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VIE DÕANNE CATHERINE EMMERICH
CHAPITRE XV
ANNE CATHERINE EST TRANSPORTE DANS UN NOUVEAU LOGEMENT. ELLE PREND SUR ELLE L'TAT CORPOREL ET SPIRITUEL DE PERSONNES VIOLEMMENT TENTES ET D'AGONISANTS.
1. Le 15 fvrier 1821, sur la nouvelle de la mort de Lambert, le conseiller de la chambre des finances Diepenbrock, pre du cardinal Melchior Diepenbrock, crivit de Bocholt la malade pour l'inviter amicalement venir passer dans le sein de sa famille ce qui lui restait de temps vivre : il offrait en mme temps au pre Limberg la position d'aumnier Bocholt, afin qu'Anne Catherine ne ft pas prive de son assistance sacerdotale. Ces marques de bienveillante sympathie, succdant aux douloureuses preuves des derniers jours, furent pour Anne Catherine aussi bien que pour le pre Limberg un vnement qui les remplit d'motion joyeuse et de vive reconnaissance. La premire dclare, aprs avoir lu la lettre : Ç Il y a des annes, tant dans la dernire dtresse, j'ai cri une fois vers Dieu que je ne pouvais pas conserver le trsor de mon me au milieu de tribulations si grandes et si continuelles; il me dit que je devais persvrer jusqu' la fin; qu'il viendrait mon secours, quand mme je serais abandonne ou mprise par mes meilleurs amis, et que je vivrais tranquille pendant quelque temps. J'ai toujours espr en ce secours. È
Ces paroles taient la premire expression de son profond sentiment de reconnaissance et contenaient l'aveu involontaire qu'elle tait prte accepter l'invitation autant que cela. pouvait dpendre de son inclination personnelle. Elle regarda son confesseur qui rpondit : Ç Nous prierons pour savoir si c'est la volont de Dieu. È Quelques semaines plus tard, Diepenbrock renouvela ses offres par l'intermdiaire de sa fille Apollonie qui vint Dulmen visiter la malade, et cela ne put que contribuer accrotre la grande affection qu'Anne Catherine, tant qu'elle vcut, porta dans son coeur cette gnreuse famille. Apollonie tait accompagne de Louise Hensel, laquelle, dans les annes prcdentes, avait dj pass un temps assez long prs d'Anne Catherine. Toutes deux appartenaient au petit nombre de connaissances avec lesquelles elle avait nou des relations particulirement amicales et intimes, et auxquelles elle ne cessa de porter jusqu' la fin la plus vive et la plus ardente sympathie spirituelle, s'intressant toutes leurs affaires, surtout aux affaires de leur me, et les accompagnant de ses prires sur tous les chemins de la vie. Il tait naturel qu'Anne Catherine ne cacht pas l'motion joyeuse produite chez elle par les offres gnreuses qui lui taient faites, qu'elle rptt souvent et avec vivacit combien elle en tait reconnaissante et combien elle croyait l'accueil cordial qu'elle trouverait : il n'y avait rien l qui ft en contradiction avec l'assurance intrieure que, dans les desseins de Dieu, elle ne, devait pas quitter Dulmen pour finir ses jours dans une situation plus agrable et plus tranquille. Elle russit aussi insinuer cette persuasion son pre spirituel, mais le Plerin et son frre ne pouvaient pas renoncer la pense que son migration Bocholt serait pour elle le plus grand des bienfaits et la dlivrerait, suivant leur plus vif dsir, de tous ces drangements qui faisaient obstacle leurs propres efforts. Ils attendaient seulement l'instant convenable pour mettre le projet excution. Ayant la conviction inbranlable qu'ils travaillaient pour le bien gela malade, ces deux hommes indpendants, d'un esprit remarquable, qui jusque-l avaient plutt obi l'impulsion de hautes facults potiques et scientifiques qu' une vocation solide les appelant une vie plus releve oublirent compltement que pour Anne Catherine la translation Bocholt pouvait tre quelque chose de plus grave que ne l'est pour un voyageur le changement des auberges o il passe la nuit. Le Plerin, dans son journal, avait exprim en termes assez secs son opinion sur l'tat des choses : Ç Au milieu du dsordre et de la confusion qui l'entourent (C'est dire de la situation extrieure, telle qu'il la voyait), lorsqu'on voit se produire en elle des phnomnes d'une porte incalculable qui exigeraient qu'elle vct dans la retraite la plus absolue, sous la protection des personnes les plus intelligentes, son incurable condescendance fait qu'elle entretient chez toute sorte de personnes, bonnes sans doute, mais parfaitement inintelligentes (Il qualifiait ainsi tous ceux qui ne partageaient pas sa manire de voir), le sentiment qu'elle leur tient par des rapports troits et intimes. Ces personnes se scandalisent alors de ce que d'autres (c'est--dire le Plerin et son frre), cherchent faire prvaloir des vues diffrentes en ce qui la concerne ; elles soulvent des inimitis et suscitent des bavardages, tandis qu'elle mme impute tous les ennuis qui naissent de l ceux qui l'assistent sans la troubler (!!!). Si elle n'est pas entirement squestre, si les discours, les actes, les conseils en ce qui touche les choses du monde ne sont pas compltement retranchs, - si elle ne meurt pas entirement au monde extrieur et ne cesse pas de s'entretenir seule et longuement avec toute sorte de personnes, le dsordre ne finira jamais. Le Plerin lui a dit dernirement qu'elle parlait souvent comme quelqu'un qui divague. Elle a pris cela fort coeur et il en est rsult des pleurs qui ont abouti un fort vomissement de sang. È
Avec de semblables vues sur la situation de la malade et ses relations, il est certain qu'on ne pouvait pas hsiter tout faire pour la Ç squestrer È totalement du monde une fois pour toutes.
2. Au mois de juillet, Overberg tait venu Dulmen. Anne Catherine lui avait expos sa situation tout entire, lui avait rendu compte de l'tat de sa conscience et avait reu de lui des conseils et des consolations. Ç Il a, dit-elle, pris sur lui tous mes scrupules (c'est--dire qu'il l'avait tranquillise en lui disant qu'elle n'tait nullement responsable de l'irritation qu'avait excite, en fvrier, sa rpugnance bien justifie changer de domicile). Il n'a rien dit non plus cette fois sur le changement projet dans ma situation. È Les jours suivants, elle rpta plusieurs fois : Ç Le diable veut empcher par force ce que Dieu veut de moi. Je vois en face de moi crotre une grande croix... Je me suis vue mourant dans une bruyre que je traversais en voiture. Je ne vais Bocholt qu'en esprit .... On veut se saisir de moi et m'emporter... È Et le 1er aot : Ç Je suis pleine d'anxit comme si une grande souffrance me menaait È... Mais le Plerin en reproduisant toutes ces paroles, fait la remarque suivante : Ç Ce sont l des visions mlanges d'angoisse et de dlire auxquelles on ne peut se fier; È ou bien : Ç Elle a t toute la journe dans un tat trs-misrable et en proie un dlire fbrile. È
Cependant, ds le 6 aot, il fut vident qu'elle avait bien vu et que ce pressentiment plein d'angoisse n'avait t que trop fond : car, ce jour-l, on vit s'arrter devant la maison de la malade une voiture commande par le Plerin et son frre, dans laquelle elle devait tre conduite sans retard Bocholt. Le Plerin lui-mme raconte cet incident dans les termes suivants : Ç A midi arrivrent Mme Hirn et M. de Druffel (Sur l'invitation du frre du Plerin). On parla beaucoup des dmarches faites auprs de Son Excellence le prince vque Munster et auprs de M. le doyen, et il fut dit que tout obstacle au voyage tait lev. Il se tint divers propos et certaines personnes s'irritrent. Le frre du Plerin se confirma dans l'opinion qu'il avait du triste tat moral de la malade. La malade devint plus malade. Le confesseur s'opposa, contre toute attente, ce qu'on la portt dans la voiture et, dans son extrme anxit, il eut recours aux plus tranges subterfuges. M. de Druffel et Mme Hirn lui reprsentrent qu'ils avaient des preuves par crit (que la chose se faisait d'accord avec l'vque). Il demanda les voir et quand on les lui et montres, il ne voulut pourtant pas se rendre. Druffel se retira dgot, Mme Hirn eut l'imprudence de dire au frre de la malade que celle-ci devait partir. Ce frre qui, naturellement, ne voulait pas entendre parler de cela, rpta la chose l'extravagante soeur : ce fut comme si le feu prenait partout et le dpart devint impossible ! È
Anne Catherine vit avec la plus grande tristesse l'irritation qui s'emparait de nouveau des esprits, et pousse par sa bont et par le dsir de prvenir des dissentiments, ultrieurs, elle se montra prte cder aux exigences des deux frres, en tant que Dieu le lui permettrait. Elle se consulta cette fin avec son confesseur aux yeux duquel le fait que le nouveau prince vque de Munster avait pris connaissance du projet de changement de domicile comme d'une chose dcide, pesait d'un tel poids dans la balance qu'il dclara qu'Anne Catherine pouvait, au nom de Dieu, quitter la maison, se rendre dans un autre logement et aussi congdier sa soeur. Elle se soumit cette dcision comme un ordre et, la mre suprieure Hackebram tant absente, elle fit mander son ancienne matresse des novices, la soeur Neuhaus, pour dclarer, en sa prsence et en prsence du confesseur, au Plerin et son frre qu'elle tait prte faire ce que dcidait son confesseur. Le Plerin rapporte ce sujet en termes qui tmoignent d'un sentiment d'irritation encore trs-grand que la faible et vieille soeur Neuhaus se prcipita sur le frre du Plerin et ne voulait pas laisser la malade s'en aller. Il la remit sa place. La malade garda le silence, elle le laissa dans l'embarras (!), elle ne dit pas que c'tait sa volont d'tre emmene. Cette marque de faiblesse le blessa et le confirma dans la mauvaise opinion qu'il a d'elle. La matresse de la maison se jeta aussi sur lui. Elle et la Neuhaus reprochrent au Plerin qu'il tait toujours prs de la malade et, qu'il lui tait charge. La malade ne dit pas un mot pour y contredire (note).
(note) Comme on le comprend, elle ne pouvait pas plus contredire ce qui tait vrai que dclarer qu'elle-mme dsirait tre emmene ailleurs
Ce second reniement l'irrita encore davantage. Il eut encore combattre contre la soeur et contre l'enfant. Mme Hirn (note) dclara qu'elle ne partirait pas que la malade n'et t emmene hors de la maison.
(note) Que cette bonne dame qui n'avait jamais eu de relations particulires avec la malade se permit pareille chose, c'est une preuve de plus que chacun se croyait appel contrler les voies par lesquelles Dieu conduisait son instrument choisi.
Enfin, dans la nuit du 6 au 7, elle fut retire de cette maison ou rgne le dsordre (note) et conduite dans un autre.
(note) Mais, dans cette maison, Anne Catherine avait t traite avec tant d'affection et de respect que le propritaire, Clment Limberg, conserva, jusqu'en 1859, les deux petites chambres qu'elle avait habites dans l'tat o elles se trouvaient lorsqu'elle fut transporte dans sa nouvelle demeure. Et aprs la publication du premier volume de cette biographie, ce vieillard envoya l'auteur un rapport fidle sur toutes les impressions
que lui avait fait prouver Anne Catherine et qu'il avait conserves dans toute leur vivacit jusqu' l'ge trs-avanc oit il tait parvenu.
Quoiqu'tant entirement sans connaissance, elle s'inclina profondment devant le Saint-Sacrement lorsqu'on la fit passer devant l'glise et, le lendemain, elle croyait qu'on la lui avait fait traverser. Cela est touchant et pourtant instructif pour les personnes qui font les choses de mauvaise volont. È
3. Mais il y a aussi quelque chose de " touchant " dans les aveux que le Plerin se vit amen faire involontairement et plusieurs reprises, les jours suivants. A peine la malade et-elle t transporte dans son nouveau et sombre logement et installe dans une petite chambre fort triste situe au rez-de-chausse que le Plerin et son frre l'accablrent de reproches sur Ç ce qu'elle n'avait agr en rien les peines qu'ils avaient prises (pour l'emmener Bocholt). Le frre du Plerin lui dit tout ce qu'il pensait de son tat moral (note).
(note) Ce jugement svre port sur l'tat de son me par un laque qui n'tait revenu la foi que depuis peu de temps, tait la plus rvoltante injustice envers une religieuse dirige, comme elle l'tait, par des prtres aussi consciencieux et reste invariablement fidle ses voeux de religion.
Elle en eut beaucoup de chagrin et en vint douter d'elle-mme. Elle s'en ouvrit son confesseur qui en fut aussi extrmement agit. Alors ses misres recommencrent et elle eut de nouveaux vomissements de sang. Mais souvent l'expression de son visage annonce que son me jouit de la paix la plus profonde. È
9 aot. Ç Elle est extrmement trouble de ce que lui a reproch le frre du Plerin. Elle n'a probablement pas bien compris de quelle nature taient ses reproches. Elle en appelle Dieu et son tribunal. Au milieu de tout cela, elle se montre, dans certains moments, pleine d'un calme inexprimable : on dirait une image de la paix. È
10 aot. " Aujourd'hui elle a t trs-malade et elle a eu plusieurs reprises une sueur de sang et d'eau. Elle est en outre si faible qu'elle ne peut ni parler, ni remuer la main. Mais avec cela l'expression de son visage est celle d'une paix impossible dcrire, d'un calme intrieur plein de douceur et d'une parfaite puret d'me. On ne peut dire combien elle est douce et puise de fatigue. Elle a dit : " Je suis mieux maintenant. Quand je suis malade, je suis toujours meilleure. Saint Ignace m'a ordonn de demander Dieu le vritable esprit de paix et la connaissance de moi-mme. Je reois souvent de lui des consolations : mais on ne peut jamais savoir dans quels termes on est avec Dieu. È
Cette profonde et solide humilit, par suite de laquelle Anne Catherine tait toujours porte prendre pour vraie toute accusation porte contre elle, si injuste et si passionne qu'elle ft, et se croire rellement la cause Ç que la discorde et l'irritation naissaient autour d'elle È, comme le frre du Plerin le lui avait reproch, cette humilit fut rcompense de Dieu par la vision consolante sur la puret de sa contemplation, cite plus haut (tom. II, ch. viii), et qui commence par ces mots : " Quand je vis natre de tels ennuis, etc., etc. " Elle se sentit tellement fortifie par l que le Plerin put dire : " Je la trouvai le soir en vision. Elle chanta d'un air trs-paisible des cantiques la louange de Marie, et dit en revenant elle : " J'ai suivi une procession. " Son visage avait l'expression d'une gravit calme et sereine. Cela prouve combien il est absurde qu'elle s'occupe encore des choses du dehors, È c'est--dire combien le Plerin a raison, en dpit de tout, de vouloir Ç la squestrer absolument du monde. È
La soeur Gertrude ne fut pas emmene dans le nouveau logement, et ainsi toutes les exigences du Plerin semblaient satisfaites : cependant ses yeux la malade n'tait pas encore assez spare du monde, et il fallait que la petite nice aussi ft renvoy Flamske. Ç Le Plerin demanda trs-simplement si elle ne pensait pas renvoyer l'enfant chez ses parents. Elle se mit gmir de ce qu'on ne voulait pas mme lui laisser l'enfant, ce quoi pourtant personne ne pense (!). È Le Plerin lui dit en plaisantant : Ç Je vous connais bien et je parie que vous seriez capable de reprendre votre soeur prs de vous. È Elle se mit pleurer. Certainement il ne s'tait pas tromp en comptant sur sa bont : elle ne reprit pas sa soeur avec elle et elle renvoya l'enfant Flamske. Mais quel gr lui en sut le Plerin? Il se plaignit de nouveau : Ç Le retour de l'enfant chez ses parents lui donne tant d'inquitudes et de soucis que toutes les visions sont mises de ct pour un peu de linge destin faire des serre tte. Ainsi beaucoup de choses se perdent encore. En gnral, depuis qu'elle jouit du repos, elle fait ses communications avec plus de faiblesse et de langueur, ce qui est assez singulier, car le confesseur maintenant ne s'y oppose en rien, et mme l'y encourage ! È Et ailleurs : Ç Elle est trs-fatigue et pourtant pleine de douceur ; mais elle raconte d'une manire dcousue (c'est--dire, cause du grand effort qu'il lui faut faire, avec des interruptions et par fragments). Cela augmente de plus en plus depuis qu'elle jouit du repos de sa nouvelle demeure... Elle a eu de trs-belles visions sur les choeurs des anges : mais le rcit ne passe qu'aprs un travail domestique trs-insignifiant, une lessive, etc. Elle a aussi omis les visions les plus importantes par suite d'un entretien assez inutile avec le chapelain Niesing (que le Plerin appelle ailleurs son meilleur ami). È C'est par des -plaintes de ce genre que se clt le mois d'aot, lequel pourtant avait fourni l'crivain une moisson d'une richesse plus qu'ordinaire.
4. Plus d'un lecteur trouvera peut-tre inexplicable la condescendance presque passive de la malade en face des exigences du Plerin, et l'auteur du prsent livre l'avait aussi trouve telle lorsqu'il prit d'abord connaissance des incidents relats plus haut. Mais quand il s'est mieux rendu compte de la direction suivie par cette me privilgie, sa conduite lui a apparu sous un tout autre jour. Tout ce qu'elle avait supporter de la part du Plerin tait dispos par la Providence divine et plac sur le chemin de sa vie dans le mme but que toutes les autres circonstances que nous avons appris connatre jusqu'ici. Jamais elle ne reut de son guide spirituel l'injonction d'loigner le Plerin de son voisinage ou de rsister absolument tout ce que celui-ci voudrait lui persuader de faire. Dans les visions pralables, elle tait, il est vrai, prpare d'avance tout ce qui la menaait de ce ct : toutefois ce n'tait pas afin qu'elle se drobt aux preuves, mais pour qu'elle en triompht par sa vertu. Un jour elle raconta ceci : Ç J'ai eu, en vision, extraordinairement faire avec le Plerin. Il fut oblig de me montrer son journal. Je ne pouvais pas comprendre comment il s'tait arrog tant de droits sur moi et avait pris tant de liberts. Mais il me fut ordonn de lui dire tout. Cela me parut trange et j'en fus fort surprise parce qu'aprs tout, le Plerin n'est pas prtre. È
Elle tait donc convaincue qu'elle obissait uniquement la volont de Dieu quand elle acceptait avec mansutude les procds les plus durs. S'il y a du reste des faits assurs o l'oeil faible des mortels puisse reconnatre avec une entire clart combien les voles de Dieu sont diffrentes de celles de l'habilet et du calcul humain, ce sont prcisment les vnements journaliers de la vie des personnes arrives une haute perfection et favorises de grces extraordinaires. Nous sommes accoutums juger d'aprs la grandeur et le caractre merveilleux de leurs dons spirituels les rapports extrieurs dans lesquels Dieu les a placs afin qu'ils accomplissent leur tche dans ces circonstances et non dans celles qu'ils auraient choisies; nous voudrions en consquence que leur vie extrieure se rglt sur leur vie intrieure parce que nous trouvons cela plus conforme l'ordre tel que le conoit notre intelligence si courte. Mais c'est l une grande erreur et le Plerin y est tomb de son ct, lui qui, voyant Anne Catherine surabondamment comble de grces extraordinaires, ne voulut jamais reconnatre que ces dons sublimes n'taient pas le but de sa vie, mais la rcompense de sa fidlit dans les petites choses, de ses pratiques de chaque jour et de chaque heure, de ses victoires dans des combats qui se drobaient souvent ses yeux, et que Dieu est plus glorifi par des actes d'abngation et de charit parfaites, quoique cachs au monde parce qu'ils se font intrieurement, que mme par les miracles et les signes que ses lus pourraient oprer. Si nous appliquons cette mesure aux directions donnes Anne Catherine, sa condescendance envers les demandes du Plerin, la bont, la douceur et la patience avec lesquelles elle supporte ses caprices et ses, exigences croissantes de jour en jour, nous apparatront comme un enchantement des vertus les plus sublimes et comme la garantie de sa fidlit envers Dieu : nous verrons dans le Plerin lui-mme un simple instrument dont les procds perdent beaucoup de leur duret apparente, lorsque nous considrons quelles intentions et quel zle pur leur servaient de mobiles. Quand elle lui raconta; le 14 fvrier, la vision sur les deux chÏurs de saints dont l'un priait pour qu'elle continut vivre, l'autre pour sa dissolution, elle tait par humilit qu'il avait t laiss son libre choix de dcider laquelle des deux prires serait exauce : le rsultat devait dpendre de sa prire elle et du ct vers lequel elle inclinerait. Mais elle fut si mue par la vue soudaine d'une personne qui allait faire une fin malheureuse, moins d'un secours extraordinaire, qu'elle demanda rester encore ici-bas sur la voie de souffrances qu'elle avait suivie jusqu'alors, pour le salut de ceux qui se perdaient, et y marcher avec la mme fidlit aux vues de Dieu sur elle. C'est pourquoi la premire manifestation de cette vie qui lui tait rendue fut un acte d'obissance envers le reprsentant de Dieu, puisqu'elle ne voulut prier genoux pour le mourant que si son confesseur le permettait. Et, cet acte, si insignifiant en apparence, tait plus que la vision qui ne pouvait lui tre octroye qu'en vue d'une semblable fidlit. Elle voyait dans le Plerin l'instrument des desseins de Dieu, au moyen duquel elle pouvait arriver exercer sans relche les vertus les plus difficiles. Elle ne pouvait pas et ne voulait pas l'loigner d'elle : car il fallait qu'il ft prs d'elle pour qu'elle pt remplir compltement sa tche et c'est ce qui eut lieu en ralit. Du reste ses visions et sa direction intrieure aussi bien que les vnements du dehors, comme nous le verrons bientt, indiquaient clairement qu'avec son entre dans sa nouvelle demeure commenait aussi pour elle une nouvelle priode de sa vie.
5. Le Plerin avait obtenu tout ce qui avait t si longtemps l'objet de ses dsirs : cependant il se sentit bientt aussi peu satisfait qu'auparavant. Les anciennes plaintes se renouvellent. Peu de jours aprs la mort de l'abb Lambert, il s'emporte dj contre le P. Limberg pour n'avoir pas empch les visites des anciennes consÏurs et d'autres personnes s'intressant Anne Catherine. Ç Aprs la mort du malade qui causait tant de drangements, le calme qui en devait rsulter n'aboutira qu' crer un foyer de commrages et faire natre l'agitation la plus draisonnable dans l'entourage. On ne prendra aucun moyen pour assurer du repos la malade et on ne parviendra pas non plus dompter sa soeur. Ainsi l'on pourra voir que ce n'tait pas Lambert qui mettait obstacle au bon ordre, mais qu'il soutenait encore comme une espce d'tai cet amas de dcombres sous lequel ce pauvre vermisseau malade a sa demeure et qu'avec la chute de cet tai tout tombe sur elle. Il n'y a nul ordre, nulle discrtion, mais seulement un empressement inintelligent dans tout ce qu'on cherche faire pour elle... Elle-mme reoit amicalement toutes les personnes qui la visitent et ne refuse d'en voir aucune. Et pourtant elle dsirait que personne ne vnt la voir ! È Et un an aprs la mort de Lambert, le Plerin fait cet aveu : Ç Elle tmoigne souvent un vif regret que Lambert n'existe plus. Cela tient ce que, de son vivant, elle pouvait recevoir plus souvent la communion dont la privation lui est trs-pnible. Son plus vif attrait la porte uniquement vers les prtres qui peuvent la bnir et lui donner la nourriture. Et celui qui lui porterait chaque jour la communion deviendrait son unique et son meilleur ami. Tous les autres tmoignages d'affection ne semblent faire aucune impression sur elle. Comme le Plerin n'est pas un prtre qui puisse lui porter le sacrement, elle ne s'intresse pas lui ni ses efforts et va jusqu' dire nettement quand elle est dans son tat de faim et de langueur : Ç Je n'ai aucun secours, aucune consolation : le Plerin lui-mme est pour moi une fatigue, je le sens tous les jours davantage. È Quiconque connat sa situation peut dire qu'elle n'a jamais eu une vritable consolation, mais au contraire infiniment d'ennuis et dÕembarras. Du reste les plaintes qu'elle fait viennent seulement de la privation du Saint-Sacrement, dont elle a si grande faim. È
Wesener aussi se tenait l'cart, mais le Plerin fait cette remarque : Ç Le confesseur en est attrist. Le Plerin trouva la malade trs-abattue par suite de ce qu'elle avait eu souffrir la nuit. Elle dit qu'elle s'abandonnait entirement la volont de Dieu : qu'elle ne ferait rien pour amliorer son tat. Mais elle semble dans un tat de tentation par suite de la chane de lÕhabitude : car elle s'afflige, cause du confesseur de ce que les visites du mdecin sont interrompues; ce que Dieu peut-tre a dispos pour un plus grand bien. Ç Or c'tait cause, de la continuelle irritabilit du Plerin que Wesener venait plus rarement pour viter de le rencontrer trop souvent prs de la malade.
La sÏur Gertrude est enfin congdie et sa place on a pris une trangre comme garde malade, mais cette soeur reste encore, Dulmen, elle vient toutes les semaines voir Anne-Catherine qui l'accueille avec bont : bien plus celle-ci se fait tancer par le Plerin pour le mfait impardonnable qui consiste s'entretenir avec Gertrude et parfois pleurer avec elle. Combien, le Plerin, doit tre inconsolable de pareilles choses ! Et la garde de son ct n'est pas comme une ombre qui disparaisse sans bruit l'approche du Plerin. Oui, elle ose s'adresser la malade pour lui demander conseil et elle a par l dessus le malheur d'tre trs maladroite et de nÕtre bonne rien. È Mais Ç l'insurmontable condescendance È de la malade fait que non-seulement elle la supporte patiemment; mais Ç qu'elle travaille et coud pour la vieille fille qui ne vient jamais bout de rien finir, en sorte que les visions les plus importantes sont laisses de ct. È Et encore Ç malheureusement aujourd'hui la malade est dans un triste tat, pleine de soucis et de chagrins et elle a de telles douleurs la place des stigmates que ses mains tremblent continuellement. En outre elle augmente encore sa fatigu en bavardant avec la vieille fille et en travaillant l'aiguille, et les deux ou trois minutes accordes au Plerin ne sont pas srieusement utilises. On voit mme qu'elle n'a ni l'envie ni la volont de raconter. Il faut toujours solliciter comme ferait un mendiant. Et le Plerin ne rclame que quand elle voudrait parler d'autres choses tout fait indignes de l'occuper. Chaque jour il se fait des pertes irrparables. Elle-mme est un simple miroir qui, lorsqu'elle parle pendant la vision, rend parfaitement ce qu'elle voit: Si elle raconte, tant l'tat de veille, alors elle passe sous silence ce qu'il y a de plus important, soit par ennui de raconter, soit par suite de prjugs ou de scrupules de toute espce. Elle a toujours sous la main une excuse fort commode : Ç cela; dit-elle, est dans l'Ecriture sainte : È et le Plerin a beau rpter mille fois que non; elle ne cesse pourtant pas d'y revenir: Elle ne semble pas tenir compte de la fatigue du Plerin. Tout reste comme par le pass. Bien plus, elle s'est plainte au chapelain Niesing que le Plerin la fatigue par ses importunits, tandis qu'au contraire celui-ci la mnage l'excs. Le Plerin ne peut voir dans ces plaintes que de pures imaginations, ne doit-il pas tre afflige que tant de choses se perdent ? Elle sent qu'il en est tout contrist et cela augmente la difficult qu'elle trouve raconter. È Enfin le Plerin est aussi irrit contre la pauvre vieille fille qu'il l'avait t prcdemment contre Gertrude. Ç Il n'y a autour de la malade que dsordre et confusion, c'est dgoter ! È s'crie-t-il au bout d'un an. Par suite de son impuissance totale s'aider elle-mme, de ses innombrables souffrances intrieures et des dsagrments extrieurs qui rsultent de la grossiret et de la stupidit de la vieille fille, elle est avec ses maux d'yeux et ses terribles vomissements une vritable image de la douleur, mais plus il serait possible de lui venir en aide, plus il est rvoltant de la voir ainsi souffrir. Il n'y aurait rien faire qu' renvoyer la vieille fille et prendre une servante entendue et humble, mais le confesseur s'y refuse toujours.
6. En se plaignant qu'Anne-Catherine ressemble dans la contemplation un simple miroir o aucune image ne se perd et qu' l'tat de veille elle passe beaucoup de choses sous silence, le Plerin a trahi le motif secret de ses efforts pour bannir de son voisinage tout ce qui pourrait l'interrompre pendant la contemplation. Ce zle excessif lui faisait oublier que ce n'taient pas les visions, mais la pratique de l'amour de Dieu et du prochain qui servaient sanctifier la malade et qu'aucun mortel ne peut possder la lumire prophtique sans des vertus et des souffrances extraordinaires. Il ne sentait pas qu'il combattait contre l'ordre voulu de Dieu et c'est pourquoi l'insuccs invitable de ses plans rendait cet homme, malgr son bon coeur, irritable et dur envers tous ceux qui, dans son opinion, mettaient obstacle ce que les visions lui fussent racontes pendant la contemplation mme. Bien plus, il n'pargne aucun reproche la malade elle-mme lorsqu'il voit que sa bienveillance et sa bont envers tous est cause que les visites ne diminuent pas. Presque tous les jours, il voit de ses yeux comment, oubliant ses propres souffrances, elle reoit tous les pauvres, tous ceux qui cherchent des consolations ou de l'assistance, avec une bienveillance si parfaite et si sincre que personne ne peut la quitter sans tre consol. Elle tressaille quelquefois involontairement et laisse chapper de faibles plaintes, s'il lui vient des visiteurs lorsqu'elle est en proie des souffrances plus qu'ordinaires, mais pourtant son admirable amour du prochain est plus fort que toutes les peines qu'elle a endurer. Elle surmonte l'instant mme les rpugnances de la faiblesse humaine, elle reoit la force ncessaire pour servir Dieu dans la personne du prochain et pour accomplir, en le servant ainsi, quelque chose d'incomparablement plus grand qu'en contemplant les visions qui lui sont prsentes. Mais c'est ce que le Plerin ne veut pas comprendre; de l des explosions, de plaintes comme celles-ci : Ç Tout s'est perdu aujourd'hui ! La malade, presqu' l'agonie, a t assige de visites, personne ne leur refuse l'entre. Et elle-mme les accueille amicalement. Mais quand les visiteurs sont la porte, elle se meurt dans les souffrances et les tortures d'une cruelle maladie. On ne peut prendre la responsabilit de tout cela, car toutes ces personnes n'ont rien lui dire, mais la malade rassemble ses forces et fait en sorte que les gens croient tre les bienvenus. Qu'en rsulte-t-il ? La perte de toutes les visions. Elle gmit le soir de ne pouvoir plus rien raconter. Le Plerin n'a jamais vu qu'elle ait dclin la moindre visite pour communiquer ses visions. È Et encore. Ç Elle tait malade et dans un tat pitoyable. Elle pleurait parce que des visites allaient venir. Et pourtant elle reoit ces gens, jase avec eux et leur fait mme des cadeaux. È
Quoique les propres frres et les plus proches parents d'Anne Catherine ne vinssent que trs-rarement dans l'anne passer deux ou trois jours Dulmen et missent la rserve la plus discrte dans leurs rapports avec la malade, le Plerin, pourtant, en venait se regarder comme trs-malheureux lorsque cela arrivait. La malade, il est vrai, s'entretenait avec eux, se faisait raconter leurs soucis et leurs arrangements domestiques. Ce sont l des mfaits o le Plerin voit une infidlit impardonnable la mission de sa vie. Son frre an a pour fils un trs-bon jeune homme qui veut se faire prtre. Ce jeune homme se permet, tous les ans, de passer prs de la malade une partie de ses vacances: celle-ci a pour lui la sollicitude d'une mre spirituelle afin qu'il soit un jour un bon prtre; mais tant que le timide neveu rside Dulmen, la malade et lui sont forcment dans une inquitude continuelle et tremblent que la colre pniblement contenue du Plerin propos " des drangements " n'en vienne un clat douloureusement blessant. Ç Son neveu et sa nice aussi, dit-il, sont ici de nouveau. Elle est, sans la moindre ncessit, proccupe, affaire, trouble leur occasion ! Elle leur fait des tartines de beurre, leur coupe des tranches de jambon, leur verse du caf. C'est pour de pareilles choses qu'elle laisse tout s'chapper. Plus elle a vu et moins elle dit. Il faut au Plerin une patience de fer pour persvrer au milieu d'un tel dsordre, quand il n'y a ni surveillance, ni rgularit. È Elle pleure de la colre injuste du Plerin et dit : Ç J'ai toujours des visions pendant que j'ai
Travailler ici. Il faut que j'aie mon neveu (note) prs de moi afin qu'il ne tombe pas dans le pch, quÕil ne sente pas le poids de sa pauvret et ne devienne pas orgueilleux.
(note) Le Plerin observe ce sujet trs-injustement : Ç raisons donnes d'une manire trs-confuse, consquence absurde ! È Et pourtant combien ces paroles sont vraies et profondes ! Nulle part l'orgueil n'est plus dangereux et plus opinitre que chez l'homme n dans une condition basse et indigente qui porte son fardeau avec irritation et avec honte, mais qui sait, qu'en changeant d'tat, il peut franchir rapidement le large intervalle qui le spare d'une position suprieure.
Je ne dois pas non plus renvoyer l'enfant (sa nice) aux paysans : car je vois toutes ses dispositions et je sais ce qui l'attend si je la laisse Flamske. J'ai des visions touchant sa vie future et j'ai prier et travailler pour qu'elle chappe aux dangers dont son me est menace. La comtesse de Galen a la bont de vouloir prendre l'enfant chez elle, mais je ne sais pas si je dois accepter cette faveur. È Quel est d'effet de ces paroles si conciliantes ? Un nouvel accs de mauvaise humeur car voici comment parle le Plerin : Ç Que le neveu ne veuille pas rester chez ses parents et l'enfant non plus, c'est chez le premier un sot amour-propre, chez l'autre l 'effet des habitudes qu'elle a prises ailleurs. È Mais les exigences du Plerin allaient encore plus loin : il ne voulait pas qu'Anne Catherine s'occupt, mme en pense, de son neveu et de sa nice.
8 septembre 1822 : Ç C'est aujourd'hui son jour de naissance. Elle est entrave, drange par son rustique neveu des dfauts duquel elle parle volontiers: mais si le Plerin indique des moyens d'y remdier, elle se choque facilement. Elle a dit, pendant que ce neveu se promenait dans la chambre, qu'elle ne pouvait rien raconter aujourd'hui. Le Plerin en a eu du chagrin : il lui a rappel sa promesse de lui tout raconter et il s'est retir. Elle a t trs-malade et elle a vomi. Le soir le Plerin, par l'intermdiaire du confesseur, a fait persuader au neveu de quitter Dulmen pour un voyage pied. È
9 septembre. " Le neveu est parti. Elle est occupe intrieurement de sa nice et de son neveu : elle est distraite et accable de soucis inutiles. "
13 octobre. Ç La nice part pour retourner chez ses parents. Grand trouble intrieur. È
14 octobre : Ç Elle est un peu plus calme : mais elle a encore l'esprit occup de sa nice. È
Le rsultat ultrieur a montr qui tait dans le vrai et qui agissait en conformit avec les desseins de Dieu clairement reconnus : car ce neveu, aid par la bndiction et les prires de la malade, devint un des ornements du clerg de Munster auquel il fut enlev trop tt par une mort prmature, au grand regret de tous les gens de bien.
20 octobre 1822. Ç Vomissements trs-forts avec accs de toux convulsive. Lorsqu'elle est en train de raconter la vie de Jsus, arrive son frre le tailleur; et quoique cette visite soit tout fait superflue et importune, le Plerin est oblig de se retirer comme si c'tait le Pape. Quand sa soeur vient, elle lui fait ordinairement signe de s'enfuir. Ainsi le srieux travail auquel le Plerin a dvou sa vie doit cder la place la premire servante venue, la causerie la plus inutile, et le Plerin a appris ne jamais faire mauvaise mine quand de telles occasions se prsentent. A ce frre vient se joindre encore un paysan et ils restent assis-l jusqu'au dner. Le soir encore Mme Wesener est venue et il n'est rest au Plerin qu'une petite heure pour recueillir les dbris de visions perdues. Ainsi, depuis plusieurs annes, rien ne s'est amlior dans ses rapports avec le dehors. Jamais elle n'a jug que ces graves communications fussent une raison de faire attendre un instant la visite la plus insignifiante. Il faut que ces choses d'un intrt si srieux se perdent l'occasion de l'incident le plus futile. Tout reste en suspens, mais sa vie spirituelle et contemplative poursuit son cours sans interruption ! È
Ç Une bonne vieille parente est venue la visiter aujourd'hui. Elle se trouve trs-malheureuse de ne pouvoir lui offrir du caf, cause de l'absence de la vieille fille. Celle-ci est l'glise: la vieille parente se rjouit de pouvoir faire le chemin de la croix tant encore jeun, mais la malade jase encore avec le jeune paysan, son neveu, et laisse les visions s'chapper. Oui ! elle jase gaiement avec la vieille. C'est merveille qu'il reste encore ce qui suit pour le Plerin... È
Ç A peine le Plerin a-t-il subi, avec une impatience qui le met au supplice, des rcits embrouills touchant sa maladie et les soucis qui la proccupent (or tout cela est un vrai labyrinthe parce qu'elle ne dit jamais les causes intrieures), qu'arrive le vicaire Hilgenberg avec lequel elle cause sur des riens et tout est perdu pour le Plerin... È
Mais quand le Plerin introduit lui-mme des visiteurs auprs de la malade, ou quand elle reoit des visites qu'il trouve agrables, il n'a garde de se plaindre. Par exemple: Ç chose remarquable, tant presque incapable d'ouvrir la bouche, elle fut rassrne par, la venue de N. N. et put, une heure durant, s'entretenir suffisamment avec lui. Aprs cela elle tait plus morte que vive, tant sa fatigue tait extrme. È Et encore : Ç Le frre du Plerin vint et ses nombreux et intressants rcits apportrent quelque trouble dans le courant paisible de ses communications... È Ç Les visions de la nuit se sont perdues par suite de la visite que le frre du Plerin a faite la malade dans la matine. L'effort qu'elle a fait pour s'entretenir avec lui l'a tellement puise qu'elle a vomi du sang lorsqu'il s'est retir. Grce Dieu, le repos de la matine n'est pas troubl intrieurement par l, non plus que celui du Plerin. È
7. La vision o la vie avait t donne de nouveau Anne Catherine et o elle avait eu prier pour un mourant dont l'me se serait perdue sans son secours, signifiait que dornavant la partie la plus importante de ses oeuvres de charit envers le prochain consisterait prparer les agonisants une bonne mort en prenant sur elle leur tat quant au corps et quant l'me. Elle n'avait donc pas seulement prendre sur elle, combattre et surmonter les maladies et les souffrances physiques des mourants, mais aussi leurs infirmits spirituelles, les consquences de mauvaises habitudes ,et de passions ayant dur de longues annes avec les tentations dont elles taient la source. Le secours des saints dont les reliques se trouvaient dans son "glise" lui fut promis pour cette pnible lutte. – Elle dit le 30 aot 1821 : Ç J'ai eu une merveilleuse vision de toutes les reliques qui sont prs de moi. Je les vis toutes selon leur forme, les couleurs de leur enveloppe et le nombre des parcelles. Alors tous les saints sortirent de leurs reliques et se rangrent autour de moi selon les hirarchies auxquelles ils appartenaient. Je les reconnus tous et je vis les scnes de leur vie. Il y avait entre les saints et moi une grande table (note) couverte de mets clestes et les ossements disparurent.
(note) Cette table signifie les secours et les consolations qu'elle doit recevoir des saints.
Je chantai avec les saints le Lauda Sion (note) avec accompagnement d'une musique cleste : je vis les instruments dont jouaient plusieurs saints.
(note) Le chant du Lauda Sion se lie la tche donne Anne Catherine et en vertu de laquelle il lui faut amener leur accomplissement pour tant de mourants les paroles de l'hymne :
Bone pastor, panis vere,
Jesu, nostri miserere;
Tu nos pasce, nos tuere,
Tu nos bona fac videre
ln terra viventium.
Il y avait aussi l beaucoup d'enfants bienheureux. J'tais trs-triste pendant cette vision : c'tait comme si les saints me faisaient leurs adieux :ils montraient une affection touchante envers moi parce que je les avais honors et aims et je compris intrieurement que je ne devais plus avoir si souvent les visions provoques par des reliques parce que d'autres travaux me sont rservs. Les saints se retirrent aux sons de la musique cleste, faisant volte-face et me tournant le dos.
Je courus aprs eux et je voulus encore voir les traits de la dernire apparition : c'tait sainte Rose ; mais elle disparut. Cependant, la Mre de Dieu, saint Augustin et saint Ignace de Loyola vinrent moi et me donnrent des consolations et des instructions que je ne puis pas rpter. È
-Ces instructions se rapportaient aux nouveaux travaux par la souffrance, car, peu de jours aprs, le Plerin eut rendre compte d'un tat de la malade qu'il nÕavait jamais vu chez elle et qu'il trouva incomprhensible et tout fait trange. Ç Depuis le 29 aot, dit-il, elle passa dÕune maladie lÕautre ;ce fut une alternative de convulsions, de sueurs, de douleurs dans les membres et aux plaies. Souvent, elle semblait toute extrmits dans les intervalles, abattue et fatigue comme elle l'tait, elle avait combattre les tentations les plus insenses, ,des inquitudes extravagantes touchant la nourriture, etc. Le 2 septembre, dans lÕaprs-midi, ces luttes amenrent chez elle un dlire bien caractris. Il vint une nouvelle attaque de ses souffrances corporelles, elle tait la fois l'tat de veille et clair-voyante et elle faisait entendre des plaintes incessantes comme celle-ci : Ç Cela ne peut pas aller plus loin, je nÕai jamais t aussi pauvre. Je ne puis pas payer mes dettes. Tout est perdu, l'intrieur et l'extrieur. È et encore dÕautres extravagances. Avec cela elle n'tait pas de mauvaise humeur, mais prenait la chose presque gaiement, car elle secouait la tte, dsirait voir bien loin ces sottes penses et traitait dÕinsenss les discours quÕelle tenait. Elle rpta aussi devant la matresse de la maison ces paroles dlirantes, mais en mme temps elle sÕexcusa de sa draison, demanda
pardon, dit qu'elle tait au supplice et dans un grand trouble. Vint ensuite une nuit de cruelles souffrances. Les attaques durrent jour et nuit jusquÕ la soire du 4. Elle les combattit si fortement que dans la matine elle tomba en dfaillance. Son dlire portait sur ce quÕelle nÕavait pas d'argent, qu'elle ne pouvait subvenir ses besoins et que pour cela elle n'avait personne sur qui compter. È Le Plerin termine ce rcit par ces mots : " C'est une des preuves les plus propres bouleverser que de voir une personne si favorise de Dieu dans un tel tat de dtresse, de misre et d'infirmit quand la grce se dtourne d'elle. Mais, par suite de toutes ces rveries, les visions les plus importantes se perdent. Quel pauvre vaisseau est l'homme ! Combien Dieu est misricordieux et patient avec lui! "
Pourtant la grce ne s'tait pas loigne d'elle comme le croyait tort le Plerin et elle n'avait pas t dans le dlire, ni dans la rverie, mais elle avait livr victorieusement un rude combat contre les passions d'un mourant et la place de celui-ci qui, sans les expiations extraordinaires d'une personne substitue lui, n'aurait pu dlivrer son me de soucis et d'attachements immodrs qui l'enchanaient aux choses de la terre et dans lesquels il tait rest captif pendant toute sa vie. Anne Catherine avait pris sur elle la violence de ces passions, lutt contre elles, triomph d'elles et affranchi par l les forces morales du mourant, devenu ds lors capable de cooprer avec la nouvelle grce qu'elle lui avait obtenue et de s'occuper avec fruit de penses salutaires.
Cette terrible tache lui avait t dj annonce pour la premire fois, le jour de l'Assomption, dans une vision dont elle raconta ce qui suit : " Je vis clbrer l'Assomption de Marie dans l'glise du ciel. Je vis la Mre de Dieu enleve de lÕglise de la terre, situe plus bas, par des anges innombrables, porte comme sur une couronne forme de cinq arceaux et planant au-dessus de l'autel. La sainte Trinit s'abaissa du haut des cieux et posa une couronne sur la tte de Marie. Les choeurs des saints et des anges environnaient l'autel o des aptres clbraient le service divin; ces choeurs taient rangs comme les chapelles latrales d'une glise. Je reus le saint Sacrement et Marie vint moi, puis, comme sortant d'une chapelle latrale, vint saint Ignace en l'honneur duquel j'ai fait, cette semaine, un exercice de dvotion spcial. Il me fut dit que si mon confesseur me l'ordonnait au nom de Jsus, je me lverais et pourrais de nouveau marcher, mme quand je serais tout fait malade et dans le plus triste tat. J'tais trs impatiente que cela arrivt et je rpondis: " Pourquoi pas prsent (note)? " alors j'entendis ma droite une voix semblable celle de mon poux cleste qui disait : Ç Tu es moi: pourquoi faire ces questions, si je le veux ainsi et non autrement. È
(note) Cette impatience est la joyeuse aspiration vers la tche lie la possibilit de marcher, et qui consiste prparer les mourants faire une bonne mort, tche qu'elle ne doit accomplir, comme ses autres travaux, que sur la voie et par les moyens voulus de l'glise, c'est--dire par l'obissance son confesseur.
Lorsqu'elle donna connaissance de cette vision son confesseur, celui-ci rpondit qu'avant de donner cet ordre, il lui fallait tre assur que c'tait la volont de Dieu quÕil risqut une chose aussi grave.
8. La promesse touchant la facult de marcher s'accomplit le jour de la Nativit de la sainte Vierge. Voici ce qu'elle raconta : " La veille de la fte, je fus en proie de grandes douleurs, j'eus de violentes convulsions, cependant je ressentais une joie intrieure. J'eus aussi une trs-mauvaise nuit : mais trois heures du matin, l'heure o la sainte Vierge fut mise au monde , elle m'apparut et me dit que je me lverais et que je pourrais marcher un peu. Je l'aurais pu dj le jour de l'Assomption ou celui de la fte de saint Augustin, si mon confesseur me l'avait ordonn mais maintenant c'tait par elle que cela devait se faire. Je dois dans cet tat, faire et souffrir en son honneur tout ce qui se prsentera. Elle ajouta que je ne redeviendrais jamais tout fait bien portante, ni capable de manger et de boire comme dÕautres personnes, mais que jÕaurais encore supporter beaucoup de maladies et de souffrances ; elle dit encore que les grces qui ont t dparties aux hommes le jour de sa naissance continuent se rpandre sur eux, maintenant encore, et que je devrais prier pour la conversion des pcheurs. Je ne devrais non plus essayer de marcher quÕen prsence de mon confesseur : mais il ne fallait me laisser arrter par aucun doute. Je fus remplie de joie, mais plus faible et plus malade quÕauparavant : jÕeus des crampes et des douleurs encore plus fortes, surtout dans la poitrine. Mais la sainte Vierge me dit : Ç Je te donne la force È et, au moment o elle parlait, sa parole sortit substantiellement de sa bouche pour entrer dans la mienne sous la forme et avec le got dÕun aliment dlicieux.
Je me mis aussitt prier, suivant son ordre; pour la conversion des pcheurs qu'elle me montra et dont je vis quelques-uns devenir contrits. J'eus encore une vision le matin, aprs que mon confesseur m'eut donn la sainte communion. Je vis la sainte Vierge, sainte Anne, saint Joachim, saint Joseph, saint Augustin et saint Ignace. La sainte-Vierge me releva sur mes pieds, je crus marcher autour de la chambre, soutenue par tous ces saints, et ce fut comme si tout m'y aidait et se prtait mes mouvements, le plancher, la table et les murailles: Je ne sais pourtant pas si je me suis leve, corporellement ou seulement en vision. È
Vers midi, elle demanda son confesseur la permission de se lever et de marcher. Il doutait encore et lui reprsenta son extrme faiblesse : mais elle lui redit la promesse quÕelle avait reue; alors, il donna la permission. Elle se couvrit de son manteau avec un joyeux empressement, descendit du lit, marcha travers la chambre comme un enfant dont les pas sont mal assurs et alla sÕasseoir sur une chaise. Elle paraissait puise de fatigue; mais ivre de joie. La lumire qui tombait sur son visage et laquelle elle n'tait pas habitue, l'blouit. Elle tait trs dpourvue de force, et il fallut la soutenir pour qu'elle pt faire encore quelques pas dans la chambre. Elle souffrait beaucoup l'endroit des stigmates; aux pieds, aux mains et, au ct: Elle se mit ensuite sur le fauteuil bras ; se montra trs joyeuse et trs mue et ne revint son lit que le soir.
Elle prit ds lors trs srieusement l'habitude de se lever, et de marcher, ce qui, raison des diverses infirmits de soir corps martyris, lui occasionnait de grandes fatigues, mais elle y voyait un, ordre auquel elle s'efforait d'obir chaque jour dans la mesure de ses forces. Toutefois-elle se tranait si pniblement autour de sa petite chambre que le Plerin; pour la soulager, lui procura une paire de bquilles: ce dont il parut bientt avoir du regret; car il craignait que ses efforts pour marcher nÕapportassent un nouvel obstacle la communication des visions. Un jour qu'ayant une crainte de ce genre, il blmait la malade de ce qu'une personne comble de si grandes grces pouvait se montrer impatiente d'essayer une misrable promenade de quelques pas, faite, non sans danger, avec des bquilles ; elle lui rpondit : Ç J'ai vu la plus parfaite des cratures, la sainte Vierge quand elle tait au temple, demander plusieurs fois avec impatience la prophtesse Anne : Ç Quand donc l'enfant viendra-t-il au monde? Ah ! si du moins je pouvais voir l'enfant! Ah ! si du moins j'tais vivante quand l'enfant, natra ! È Alors Anne paraissait mcontente et disait : Ç Ne me trouble pas dans mon travail ! Je suis ici dj depuis soixante-dix ans, il faut que j'attende l'enfant jusqu' cent ans! Et toi, tu es si jeune, tu n'attendras pas ! È Et Marie pleurait souvent, consume par son ardent dsir. È
Le Plerin ne comprit pas le sens profond de cette touchante rponse, quoiqu'il ne ft pas difficile saisir. Elle voulait en effet lui donner entendre qu'elle n'tait pas impatiente de marcher avec des bquilles, mais qu'elle tait impatiente de secourir les mes pour lesquelles seules la facult de marcher et de manger lui avait t donne.
Voici ce qu'il rapporte, la date du 1er novembre : Ç Depuis quelques semaines la malade trouve plus de facilit se lever, marcher l'aide de bquilles, se tenir assise et coudre. Elle arrive aussi s'habiller entirement de ses propres mains. Elle peut prendre du potage et un peu de caf. Dans les derniers jours d'octobre , elle a suc des carottes. È
Pendant que l'entourage de la malade considrait ces phnomnes extrieurs comme une amlioration purement naturelle dans son tat physique et l'exercice qu'elle faisait en marchant comme une marque de son dsir d'tre gurie, tout cela tait, suivant l'ordre voulu de Dieu, une oeuvre d'expiation douloureuse accomplie pour le salut des mes.
Elle ne se borne plus simplement endurer de grandes souffrances afin d'obtenir pour des pcheurs impnitents ou pour d'autres personnes qui s'approchent des sacrements avec des dispositions dfectueuses ou mauvaises la grce efficace d'un repentir proportionn la grandeur des fautes, d'une contrition vritable et d'une humble et sincre confession, mais elle est comme substitue ces personnes, quant leurs souffrances, aux dangers que court leur me, par consquent, quant aux tentations et au vif attrait vers certains pchs qu'Anne Catherine doit combattre fond, indpendamment des attaques de l'esprit malin. A cela se lie l'acceptation de toutes les suites extrieures, souvent honteuses, de ces pchs d'habitude qui alors psent de tout leur poids sur l'instrument d'expiation substitu aux vrais coupables jusqu' ce que le combat soit suivi de la victoire. Elle ne put raconter que ce qui suit d'une grande vision concernant cette substitution. Ç J'ai eu une vision qui m'a montr pourquoi j'avais tant de maladies. Je vis Jsus apparatre avec une taille gigantesque entre le ciel et la terre. Il avait la mme, figure et le mme vtement que lorsqu'il fut livr aux insultes de ses ennemis. Mais il avait les mains tendues et pesait sur le monde : c'tait la main de Dieu qui pesait ainsi sur lui. Je vis, sous forme de rayons colors, le malheur, la souffrance et la douleur descendre sur beaucoup de personnes de toutes conditions; je vis aussi que, quand j'tais saisie de piti et que je priais, des torrents entiers de douleurs les plus varies se dtournaient de la masse, pntraient en moi et me torturaient de mille manires ; la plus grande partie me venait de personnes de ma connaissance. C'tait Jsus, mais toute la sainte Trinit tait intrieurement dans cette apparition. Je ne la vis pas, mais j'en eus le sentiment. È
Un fait qu'elle raconta le 18 fvrier 1823 montre de quelle force elle tait arme pour sa tache et combien cette force tait accrue par ses souffrances et ses vaillantes luttes : Ç Je parlais mon confesseur, dit-elle, et j'tais dans l'tat de veille naturel. Tout coup je me sentis tomber en dfaillance et ce fut comme si j'allais mourir. Mon confesseur s'aperut de cet tat et dit : " Qu'est-ce que cela peut signifier ? " Je lui dis que je sentais qu'une force sortait de moi, et je vis cette force sous forme de rayons s'en aller au loin et se rpandre sur vingt personnes. J'en vis quelques-unes Rome, d'autres en Allemagne, d'autres dans notre pays. Je vis ces hommes appels combattre contre une puissance formidable : leur courage fut ranim par cette effusion de force. Cela me fit plaisir. Je vis alors la prostitue de Babylone venir moi sous une forme rvoltante pour la pudeur. Elle portait la main son pourpoint bariol chamarr de rubans, et la force qui tait encore en moi se dirigea vers elle. Cela me causa d'abord beaucoup de rpugnance : mais cette force la contraignit de se recouvrir de son pourpoint, puis avec chaque rayon man de cette force je nouai l'un aprs l'autre tous les rubans de son pourpoint en faisant des nÏuds de plus en plus serrs, si bien que tout ce qu'elle portait en elle fut comprim et touff. C'taient mille plans forms par l'impit contre l'glise, plans qu'elle avait conus dans ses accointances avec les esprits du monde et du sicle. È
Dans cette substitution aux mourants et cette lutte contre les dangers que courait leur me, Anne Catherine apparaissait comme une personne double: tantt elle tait comme surmonte par la tentation ou par l'attraction violente vers le pch contre laquelle elle luttait pniblement, tantt elle tait comme l'image de la paix et du repos. On voyait alors jusque sur les traits de son visage, dans sa parole, dans son geste, dans le ton de sa voix, se peindre le caractre de la personne trangre pour laquelle elle avait entrepris la lutte, jusqu' ce que la puret de son coeur brillt comme un rayon de soleil travers les nuages et rvlt que rien n'avait terni le miroir de son me. On peut se reprsenter ce double tat si l'on se figure un homme pratiquant le jene et la pnitence qui, pour sauver un ivrogne d'une chute invitable dans l'abme, prend sur lui-mme l'tat d'ivresse malgr le dgot et l'horreur qu'il en a. Quoiqu'il ne perde pas par l la conscience de lui-mme, il se trouve pourtant comme li par une force trangre contre laquelle il lui faut lutter avec les plus grands efforts afin de ne pas tre entran dans le vertige, et il lui faut combattre en mme temps la rpugnance involontaire que lui inspire l'tat qu'il a pris sur lui. Alors deux choses se manifestent en lui ncessairement et simultanment : l'tat de l'homme sobre et l'tat d'ivresse. Un jour qu'Anne Catherine voulait rendre compte de ce qu'elle ressentait dans cet tat de souffrance, elle dit : Ç Il me semble que je suis double, qu'il y a sur ma poitrine une image en bois de moi-mme, laquelle parle sans que je puisse l'en empcher (c'est--dire par laquelle l'tat emprunt de dsespoir, d'impatience, d'intemprance, etc., arrive s'exprimer par des paroles). En rflchissant l-dessus; je vois que je dois laisser les choses aller ainsi, que l'image doit mieux savoir que moi ce qu'elle a faire et qu'elle doit rpondre pour moi. Dans cet tat, l'autre conscience qui est en moi a comme le gosier comprim. È
Souvent je ne sais plus que faire pour rsister aux nombreuses visions qui me remplissent d'angoisse et de terreur. Ce ne sont pas des attaques soudaines ou de simples penses, mais des scnes entires que je vois et que j'entends, qui tendent m'attirer, m'effrayer, m'irriter : en sorte qu'il me faut combattre de toutes mes forces pour ne pas succomber. Des personnes et des vnements me sont montrs en vision : il me faut voir les plans suivant lesquels telle ou telle chose se fait, contre moi : j'entends le rire insultant de l'ennemi et il me faut lutter trs-pniblement pour reconnatre que tout cela se fait parce que Dieu le permet, pour ne pas me laisser abattre et pour repousser l'ennemi avec ses mensonges. Quand toutes ces visions m'excitent l'impatience, l'approche de mon confesseur, une parole de consolation de sa part, sa bndiction sont pour moi un secours momentan; mais l'impatience de mon entourage (c'est--dire les plaintes ternelles du Plerin) m'est dans ces moments-l plus pnible encore qu' l'ordinaire. "
" On m'a prsent un grand miroir avec un magnifique cadre dor, mais o je n'ai pu voir que des choses qui devaient m'exciter la colre. Je me scandalisai la vue de ce vaniteux miroir et je cachai mon visage dans les oreillers pour ne pas tre oblige de le voir : mais il restait toujours devant moi. A la fin je le saisis, je le jetai contre terre et je dis : Ç Qu'ai-je faire avec la pompe d'un tel miroir? È Mais il tomba mollement et ne se brisa pas. Il ne s'loigna que lorsqu'avec le mpris de sa magnificence, s'accrut aussi en moi le sentiment de ma bassesse et de ma misre : aprs cela je pus aller visiter Marie dans la grotte de la crche. È
8. Ce qui tait le plus pnible et le plus humiliant pour elle, c'tait de prendre sur elle l'apptit glouton de certains mourants qui, pendant toute leur vie, avaient obi l'amour dsordonn du boire et du manger et qui maintenant, l'article de la mort, taient violemment presss par la force indomptable de cette passion tyrannique. Dans ces cas-l, Anne Catherine avait ressentir une envie de manger qui excitait chez elle le plus grand dgot, mais qui s'emparait d'elle tout coup sous la forme d'une faim dvorante insurmontable, de sorte qu'involontairement elle demandait ces aliments qui taient l'objet de la convoitise des mourants. Si l'entourage satisfaisait cette demande et qu'on lui procurt les aliments en question, souvent elle en tait afflige au point de fondre en larmes, car son supplice s'accroissait par l et elle se trouvait comme oblige de manger de ce qui lui tait prsent, ce qui avait toujours pour suites des vomissements et des maux de coeur, jusqu' puisement total de ses forces. Dans d'autres cas o elle tait attaque moins violemment, la convoitise emprunte autrui se manifestait comme un besoin de nourriture qui lui rpugnait beaucoup, mais cependant plus naturels comme une sorte de faim vritable qui devait tre apaise pour l'empcher de tomber en faiblesse. Elle cherchait alors se soutenir en prenant de la soupe, des lgumes, en suant un fruit, etc. : mais les suites taient toujours les mmes. Ainsi le Plerin crivait en dcembre 1823 : Ç Elle est dans un tat constant de maladie, sans consolation, accable de souffrances, soutenant des combats dsesprs contre des tentations et contre les attaques de l'ennemi. On l'entend seulement tousser, vomir, se plaindre de manger sans pouvoir supporter les aliments. Des faims subites la saisissent jusqu' la faire tomber en dfaillance. Elle mange et elle vomit, elle a envie de toute sorte d'aliments grossiers et indigestes, puis elle se lamente et pleure de ce qu'elle a demand manger, contrairement sa volont; et tout cela se rattache l'tat de son ancienne consoeur M... qui est au moment de mourir, pour laquelle elle prie, des souffrances de laquelle elle s'est charge, et dont le dfaut capital tait et, s'il faut en croire Wesener, est encore la gourmandise, jusque dans cette dernire maladie qui est une hydropisie de poitrine. È
Outre cette envie de manger, elle avait encore supporter les autres maladies des mourants, telles que la goutte, l'hydropisie,, toutes les varits de la fivre, des affections de la rate, du poumon, des reins et du foie, avec tous leurs symptmes et toutes les souffrances particulires qui en rsultent. Elle souffrait souvent, jusqu' en tre presque mourante, toutes les douleurs de la pierre avec de terribles spasmes de vessie et elle avait subir avec cela l'tat de dcouragement, d'obscurcissement et de dsespoir de malades excitables, abandonns, privs de toutes consolations. Ces maladies et ces dangers spirituels, quelle prenait sur elle la place des mourants, se liaient constamment des souffrances et des combats pour l'glise en tant que les individus taient les reprsentants de professions et de classes entires aussi bien que de fautes gnrales, d'actes coupables envers le corps de l'glise elle-mme, contre lesquels Anne Catherine avait lutter dans cette situation o elle ne semblait substitue qu' tel o tel particulier malade. Le Plerin pouvait la vrit, d'aprs ce quelle disait dans ses extases, reconnatre en gnral ce caractre spirituel plus lev des souffrances dont elle s'tait charge, mais cela ne suffisait pas son impatiente curiosit qui ne se tenait pour satisfaite que si le rapport intime d'aprs lequel chaque souffrance et chaque maladie tait approprie la faute expier ou au mal spirituel gurir, tait mis clairement et compltement sous ses yeux. Ainsi, dans ce cas aussi, il assignait ses comptes rendus un but qu'il tait impossible d'atteindre; car les douleurs et les maladies de la patiente, nonobstant leur caractre spirituel, taient si relles, si sensibles la nature et si intenses qu'elle clatait en plaintes et en larmes et demandait du secours en gmissant plutt qu'elle ne les dcrivait. Mais le Plerin ressemblait presque toujours un mdecin qui n'accorde de sympathie son malade que dans la mesure o celui-ci, en lui dcrivant exactement tous les symptmes de sa maladie, le met mme d'observer compltement un cas particulirement intressant et d'enrichir ses connaissances et ses expriences pathologiques. Il crit en dcembre 1821 : Ç Les trois derniers jours ont t un enchanement de souffrances horribles aboutissant une prostration voisine de la mort : au milieu de tout cela continuation incessante des visions. Tantt elle affirme tranquillement et avec assurance qu'elle doit souffrir cela, qu'elle l'a pris sur elle et l'endurera avec persvrance : tantt elle est tente d'impatience, avec des alternatives subites, de douceur et de calme. Quant ces souffrances, considres d'aprs leurs phnomnes extrieurs, on s'y accoutume un degr tel qu'on doit paratre un barbare au spectateur qui en est tmoin pour la premire fois, de mme qu'au commencement le Plerin taxait tous les autres d'inhumanit. Quand on peut connatre quelque chose de leur signification intrieure, elles excitent au plus haut degr l'tonnement et l'admiration ; bien plus elles font pressentir la solution de la grande nigme de la vie et du christianisme : mais l'tude qu'on en pourrait faire est compltement empche et rendue impossible par mille dtails frivoles de la vie quotidienne... È
Et ailleurs : Ç Quoique tous ses tats de souffrance se lient troitement des travaux spirituels et qu'elle-mme le sache bien, elle n'en parle pourtant qu'en passant et d'une manire superficielle ; si on veut observer les choses avec calme et d'une manire srieuse, elle voit l un manque de compassion. È
Janvier 1822. Ç Toutes ces maladies seraient trs-instructives s'il lui tait ordonn d'en expliquer le but et la marche, car elle les voit toujours d'avance dans une vision d'autant plus remarquable qu'elle est toujours merveilleusement allgorique et comme une parabole pleine d'un sens profond. La plupart du temps elle sait trs-positivement pourquoi elle souffre et comprend aussi ce qu'elle fait dans des scnes varies se rapportant l'agriculture et au jardinage. Elle voit d'abord un tableau sommaire des misres existantes, comme l'croulement de plusieurs glises, l'tat du ministre pastoral dans tout un district sous l'image de plusieurs troupeaux de moutons et de leurs bergers, dans des paraboles pleines de sens: avec tout cela il lui faut courir, porter des fardeaux, creuser la terre, avertir, etc. Alors elle entreprend des voyages trs-pnibles, fait de trs-grands efforts pour exciter des personnes de toute espce remplir leurs devoirs et pour empcher du mal. Elle est aide dans ses travaux par les saints du jour. Tout cela se perd et il ne reste rien que l'indication des tentations que l'ennemi lui suscite pendant son travail. Il est vrai que ses souffrances sont bien faites pour apitoyer : mais pourtant elle est comble intrieurement de grces si fcondes et de visions si frappantes de vrit qu'elle est au fond plus envier qu' plaindre. Et sa ngligence communiquer ces visions dont elle ne tire aucun parti dans l'tat de veille et qui ne semblent pas servir son instruction, est cause qu'on est moins port la plaindre qu' regretter pour la postrit le gaspillage de tout cela. En outre les continuels dangers de mort qui pourtant n'ont jamais de consquences plus graves finissent par vous laisser trs rassur sur ces maladies dsespres et inexplicables : l'on s'habitue, en prsence de ces maladie, les envisager avec une sorte de compassion et de patience qui ne profite ni l'esprit, ni au coeur et qui nous laisse un arrire-got de politique par lequel on cherche se tirer d'affaire sans scandale et sans colre. È
On voit clairement combien il devait tre difficile, dans de pareilles circonstances, de raconter en outre jour par jour les visions touchant la vie de Jsus, et il n'est pas ncessaire d'expliquer plus longuement pourquoi Anne Catherine russissait de moins en moins satisfaire les exigences du Plerin. On lit dans le journal de celui-ci, la date du 4 fvrier 1822 : Ç Quoique chaque jour elle communique une moindre partie de ses visions, sans parler de descriptions de ses maladies et de ses souffrances que ses rticences sur les causes intrieures rendent fort peu claires, elle a dit pourtant : Ç Depuis Nol, poque o ces tourments ont commenc, j'ai beaucoup souffert de la mauvaise humeur qu'avait le Plerin parce que je ne lui raconte pas assez, et mon cÏur en a t presque bris de douleur. Je l'aurais fait volontiers, mais je ne le pouvais pas et souvent j'tais si abattue (note) l'arrive du Plerin qu'il m'tait impossible de parler.
(note) Par le sentiment de l'irritation et de la sombre disposition du Plerin.
J'ai fait des prires spciales pour savoir ce que j'avais faire, mais je n'ai reu aucune rponse. J'avais espr que Dieu me laisserait mourir de cette maladie afin que je n'eusse plus besoin de rien raconter. Le Plerin verra ce jour-l combien je raconterais volontiers si je le pouvais. È Elle a dit cela dans une trs-bonne intention. Dj souvent elle a pri pour n'tre plus oblige de raconter, mais elle a reu pour rponse l'ordre formel de tout communiquer. È
23 fvrier 1822. Ç Le Plerin la trouva malade la mort. Le confesseur lui dit que, pendant toute la matine, l'excs de ses douleurs lui avait fait perdre connaissance, qu'elle s'tait entirement remise entre les mains de fa Mre de Dieu et qu'elle avait de plus pris la charge de souffrir quelque chose pour la conversion de gens impudiques. Plus tard elle raconta elle-mme qu'elle avait t aussi trs afflige cause du Plerin qui avait tout quitt pour s'tablir Dulmen cause d'elle, et auquel elle ne pouvait tre bonne rien. Le Plerin la consola. Puisse-t-elle toujours prendre ses rcits au srieux, jamais lgrement ni comme une charge pnible ! È Cet attendrissement momentan n'eut pas d'autres suites chez le Plerin, car voici ce qu'il rapporte peu de jours aprs : Ç Elle reut le Plerin trs-affectueusement ; elle tait pourtant dans la mme incapacit d'apprcier son tat, car elle croyait s'tre un peu remise et un peu repose pendant les trois jours qu'avait dur l'absence du Plerin. Comme si la prsence de celui-ci l'empchait de se remettre ! Cela montre de plus en plus qu'il n'y a pas attacher d'importance de tels discours et qu'il faut les ranger parmi les ides fixes. È
Mais, dix mois avant sa mort, elle fit dire au Plerin par son confesseur ces graves paroles : Ç Le Plerin reconnatra un jour qu'il n'aura pas eu lieu de se vanter de sa patience en comparaison de la mienne. J'ai eu avec lui autant de patience qu'avec ma soeur. È
9. Mais pour ne pas mettre trop l'preuve la patience du lecteur, il ne faut extraire des rapports interminables sur les maladies d'Anne Catherine, qu'un petit nombre de faits au moyen desquels on peut se bien rendre compte du caractre et des suites de cette substitution par laquelle elle se soumettait aux souffrances, aux tentations et aux prils d'autrui.
3 avril 1823. Ç Elle souffrait d'une maladie rsultant d'un rapport sympathique constant avec la dame Br. qui est attaque d'une hydropisie de poitrine et l'article de la mort. Elle est presque suffoque et elle prouve une agitation, une angoisse et un trouble continuels. Mais la femme malade gagne par l un peu de repos, commence a prier et avoir davantage sa connaissance. È
5 avril. Ç Elle se plaint de la confusion qui est dans ses penses; il lui semble qu'elle n'a pas fait ses Pques. L'oppression de la poitrine va toujours croissant. È
7 avril. Ç Les souffrances qu'elle partage avec la femme mourante augmentent mesure qu'approche la mort de celle-ci. Elle porte le poids d'une moiti entire des souffrances de cette femme et son tat est exactement le mme. Ordinairement il se manifeste une lgre amlioration quand la mort est imminente. Le Plerin l'a vrifi chaque jour chez toutes les deux. Il se trouve que le sentiment qu'eut hier Anne Catherine de n'avoir pas encore fait ses Pques provient de l'tat de cette mourante qui en effet ne les a pas encore faites. Elle engage son confesseur aller voir la famille et la prvenir. È
9 et 10 avril. Ç Ce matin on voyait encore chez elle tous les symptmes et toutes les souffrances d'une personne qui meurt d'une hydropisie de poitrine. Pendant la nuit elle avait souffert et combattu jusqu' l'agonie. La femme qui tait auparavant si agite et si pleine d'angoisses y gagna du calme et vit venir la mort sans s'effrayer, la grande consolation de sa famille. Vers midi le Plerin trouva la patiente faible jusqu' en mourir, elle pouvait peine donner un signe de vie. Mais il trouva la dame Br. sommeillant doucement et rptant par intervalles de pieuses oraisons jaculatoires apprises dans sa jeunesse : deux heures et demie, la patiente reprit tout coup une force extraordinaire, se redressa dans son lit et rcita haute voix les litanies de la Passion de Jsus-Christ. En ce mme moment la dame Br. mourut, s'endormant doucement comme un enfant. Mais avec sa mort cessa chez Anne Catherine l'oppression qui donnait ses souffrances le caractre d'une hydropisie de poitrine. Elle respira librement : mais sa misricorde clairvoyante ne lui laissa pas prendre de repos : ses souffrances prirent tout d'un coup le caractre d'une fivre inflammatoire de poitrine, ce que son pouls indiqua : car une autre bourgeoise nomme Sch. qu'elle connaissait peu et qui tait trs-gravement malade se substitua la prcdente. Elle souffrit cruellement pour celle-l jusqu'au jour suivant qui fut celui de la mort. Mais dj une autre panure malade phtisique, au dernier degr, la femme du vannier W., attendait son assistance. Anne Catherine l'aida supporter les terribles souffrances d'une consomption qui la mettait frquemment l'extrmit et souffrit indiciblement pour cette personne laquelle elle envoya toute sorte de choses propres la soulager, en fait, de boissons et d'aliments, si bien que cette pauvre femme trs-simple qui avait t traite fort durement par son mari et par ses proches, fut prserve du ressentiment et du dsespoir, se prpara la mort avec de grands sentiments de charit et pardonnant tous. La patiente dplorait l'abandon o bien des personnes de cette sorte sont laisses quant aux secours spirituels. Elles sont presque toujours, disait-elle, sans aucune espce d'instruction, puis, quand une longue maladie les retient au lit, elles se sentent dnues de toute consolation parce qu'elles sont laisses leur misre, prives de l'assistance qu'il leur faudrait et ne reoivent que rarement la visite d'un prtre. Le 20, le Plerin la trouva trs-trouble, le visage bruni, pleine d'angoisses intrieures et d'irritation contenue contre certains prtres avares de consolations. Cet tat s'expliqua aussi comme un combat entrepris pour la mourante. Le prtre l'avait enfin visite aprs un long intervalle de temps, mais il n'tait pas capable de consoler la pauvre malade dont l'esprit tait un peu born et de lui donner du courage. Elle se sentit plus trouble qu'auparavant, aprs l'avoir cout, et elle fut prise d'une telle aversion pour lui qu'elle ne voulait plus recevoir d prtre. Ç Quel chapelain ? s'criait-elle, je ne veux pas le voir. È Telle tait l'impression de cette pauvre mourante, humble et douce d'ailleurs. Anne Catherine prit ce combat sur elle et lutta tout le dimanche, sentant en elle la plus violente irritation contre la conduite du prtre si ngligent du salut des mes. Le 20 au soir, on croyait chaque instant, chez la vannire, qu'elle allait rendre le dernier soupir. Anne Catherine, pendant toute la nuit, supplia Dieu de lui conserver la vie jusqu' ce qu'elle et recouvr la paix de l'me. Le 21 au matin, elle vivait encore et elle montrait beaucoup de douceur, pardonnant tout le monde et disant la mort qu'elle tait la bienvenue. Vers midi, Anne Catherine parut tre ses derniers moments. Le Plerin rcita avec elle plusieurs litanies pour la malade. - Elle fut dans le mme tat, avec des alternatives de lutte, jusqu'au lendemain, A sept heures et demie, o elle prouva du soulagement: mais celle pour qui elle souffrait mourut. Elle fut toute la journe dans un grand abattement : un nouveau travail approchait. Le soir le Plerin la trouva dans un tat extrmement diffrent. Elle souffrait de vives douleurs dans les membres, prouvait un froid glacial et un sentiment de vide dans le bas-ventre et la rgion de l'estomac; etc. Elle avoua qu'elle pensait maintenant une autre malade, la pieuse femme du pauvre tailleur H. Elle s'tait dit : " Quand j'aurai fini avec la vannire, je prierai pour celle-l. Ces gens sont si pieux et si humbles, peut-tre la femme peut-elle encore revenir de l : elle n'a ni remdes, ni aliments. " Le Plerin ne connaissait pas cette femme : il alla chez elle pour lui remettre des aumnes et trouva toutes ses souffrances semblables celles d'Anne Catherine. Celle-ci avait dit : Ç Il y a quelques jours, cette femme s'est prsente mes yeux et je me suis promis de prier aussi pour elle aussitt que la vannire serait morte. È Cette malade dit au Plerin qui en fut fort surpris : Ç Ah ! j'ai rv, il y a quelques jours que j'tais devant ma porte : alors la soeur Emmerich passa devant moi, venant de la porte de Coesfeld, elle me donna la main et me dit : Ç Eh ! bien, Gertrude, comment vas-tu? Il faut que tu ailles mieux ! È Je la vis trs-distinctement. È Le Plerin demanda Anne Catherine si elle se souvenait d'avoir fait ce chemin en vision. Elle rpondit : Ç Je ne puis rien dire de prcis l-dessus : mais dans mes dernires courses, j'ai t souvent prs de; cette femme et j'ai vu tout ce qu'elle faisait. Je ne me rappelle rien de particulier, car je suis alle dans plusieurs endroits. È
25 avril. Ç Elle tait en trs-mauvais tat et trs-faible. Elle a dit que, toutes les nuits, depuis la mort de la vannire, elle avait eu des visions o il lui avait fallu pousser pour celle-ci sur une brouette de lourdes charges de bl. C'tait un des rudes travaux que cette femme avait sans cesse faire. Ces charriages taient ceux que la femme avait faits de mauvaise humeur et en colre ou qu'elle avait nglig de faire. Anne Catherine se disait hors d'tat de supporter plus longtemps ce travail; elle pria le Plerin de faire dire une messe pour en tenir lieu. La chose se fit et elle n'eut plus de bl transporter.
10. Personnes sauves de dangers pressants.
En aot 1822, le Plerin ayant trouv un matin le confesseur prs de la malade, celui-ci lui rapporta que, depuis la veille au soir, elle avait des maux de tte qui lui donnaient le dlire et que, dans cet tat, elle avait dit plusieurs fois qu'elle avait reu un coup de fusil dans la tte et l'avait pri de la lui raccommoder, mais ces choses dites pendant le dlire se rduisirent aux faits suivants, raconts paisiblement par la malade elle-mme : Ç J'offris le soir mes souffrances pour qu'elles pussent profiter des gens qui se trouveraient en danger, et comme je commenais mon voyage accoutum vers la maison des noces, mon guide me conduisit dans de hautes montagnes o un honnte savant grimpait au milieu des rochers, ayant la main des tablettes. Il fit une chute et tomba de trs-haut la tte en bas, mais il appela Dieu son secours : j'arrivai alors et je le portai sur mon dos jusqu' une voiture qui le suivait. J'ai beaucoup souffert pour lui. È
Ç Ensuite je vis dans des rochers escarps des gens munis de perches et ayant des crochets leurs souliers : ils tirrent sur une troupe d'oiseaux. Un des coups aurait frapp un chasseur la tte : mais je me jetai devant lui ; je reus dans la tte toute une charge de plomb et je ressentis une terrible douleur. Ma tte tait comme fendue en deux et je vis dans la suite de la vision que les grains de plomb taient comme des perles (des mrites). Il me vint aussi la pense que, si les Prussiens me tenaient emprisonne prsent, ils me les retireraient : je ne sais pas comment cette ide me vint. Ma tte fracasse me rendait toute gmissante. È
Dans les mois de novembre et de dcembre, elle fut en proie de trs-grandes souffrances pour l'Eglise qui se succdrent sans interruption. Ç Ces souffrances, dit-elle le jour de la fte de saint Thomas de Cantorbry, m'ont t
imposes, la Sainte-Catherine, pour l'glise et pour les vques. J'ai vu aujourd'hui la vie de ce saint martyr (saint Thomas) et les grandes perscutions qu'il a subies et j'ai eu cette occasion des visions continuelles touchant la tideur et la faiblesse des pasteurs dans le temps prsent : mon coeur en est dchir. È Le Plerin fit ce propos la remarque suivante : Ç Les douleurs augmentent : elle est prise d'accs de toux insupportables qui l'empchent de parler, mais elle a une grande patience. Au milieu de ces tourments affreux, elle est en gnral pleine de courage et de paix intrieure. Ses souffrances continuelles sont encore augmentes parce qu'elles sont aux places de la plaie du
ct et de la couronne d'pines. Elle ne peut appuyer sa tte nulle part, elle a toujours la sensation d'une large couronne d'pines acres : cependant elle parle souvent avec beaucoup de courage des fortes, mais salutaires douleurs
qu'elle a endurer. Au dbut de l'anne 1823, ces souffrances arrivrent leur apoge, accompagnes de visions incessantes sur l'tat de l'glise et, dans la soire du 11 janvier, le Plerin la trouva toussant beaucoup et souvent ne pouvant respirer. Elle tait en contemplation et demanda qu'on fit bouillir de l'orge et des figues et qu'on lui en mt un cataplasme sr le ct droit. On fit ce qu'elle disait. Elle but aussi du jus de ces figues, puis, se sentant plus libre et tant revenue elle, elle dit : Ç J'ai une inflammation dans le ct : il y a quelque chose de bris, je l'ai entendu craquer : je sens une dislocation intrieure : je ne puis en rchapper que par un miracle. È Le confesseur rpondit : Ç Vous avez dj eu le dlire toute l'aprs-midi. È Mais le Plerin aprs l'avoir observe avec plus de soin, la trouva tout fait dans son bon sens, parlant et agissant d'une manire trs-suivie conformment sa direction intrieure et extrieure, ayant les ides claires et l'me tranquille. Elle indiqua comment il fallait prparer l'empltre, demanda tous de prier et, le lendemain, elle fut en tat de rendre ainsi compte de ce qui s'tait pass : Ç Il me fallut aller l'endroit qu'habite le pasteur (Rome); le danger tait grand. On voulait assassiner le fidle chef des serviteurs, celui qui (note) a le petit chien ; alors je me jetai devant lui et le couteau me pera le ct droit et arriva jusqu'au dos.
(note) Note de d'auteur. Canis et coluber. C'est l'emblme du Pape Lon XII, dans la prophtie connue de saint Malachie. Mais cela s'expliquerait peut-tre mieux par ce que dit le cardinal Wiseman, dans ses Souvenirs que Lon XII avait habituellement dans ses appartements, un fidle compagnon, un petit chien trs-intelligent. È (Note du traducteur).
Le bon serviteur rentrait dans sa demeure; alors, sur un chemin o il tait facile de s'chapper; un tratre vint sa rencontre, ayant sous son manteau un poignard triangulaire. Il fit semblant de vouloir embrasser amicalement le chef des serviteurs, mais je me prcipitai sous le manteau et je reus le coup qui pntra jusqu'au dos. Il y eut un craquement : je pense que le poignard doit s'tre bris dans l'intrieur. Le chef des serviteurs para le coup et tomba en dfaillance : il vint des gens autour de lui : l'assassin s'enfuit. Je crois que le sclrat ayant frapp sur quelque chose de dur, crut que le chef des serviteurs portait une cuirasse. Lorsque j'eus dtourn le coup, le diable s'en prit encore moi : il tait plein de rage, me poussa de ct et d'autre et m'injuria: Ç Qu'as-tu faire ici? Il faut que tu sois partout, mais pourtant je viendrai bout de toi. È Les suites de la blessure qu'elle avait reue eurent leur cours pendant tout le mois de janvier : elle passa par toutes les phases d'une fivre inflammatoire comme cela aurait eu lieu naturellement dans un cas semblable o la gurison et t possible. È
17 janvier. Ç Elle souffre encore des douleurs atroces dans le ct bless, au point que quelquefois elle perd presque connaissance. Le ct est trs-enfl : en outre elle a une forte toux qui la fait beaucoup souffrir. Mais elle est trs-patiente et mme gaie. È
18 janvier. Ç Elle a eu la vue de sa blessure avec ses dtails anatomiques et elle en donne une description trs minutieuse. Elle souffre beaucoup. È
22 janvier. Ç La maladie semble diminuer. Malheureusement elle parle de choses trs-vulgaires comme de ses affaires de mnage et de l'enfant malade d'un bourgeois d'ici. Le Plerin ne comprend pas comment de pareilles choses peuvent l'intresser ce point. È
27 janvier. Ç Un revirement semble se manifester dans sa maladie cause par la blessure. Elle devient plus prompte, plus active, elle prend quelque chose de dcid dans sa personne et dans son langage. Elle dit qu'elle a de grandes luttes soutenir parce qu'elle se sent pousse malgr elle la colre et au ressentiment contre plusieurs personnes : elle a surtout une violente tentation de colre contre l'homme dont elle a empch le projet d'assassinat. Les vomissements de sang et de pus sont plus violents, la tumeur du ct s'amollit et se vide l'intrieur. Elle dcrit l'abcs intrieur comme un champignon qui se vide et se remplit tour tour et qui alors fait sentir sa prsence entre les ctes. Elle dclare que les vomissements ne viennent pas du poumon : cela se passe dans l'orifice de l'estomac. È
10 fvrier. Ç Cette nuit les vomissements de sang et de pus ont t si considrables qu'elle s'est affaisse sur elle mme comme morte. Elle assure qu'elle a vomi ce qu'on appelle le sac du pus et sent maintenant la place de l'abcs intrieur un vide et comme une plaie qui n'est pas encore cicatrise. È
11 . Elle se charge de douleurs causes par des plaies.
Elle dit en mars 1822 : Ç J'ai de trs-fortes douleurs au pied gauche. Il m'a fallu aller dans un hpital o a t mise ma charge une femme qui s'tait dangereusement blesse la jambe en tombant d'un escalier. È On ne fit pas grande attention ces paroles qui semblaient dites au hasard, mais, aprs quelques semaines il fut vident qu'Anne Catherine avait souffert les douleurs du premier bandage la place de cette pauvre personne, et que plus tard une opration tait devenue ncessaire ; car, au mois d'avril suivant, elle interrompit tout coup un entretien avec son confesseur par ces paroles : Ç On m'enlve une esquille du pied gauche. È Puis elle eut, en plein tat de veille, une vision lointaine et, dans cette vision, la sensation que le bandage tait appliqu la suite de l'opration faite sur elle auparavant. Elle dit encore: Ç Je ne puis pis comprendre comment le fragment de mon os si mince s'adapte la jambe d'une grande et forte femme comme celle-l. Combien la douleur a t cruelle lorsqu'ils sont arrivs tout contre l'os. Cette pauvre personne, pieuse catholique, m'a t rcemment montre; elle est bien loin d'ici, oblige de vivre dans un hpital o il y a d'autres malades d'un voisinage dsagrable. Elle a beaucoup supporter et m'inspire une grande piti. J'ai pri pour elle et demand pour moi ses souffrances. Il y a l des mdecins luthriens qui, aujourd'hui midi, ont enlev un gros fragment de l'os de la jambe et je me suis alors en mme temps laiss enlever un fragment qu'ils ont insr dans sa blessure mais je ne puis m'imaginer comment mon os si maigre peut convenir l. Elle est si grande et si forte ! maintenant ils ont band sa plaie et la mienne : c'est une douleur affreuse. È Elle donna cette occasion beaucoup de dtails minutieux et pendant ce temps, la proccupation qu'elle avait de tout cela ne l'empchait pas de suivre une conversation avec son entourage. È
12. Maux d'yeux.
Le pre d'un enfant atteint d'une ophtalmie fort grave lui demanda ses prires. A peine avait-elle accueilli cette demande qu'elle ressentit de terribles douleurs dans les yeux, lesquelles persvrrent pendant plusieurs jours, si bien qu'elle eut une forte inflammation un oeil. C'tait celui-l mme qui chez l'enfant tait considr comme dj perdu. Anne Catherine ressentit une telle compassion qu'elle se fit porter le pauvre enfant et sua l'oeil malade. Elle esprait que cet oeil n'tait pas perdu sans ressource, et elle-mme souffrit une semaine entire avant de recouvrer l'usage du sien. Pendant ce temps, elle eut en vision plusieurs travaux faire dans les champs attenant la maison des noces, o il lui fallut, avec ses maux d'yeux, arracher des souches d'arbre. Eu mme temps, elle vit autour du champ o elle travaillait une quantit d'autres personnes atteintes d'ophtalmie pour lesquelles elle souffrit et pria. Elle se souvenait particulirement d'un pauvre tailleur qui avait dj perdu un Ïil.
Ordinairement, quand elle priait pour des enfants malades, elle les sentait comme corporellement prsents sur son lit, et alors elle prenait tout prs d'elle ceux qui avaient les maux les plus dgotants. Elle les voyait dans leurs demeures et leur envoyait, autant qu'elle le pouvait, du linge et de la nourriture.
13. Tentations.
Le vendredi saint de 1822, son confesseur avait recommand ses prires un paysan qui, ayant perdu deux chevaux, s'abandonnait une tristesse allant jusqu'au dsespoir. Le matin du dimanche de Pques, elle dit qu'elle tait assaillie de terribles visions qui lui faisaient presque perdre la tte, et pendant la grand'messe, cet tat s'aggrava tellement qu'elle se crut au moment de mourir dans les angoisses. Aprs l'office divin, le pre Limberg vint la voir et raconta que, pendant la clbration, le paysan avait pleur et pouss de tels cris qu'il avait fallu le faire sortir de l'glise. Elle tressaillit involontairement ce rcit qui confirmait ce qu'elle avait vu et senti intrieurement jusqu'au soir du mardi de Pques, elle fut dans un tat de lutte incessante contre l'angoisse, le dsespoir, la colre et la rage et elle se plaignit d'avoir de si tristes ftes de Pques. Enfin le combat cessa dans la soire du mardi. Le confesseur trouva le pauvre homme calm et dans de meilleures dispositions. Mais avant qu'il et pu le faire savoir Anne Catherine, celle-ci dit avec de joyeuses actions de grces : Ç C'est sainte Anne qui a fait cela ! Je l'ai invoque tout le temps pour ce pauvre homme. Elle a obtenu la grce. Elle est la patronne des gens dsesprs et tourments par le mauvaise esprit. Ces derniers jours, j'ai terriblement souffert pour cet homme qui m'a t montr depuis longtemps dj. Il est sans religion et comme il s'est loign de l'tat de grce qui rend le chrtien invulnrable, il est tomb sous le pouvoir d'une maldiction. En faisant cuire par superstition un coeur de cheval, il s'est mis dans un rapport idoltrique avec le diable, et le dsespoir s'tait tellement empar de lui que, le dimanche de Pques, il a assist, la haine et la rage dans le coeur, au trs-saint sacrifice du fils de Dieu qui a donn sa vie pour ses ennemis. Sainte Anne l'a sauv. Si maintenant il ne se corrige pas entirement, il lui arrivera encore pis. È Wesener qui voyait cet homme comme mdecin, apprit de lui que, par le conseil de gens superstitieux, il avait fait cuire le coeur d'un des chevaux qu'il avait perdus en profrant des imprcations contre celui qu'il croyait avoir t la cause de la mort des chevaux : celui-ci ne devait plus trouver de repos jusqu' ce qu'il se ft fait connatre au paysan comme en tant l'auteur. Le paysan avait aussi pris la rsolution de tirer un coup de fusil la premire personne qu'il rencontrerait aprs son opration, magique.
Quelques. semaines aprs, cet homme apparut prt retomber parce qu'il tait sur le point de perdre un troisime cheval. Anne Catherine, l'ayant su par son confesseur, fut trs-attriste et dit : Ç Il ne faut pas que cela arrive; autrement cet homme retomberait dans le dsespoir : il faut prier pour que le cheval ne meure pas. È Les deux jours suivants, elle fut de nouveau trs agite, son visage prit une teinte brune et sombre : son regard tait gar et craintif : son expression tait tout fait celle des jours o elle avait eu le plus d'assauts soutenir pendant le Carme. Elle avoua qu'elle avait beaucoup pri pour cet homme violemment tent et qu'elle avait eu rcemment lutter contre 1e diable. Le cheval gurit.
Mai 1823 : Ç Elle a fourni du linge et une layette une pauvre accouche qui tait maltraite par un mari brutal. Cet homme ne s'tait pas approch des sacrements depuis plusieurs annes et il vivait dans des sentiments de haine et d'inimiti envers son prochain. Anne Catherine avait souvent pri pour qu'il se convertit et pour qu'il rflcht sur le misrable tat de son me. Elle renouvela encore ses prires pour lui, mais elle avait en mme temps de tels combats livrer contre de violentes excitations au ressentiment et la colre que son visage en tait tout dfigur. L'homme cependant avoua sa femme qu'il prouvait une angoisse intrieure ; et une agitation dont il ne savait comment se dlivrer. Anne Catherine ne cessa point de s'occuper de lui jusqu' ce qu'il ft all trouver le P. Limberg et lui et demand se confesser. Ses souffrances prirent alors un caractre d'intensit plus grande et il fut bientt vident que cet homme lui avait fourni l'occasion d'implorer des grces semblables pour une infinit d'autres qui se trouvaient dans le mme cas. La douleur la faisait ressembler une personne mise la torture et elle raconta en pleurant ce qu'elle avait endur : Ç J'ai cru mourir de douleur: mais je n'ai reu aucune assistance. J'offris mes misres pour tous les malheureux qui languissent sans consolation et sans le secours des saints sacrements. J'tais parfaitement veille et je vis tout coup autour de moi, les unes voisines, les autres loignes, d'innombrables scnes de douleur; c'taient des malades, des mourants, des voyageurs gars, des prisonniers, sans prtres et sans sacrements. Je criai au secours pour eux et j'implorai Dieu. Mais il me fut dit: Ç Tu ne peux pas obtenir cela gratuitement, il y faut du travail. È Sur cela je m'offris et je me trouvai dans un tat terrible. Des cordes me garent passes autour des bras o elles furent fortement attaches, puis on les tendit si violemment que je crus que tous mes nerfs allaient se dchirer. Mon cou tait trangl, les os de la poitrine remontaient, et ma langue raidie se retirait au fond de mon gosier. J'tais l'agonie, mais je vis pour ma consolation que beaucoup furent assists. È Ces souffrances se renouvelrent la nuit d'aprs et elle se vit formellement crucifie. Le Plerin la trouva avec le cou et la langue gonfls. Elle raconta pniblement ce qui suit : Ç J'ai vu une bien grande dtresse dans l'glise par suite des ngligences; des omissions et des trahisons. Quelque pitoyable que soit l'tat de ce pays ci, j'ai vu encore bien pis dans d'autres endroits. J'ai vu des prtres en trs-mauvaise compagnie et au cabaret pendant que leurs paroissiens mouraient sans sacrements. J'ai eu de nouveau la vision de la secte secrte sapant de tous les cts l'glise de Saint-Pierre. Ils travaillaient avec des instruments de toute espce et couraient et l, emportant des pierres qu'ils en avaient dtaches. Ils furent obligs de laisser l'autel, ils ne purent pas l'enlever. Je vis profaner et voler une image de Marie. Je me plaignis au Pape et lui demandai comment il pouvait tolrer qu'il y et tant de prtres parmi les dmolisseurs. Je vis cette occasion pourquoi l'glise a t fonde Rome ; c'est parce que c'est l le centre du monde et que tous les peuples s'y rattachent par quelques rapports. Je vis aussi que Rome restera debout comme une le, comme un rocher au milieu de la mer, quand tout, autour d'elle, tombera en ruine. Je vis comment Jsus donna cette force Pierre et le prpara tout cause de sa fidlit et de sa droiture. Lorsqu'il lui dit : Ç Suis-moi, È Pierre comprit par l que lui aussi serait crucifi. Lorsque je vis les dmolisseurs, je fus merveille de leur grande habilet. Ils avaient toutes sortes de machines : tout se faisait suivant un plan : rien ne s'croulait de soi-mme. Ils ne faisaient pas de bruit ; ils faisaient attention tout, profitaient de tout; ils avaient recours des ruses de toute espce, et les pierres semblaient souvent disparatre sous leurs mains. Quelques-uns d'entre eux rebtissaient; ils dtruisaient ce qui tait saint et grand et ce qu'ils difiaient n'tait que du vide, du creux, du superflu. Ils emportaient des pierres de l'autel et en faisaient un perron l'entre. È
Son confesseur tait trs-mu la vue de ces horribles souffrances et il cherchait les conjurer par le nom de Jsus et au moyen d'exorcismes. Il avait lu dans une relation concernant l'exorciste Gassner, que celui-ci, en Bavire, gurissait souvent par l'exorcisme des maladies qu'il croyait provenir du mauvais esprit. Anne Catherine lui dit ce sujet : Ç Les exorcismes seront sans effet sur moi, car je sais que cette maladie que j'ai ne vient pas de l'esprit malin. Je ne puis tre aide que par la bndiction, par la patience supporter les douleurs d'autrui et par la prire pour ce qui est la cause de ma souffrance. J'ai toujours eu, depuis que je me connais, une foi inbranlable dans le nom de Jsus et l'invocation de ce saint nom a t souvent un secours pour moi-mme et pour d'autres : mais je suis certaine que ce que je souffre maintenant; je l'ai pris sur moi au nom de Jsus (elle voulait dire qu'il n'tait pas propos de lui faire retirer ces souffrances au nom de Jsus). J'ai vu aussi plusieurs des maladies guries par le pre Gassner : elles ne me plaisaient gure; elles avaient pour cause premire des tats de pch. È
Un an auparavant, le Plerin eut noter un fait remarquable montrant de quel secours pouvait tre pour elle le saint nom de Jsus. C'tait le 20 janvier : Ç Je priai Dieu avec les plus vives instances, dit-elle, afin qu'il m'assistt dans ce qui me faisait le plus souffrir, l'affreux mal que j'avais au bas-ventre. Mon poux me rpondit d'un ton trs-grave : Ç Pourquoi aujourd'hui ? demain ne vaut-il pas autant ? ne t'es-tu pas donne moi ? ne puis-je pas faire de toi ce que je veux ? È Je veux m'abandonner compltement lui, qu'il fasse selon sa volont. Oh ! quelle grce de pouvoir souffrir ! heureux qui est injuri et mpris ! C'est tout ce que je mrite et je n'ai t que trop honore. Ah ! si j'tais couverte de crachats et foule aux pieds sur le grand chemin, je voudrais baiser les pieds tous pour les remercier ! Sainte Agns a aussi beaucoup souffert : j'ai vu tout ce qu'elle a endur. È
Le soir de ce jour, le docteur Lutterbeck se trouvant Dulmen et le Plerin lui ayant rendu compte des souffrances de la malade sans que celle-ci pt l'entendre le moins du monde, elle s'cria, tant en extase : Ç Comment peux-tu te mettre au milieu de mes fleurs, tu crases toutes ces belles fleurs ! È Elle avait donc vu celui qui rvlait ses tortures secrtes comme marchant sur ses fleurs et les crasant. Le jour suivant, la douleur du bas-ventre fut si violente que le confesseur tout mu lui donna un peu d'huile bnite et, priant sur elle, ordonna au mal de se retirer au nom de Jsus. Elle se sentit aussitt assiste et tout fait remise. Ce qui avait t dit de " demain " se ralisa, donc.
Pendant cette maladie, elle avait aussi fait cette dclaration : Ç Quand je prends sur moi les souffrances des personnes impatientes, ces souffrances sont trs-aggraves en ce qu'alors j'ai une intolrable excitation l'impatience qu'il me faut surmonter. Jusqu' prsent, dans le cours de cette longue maladie, j'ai t merveilleusement soutenue. La plupart du temps, pendant la nuit et souvent aussi pendant le jour, je vois devant moi ou prs de moi planer en l'air une table blanche qui semble de marbre: il y a dessus divers vases contenant des jus et des herbes et je vois tantt un saint martyr, tantt un autre, homme ou femme, s'avancer et me prparer un remde ; souvent c'est un mlange de plusieurs ingrdients et il me semble aussi qu'on le pse dans une balance d'or : la plupart du temps ce sont des jus d'herbes. Souvent j'ai sentir de petits buissons de fleurs, souvent sucer quelque chose et ces remdes gurissent quelquefois la douleur : mais plus souvent ils me donnent la force de supporter les douleurs les plus extraordinaires et les plus compliques qui succdent immdiatement aux remdes. Je vois tout cela aller son train distinctement et rgulirement, si bien que parfois j'ai craint que mon confesseur, en allant et venant, ne renverst cette pharmacie cleste. Ç Cette table disparut tout coup un jour que, par une parole irrflchie, Anne Catherine donna une personne l'occasion de faire son loge. Ayant donn des avis cette personne sur les moyens prendre pour mener une vie retire et observer la modestie, elle avait conclu par ces mots : Ç J'ai toujours t fidle ces pratiques dans ma jeunesse et je m'en suis bien trouve. È L dessus, on lui donna des loges et la table cleste disparut subitement avec sa pharmacie.
14. Souffrances pour des gens qui se confessent.
Ç Lorsque je vois des gens qui se confessent, j'ai souvent d'effrayantes vidons qui me font sentir vivement combien il est ncessaire de prier pour eux. Ainsi je vois des personnes qui, en se confessant crachent un serpent, mais l'avalent de nouveau bientt aprs, souvent mme avant la communion. Ceux qui cachent des pchs m'apparaissent avec un visage hideux et je vois prs d'eux une horrible bte qui leur enserre la poitrine dans ses griffes. Quant ceux qui vivent dans des relations criminelles, je vois souvent, pendant qu'il se confessent, une figure leur souffler l'oreille de n'en rien dire. J'en vois d'autres, pendant leur confession, serrer contre eux une figure qui a un corps de dragon. È
Ç J'ai toujours vu que de hideuses btes comme les vers et certains insectes proviennent des pchs et sont les images des pchs. Quant aux personnes qui renferment dans leur intrieur des pchs secrets, mais qui se montrent extrieurement pieuses et irrprochables, je vois de vilaines btes qui se tiennent ct d'elles ou sur leurs habits, ou bien je vois ces btes caches, caresses et nourries en secret. Souvent j'ai vu si clairement des btes de ce genre attaches certaines personnes que je voulais les leur ter, mais je m'apercevais bientt que je leur causais un grand tonnement. La cigale , par exemple, est une image du pch. Elle est inquite, criarde, avare ; elle fait beaucoup de bruit. Je vois que la cigale remue chacun de ses poils, se fait belle, agite bruyamment ses ailes quand elle crie. Ainsi font aussi ceux qui nourrissent en eux les pchs dont la cigale est l'image symbolique. È
Elle raconta un jour ce qui suit: Ç Je priais pour les pnitents d'un prtre sur sa demande et j'eus faire un travail trs-pnible. Je vis deux canots qui allaient couler bas. Dans l'un taient les hommes: dans l'autre les femmes : celles-ci taient en trs-grand nombre. Le confesseur tait sur le bord et voulait tirer les canots terre l'un aprs l'autre. Le canot o taient les hommes marchait passablement : mais beaucoup de femmes ou plutt presque toutes avaient, contre la volont du confesseur et en partie son insu, cach des chats sous leurs fichus, et ces chats rendaient la barque si pesante quÕelle tait au moment de s'enfoncer. Ils s'accrochaient fortement, ne voulaient pas se laisser dtacher et donnaient des coups de griffe droite et gauche. Je me mis sur une planche, je poussai jusqu'au canot et j'exhortai les femmes se dbarrasser de leurs chats, mais elles prirent la chose trs mal et se mirent me quereller. Le confesseur tirait de toutes ses forces, mais pas toujours comme il fallait, si bien que je lui criai de s'y prendre autrement. È
Anne Catherine eut trs-frquemment, quoiqu'ayant l'estomac absolument vide, des crises de vomissement qui se succdrent pendant deux jours sans quelle pt rien rendre. Cela la faisait tomber dans des dfaillances semblables la mort ; en mme temps elle soupirait souvent et disait involontairement: Ç Les pchs doivent sortir: il faut qu'ils soient confesss. È Et on reconnaissait qu'elle avait pris ces souffrances sur elle pour empcher des confessions sacrilges. È
Comme elle avait une dvotion particulire saint Antoine, elle reut plusieurs fois, pendant l'octave de sa fte, la tche de pousser des pcheurs au repentir et la confession, au moyen de prires et de souffrances et avec l'assistance du saint. Pendant ces huit jours, elle resta en proie des maladies qui changeaient rapidement, des convulsions, des angoisses intrieures et un dlaissement spirituel. Elle raconta un jour ce qui suit : Ç Le saint m'a montr les personnes que je devais exciter faire une confession gnrale. Elles allaient successivement trouver Overberg et mon confesseur. Je ne les connais qu'en vision, mais non l'tat de veille. Dans de pareils travaux, les choses se passent comme si le saint envoyait un ordre ou un message mon guide lequel me dit alors : Ç Tiens-toi prte et suis-moi si tu veux porter secours en tel et tel endroit. È Je me mets alors en chemin pour un voyage qui me fatigue beaucoup et je rencontre des difficults de toute espce qui se rapportent aux obstacles spirituels existant dans l'me des pnitents et qui sont l'image des ides fausses, des passions et de la rpugnance intrieure que ceux-ci ont surmonter en eux-mmes avant d'en venir une confession sincre et accompagne de repentir. Quelques-uns de ces gens m'apparaissent petits et dans l'loignement; d'autres sont plus prs: cela indique le chemin plus ou moins long qu'ils ont faire pour arriver une confession sincre. Je vois souvent une personne qui en ralit n'est pas loin d'ici, comme trs-petite et trs-loigne, une autre rellement loigne m'apparat grande et rapproche spirituellement. J'en vois plusieurs qui sont trs-prs de moi, mais pour arriver elles, il me faut gravir une montagne escarpe d'o je retombe sans cesse. Quand avec la grce de Dieu et l'assistance du saint, je puis venir bout de la franchir, j'arrive jusqu'aux personnes et je trouve leur coeur chang. È
Le 29 novembre 1822, six dangereux bandits qu'on conduisait la forteresse furent amens Dulmen pour y passer une nuit dans la prison de la ville. Elle vit cela en esprit, pria pour ces misrables et raconta ce qui suit le jour d'aprs : Ç J'ai visit les prisonniers pour la conversion desquels je priais. Lorsque je m'approchai de la prison, tout l'entour tait rempli de buissons d'pines. Je m'y mis les mains en sang en grimpant aprs ces pines qui dpassaient le mur et retombaient de l'autre ct. Il n'y avait pas de toit : je descendis, mais je ne pus pas arriver jusqu'aux prisonniers, ils taient dans des trous ou des crevasses de forme trange et il y avait au-dessus d'eux et devant eux une quantit de poutres et de solives entremles et formant de solides barrires. Il faisait sombre, tout tait dsol et comme ptrifi: je me donnai beaucoup de peine sans pouvoir arriver aucun d'eux: il taient comme changs en poutres et compltement endurcis. Alors le gendarme N. vint pour les visiter et je m'en allai, craignant qu'il ne me trouvt et qu'il ne crt que je voulais les dlivrer.
Avril 1820. Elle prouvait une douleur si violente dans tout le cot gauche qu'elle semblait au moment d'expirer. Elle ne pouvait se coucher qu'a demi sur le ct droit, elle tait hors d'tat de parler et avait des vanouissements causs par l'excs de la souffrance : cependant elle tait pleine de srnit et dit : Ç Ceci est un reste du Carme pendant lequel j'ai pris un fardeau trop fort pour moi : je croyais que cela ne viendrait que plus tard. J'ai pris cette charge pour un tranger qui voulait faire ici sa confession pascale. Je le vis au confessionnal en mauvaise disposition, il ne voulut pas tout avouer et se rendit gravement coupable. J'ai pri le Seigneur de me laisser souffrir sa place pour satisfaire la justice divine et toucher le coeur de cet homme : alors cette violente douleur m'a tout coup assaillie. Mais je puis peine la supporter. È L'abb Lambert pria alors sur elle et elle reut quelque soulagement : mais lorsqu'il s'loigna, les souffrances recommencrent et devinrent si violentes qu'elle tomba en dfaillance et qu'une sueur froide coula sac son front.. On appela le confesseur qui la bnit et ordonna au mal de s'en aller au nom de Jsus. A l'instant elle se sentit mieux et pt retrouver un peu de repos.
Temps pascal de 1823. Ç J'ai eu traner de force un homme l'glise jusque la table de communion. Il ne voulait pas y aller et il me jeta presqu' terre. Je souffrais horriblement et je reus cette occasion de si terribles coups sur le coeur que je crus qu'il allait tre cras. È Ce travail se renouvela encore trs-souvent et dura jusqu' la semaine d'avant la Pentecte. Lorsqu'un des jours de cette semaine, elle raconta son confesseur qu'elle s'tait encore fatigue, jusqu' en mourir, l'occasion de cet homme, ce dernier, peu de minutes aprs, ft prier le confesseur d'entendre sa confession gnrale. Le pre le reut avec beaucoup de bont et, sur sa prire, le conduisit prs de la malade laquelle il demanda pardon en pleurant de l'avoir souvent calomnie.
15. Les jours du carnaval taient tous les ans pour elle un temps de terribles souffrances. Elle tait alors livre des tortures incessantes cause des pchs qui se commettaient pendant ces jours l. Ç Il me faut voir toutes les abominations de la dbauche, mme les penses et la malice intrieure des coeurs, les piges tendus par le diable, l'affaissement, l'branlement, l'garement des mes et leur chute. Je vois partout le diable prsent et il me faut aller, courir, souffrir, exhorter, implorer Dieu, me livrer au chtiment. En mme temps, je vois les affronts que ces insenss font au Rdempteur, mon Sauveur bien-aim; je le vois tout dchir, couvert de sang et de crachats. Je vois des divertissements innocents en apparence dans leur affreuse nudit et avec leurs tristes consquences. Je suis saisie de terreur et de piti et je passe d'un martyre un autre, afin d'obtenir pour tel ou tel pcheur un rpit et la grce de la conversion. Je vois cela chez des laques et chez des prtres et la vue de ces derniers est ce qui me fait le plus souffrir. J'tais dernirement si abattue que je n'en pouvais plus et que je priai mon ange gardien de faire agir les anges de quelques personnes dont l'tat me touchait beaucoup. È Elle est rduite une telle extrmit qu'elle ne peut pas se remuer, ni mme respirer sans de vives douleurs. Mais elle est pleine de paix, de calme, de douceur, et sa patience est indicible. Avec tout cela, elle a encore soutenir les assauts du mauvais esprit qui l'attaque jour et nuit. È
Mars 1821, mercredi des cendres. Ç Le Plerin la trouva ce matin toute brise et en proie d'affreuses tortures. Elle put peine prononcer quelques mots, elle tait compltement affaisse sur elle-mme, puise et ple; mais sa figure tait paisible et aimable, son me tait en paix et tout en elle respirait la bienveillance et la bont. Elle dit : Ç J'ai eu cette nuit, je crois, toutes les souffrances et tous les martyres qui peuvent torturer un corps humain. A la fin il est encore survenu un mal d'oreilles pouvantable. J'ai obtenu quelque soulagement au moyen d'un peu d'huile bnite sur du coton. È Elle dit tout coup : Ç Maintenant encore une danse ! È et elle se tordit sur elle-mme et agita ses pieds avec un tremblement douloureux. Aprs cela elle eut un mouvement de terreur et sembla se dfendre : Ç Ces gens ont excit contre moi un mchant petit chien, qui est tout fait furieux. Plus tard elle raconta ceci : Ç J'avais t envoye dans un village o les habitants dansaient encore aujourd'hui : je devais leur dire quelque chose. Cela ne servit qu' les exciter; ce fut comme s'ils lchaient sur moi un petit chien plein de rage. Au commencement j'eus grand peur : mais ensuite il me vint l'esprit que je n'tais pas l avec mon corps et qu'il ne pouvait pas me mordre. Alors je me ramassai dans un petit coin et je vis que le chien n'tait autre que le diable. Il avait d'horribles griffes et le feu lui sortait par les yeux. En ce moment un saint me tendit d'en haut comme un gros bton de fer qui me sembla creux l'intrieur, tant il tait lger; puis il me dit : Ç Avec cela j'ai souvent, moi aussi, ross le diable. È Je le prsentai au chien qui mordit dedans, le tira lui et finit par s'enfuir en l'emportant. Je pus cependant faire ce dont j'tais charge et les danseurs se sparrent. È
Avril 1822. Ç Elle parait tre dans un tat des plus pitoyables. Elle a pris de l'huile de sainte Walburge et s'est sentie soulage. Les souffrances et les douleurs augmentent, mais la vivacit de l'esprit semble aussi augmenter. Elle est singulirement patiente, elle est mme joyeuse dans ses souffrances. A la toux, aux vomissements et la rtention vient s'ajouter une douleur cuisante au visage avec enflure des lvres qui sont couvertes de pustules blanches. Elle ne peut ni parler, ni boire. Le mdecin ordonne des remdes externes qui n'apportent aucun soulagement. Son guide dit qu'elle doit s'en remettre Dieu, qu'elle expie les pchs de la langue. Cette maladie dura environ sept jours et, pendant ce temps, elle eut, sur l'ordre de son guide, de longues prires vocales rciter durant une grande partie de la nuit.