QUATORZIÈME CHAPITRE.

Jésus aux bains de Béthulie, à Jotapat, à Dothaim et à Gennabris.

(Du 25 août au 1er septembre 1821.)


 




    Jésus quitte Capharnaum et se rend aux bains de Béthulie. - Jésus à Jotapat. - Fête de la moisson à Dothaim. - Jean-Baptiste. - Jésus à Gennabris.


    (25-27 août.) Jésus passa toute la nuit seul, en prière, dans l'agréable solitude située derrière la demeure du centurion Zorobabel. Pierre et d'autres disciples vinrent le trouver de bon matin et lui dirent que beaucoup de malades réclamaient encore son secours. Il répondit que pour le moment il devait aller plus loin, qu'il reviendrait pour le prochain sabbat, si je ne me trompe, et que jusque-là ils devaient continuer à exercer tranquillement leur profession. Il les chargea d'envoyer Parménas, Saturnin, Aristobole et Tharzissus à un certain endroit où il devait les rejoindre aujourd'hui. Alors ils le quittèrent et il se mit seul en route. Il suivit la vallée dans la direction du sud-ouest comme s'il eût voulu aller à Magdalum. Il guérit deux lépreux en passant par le petit village de Zorobabel, puis il continua son chemin.

Note : Ses souffrances lui firent oublier ce détail, qu'elle ne communiqua que le 14 novembre, lorsque ces gens remercièrent Jésus de leur guérison. On l'a intercalé ici.

Je l'ai vu pendant cette journée marcher, se reposer et se réunir à ses quatre disciples. Il leur donna divers enseignements, tout à fait dans le genre de ceux qu'il donna la dernière fois en venant de Nazareth. J'étais si malade que j'en ai oublié la plus grande partie. Il fit aujourd'hui cinq ou six lieues dans diverses directions. Il fit le tour de la hauteur qui domine la vallée où se trouve Magdalum : il laissa cet endroit à sa gauche à deux lieues à l'est : Magdalum est située dans la vallée au nord d'une montagne. Sur la pente méridionale de cette même montagne se trouve, entourée de bois et de vallées, une ville singulière : elle a un nom étrange, il me semble que ce n'est pas un vrai nom de lieu et que je me suis méprise : cela a l'air d'une plaisanterie : je crois qu'elle s'appelle Jotapata. Jésus n'y était pas encore allé : je vis ce pays à vol d'oiseau. Je croyais d'abord que Jésus irait à Gennabris, qui est située entre des montagnes, à environ huit lieues à l'ouest de Tibériade, mais il n'y alla pas aujourd'hui. Je le vis arriver par le côté septentrional de la vallée, à un endroit où j'ai remarqué récemment un joli lac et des bains. C'est la fontaine de Béthulie ou Béthuel qui est située vers le midi de cette vallée, et plus éloignée d'environ deux lieues dans la montagne. Cana est à une lieue plus à l'ouest dans la vallée au-dessous de Béthuel. Ce bain et cette vallée qui est un lieu de plaisir dépendent de Béthulie. Beaucoup de gens considérables et riches de la Galilée et aussi de la Judée ont ici des maisons de plaisance et des jardins qu'ils habitent dans la belle saison.

Au midi du lac, sur la pente septentrionale des hauteurs de Béthuel, il y a des groupes de maisons et des eaux thermales. Celles qui sont au levant sont plus chaudes, celles qui sont au couchant plus tièdes. Il y a un grand bassin commun à l'usage des baigneurs, et tout autour des enceintes de toiles, où l'on a des baignoires séparées, et d'où l'on peut, si l'on veut, se réunir dans le grand bassin. On trouve ici plusieurs hôtelleries, on peut aussi louer pour un temps des maisons particulières avec des jardins et l'on a tout le reste gratuitement. La recette profite à Béthanie et sert à entretenir l'ensemble de l'établissement. Le lac lui-même a une eau singulièrement pure et transparente à travers laquelle on voit le fond parsemé de beaux cailloux blancs. Il est formé par un cours d'eau qui vient du couchant et qui au sortir de l'étang des baigneurs, va arroser la vallée de Magdalum. Le lac est couvert de petites barques d'agrément qui de loin font l'effet d'une troupe de canards. Au nord sont les habitations des baigneuses qui sont exposées au midi. Leurs promenades et les lieux où elles prennent leur récréation confinent aux lieux qui sont à l'usage des hommes près du ruisseau qui coule dans le lac. Des deux côtés, la vallée descend au lac en pente douce. Devant les habitations, devant les bains et autour du lac s'étendent des chemins de communication, des allées, des berceaux de verdure, des massifs avec des arbres dont les branches couvrent un large espace : dans les intervalles, on trouve des prairies avec un beau gazon touffu, des jardins fruitiers et potagers, et des lices. La vue est ravissante ; le pays est très accidenté et d'une richesse merveilleuse, surtout en raisins et en fruits. On fait ici en ce moment la seconde récolte de l'année.

Jésus resta le soir, sur le côté du lac où il était arrivé, dans une hôtellerie de voyageurs. Il se trouvait là des gens de toute espèce, et il enseigna devant l'hôtellerie avec une bonté et une mansuétude extraordinaires : plusieurs femmes vinrent l'écouter. Il y avait là de mauvaises gens de Jotapat qui s'en allèrent sans vouloir l'entendre. Je ne sais plus ce qui se passa ; j'étais malade.

Le matin je vis venir plusieurs petites barques du côté méridional du lac où étaient les bains : c'était une société composée de gens de distinction qui venait avec beaucoup de politesse engager Jésus à les visiter et à les enseigner. Jésus accepta leur invitation et passa le lac avec eux. Il alla dans une hôtellerie où il prit quelque nourriture, et il resta là Tout le jour, tantôt se promenant, tantôt se reposant, tantôt enseignant. Il enseigna le matin par la fraîcheur, et le soir devant l'auberge, sous des arbres qui s'élevaient près d'une colline. La plupart des gens qui étaient là se tenaient autour de lui : les femmes étaient à part, couvertes de leurs voiles. Tout se passait avec beaucoup d'ordre et de bonne grâce : il n'y avait guère là que des personnes riches et bien élevées', dont beaucoup avaient de bons sentiments et des dispositions très bienveillantes ; comme il n'y avait pas là de partis, personne ne craignait de s'ouvrir entièrement devant les autres : tous se montraient pleins d'égards et de prévenances envers Jésus, et s'ils témoignaient de la curiosité, c'était avec beaucoup de courtoisie. Le premier discours qu'il leur tint ne leur laissa que des impressions agréables et consolantes. Son enseignement ici n'eut rien de sévère : il parla de la purification par l'eau des bains, de leur réunion ici, des sentiments d'intimité qui régnaient entre eux, du mystère de l'eau, de l’ablution des péchés, du bain du baptême, de Jean Baptiste, de l'union et de la charité réciproque parmi les baptisés, parmi les convertis, etc., etc. Outre cela, il assaisonna son discours de comparaisons charmantes tirées de la belle saison, de la contrée, des montagnes, des fruits, des troupeaux et de tout ce qui les environnait. Je les vis se former en cercle autour de lui avec beaucoup d'ordre, puis céder la place à d'autres auditeurs, et il reprenait devant les groupes qui se relayaient les divers points qu'il avait déjà traites. Je ne sais plus bien dans quel ordre tout se succéda pendant la journée. Je vis un petit nombre de malades légèrement atteints de la goutte se traîner dans les alentours. C'étaient pour la plupart des fonctionnaires publics et aussi des officiers qui étaient venus pour leur santé : je les reconnus à leur habit, lorsqu'ils quittèrent ce lieu et retournèrent à leurs diverses garnisons dans le voisinage, car pendant le séjour tous étaient vêtus de la même manière,. Les hommes avaient des vêtements très  légers, faits d'une laine très fine, de couleur jaunâtre : ils portaient une robe semblable à celle des femmes, formée de quatre pièces séparées qui les enveloppaient autour dés reins et s'arrêtaient aux genoux, comme formant une espèce de haut de chausses : leurs pieds étaient nus ou chaussés de sandales. Le haut du corps était revêtu d'un scapulaire ouvert sur le côté, qu'une large ceinture serrait autour du corps. Leurs épaules étaient couvertes de manches qui ne dépassaient pas la moitié de l'avant-bras : ils avaient la tête nue. Avec ce costume, ils portaient tous des barbes plus ou moins longues de différentes couleurs. Je les vis jouer à toute sorte de jeux ils s'escrimaient avec des petits bâtons et des boucliers de feuillage. Ils luttaient les uns contre les autres, soit par groupes, soit individuellement. Ils se défiaient à la course et sautaient par-dessus des cordes et à travers des cerceaux, auxquels étaient suspendues toute sorte de choses brillantes qu'il ne fallait pas toucher, autrement elles tombaient par terre en faisant un bruit comme celui d'une sonnette, et on perdait en proportion du nombre des objets tombés. C'étaient souvent des fruits qui servaient d'enjeux. J'en vis quelques-uns faire résonner des flûtes de roseau, d'autres avaient de gros et longs tubes de jonc, dont ils faisaient usage comme de longues-vues : ils soufflaient aussi dedans et lançaient ainsi dans le lac des balles ou de petits dards, comme s'ils eussent tiré sur les poissons. Ils attachaient aussi à l'extrémité de ces tubes des boules de verre de toutes couleurs, puis les balançant de côté et d'autre ils les faisaient miroiter au soleil ; alors tout le paysage s'y réfléchissait renversé, et il semblait que le lac passât sur leur tête, ce qui divertissait tout le monde.

Il y avait ici de très beaux fruits, surtout en fait de raisins, et je vis quelques personnes offrir les plus beaux fruits à Jésus d'une façon très respectueuse et très bienveillante Cette vallée est celle où Jésus vit Nathanael sous le figuier pendant qu'il regardait les femmes. Barthélémy se trouvait aussi là alors, et Jésus lui adressa, je crois, un regard touchant. Il le salua aussi en passant, ce qui émut beaucoup Barthélémy, lequel s'appelle aussi Nephtali.

Les logements des femmes sont de l'autre côté de la vallée, leurs bains toutefois sont de celui-ci, mais plus au couchant, et les hommes ne peuvent pas voir l'endroit où elles se baignent. Au bord du petit ruisseau qui se jette dans le lac, je vis des petits garçons avec des robes de laine blanche retroussées, à peu près semblables à celle que portait Jean Baptiste étant enfant, pousser devant eux avec des baguettes de saule bariolées des troupes d'oiseaux aquatiques de diverses espèces. On amène l'eau de ce ruisseau et celle du lac jusqu'aux hôtelleries placées sur la hauteur et aux bains, à l'aide de conduits qui la font monter dans des bassins plus élevés, et de là plus haut. Je vis les femmes jouer à divers jeux dans la prairie. Elles portaient toutes des tuniques de laine blanche, légères, fines et amples, avec beaucoup de plis. Ces vêtements, quoique d'une étoffe très mince et très légère, n'avaient rien qui ne fût décent. Les manches étaient larges, arrêtées par des agrafes en haut et en bas : autour des mains elles portaient des manchettes grandes et raides comme des queues de paon. Elles avaient des coiffures comme j'en vis une fois à Madeleine : c'était un bonnet formé de plusieurs anneaux qui allaient toujours en diminuant de grosseur, et qui étaient garnis de soie ou de plumes blanches : cela ressemblait à une coquille de limaçon en plumes. Elles ne portaient pas de voile, mais avaient sur je visage deux demi éventails bien plissés, blancs, diaphanes, qui, rabattus, recouvraient le nez ; des ouvertures étaient ménagées devant les yeux. Elles pouvaient les replier tout à fait ou à moitié, selon qu'elles voulaient se garantir du soleil. Dans la compagnie des hommes elles les rabattaient.

Je vis ces femmes jouer à un jeu plaisant : toutes avaient autour du corps une ceinture où était attaché un anneau : elles se mettaient en rond, chacune tenant sa voisine par cet anneau et conservant une main libre. On cachait un bijou dans l'herbe, et la ronde tournait de côté et d'autre jusqu'à ce qu'une d'elles l'aperçût. Quand elle se baissait pour le prendre, les autres entraînaient la ronde dans un mouvement plus rapide. Celle qui venait ensuite se baissait à son tour, tout en tâchant de ne pas se laisser tomber ; mais parfois elles roulaient toutes les unes sur les autres avec de grands éclats de rire.

Je vis aujourd'hui André et Jacques partir de très bon matin de Capharnaum pour venir ici : ils arrivèrent vers midi et s'entretinrent avec Jésus : je crois, sans en être certaine, qu'il était question du baptême. Jésus doit, je pense, faire baptiser à Ainon. Ils ne tardèrent pas à repartir.

Béthulie est à une lieue et demie au midi d'ici, dans la montagne ; elle est sur une hauteur, dans un site très solitaire et très sauvage. Elle est dominée par une grande tour d'un aspect bizarre : il y a beaucoup de vieilles murailles et de vieilles tours en ruines. Cette ville a dû être autrefois très forte et plus grande qu'à présent : des arbres croissent sur les murs qui sont assez larges pour qu'on puisse y aller en voiture. Je vis des personnes qui, des bains, allaient s'y promener. Elle est située à une grande hauteur, autour de la montagne. C'est là que Judith a vécu : le camp d'Holoferne s'étendait, en parlant du lac, par la gorge qui entoure Jotapat jusque vers Dothan qui est à environ deux lieues au midi de Béthulie.

Le soir du premier jour quelques femmes légères vinrent encore ici avec des hommes de Jotapat mais ils n'assistèrent pas à l'instruction de Jésus. Ils retournèrent à Jotapat où ils racontèrent que Jésus était ici.

Jotapat est à peu près à une demi lieue à l'est d'ici, ayant devant elle une montagne : elle est bâtie dans une gorge comme dans une grande caverne. Elle est encore dominée par une colline d'où l'on descend pour arriver dans la ville en franchissant des fossés profonds et escarpés. C'était comme une grande carrière au-dessus de laquelle la montagne surplombait.

Au nord de cette montagne, à une distance d'environ deux lieues, on voyait Magdalum au bord d'une gorge : les avenues, les jardins et les tours en ruines qui l’entouraient s'étendaient jusqu'au milieu de cette gorge. Entre la montagne et Magdalum subsistaient encore les restes d'un aqueduc, recouverts de végétation ;on avait à travers ses arcades une vue très agréable sur le paysage. Au midi de Jotapat on voyait une autre montagne d'un aspect sauvage et à droite et à gauche de larges ravins. C'était un endroit étrange et bizarrement caché. Beaucoup d'hérodiens résidaient à Jotapat. Ils avaient un lieu de réunion secret dans un mur de la forteresse. Cette secte ne se composait guère que de gens habiles et instruits et elle avait des chefs secrets. Ils avaient des signes de reconnaissance et, quand un membre commettait quelque trahison, les supérieurs pouvaient en avoir connaissance, je ne sais plus bien comment. Ils étaient les ennemis cachés des Romains et travaillaient à préparer une rébellion en faveur d'Hérode ; ils étaient partisans secrets des sadducéens. mais extérieurement ils paraissaient pharisiens : ils croyaient mener les deux partis et les conduire à leurs fins. Ils savaient bien que l'époque du roi des Juifs était venue et ils se proposaient à certains égards de faire servir cette croyance à leurs desseins. Il leur était prescrit d'être extérieurement très affables et très tolérants, mais c'étaient réellement des fourbes et des traîtres. Ils n'avaient au fond aucune croyance, et travaillaient sous le manteau de la religion à préparer an royaume terrestre indépendant : Hérode les soutenait.

Lorsque la synagogue de Jotapat apprit que Jésus était dans le voisinage, elle envoya deux hérodiens aux bains de Béthanie pour l'observer et l'inviter à visiter Jotapat. Je vis ces deux personnages qui se donnaient pour des baigneurs, se rapprocher souvent de lui et l'espionner d'un air prévenant et respectueux. Jésus fit peu d'attention à eux. Ils l'invitèrent à venir à Jotapat : mais il ne leur donna pas de réponse positive.

J'ai vu aussi venir ici aujourd'hui environ sept disciples de Jésus qui précédemment l'avaient accompagné dans ses voyages pendant une quinzaine de jours. C'étaient deux disciples de Jean, des disciples alliés à la famille de Jésus, venus des environs d'Hébron et un de ses cousins du petit Séphoris. Ils l'avaient cherché dans la Galilée et le trouvèrent ici. Je l'ai vu aussi pendant le jour s'entretenir familièrement avec diverses personnes. Il devait y avoir parmi elles quelques-uns de ses adhérents. Je le vis prendre une seule espèce d'aliments avec ses disciples et parfois manger quelques-uns des fruits qu'on lui avait donnés. Les baigneurs mangeaient tantôt dans leurs habitations, tantôt en commun sous les arbres.

(27 août.) Les hérodiens étaient retournés à Jotapat, et on y travaillait le peuple pour le cas où Jésus viendrait. On disait aux habitants que Jésus, le prophète de Nazareth, qui avait fait tant de bruit à Capharnaum le sabbat précédent et à Nazareth celui d'avant, se trouvant dans le voisinage, à la fontaine de Béthulie, viendrait peut-être à Jotapat pour y célébrer aussi le sabbat. On les mettait en garde pour qu'ils ne se laissassent pas séduire : ils ne devaient pas, disait-on, l’accueillir avec des acclamations, ni le laisser parler trop longtemps, mais l'interrompre par des murmures et des interpellations toutes les fois qu'il leur dirait des choses nouvelles et difficiles à comprendre. C'était ainsi qu'on préparait le peuple.

Jésus était encore ce matin aux bains de Béthulie. Je le vis de nouveau faire une instruction familière. Il y avait plusieurs hommes rangés en cercle autour de lui, il se tenait au milieu d'eux et allait de l'un à l'autre. à quelque distance se tenaient timidement plusieurs hommes perclus qui étaient venus prendre les bains et qui n'avaient jamais osé aborder Jésus. Il répéta en termes généraux ce qu'il avait enseigné la veille et l'avant-veille, et les exhorta à se purifier de leurs péchés. Tous l'avaient pris en affection et ses paroles les touchaient. Plusieurs disaient : " Seigneur, quand on vous entend, on ne peut pas vous résister." Jésus les interrogea en ces termes : " Vous avez beaucoup entendu parler de moi et vous m'avez entendu vous-mêmes, qui croyez-vous que je sois ? "Les uns répondirent : "Seigneur vous êtes un prophète, "d'autres : " Vous êtes plus qu'un prophète : aucun prophète n'enseigne comme vous, aucun ne fait ce que vous faites. " D'autres gardaient le silence Jésus qui savait ce qu'ils pensaient, montra du doigt ceux qui se taisaient et dit : " Ceux-ci ont raison. " Un d'eux dit aussi : " Seigneur, vous pouvez tout. est-il vrai. comme on le dit, que vous avez déjà ressuscité des morts, par exemple la fille de Jaïre ? "il voulait parler de ce Jaïre qui demeurait dans une ville voisine de Gabaa, où Jésus avait prêché des gens si pervers. J'en ai parlé antérieurement. " Oui » répondit Jésus, et alors cet homme demanda pourquoi Jaïre vivait dans un endroit si mal habité. Là-dessus Jésus parla de sources dans le désert ; il dit entre autres choses qu'il était bon que les faibles eussent quelqu'un pour les diriger. Les interlocuteurs étaient très en confiance. Il leur demanda encore : "Que savez-vous de moi ? quel mal vous dit-on de moi ? Quelques-uns répondirent : " On vous accuse de ne pas interrompre vos oeuvres et de guérir les malades le jour du sabbat. n Alors il leur montra un petit étang voisin près duquel des petits bergers faisaient paître des agneaux et d'autres jeunes animaux et il leur dit : "voyez ces petits bergers si faibles, ces jeunes agneaux si délicats. Si l'un d'eux tombait dans le marécage et se mettait à bêler, tous les autres ne courraient-ils pas autour de lui en poussant des cris plaintifs : et si les jeunes garçons n'étaient pas assez forts pour le secourir et que le fils du maître du troupeau passât le jour du sabbat, envoyé pour garder ces agneaux et pour les paître, n'aurait-il pas pitié de l'agneau et ne le tirerait-il pas du bourbier? "

Alors ils levèrent tous les mains comme font les enfants au catéchisme et s'écrièrent : "Oui, oui, il le ferait ! "Alors Jésus reprit : " Et si ce n'était pas un agneau, si c'étaient les enfants déchus du Père céleste, si c'étaient vos frères, si c'étaient vous-mêmes ! Le fils du Père céleste devrait-il s'abstenir de les secourir le jour du sabbat ? "Sur quoi ils répétèrent tous : " Oui, oui !" Et Jésus leur montrant les hommes perclus qui se tenaient éloignés, leur dit : " voyez ces frères malades ! Dois je ne pas leur venir en aide, s'ils me demandent secours le jour du sabbat ? Ne doivent-ils pas recevoir la rémission de leurs péchés, s'ils se sont repentis le jour du sabbat, si le jour du sabbat ils confessent leurs péchés et crient vers le Père qui est au ciel ? " Alors tous crièrent en levant encore les mains : "Oui, oui ! ".

Cependant Jésus fit signe à ces malades et ils se traînèrent à grand peine dans le cercle. Il leur dit quelques mots sur la foi, fit une prière, et dit : " Etendez vos bras ! ’ ils étendirent vers lui leurs bras malades : alors il leur passa la main sur les bras, et souffla un instant sur leurs mains : et ils se sentirent guéris et recouvrèrent l'usage de leurs membres. Jésus leur prescrivit en outre de prendre un bain, et il les avertit de s'abstenir de certaines boissons. Ils se jetèrent à ses pieds pour le remercier, et tous les assistants se mirent à le louer et à l'exalter. Comme il voulait se retirer, ils le prièrent de rester encore et lui témoignèrent toute espèce d'affection et de bons sentiments : plusieurs furent très touchés. Jésus leur dit qu'il devait aller plus loin et continuer sa mission. Ils lui firent quelque temps la conduite avec les disciples : puis il les bénit et se dirigea vers Jotapat qui est située à l'est, à environ une lieue et demie.

(27 Août.) Il arriva à Jotapat dans l'après-midi. Il se lava les pieds et mangea quelque chose dans une hôtellerie devant la ville. Les disciples y entrèrent avant lui, et allèrent trouver le préposé de la synagogue, auquel ils demandèrent les clefs pour leur maître qui voulait enseigner. Alors une foule nombreuse se rassembla, et les scribes et les hérodiens étaient pleins d'espoir de le prendre en faute dans son enseignement.

Lorsqu'il fut dans la synagogue, ils lui adressèrent des questions sur l'approche du royaume de Dieu, sur le calcul et l'accomplissement des semaines de Daniel, et sur la venue du Messie. Jésus fit à ce sujet une longue instruction et prouva que la prophétie devait s'accomplir à l'époque qui commençait Il parla aussi de Jean et de ce qu'il avait prédit. Ils lui dirent alors d'un air plein d’hypocrisie "qu'il devait s'observer un peu dans son enseignement pour ne pas blesser les coutumes des Juifs, que l'emprisonnement de Jean pouvait lui servir d'avertissement : que ce qu'il disait de l'accomplissement des semaines de Daniel et de l'approche du Messie, roi des Juifs, était excellent ; qu'ils étaient de la même opinion que lui mais que, pourtant ils ne pouvaient trouver le Messie nulle part, de quelque côté qu'ils tournassent leurs regards. "Or, Jésus avait appliqué la prophétie à sa personne en termes généraux, et ils l'avaient très bien compris ; mais ils feignaient de ne pas l'entendre et de croire que pareille chose ne pouvait se présenter à l'esprit de personne : car ils désiraient qu'il s'exprimât en termes très précis, afin de pouvoir l'accuser. Alors Jésus leur dit : "Pourquoi jouez-vous la comédie ? Pourquoi vous détournez-vous de moi et me méprisez-vous ? Vous m'espionnez et vous voulez tramer un nouveau complot avec les sadducéens, comme on a fait à Jérusalem, à la fête de Pâques ? Pourquoi m'avertissez-vous, à propos de Jean, de prendre garde à Hérode?" Alors il énuméra en face d'eux tous les crimes d'Hérode, tous ses meurtres, ses terreurs à propos du roi des Juifs nouvellement né, son horrible massacre d'enfants et sa fin effrayante, puis il rappela les méfaits de ses successeurs, l'adultère d'Antipas et l’emprisonnement de Jean. Il parla encore de la secte secrète et hypocrite des hérodiens, qui s'entendaient avec les sadducéens, dit quel Messie et quel royaume de Dieu ils attendaient. Il montra dans le lointain divers endroits, et ajouta : "ils ne pourront rien contre moi jusqu'à ce que ma mission soit remplie. Je parcourrai encore deux fois la Samarie, la Judée et la Galilée ; vous m'avez vu opérer de grands prodiges, vous en verrez de plus grands encore, et vous resterez aveugles. "Puis il parla encore du jugement, de la mort des prophètes, de la punition de Jérusalem, etc. Cependant les hérodiens, qui formaient une société secrète qu'ils n'aimaient pas à voir signalée publiquement devinrent tout pâles lorsqu'il parla des crimes d'Hérode, et qu'il dévoila devant le peuple les secrets de leur secte. Ils gardèrent le silence et quittèrent la synagogue les uns après les autres : il en fut de même des sadducéens, lesquels tenaient les écoles de la ville.  Il n'y avait pas ici de pharisiens. 
Alors il resta seul avec les sept disciples et avec le peuple qu’il instruisit encore un certain temps. Plusieurs étaient touchés et disaient qu'ils n'avaient jamais entendu enseigner ainsi, et qu'il enseignait mieux que leurs maîtres Ils changèrent de vie et le suivirent plus lard. Mais une grande partie du peuple, excitée par les sadducéens et les hérodiens, se mit à murmurer et devint tumultueuse. Jésus quitta la ville avec les disciples et s'en alla au midi par la vallée ; puis, ayant monté pendant deux lieues, il arriva dans une plaine où l'on faisait la moisson, entre Béthulie et Gennabris, et il entra dans une grande maison de paysans. Cette maison était habitée par des gens de bien qui lui étaient connus : les saintes femmes y passaient souvent la nuit lors de leurs voyages à Béthanie, et les porteurs de messages s'y arrêtaient en passant.

(28 août.) Jésus a enseigné parmi les faucheurs, les moissonneurs et les faiseuses de gerbes dans cette plaine de blé, qui est la même où plus tard il arracha des épis avec les disciples, ainsi qu'il est rapporté dans l’Evangile. Il alla ça et là dans la plaine, et parla du semeur et de la semence tombée dans un terrain pierreux : le sol ici était rocailleux. Il dit que lui aussi était venu pour recueillir les bons épis, et il raconta la parabole de l'ivraie arrachée au temps de la moisson. Il compara la moisson au royaume de Dieu. Il tint ces discours pendant les moments d'interruption dans les travaux, et il alla d'un champ à l'autre. On laissait les chaumes très hauts : on coupait seulement les épis qu'on liait en croix.

Le soir, après la moisson, il fit une grande instruction devant tous les ouvriers près d'une colline. Il tira ses comparaisons d'un ruisseau qui coulait là, et de son cours paisible, portant avec lui la fécondité. Il parla, à cette occasion, des eaux de la Grâce qui passent devant nous et qu'il faut conduire sur notre champ, etc. Il envoya ensuite les deux disciples de Jean à Ainon, aux autres disciples du précurseur, et fit dire à ceux-ci de se rendre à Machérunte pour apaiser le peuple, car il savait qu'un soulèvement avait éclaté devant cette ville. Beaucoup de gens étaient venus à Ainon pour s'y faire baptiser. Ayant appris que le prophète était en prison, ils se dirigèrent vers Machérunte et y firent des démonstrations bruyantes, demandant qu'on rendît la liberté à Jean, afin qu'il pût les instruire et les baptiser ; ils allèrent jusqu’à lancer des pierres. Les gardes fermèrent toutes les entrées, et Hérode feignit d'être absent.

(29 août.) Jésus est entré ce soir dans une autre maison de paysans, un peu plus rapprochée de Gennabris : il y a enseigné aujourd'hui et hier. Il parla du petit grain de sénevé. (La Sœur n'avait retenu de cette instruction que quelques fragments dont on ne pouvait tirer aucun parti.) il y eut une chose qui me parut merveilleuse : l’homme chez lequel Jésus logeait se plaignit à lui d’un voisin qui, depuis longtemps déjà, empiétait de toute manière sur son champ et sur ses droits : Jésus alla avec lui dans le champ, et se fit montrer de combien il était diminué à la longue. L’usurpation était devenue considérable, et il se plaignit de ne pouvoir rien obtenir de cet homme. Jésus lui demanda s’il ne lui restait pas de quoi entretenir lui et sa famille. Il répondit que si, qu'il avait encore de quoi vivre. Alors Jésus lui dit qu'il n'avait rien perdu en réalité, car rien ne nous appartient en propre, et quand notre subsistance est assurée, nous avons tout ce qu'il nous faut. Il l'engagea à donner à son voisin encore plus que celui-ci ne demandait, afin d'assouvir son avidité. Il ajouta que tout ce qu'il abandonnerait ici de bon cœur pour maintenir la paix, il le retrouverait dans son royaume. Ce voisin, disait-il, avait raison à sa manière, car il avait son royaume sur la terre, et il cherchait pour cela à accroître ses biens terrestres ; il ne voulait rien avoir dans son royaume, à lui Jésus. Il fallait apprendre de lui comment on devait s'agrandir et chercher à acquérir des biens dans le royaume de Dieu. Il prit pour sujet de comparaison un fleuve qui emporte la terre d'un de ses bords et la dépose sur l'autre.

Ce fut un enseignement analogue à la parabole de l'économe infidèle, où l'avidité des biens de ce monde et l'adresse à s'enrichir étaient donnés comme exemple de ce qu'il y avait a faire pour acquérir les biens spirituels. La richesse terrestre était mise en face de la richesse céleste : l’enseignement paraissait avoir quelque chose d'obscur, mais il était intelligible pour les auditeurs et approprié aux idées, à la religion et à la situation des Juifs, parce que tout arrivait à ce peuple en figures sensibles.

C'était ici que se trouvait le champ dans lequel était le puits de Joseph. Jésus raconta, d'après l'Ancien Testament, une contestation semblable à celle dont il vient d’être parlé. Elle avait eu lieu, je crois, entre Abraham et Loth, et Abraham céda à Loth plus que celui-ci ne demandait. Jésus tira de là des instructions : " Qu'étaient devenus les enfants de Loth ? demanda-t-il ; tout n'était-il pas resté à Abraham9 N'en résulte-t-il pas que nous devrions agir comme Abraham ? N'est-ce pas à lui que ce royaume avait été promis ? ne l'avait-il pas eu en partage ? Mais ce royaume était une figure du royaume de Dieu, et la contestation entre Loth et Abraham une figure de la contestation présente : il fallait donc faire comme Abraham et gagner le royaume de Dieu. "Jésus cita le passage de l'Ecriture où il est question de ce démêlé (Gen., XIII, 7).

Jésus enseigna encore sur ce sujet et sur le royaume de Dieu devant tous les moissonneurs réunis. Le paysan qui avait commis l'injustice était présent avec ses partisans : mais il n’ouvrait pas la bouche et se tenait à distance. Il avait poussé ses amis à interrompre de temps en temps Jésus par des questions insidieuses. Ainsi, l’un d'eux lui demanda où il en voulait venir avec son enseignement et ce qui adviendrait de tout cela. Je ne sais plus bien ce que Jésus répondit, mais ce fut une réponse évasive dont ils ne pouvaient tirer aucun parti : cela revenait à dire que ce qui semblerait ici trop long à l'un, paraîtrait trop court à l'autre. Il exprimait tout cela par des comparaisons où il était question de la moisson, des semailles, de la mise en grange, du rejet des mauvaises herbes, du pain et de la nourriture de la vie éternelle2 etc. Cet homme, qui avait été l'hôte de Jésus, obéit à ses enseignements : il ne porta pas plainte contre son adversaire, donna le reste de ses biens pour la communauté, et ses fils devinrent disciples du Sauveur. 
Il fut aussi beaucoup question des hérodiens : les paysans se plaignaient de leur espionnage continuel et de ce que, peu de temps auparavant, ils avaient traduit en justice plusieurs personnes coupables d'adultère, demeurant ici ou à Capharnaum, et les avaient arrêtées, puis emmenées à Jérusalem où on devait les juger. Ils se félicitaient à la vérité de ne plus avoir dans leur voisinage des gens de cette espèce, mais il leur était insupportable de se savoir constamment espionnés. Jésus s'exprima très librement sur le compte de ces hérodiens. Il exhorta ses auditeurs à se tenir en garde contre le péché, et aussi contre l'hypocrisie et les jugements téméraires. Avant de juger les autres, disait-il, on devait commencer par reconnaître ses propres torts. Il décrivit alors les mauvaises pratiques de ces hérodiens, et parla, d'après le chapitre du prophète le Isaïe qui avait été lu à la synagogue le sabbat précédent, des chiens muets qui n'aboient point, qui ne repoussent pas le péché et qui déchirent les hommes en secret. Il rappela que, pendant que ceux-ci livraient avec tant de zèle les adultères à la justice, Hérode, leur ami, vivait dans l’adultère public. Il dit aussi à quoi on pouvait reconnaître les hérodiens : je l'ai oublié.

Il y avait des malades dans plusieurs cabanes environnantes : c'étaient des hommes devenus perclus par excès de travail. Jésus visita les cabanes et guérit ces braves gens : il leur dit d'aller à l'instruction et au travail, ce qu'ils firent en chantant des cantiques d'actions de grâce...

Jésus envoya d'ici même quelques bergers à Machérunte pour engager les disciples de Jean a apaiser le peuple et à le renvoyer, parce que leur tumulte pouvait amener pour Jean un emprisonnement plus dur ou même la mort.

Hérode et sa femme étaient à Machérunte. Je vis Hérode faire venir Jean Baptiste devant lui. Hérode était assis dans une grande salle voisine des cachots, entouré de gardes, d'employés, de scribes, et principalement d'hérodiens et de sadducéens. Jean fut conduit dans cette salle par un passage, et il se tenait debout au milieu des gardes devant la grande porte qui était ouverte. Je vis la femme d'Hérode entrer dans la salle : elle passa devant Jean d'un air impudent et moqueur, et alla s'asseoir sur un siège élevé. Cette femme avait une forme de visage autre que celle de la plupart des Juives : toutes ses formes étaient arrêtées et anguleuses : sa tête même se terminait en pointe. Toutes ses mines, tous ses mouvements étaient provocants : elle avait une belle taille ; il y avait dans son ajustement quelque chose d'exagéré et d'effronté : elle était très serrée dans sa ceinture. On voyait toutes les formes de son corps, et chacun de ses membres se montrait et se dérobait tour à tour, comme s'il eût voulu se mettre en avant et attirer l'attention sur sa beauté. Elle devait être un objet de scandale pour tout homme vertueux, et pourtant elle attirait tous les yeux sur elle.

Hérode demanda à Jean de lui dire nettement ce qu'il pensait de ce Jésus qui faisait tant de bruit en Galilée ; qui était cet homme et s'il venait le remplacer. On lui avait bien dit que Jean avait parle de Jésus précédemment, mais il n'y avait pas fait particulièrement attention : il voulait maintenant savoir tout ce qu'il en pensait, car cet homme tenait des discours étranges, parlait d'un royaume nouveau, se donnait à l'aide de ses paraboles pour un fils de roi, etc., bien qu'il ne fût que le fils d'un pauvre charpentier. Alors Jean, élevant la voix, comme s'il eût parlé devant le peuple assemblé, rendit témoignage de Jésus, dit que lui, Jean, était uniquement chargé de lui préparer la voie et n'était rien en comparaison de lui, que jamais homme ni prophète n'avait été et ne serait ce qu'était Jésus : qu'il était le fils du Père, le Christ, le roi des rois, le Sauveur, le restaurateur du royaume, qu'aucun pouvoir n'était au-dessus du sien, qu'il était l'agneau de Dieu qui efface les péchés du monde, etc. C'est ainsi qu'il parla de Jésus à haute voix, s'appelant son précurseur, chargé de lui préparer les voies, et le moindre de ses serviteurs. Il dit tout cela du ton d'un homme inspiré, et toute sa personne prit alors quelque chose de tellement surhumain qu'Hérode lut en proie à la plus vive anxiété et finit par se boucher les oreilles. Il dit alors à Jean : "Tu sais que je te veux du bien, mais tu excites des soulèvements contre moi en attaquant mon honneur devant le peuple. Si tu veux modérer ton zèle déraisonnable et donner un assentiment public à l'union que j'ai formée je te rendrai la liberté et tu pourras encore enseigner et baptiser." Mais Jean éleva de nouveau la voix avec une grande sévérité contre Hérode, et lui dit : " Je connais vos sentiments : je sais que vous n'ignorez pas où est la justice et que vous redoutez le jugement qui vous menace, mais vous traînez après vous toutes sortes de liens et vous restez captif dans les filets de l'impudicité." A ces discours la femme d'Hérode fut saisie d'une rage inexprimable : quant au roi, son trouble fut si grand qu’il ordonna de faire retirer Jean en toute hâte. Il le fit conduire dans une autre prison qui n'avait pas vue sur le dehors, en sorte qu'il ne Pouvait plus être entendu du peuple. 
Hérode tint cette audience, poussé par l'inquiétude que lui avait inspirée le soulèvement des aspirants au baptême et les rapports faits par les hérodiens touchant les miracles de Jésus.

Cependant on parlait dans tout le pays de la sévère exécution qui avait eu lieu à Jérusalem sur quelques adultères livrés à la justice par les hérodiens de Galilée. On disait que les petits coupables étaient punis tandis qu'on laissait tranquilles les grands criminels ; que ces accusateurs, les hérodiens, étaient dévoués à Hérode l'adultère, et que celui-ci avait fait arrêter Jean parce qu'il lui avait reproché sa coupable union. Tout cela mécontentait fort Hérode J'ai vu juger ces adultères. On leur lut leur sentence, puis on les conduisit dans une salle voisine et on les poussa dans un trou étroit au bord duquel ils se tenaient. Ils tombèrent sur une lame tranchante qui leur coupa la gorge : au-dessous dans une cave étaient des archers qui retirèrent les corps. C'était une machine dans laquelle ils tombaient. Jacques fut jugé dans le même endroit.

(30 août-1er septembre.) Jésus enseigna encore ce matin parmi les laboureurs, ainsi qu'il l'avait fait hier. André, Jacques et Jean sont venus le trouver ici. Nathanaël était dans sa maison du faubourg de Gennabris. J'ai entendu Jésus dire aux disciples qu'il irait prochainement du côté du Jourdain par la Samarie. Je crois qu'ils iront à un endroit où l'on baptise. Le champ où il enseigna hier, avait été autrefois, sous l'Ancien Testament, le théâtre d'un combat livré à l'occasion d'un puits : je crois que c'était le puits de Dothaïm qui n'était pas très loin d'ici et près duquel Joseph fut vendu. Jésus rappela à ce sujet le partage qui fut fait entre Abraham et Loth.

Les disciples demandèrent à Jésus, s'ils ne feraient pas bien de nourrir plusieurs pauvres ouvriers perclus qui ne pouvaient plus travailler. Jésus leur dit qu'ils feraient leur devoir, mais qu'ils ne devaient pas s'en vanter, qu'autrement ils perdraient leur récompense. Il alla ensuite dans les cabanes de ces malades, guérit plusieurs d'entre eux et les envoya à l'instruction et au travail : ils vinrent et louèrent Dieu.

Jésus n'alla à Gennabris que pour le sabbat, en sorte qu'il se rendit directement à la synagogue. Gennabris est bien aussi grand que Munster. Cette ville est à environ une lieue à l'est du plateau sur lequel Jésus se trouvait : elle est située sur le penchant d'un coteau au bas duquel sont des jardins, des bains et des lieux de plaisance qui en dépendent. Du côté par où Jésus vint, la ville était défendue par des fossés pleins d'eau, profondément creusés dans le roc. Après une demi heure de marche, Jésus arriva avec les disciples dans l'enceinte de la ville : il y a là des murs et une porte surmontée d'une tour. Plusieurs autres disciples des environs s'étaient réunis là et ils entrèrent avec lui dans la ville, au nombre de douze à peu près.

Beaucoup de pharisiens, de sadducéens et particulièrement d’hérodiens s'étaient rassemblés pour ce sabbat. Ils s'étaient proposé de prendre Jésus dans ses paroles par des questions captieuses. Ils disaient entre eux que c'était plus difficile dans les petits endroits, où il se montrait plus hardi que dans les villes : ils se réjouissaient et se croyaient sûrs de leur fait. Ils avaient tout préparé pour que la foule nombreuse qui était là restât parfaitement paisible et ne s'émût pas à l'arrivée de Jésus.

Il entra tranquillement dans la ville et les disciples lui lavèrent les pieds devant la synagogue. Les scribes et le peuple y étaient déjà rassemblés. On le reçut sans grandes démonstrations, mais avec un respect affecté. Ils le laissèrent lire et expliquer. Il lut et commenta successivement plusieurs passages d'Isaïe, pris dans les chapitres LIV, LV et LVI. Je me souviens qu'il y était dit comment Dieu relèverait son Eglise, comment il voulait la bâtir magnifiquement, comment tous devaient venir y boire de l'eau et y manger du pain gratuitement. Ils cherchaient à se rassasier dans la synagogue, où il n'y avait pas de pain, mais c'était la parole de sa bouche, c'est-à-dire le Messie, qui devait accomplir son oeuvre. Dans le royaume de Dieu, dans l'Eglise, les étrangers, les païens aussi devaient agir et porter des fruits s'ils avaient la foi. Il appela les païens les mutiles parce qu'ils ne devaient pas avoir part à la génération du Messie. Il appliqua beaucoup de ces textes à son royaume, à l’Eglise et au ciel. Il compara aussi les docteurs actuels des Juifs à des chiens muets qui ne font pas la garde avec vigilance, mais qui s'engraissent, mangent et boivent avec excès : il indiqua par là les hérodiens et les sadducéens qui se contentaient d'espionner secrètement, et qui sans aboyer se jetaient sur les hommes et sur les bergers eux-mêmes. Il parla d'une façon très pénétrante et très frappante.

A la fin il lut un passage du Deutéronome (XI, 29, etc.), touchant la bénédiction et la malédiction données sur le mont Garizim et le mont Hebal, et plusieurs autres textes touchant les commandements et la terré promise. Mais il expliqua tout cela du royaume de Dieu.

Un hérodien s'avança vers lui d'un air très obséquieux et le pria de dire quel serait le nombre de ceux qui entreraient dans son royaume. Ils voulaient l'embarrasser par cette question captieuse parce que tous par la circoncision devaient y avoir part, parce qu'il venait de parler à ce propos des païens et des mutilés ainsi que de la réprobation de beaucoup de Juifs. Jésus ne fit pas une réponse directe à cette interrogation, mais il la tourna pour ainsi dire et finit par toucher un point qui tranchait tout à fait la question. Il répondit en demandant à son tour combien d'Israélites étaient sortis du désert pour entrer dans la terre de Chanaan9 Tous n'avaient-ils pas passé le Jourdain ? Combien d'entre eux avaient-ils en réalité pris possession de la terre promise ? L’avaient-ils plus tard conquise toute entière ? Ne doivent-ils pas encore maintenant la partager en partie avec les païens9 N'en ont-ils jamais été chassés et sur aucun point ? Il dit encore que personne n'entrerait dans son royaume que par la voie étroite et par la porte de la fiancée : et il me fut expliqué qu'il entendait parler de Marie et aussi de l'Eglise dans laquelle nous sommes régénérés par le baptême et de laquelle est né le fiancé afin qu'il nous engendre de nouveau en elle et par elle en Dieu : mais ce sont là des choses qu'il n'est pas possible d'exprimer. Il opposa à l'entrée par la porte de la fiancée l'entrée par là porte dérobée. C'était une comparaison semblable à celle du bon pasteur et du mercenaire dans saint Jean (c. x, 1). Ici aussi il dit qu'on ne pouvait entrer que par la porte. Les paroles de Jésus sur la croix, avant sa mort, lorsqu'il appelle Marie la Mère de Jean et celui-ci le fils de Marie, ont un sens mystérieux qui se rapporte à cette nouvelle naissance de l'un dans l'autre par l'effet de la mort du Rédempteur.

Ils ne purent, ce soir-là, trouver prise sur lui : du reste ils ne s'étaient préparés que pour la clôture du sabbat. Rien n'est plus curieux que de voir avec quelle jactance ils se promettent, quand ils sont ensemble, de prendre Jésus par ses paroles et de le réduire au silence : puis quand il est là, ils ne savent plus que dire ; ils sont profondément étonnés, quelquefois même intérieurement persuadés mais pleins de rage et de dépit.

Jésus quitta la synagogue fort tranquillement et ils le conduisirent à un repas chez un pharisien. Il y raconta une parabole touchant un festin auquel le père de famille invite les convives pour une heure déterminée, après laquelle la porte est fermée et on ne laisse pas entrer ceux qui arrivent trop tard.

Il alla ensuite avec les disciples passer la nuit dans la maison d'un pharisien qui était de la connaissance d'André : c'était un homme plein de droiture : il avait loyalement pris la défense d'André et de quelques autres disciples, lesquels, après les fêtes de Pâques, avaient été traduits devant les tribunaux de cette ville. Il était encore jeune, veuf depuis peu de temps et il ne tarda pas à se réunir aux disciples de Jésus : il s'appelait Dinocus ou Dinotus, il avait un fils de douze ans appelé Josaphat. Sa maison était en dehors de la ville, du côté du couchant, Jésus était entré dans la ville par le côté méridional : car il était descendu du plateau vers Dothaïm qui est plus au midi que Gennabris, et il était revenu en faisant un coude.

Je vis aujourd'hui qu'Hérode après cette audience où il avait entendu Jean, envoya vers le peuple soulevé quelques-uns de ses agents, lesquels représentèrent à la foule avec beaucoup de douceur qu'elle ne devait concevoir aucune inquiétude en ce qui touchait Jean, et l’engagèrent à se retirer paisiblement. Ils assurèrent qu'il se trouvait bien et qu’on avait de bons procédés à son égard. Hérode, disaient-ils, avait voulu seulement l'avoir près de lui : leur soulèvement n'était propre qu'à le rendre suspect et à empirer sa situation. Ils n'avaient donc rien de mieux à faire qu'à se retirer chez eux, car Jean repartirait bientôt pour baptiser. Comme les messagers envoyés par Jésus et par les disciples de Jean vinrent bientôt après leur dire ce dont ils étaient chargés pour eux, ils se dispersèrent successivement. Cependant Hérode était très inquiet et très agité. L'exécution des adultères à Jérusalem avait réveillé dans le peuple le souvenir de son mariage adultère et on murmurait hautement de ce qu'il tenait Jean en prison pour avoir dit la vérité et protesté au nom de la loi suivant laquelle ces hommes avaient été mis à mort à Jérusalem. En outre, il entendait beaucoup parler des actes et des enseignements de Jésus en Galilée, et il lui était venu aux oreilles qu'il voulait maintenant descendre vers le Jourdain et y enseigner. Il craignait fort que le peuple déjà excité ne trouvât là une nouvelle cause d'agitation, et je le vis dans son anxiété convoquer aujourd'hui une réunion de pharisiens et d'hérodiens, afin de délibérer sur les moyens à prendre pour empêcher Jésus de venir. La conclusion fut qu'il envoya à Jésus huit d'entre eux, chargés de lui donner adroitement à entendre qu'il pouvait rester dans la haute Galilée et de l'autre côté du lac à donner ses enseignements et à faire ses miracles, mais qu'il ferait bien de ne pas aller sur le territoire d'Hérode, soit en Galilée. soit plus bas sur le Jourdain. Ils devaient lui mettre devant les yeux l'exemple de Jean et lui insinuer qu’Hérode pouvait être facilement conduit à lui faire partager la captivité de Jean. Cette ambassade partit aujourd'hui pour la Galilée.

(31 août.) Le matin Jésus enseigna encore dans la synagogue sans beaucoup de contradictions, car ils voulaient l'attaquer tous ensemble à l'instruction de midi. Il commenta encore alternativement des textes d'Isaïe et du Deutéronome. Il se présenta une occasion de parler du sabbat et de la manière de l'observer dignement, et il s'étendit beaucoup sur ce sujet. Les malades de cette ville n'avaient pas osé implorer son assistance, tant ils étaient intimidés.

Jésus parla en outre à ceux qui l'espionnaient dans la synagogue, de l'ambassade qu'Hérode lui envoyait, et que j'ai vu partir hier de Machérunte. Il leur dit que quand elle arriverait, ils pourraient dire à ces renards d'annoncer au renard qu'il n'eût pas à s'inquiéter de lui ; qu'il pouvait sans que personne l'en empêchât continuer comme il avait commencé et en finir avec Jean. Quant à lui, Jésus, il ne s'occuperait pas d'Hérode, et enseignerait là où il était, et à Jérusalem, quand cela serait nécessaire. Il voulait accomplir sa tâche dont il avait à rendre compte à son Père céleste. Ils se scandalisèrent fort de ces discours.

Après midi Jésus sortit de la maison du pharisien Dinotus pour se promener un peu avec les disciples, et quand ils arrivèrent devant la porte où était la maison de Nathanaël, André entra et l'appela. Nathanaël présenta à Jésus son cousin, un homme fort jeune encore entre les mains duquel il voulait remettre ses affaires pour suivre entièrement Jésus. Je crois que dès à présent il partira avec Jésus.

Après la promenade, ils rentrèrent dans la ville c'était de ce côté qu'était la synagogue. Cependant une douzaine de pauvres journaliers du pays affligés d'infirmités causées par l'excès du travail avaient entendu parler des guérisons opérées parmi des ouvriers comme eux sur le champ de moisson, et dans l'espérance d'obtenir la même faveur, ils s'étaient traînés à la ville et se tenaient rangés devant la synagogue pour implorer son assistance. Jésus passa devant eux ; il les consola et les exhorta à la patience Les scribes le suivaient de près : ils s’indignèrent que des étrangers osassent venir demander à Jésus de les guérir quand ils avaient réussi jusque-là à retenir les malades de la ville. Ils rudoyèrent grossièrement ces pauvres malheureux, toutefois avec l'apparence du zèle religieux : ils ne devaient pas, leur disaient-ils, mettre le trouble ici par leurs démonstrations, mais se retirer au plus tôt. Jésus avait des affaires plus importantes à traiter, il n'avait pas maintenant le temps de s'occuper d'eux : et comme ces pauvres malheureux ne pouvaient pas quitter la place immédiatement, ils les firent expulser.

Jésus dans la synagogue enseigna principalement sur le sabbat et sa sanctification ; il était, du reste, parlé de ce précepte dans les passages d'Isaïe qui furent lus aujourd'hui. Quand il eut enseigné à ce sujet, il montra du doigt le fossé profond qui entourait la ville et au bord duquel leurs ânes paissaient, puis il leur demanda ce qu'ils feraient si un de ces ânes tombait dans le fossé le jour du sabbat ? a Ne l'en retireraient-ils pas pour l'empêcher de mourir?, ils gardèrent le silence. a Ne feraient-ils pas aussi cela pour un homme ? ils se turent. "Permettraient-ils qu'il leur arrivât à eux-mêmes le jour du sabbat quelque chose d'avantageux pour l'âme et pour le corps ? une œuvre de miséricorde était-elle permise le jour du sabbat ? " Ils gardèrent encore le silence. Alors Jésus reprit : " Puisque vous vous taisez, je dois admettre que vous n'avez rien à répondre à cela. Où sont tous les pauvres malades qui demandaient mon assistance devant la synagogue ? Amenez-les ici !" Comme ils s'y refusaient, Jésus leur dit : " Puisque vous ne le voulez pas, je vais le faire faire par mes disciples." Alors ils se ravisèrent et firent chercher les malades. Ceux-ci arrivèrent, se traînant à grand  peine ; il y en avait une douzaine, les uns perclus, les autres horriblement enflés par l'hydropisie. Ces pauvres gens étaient tout réjouis, car leur expulsion par les scribes les avait fort affligés.

Jésus leur ordonna de se mettre en rang et c'était une chose touchante de voir les moins malades mettre eux-mêmes en avant les plus malades afin que Jésus les guérît les premiers. Jésus descendit deux marches pour aller à eux et appela les premiers : la plupart avaient les bras paralysés. Jésus les yeux levés au ciel, pria sur eux en silence et il passa doucement la main le long de leurs bras : alors il imprima à leurs mains un mouvement de haut en bas et leur ordonna de se retirer et de remercier Dieu : ils étaient guéris. Les hydropiques pouvaient à peine marcher. Il leur mit la main sur la tète et sur la poitrine, ils reprirent des forces, purent s'en retourner et l'hydropisie les quitta entièrement au bout de peu de jours.

Pendant que ceci se passait, il y avait une grande affluence de peuple et d'autres pauvres malades qui louaient Dieu à haute voix avec ceux qui étaient guéris. La foule était si grande que les scribes pleins de rage et de confusion furent obligés de faire place, et que plusieurs se retirèrent. Jésus enseigna la foule assemblée sur l'approche du royaume, sur la pénitence et sur la conversion jusqu'à la clôture du sabbat : et les scribes ne l'interrompirent plus avec leurs objections et leurs subtilités. C’était une chose extrêmement visible de voir qu'après s'être tant vantés entre eux, ils ne prirent pas une seule fois la parole, ne firent pas la moindre protestation contre ce que faisait Jésus et ne trouvèrent rien à lui répondre.

Après le sabbat il y eut dans un lieu public de la ville un grand repas, à l'occasion de la fin de la moisson, et Jésus y fut invité avec ses disciples. Les principaux habitants y assistaient pour la plupart ainsi que beaucoup d'étrangers et même quelques riches paysans. On mangeait à plusieurs tables. On avait mis sur la table de toute sorte de produits, fruits et céréales, même des volailles, et en plus grande abondance les objets dont la récolte avait été particulièrement productive : il y avait aussi des animaux, les uns rôtis pour être mangés, les autres tués et préparés, comme une image de l'abondance. On avait donné les premières places à Jésus et à ses disciples.

Cependant un pharisien orgueilleux avait occupé d'avance le haut bout de la table. Jésus s'approchant de lui, lui parla tout bas et lui demanda pourquoi il s'était mis à cette place. Il répondit : "Parce que l'on a ici la louable coutume de placer au haut bout les savants et les gens de distinction.’ Alors Jésus lui dit que ceux qui s'empressaient de prendre les premières places sur la terre ne trouveraient pas de place pour eux dans le royaume de son Père. Il lui dit encore autre chose que j'ai oublie : sur quoi cet homme tout confus descendit plus bas et pourtant il s'établit à sa nouvelle place comme s'il y était venu par son propre choix. Pendant le repas, Jésus expliqua encore quelque chose touchant le sabbat, spécialement le texte d'Isaïe (LVIII, 7). " Donne de ton pain a ceux qui ont faim et conduis dans ta maison ceux qui sont dans la misère." Jésus demanda si, à cette fête qui était une fête d'actions de grâces pour l'abondance de la récolte, ce n'était pas la coutume d'inviter les pauvres au repas et de partager avec eux. Il s'étonnait qu'on eût laissé tomber cet usage : Où donc étaient les pauvres, demanda-t-il. Puisqu'ils l'avaient invité, l’avaient placé au haut bout et lui avaient pour ainsi dire donné la direction du repas, il avait à s'occuper des convives qui devaient légitimement y figurer. Il fallait faire venir les gens qu'il avait guéris et tous les autres pauvres. Comme ils tardaient à le faire, ses disciples allèrent dans toutes les rues appeler les pauvres. Ils arrivèrent bientôt : Jésus et ses disciples leur donnèrent leurs places, et les scribes se retirèrent les uns après les autres. Mais Jésus, lés siens et quelques gens de bien servirent les pauvres et leur distribuèrent tout ce qui restait, ce qui excita parmi eux une grande joie. Alors il se retira avec les siens pour prendre du repos chez le pharisien Dinotus, en avant de la partie occidentale de la ville.

(1er septembre.) Aujourd'hui dimanche, dès le matin, d'innombrables malades de la ville et des environs vinrent devant la maison ou logeait Jésus, et il guérit toute la matinée. C'étaient surtout des gens qui avaient les mains paralysées et des hydropiques. Le pharisien Dinotus, chez lequel Jésus avait logé, était un excellent homme, un veuf âgé d'environ trente ans, il avait un fils d'une douzaine d'années, nommé Josaphat, qui suivit son père lorsque celui-ci se mit définitivement à la suite de Jésus Les jeunes garçons juifs portaient une longue robe terminée en pointe par devant et par derrière, et fendue par en bas comme une chemise d'homme ; la partie antérieure était toute garnie de boutons et de lacets. Quand ils étaient plus grands, ils avaient des espèces de chausses qui leur enveloppaient les jambes et d'autres robes semblables à celles des adultes.

Dans l'après-midi, après avoir mangé, Jésus prit congé de son hôte ; il le pressa contre son sein, et cet homme fondit en larmes.

Cependant Jésus, suivi de Nathanaël, d'André, de Jacques, de Saturnin, d'Aristobule, de Tharsissus, de Parmenas et de quatre autres disciples, fit environ deux ou trois lieues au midi, en suivant des vallées : il passa la nuit dans un hangar de moissonneurs qui se trouvait inoccupé, sur le penchant d'un coteau qui. séparait deux villes. La ville située à gauche s'appelait Ulama, celle qui était à droite Japhia, si je ne me trompe (elle n'en était pas bien sûre). Ulama est vis-à-vis Tarichée, à peu près comme Gennabris vis-à-vis Tibériade. La ville qui est à droite est située plus bas que Béthulie, et elle en est assez éloignée, mais la montagne se dérobe à la vue, de telle façon que Béthulie semble placée au-dessus de cette autre ville. Celle-ci se montre en face du chemin que suit Jésus, comme s'il y allait directement : mais il se détourne bientôt et on la perd tout à fait de vue.

La plaine où Jésus enseigna les moissonneurs s'appelle, dans la dernière contrée où eut lieu la contestation à l'occasion du puits et du champ. la plaine de Dothaim. C'est véritablement la plaine où Joseph trouva ses frères avec leurs troupeaux, et le puits qui est en forme de carré long est la citerne dans laquelle ils descendirent Joseph. La Sœur croit qu'elle est située dans une vallée au midi de Béthulie, et que Dothaïm est un peu plus loin.