ils firent tout cela effrontment et avec une grande insouciance. Ce sont des gens qui n'ont aucune espce de religion. Je criai vers Jsus pour qu'il fit un miracle: il me fut rpondu que ce n'tait pas le moment. J'tais pleine d'angoisses et toute bouleverse. È
30 dcembre 1821. Le soir tant en extase, elle rcita en souriant cette chanson d'enfants : Ç L-bas prs du Rhin - il y a un baril de vin, - sans douves et sans cerceaux. -Devine un peu ce que c'est. È Le Plerin crut que c'tait un ressouvenir de quelque jeu du temps de sa jeunesse. Quand elle fut revenue elle, il lai demanda l'explication de cette nigme. D'abord elle ne semblait plus rien savoir de ce qu'elle avait dit ; mais en y rflchissant davantage, elle dit qu'elle s'tait trouve prs du Rhin, dans un endroit o de pauvres gens en grand danger dposaient un tonneau sur le bord, aprs quoi ils furent obligs de s'enfuir pour n'tre pas surpris par la douane. ÇIl m'y fallut aller et prier pour qu'ils chappassent. Je vis aussi les vexations de toute espce qu'ils auraient eu subir s'ils avaient t surpris. Je me tenais au bord du Rhin, prs du tonneau; j'tais toute gele de froid au milieu de la tempte. C'tait un grand tonneau : je me disais : Ç maintenant il va se perdre : si seulement mon pre l'avait dans sa cave È Alors cette nigme d'enfants me revint en mmoire et je la rcitai au milieu du froid qui me gelait. È