NEUVIEME CHAPITRE.

Première fête de Pâques à Jérusalem.

(Du 24 mars au 14 avril.)


 


Première fête de Pâques à Jérusalem.- Jésus à Béthanie.- Jésus au temple.- Jésus enseigne chez Lazare.- Jésus au temple.- Il va à Hébron.- Marie la silencieuse.- Jésus chasse les vendeurs du parvis du temple.- Immolation des agneaux de Pâques au temple.- Jésus mange la Pâque dans la maison de Lazare à Sion.- Jésus chasse de nouveau les vendeurs du temple.- Jésus opère des Guérisons.-Commencement de persécution.- Mort de Marie la silencieuse.- Nicodème visite le Seigneur.- Jésus congédie les disciples pour un tempe.- Interruption des communications quotidiennes des visions de la soeur.


   (14-27 mars.) Plusieurs des disciples étaient partis de l'hôtellerie pour Jérusalem leur patrie. Je ne vis point d'étrangers à Béthanie. Jésus habite toujours la même pièce dans la maison de Lazare. C'est comme une synagogue et comme l'oratoire de la maison : au milieu se trouve le pupitre d'usage sur lequel sont placés les recueils de prières et autres écrits. Jésus repose dans une petite chambre attenante.

Aujourd'hui, dans la matinée, Marthe alla à Jérusalem chez Marie, mère de Marc, et chez les autres femmes pour annoncer que Jésus viendrait avec Lazare, prendre son repas dans la maison de Marie, mère de Marc. Ils y vinrent en effet vers midi. Véronique, Jeanne Chusa, Suzanne, ceux des disciples de Jésus et de Jean, qui étaient de Jérusalem, Jean Marc, les fils de Siméon, le fils de Véronique, les neveux de Joseph d'Arimathie assistaient au repas : il y avait en tout environ neuf hommes. Nicodème et Joseph n'en. étaient pas. Jésus parla de l'approche du royaume de Dieu, de la vocation de ses disciples, de ce qu'il fallait faire pour le suivre et même de sa passion en termes obscurs.

La maison de Jean Marc est située en avant de la ville, du côté du levant, en face de la montagne des Oliviers, et pour y arriver Jésus n'avait pas besoin d'entrer dans la ville. Le soir, il retourna à Béthanie avec Lazare. J'entendis ça et là dire dans Jérusalem, que le nouveau prophète de Nazareth était à Béthanie. Beaucoup se réjouissaient, d'autres se montraient malveillants. Je vis aussi dans les jardins et sur le chemin de la montagne des Oliviers des gens, parmi lesquels étaient des pharisiens, qui se tenaient là pour l’entendre quand il passerait. Peut-être qu'ils avaient entendu dire par hasard ou qu'on avait annoncé à Béthanie qu'il viendrait à la ville, mais aucun d'eux ne lui adressa la parole ; quelques-uns se retirèrent timidement derrière la haie et le regardèrent passer. Ils se disaient les uns aux autres: “ C'est le prophète de Nazareth, le fils du charpentier Joseph. ”

Il y avait dans le jardin beaucoup de gens qui travaillaient aux haies, à cause de l'approche de la fête on nettoyait et on arrangeait tout, on préparait le chemins, on taillait et on relevait les haies. Je vis aussi de tous les côtés beaucoup de Juifs pauvres e d'ouvriers venir à Jérusalem, avec des ânes chargés C'étaient des gens qui pendant la fête travaillaient comme journaliers dans la ville et dans les jardins De cette classe d'hommes était Simon qui aida Jésus à porter sa croix.

(25 mars.) Jésus alla encore aujourd'hui à Jérusalem : il fut notamment dans la maison d'Obed, fils de Siméon, qui était voisine du temple, et dans une autre maison en face du temple, où avait demeuré autrefois la famille du vieux Siméon. Il prit là des aliments que Marthe et les autres femmes avaient préparés et envoyés. Les disciples de Jérusalem, au nombre de neuf environ et quelques autres hommes pieux étaient présents : Nicodème et Joseph d'Arimathie n'y étaient pas. Jésus parla de l'approche du royaume de Dieu avec beaucoup d'onction et de gravité. Il n'alla pas encore au temple.

Il va partout sans crainte : il est le plus souvent revêtu d'une longue robe blanche faite au métier C'est une robe de prophète. Souvent il a l'apparence d'un homme tout à fait ordinaire, il n'a rien qui frappe et il n'attire pas les regards. D'autres fois il se montre sous un aspect tout à fait extraordinaire : son visage est lumineux et a quelque chose de surhumain. Le soir, lorsqu'il fut de retour à Béthanie, quelques disciples de Jean, parmi lesquels était Saturnin, vinrent à lui : ils le saluèrent et lui parlèrent de Jean. 
Il ne venait plus beaucoup de monde pour se faire baptiser par lui, mais il avait fort à faire avec Hérode. Nicodème est venu ce soir, chez Lazare, à Béthanie, et il a entendu Jésus enseigner.

(26 mars.) Ce matin Jésus est allé chez Simon le Pharisien, qui possède à Béthanie une maison de réception ou servant à donner des fêtes. Il y a eu chez lui un grand repas où étaient réunis Lazare, Nicodème, les disciples de Jean et les disciples de Jérusalem: ; Marthe et les femmes de Jérusalem étaient aussi présentes. Nicodème ne parle presque pas en présence de Jésus, il se tient sur la réserve et écoute avec admiration. Joseph d'Arimathie est très ouvert et fait souvent des questions. Simon le pharisien n'est pas mauvais, mais c'est pour le moment, un homme indécis qui entretient des relations avec Jésus par amitié pour Lazare, et qui pourtant se tient aussi en bons termes avec les pharisiens. à ce repas, Jésus dit beaucoup de choses sur les, prophètes et sur l'accomplissement des prophéties. Il parla de Jean Baptiste, de sa conception miraculeuse, dit comment Dieu l'avait sauvé du massacre des enfants ordonné par Hérode, et comment il était venu pour préparer les chemins. Il parla aussi, de l'inattention des hommes quant à l'accomplissement des temps et il dit à ce propos : “il y a trente ans (qui s'en souvient encore sinon quelques hommes simples et pieux ?), trois rois de l'Orient ont suivi mon étoile avec une confiance naïve : ils sont venus cherchant un roi des Juifs nouvellement né, et ils trouvèrent un pauvre enfant avec de pauvres parents. Ils restèrent près de lui trois jours ! s’ils étaient venus visiter l'enfant d'un grand prince, on ne les aurait pas si facilement oubliés. “Mais il ne dit pas expressément que cet enfant, c'était lui.

 (27 mars.) Ce matin, Jésus accompagné de Lazare et de Saturnin, entra, à Béthanie, dans les maisons de plusieurs pauvres et pieux malades de la classe ouvrière, et il en guérit six Ou sept. Il y avait parmi eux des paralytiques, des hydropiques et des hypocondriaques. Il ordonna à ceux qu'il avait guéris de sortir de chez eux et de se mettre au soleil. La présence de Jésus à Béthanie n'y fait pas encore d'éclat. Même lors de ces guérisons tout resta très calme. Lazare qui est extrêmement considéré contribue beaucoup à ce que les gens d'ici se tiennent tranquilles.

Le soir, qui était le commencement du troisième jour du mois de Nisan, il y eut une fête à la synagogue. Il m'a semblé que c'était la fête de la nouvelle lune : car il y avait une espèce d'illumination dans l'école ; c'était comme un disque lunaire qui pendant la prière devenait de plus en plus brillant parce qu’un homme allumait sans cesse de nouveaux flambeaux derrière lui.

(28 mars.) aujourd'hui Jésus assista au service divin dans le temple avec Lazare, Saturnin, Obed et d'autres disciples. On sacrifiait un bouc, si je ne me trompe. L'apparition de Jésus au temple produit une émotion d'une nature particulière parmi les Juifs. Ce qu'il y a d'étonnant, c'est que chacun renferme en lui-même ce qu'il ressent, et qu'aucun d'eux n'ose parler aux autres de l'impression que produit sur lui sa présence. J'ai été instruite intérieurement que Dieu dispose ainsi les choses afin de prolonger pour le Sauveur, le temps pendant lequel il doit agir : car s'ils se communiquaient leurs pensées, l’irritation s'accroîtrait : mais maintenant chez plusieurs la haine et la colère sont en lutte avec une sainte émotion : chez d'autres se produit une certaine curiosité de le voir de plus prés, et ils s’efforcent d'entrer en rapport avec lui par le moyen d'autres personnes, etc. Aujourd'hui il y avait un jour de jeûne en mémoire de la mort des enfants d'Aaron.

(29 mars.) La Sœur fut ce jour-là occupée à contempler la passion du Sauveur et à souffrir avec lui : étant dans l'état d'extase, au milieu des souffrances les plus cruelles, elle dit ce qui suit, tout étonnée de voir deux choses à la fois: 
Jésus est à Béthanie dans la maison de Lazare : les disciples et plusieurs autres gens pieux sont présents. Il enseigne dans une grande salle où il y a une chaire. Il le fait de la même manière qu'il le faisait récemment quand il parlait des trois rois : il appelle leur attention sur des événements d'un temps antérieur. Il leur dit : “N'y a-t-il pas déjà dix-huit ans, qu'un petit bakhir (cela doit vouloir dire écolier 2), disputa dans le temple d'une façon si surprenante avec les docteurs de la loi et qu'ils furent si irrités contre lui ?” il répète aussi ce qu'a dit le petit bakhir. Le soir Jésus célébra le sabbat dans la synagogue de Béthanie.-Pendant qu'elle voyait cela, elle avait aussi une vision du crucifiement et s'étonnait de voir les deux choses à la fois. Elle ne put rien dire de plus à cause de ses cruelles souffrances.

Note : Son ange gardien lui avait annoncé depuis longtemps, parce qu'elle était menacée pour le vendredi saint de cette année d'une irruption de gens malveillants, que cette fois il ne lui serait pas donné de contempler la Passion le vendredi où l'Église en fait mémoire, mais le jour où elle eut lieu réellement : cela lui arriva depuis hier soir jeudi jusqu'à ce soir. Le 14 nisan de l’année de la mort du Sauveur doit donc être tombé le 29 mars. Nous ne parlons pas des souffrances inexprimables de ce jour, et en général de presque tous les jours de sa vie actuelle : le lecteur peut s'en faire une idée par la manière imparfaite et défectueuse dont sont communiquées ses contemplations de la vie du Sauveur. 
2-Ce sont les propres termes de la narratrice.

(30-31 mars). Elle fut malade au delà de tonte expression et le samedi elle eut de telles douleurs dans la bouche qu'elle ne put presque rien dire.

Ce matin j'ai vu Jésus dans le temple pendant la célébration du sabbat, avec Obed qui était attaché au service du temple et les autres disciples de Jérusalem. (Elle était trop malade pour s'exprimer bien distinctement : elle ne dit que ce qui suit, en s'exprimant peu clairement.) Jésus se tenait parmi ses amis prés des autres jeunes hommes israélites : ils se tenaient deux à deux. Il avait un vêtement blanc fait au métier, une ceinture et un manteau blanc qui n'était pas le même que portent les Esséniens. Il y avait quelque chose de particulier dans sa manière d'être. Son vêtement était d'une propreté remarquable et paraissait très élégant, sans doute parce que c'était lui qui le portait. Il s'unit aux chants et aux prières qui se faisaient alternativement d'après des cahiers d'écritures. On fut de nouveau surpris et frappé de le voir, sans pourtant lui parler. Ils ne parlèrent même pas ouvertement de lui entre eux. Mais je vis chez plusieurs un merveilleux mouvement intérieur. C'était un jour de sabbat : on fit trois instructions ou prédications, sur les enfants d'Israël, sur leur sortie d'Egypte et sur l'agneau pascal. J'ai vu aussi sur un autel un sacrifice d'encens ; on ne pouvait pas voir le prêtre, mais bien l'encens et le feu. J'ai vu le feu à travers une espèce de grille au-dessus de laquelle avait été placé comme un agneau pascal avec des ornements et des rayons : je vis aussi le feu briller à travers. Cet autel était près du Saint des Saints : ses cornes me paraissaient arriver jusque dans le Saint des Saints. Je vis des pharisiens en prière rouler plusieurs fois autour d'un de leurs bras une longue bandelette qui était proprement un voile.

Vers deux heures après midi, Jésus avec ceux qui l’avaient accompagné au temple entra dans une salle attenante au parvis des Israélites, où on avait préparé une petite collation de fruits et de pains qui étaient comme tressés ensemble ils avaient chargé l'un d'eux d'avoir soin de tout. On pouvait acheter et se procurer dans les salles voisines tout ce qui était nécessaire en pareil cas. Le temple était comme une ville : c'était si grand, on pouvait tout y trouver. Jésus enseigna pendant ce repas. Quand les hommes se furent retirés, les femmes à leur tour mangèrent là.

Je vis aujourd'hui quelque chose que je ne savais pas auparavant : Lazare avait un emploi au temple, c'était à peu près comme chez nous lorsqu’un bourgmestre est chargé de quelque chose dans l'église. Il allait à droite et à gauche avec une boite pour recueillir une contribution. Jésus et les siens restèrent au temple toute l'après-midi et je ne le vis de retour à Béthanie que vers neuf heures. Il y avait pour ce sabbat une quantité innombrable de lampes et de flambeaux dans le temple.

J'ai déjà vu hier que Marie et les autres saintes femmes sont parties de Capharnaum pour Jérusalem. Elles vont de Capharnaum à Nazareth, passent près du Thabor où d'autres femmes viennent se joindre à elles et doivent aller par Samarie. Les disciples galiléens allaient en avant d'elles, et des serviteurs qui portaient le bagage venaient derrière. J'ai oublié où elles célébrèrent le sabbat. Parmi les disciples étaient Pierre, André et son demi frère Jonathan, les fils de Zébédée, ceux de Marie de Cléophas, Nathanaël Khased et Nathanaël le fiancé. Je crois que ce n'est qu'au retour de la fête que quelques-uns des disciples rencontreront Thomas et lui parleront de Jésus.

Dimanche, le 4 nisan, Jésus passa toute la matinée dans le temple avec une vingtaine de disciples : ensuite il enseigna dans la maison de Marie, mère de Marc, et y mangea quelque chose. Il assista ensuite avec Lazare à un repas chez Simon le pharisien à Béthanie.

Jean Baptiste ne vient pas à la fête, dit-elle en secouant la tête sur une question qui lui était adressée à ce sujet On examine déjà les agneaux, et on en rebute beaucoup.

(1-7 avril.) Dans la matinée Jésus est encore allé au temple : dans l'après-midi il a mangé et enseigné dans la maison de Joseph d'Arimathie. Cette maison est dans le quartier que celle de Jean Marc. Il y a là un atelier de tailleur de pierre. C'est un quartier un peu écarté et les pharisiens y vont rarement : d'ailleurs personne ne craint encore de se rapprocher de Jésus ; car l'hostilité contre qui n'a pas encore éclaté.

Marie et les autres voyageurs de Galilée sont à présent à Nazareth. -La Soeur dit encore d'une manière très positive que Jean-Baptiste ne venait pas à Jérusalem pour la fête de Pâques.

(2 avril.) Jésus se montre de plus en plus librement et hardiment à Jérusalem et au temple : il s'est avancé avec Obed entre l'autel des sacrifices et le temple, à un endroit où l'on fait une instruction pour les prêtres sur la fête de Pâques et ses cérémonies. Ses disciples restèrent dans le parvis des Israélites. Les pharisiens furent très mécontents de le voir. Il a mangé et aussi enseigné chez Joseph d'Arimathie. Il va toujours avec assurance et s'entretient aussi avec diverses personnes dans la rue.

Il vient beaucoup de monde à Jérusalem, surtout des ouvriers, des journaliers, des domestiques, des marchands avec des provisions de toute espèce. Tout autour de la ville et dans les espaces vides on dresse beaucoup de cabanes et de tentes afin d'y héberger les gens qui arrivent en foule pour la fête. On amène à la ville beaucoup d'agneaux et d'autre bétail. On fait déjà le triage des agneaux. Il vient aussi à Jérusalem un très grand nombre de païens pour la fête.

Les saintes femmes ont été à Nazareth et maintenant elles sont une journée de voyage plus loin dans une hôtellerie de Thirza. Les apôtres sont en avant.

A Bethanie Jésus enseigne et guérit déjà publiquement, on lui a amené des malades étrangers. Des parents de Zacharie sont aussi venus le voir de la contrée d'Hébron pour l'engager à y aller. Aujourd'hui encore il fut dans le temple, et le soir,` après le service divin, lorsque les prêtres pour la plupart eurent quitté le temple, il commença à la place où il se tenait près de ses disciples à enseigner devant ceux-ci et d'autres gens de bien. Il parla de l'approche du royaume de Dieu, de la fête de Pâques, de l'accomplissement prochain de toutes les prophéties et de toutes les figures, même de celle de l'agneau pascal. Il parla d'une manière très grave et très pénétrante, plusieurs prêtres qui étaient encore occupés çà et là furent troublés par ses discours et ressentirent un secret mécontentement. Cela eut lieu le soir. Il se rendit de là à Béthanie et partit dans la nuit avec les gens d'Hébron et quelques disciples : il fit environ quatre lieues au midi dans la direction d'Hébron.

Dans le temple, maintenant on fait des préparatifs pour la fête avec une grande activité : on fait for changements dans l'enceinte intérieure : on ouvre beaucoup de passages et de salles et on enlève de échafaudages et des cloisons. Ou peut maintenant arriver à l'autel de tous les côtés : tout prend un autre apparence.

(Jeudi.) Dans la nuit du 3 au 4 avril, Jésus parti pour Juta avec quelques disciples et les parents de Zacharie. Ils passèrent entre Jérusalem et Bethléhem ; il laissèrent Bethléhem à gauche en allant et à droite e revenant. C'était une route de cinq lieues tout a plus. De Juta il se rendit à Hébron qui en est tout près : il y enseigna et guérit plusieurs personnes. y resta jusqu'au vendredi à midi : alors il revint d'Hébron et arriva directement à Béthanie pour le sabbat. Le chemin passait par dessus des montagne exposées au soleil et il y faisait très chaud. Les disciples qui étaient venus d'auprès de Jean visiter Jésus à Béthanie sont retournés vers le précurseur.

(6 avril.) Aujourd’hui Jésus accompagné d'Obed est allé dans le temple jusqu'au vestibule où se trouve la chaire dans laquelle il a enseigné plus tard. Les prêtres et les lévites étaient assis là sur des sièges circulaires autour de la chaire du haut de laquelle on leur faisait une instruction sur la fête de Pâques. L'apparition de Jésus excita un grand trouble parmi les assistants, surtout lorsqu'il fit quelques objections et quelques questions auxquelles aucun d'eux ne put répondre. Il dit entre autres choses que le temps où la figure de l'agneau pascal deviendrait une réalité était proche et qu'alors ce temple et ce culte prendraient fin. Il parla de cela en termes figurés, et pourtant d'une manière si claire pour moi que je ne pus m'empêcher de penser vivement à l'endroit du Pange lingua où il est dit Antiquum documentum novo cedat ritui : car Jésus dit quelque chose d'approchant. Lorsqu'ils lui demandèrent d'où il savait cela, il leur répondit que son Père le lui avait dit, mais il n'expliqua pas qui il entendait par là. En tout il parla toujours en général. Les pharisiens très courroucés et cependant saisis d'étonnement n'osèrent rien contre lui. Il n'était pas proprement permis aux laïques d'entrer dans cette partie du temple, mais il y entra en qualité de prophète. Dans la dernière année, il y a même enseigné.

Apres le sabbat, Jésus alla à Béthanie. Jusqu'à présent, pendant ce séjour, je n'ai pas vu Jésus s'entretenir avec Marie la silencieuse. Je crois que sa fin approche. Il semble qu'il s'est fait un changement en elle. Elle est couchée par terre sur des couvertures grises, et des servantes la tiennent dans leurs bras. Elle était dans une espèce d'évanouissement. Elle me semble plus rapprochée du monde terrestre ; elle aura encore à souffrir sur la terre. Jusqu'à présent son esprit était toujours absent, et ne sachant rien de ce monde, elle voyait Jésus et tous les autres sans s'en préoccuper et sans grandes souffrances. Elle était dans sa chambre comme dans une merveilleuse mine d'argent. Tout était si large et si beau autour d'elle. Mais maintenant elle parait revenue davantage à la vie réelle, elle va savoir maintenant que ce Jésus qui est ici, à Béthanie, qui vit dans son temps et dans son voisinage, est celui qui doit souffrir si cruellement. Étant encore vivante, elle participera corporellement à ses douleurs et mourra bientôt après.

Dans la nuit du samedi Jésus a visité la soeur de Lazare, Marie la silencieuse, et s'est longtemps entretenu avec elle. Tantôt elle était assise sur sa couche, tantôt elle marchait autour de sa chambre. Elle maintenant toute sa raison, connaît la différence entre ce monde et l'autre monde ; elle sait que Jésus est le Sauveur et l'agneau pascal, et qu'il doit éprouver d'horribles souffrances. Elle en est affligée au delà de toute expression, et le monde se présente à et tout ténébreux et comme un poids qui l'oppresse. Ce qui la désole surtout, c'est l'ingratitude des hommes qu'elle prévoit. Jésus parla longtemps avec elle de l'approche du royaume de Dieu et de ses souffrance puis il la bénit et se retira. Elle ne tardera pas à mourir. Elle est maintenant extraordinairement belle et grande, blanche comme la neige et lumineuse, ses mains sont comme de l'ivoire et ses doigts sont longs et effilés. Dans la matinée Jésus guérit publiquement à Béthanie beaucoup de gens qu'on lui avait amenés paralytiques, aveugles, etc., parmi lesquels des étrangers venus pour la fête.

Quelques hommes du temple vinrent le trouver et lui demandèrent compte de sa manière d'agir : ils lui demandèrent aussi qui lui avait donné le droit, la veille au temple, de prendre la parole pendant l'instruction, etc. Il leur répondit d'un ton très grave, et parla de nouveau de son Père. Les pharisiens n'osaient pas s'attaquer à lui, ils éprouvaient un sentiment de terreur en sa présence et ne savaient pas se rendre compte de l'effet qu'il produisait sur eux.

Aujourd’hui il a encore enseigné dans le temple. Le soir arrivèrent tous les disciples galiléens qui avaient été aux noces de Cana. Marie aussi arriva, ainsi que les saintes femmes : et elles logèrent chez Marie, mère de Marc. Lazare a acheté plusieurs agneaux rebutés : il les a fait tuer et distribuer parmi les pauvres journaliers et ouvriers.

(8 et 9 avril.) Jésus fut aujourd'hui au temple avec tous ses disciples : il fit sortir de l'enceinte du parvis destiné à la prière, et fit reculer bien en arrière dans le parvis des gentils plusieurs vendeurs d'herbages verts, d'oiseaux, d'agneaux, de comestibles de tout genre et d’autre objets : il le fit avec beaucoup de charité et de bienveillance Il les avertit amicalement que c'était très peu convenable, spécialement le bêlement des agneaux et du bétail, et il aida lui-même avec les disciples à transporter leurs tables et à leur trouver des places.

il guérit aussi ce jour-là à Jérusalem beaucoup d'étrangers malades, notamment de pauvres ouvriers paralytiques qui habitaient aux environs du Cénacle, contre la montagne de Sion. Il y a une incroyable quantité de monde à Jérusalem. Il y a autour de la ville des campements entiers, formés de cabanes et de tentes. Sur de grandes places sont des constructions longues comme des rues, où l'on peut tout avoir et où se trouve en grande quantité ce qu'il faut pour dresser une tente et pour manger l'agneau pascal. Ce sont comme des magasins où l'on vend et où on loue. Des troupes de journaliers et des pauvres gens de tout Israël sont occupés à porter ça et là des choses de ce genre et à les mettre en place. Ces gens ont déjà depuis quelque temps à Jérusalem et autour de la ville, fait disparaître tout ce qui peut gêner la circulation, taillé les haies, ouvert les chemins, aplani et délimité les lieux de campement, disposé les places de vente et les marchés. On a également, plusieurs semaines à l’avance, réparé et préparé les routes et les passages difficiles dans le pays. Tout cela se fait pour l'agneau pascal, de même que Jean Baptiste a préparé les chemins pour le véritable Agneau de Dieu.

 (9 avril.) Jésus est encore allé au temple avec ses disciples, et il a encore une fois fait retirer les vendeurs. Comme tout était ouvert à cause de l'immolation prochaine des agneaux de Pâques, beaucoup de gens s'étaient encore avancés jusqu'au parvis où l'on priait. Jésus les fit retirer et enleva leurs tables. Cela se fit d'une manière plus impérieuse que la fois d'avant : les disciples faisaient faire place devant lui : il y avait là des gens insolents qui lui résistaient en gesticulant vivement et en se portant en avant, si bien que Jésus enleva une table de ses propres mains. Leur résistance fut inutile : la place fut bientôt vidée, et tout leur attirait transporté jusqu'à la cour la plus éloignée. Il les avertit qu’il les avait deux fois écartes avec bonté, mais que s'il les retrouvait encore ici, il ferait usage de la force. Là-dessus les plus effrontés l'injurièrent : De quoi se mêlait ce Galiléen, cet écolier de Nazareth ? Ils ne le craignaient pas. Ce fut alors que commença la retraite. Il y avait là une foule nombreuse qui l'admirait. Les Juifs pieux lui donnaient raison et le louaient à quelque distance. On cria : C'est le prophète de Nazareth ! Les pharisiens, qui en furent irrités e. confus, faisaient déjà courir sous main parmi le peuple, depuis plusieurs jours, l'avis de ne pas s'attacher à cet étranger pendant la fête, de ne pas courir après lui, et de ne pas en beaucoup parler. Mais le peuple a de plus en plus lés yeux sur lui, car il y a déjà ici un grand nombre de personnes qu'il a enseignées ou guéries.

Comme Jésus, en sortant du temple, avait guéri dans un des vestibules un paralytique qui l'avait invoqué, celui ci entra tout joyeux dans le temple, glorifiant Jésus et y fit un grand effet. Jean Baptiste ne vient Pas à la fête, il n'est pas véritablement un Juif selon la loi : puis il n'est pas comme les autres hommes, ce n'est pour ainsi dire qu'une voix revêtue de chair. Maintenant il y a affluence de gens qui veulent être baptisés par lui, à cause du grand mouvement produit par la foule qui va à Jérusalem.

Ce soir il régnait une grande tranquillité à Jérusalem. On s'occupait dans les maisons à mettre le levain de côté et à préparer les pains azymes. Tous les ustensiles étaient suspendus et couverts. Cela se fit aussi dans la maison de Lazare près de la montagne de Sion où Jésus et les siens doivent manger la Pâque. Jésus y était en personne, il enseigna sur ce sujet et tout se fit sous sa direction : on n'y mettait pas tant d'empressement inquiet que chez les autres Juifs. Jésus leur expliqua de quoi la Pâque était la figure, comment ils devaient la faire. et ce que les pharisiens y avaient ajouté mal à propos. La maladie m'a fait oublier les détails.

(10 avril.) (Elle est toujours si malade qu'elle a peine à communiquer ce qui suit). Jésus aujourd'hui ne fut pas dans le temple, mais à Béthanie. En voyant tant de vendeurs se presser encore dans le temple, je me disais que s'il était là, mal leur en prendrait. Après le repas les agneaux de Pâques furent immolés dans le temple. Cela se fit avec un ordre et une dextérité merveilleux. Chacun apportait son agneau sur ses épaules ; on se tenait en très bon ordre, il y avait suffisamment de place pour tous : autour de l'autel se trouvaient trois cours où l'on pouvait se tenir : entre l’autel et le temple il n'y avait personne. Devant ceux qui immolaient les victimes étaient placées des balustrades et des tablettes avec tout ce qui était nécessaire : toutefois ils étaient si serrés que le sang d'un agneau rejaillissait sur celui qui immolait l'autre : leurs habits étaient tout ensanglantés. Les prêtres se tenaient sur plusieurs rangs jusqu'à l'autel et les bassins pleins de sang ou vides passaient de main en main. Avant que les Israélites vidassent les agneaux, ils les frappaient et les périssaient d'une façon particulière, en sorte que les entrailles se retiraient facilement en une fois, avec l'aide du voisin qui tenait l'agneau. L'écorchement allait très vite, ils retiraient un peu la peau et l'assujettissaient à un bâton rond qu'ils avaient avec eux, pendaient l'agneau par la partie antérieure du cou, et alors avec les deux mains ils faisaient tourner le bâton sur lequel la peau s'enroulait. L'immolation fut terminée vers le soir. Je vis le ciel rouge comme du sang au coucher du soleil.

Lazare, Obed fils de Siméon et Saturnin immolèrent les trois agneaux que Jésus et ses disciples devaient manger. Le repas eut lieu dans la maison de Lazare contre la montagne de Sion. C'est un grand bâtiment avec deux ailes. Dans la salle où ils mangèrent était aussi le four à rôtir, mais il était tout autre que le foyer du cénacle. Il était plus haut que large, comme les foyers dans la maison d'Anne, dans cette de Marie et à Cana. Dans le gros mur qui s'élevait perpendiculairement étaient des trous où l'on plaçait l'agneau dans une position verticale, il était étendu sur du bois et comme crucifié. La salle était bien parée, et les trois groupes mangeaient à une table qui me frappa parce qu'elle était en forme de croix. Lazare était assis au haut, au petit bout de la croix où. se trouvaient aussi plusieurs plats avec des herbes amères. Les agneaux de Pâques étaient placés, l’un entre Pierre et Jésus sur l'un des bras de la croix : l'autre en face près d'Obed, le troisième devant Saturnin sur le long bout. Autour de Jésus étaient des membres de sa famille et les disciples galiléens : autour d'Obed et de Lazare, les disciples de Jérusalem ; autour de Saturnin les disciples de Jean. Tous ensemble étaient pour le moins une trentaine.

Cette Pâque se célébra d'une autre manière que la dernière Pâque de Jésus. Ce fut plus à la façon juive : tous ici tenaient des bâtons à la main, avaient leurs vêtements retroussés et mangeaient très vite . à là Cène, Jésus avait deux bâtons en croix. Ils chantèrent aussi des psaumes et mangèrent debout et très rapidement l'agneau pascal sans en rien laisser. Plus tard ils se mirent à table Il y avait pourtant quelque chose de différent de la manière dont les Juifs mangeaient. Jésus leur donna des explications sur tout ce qui se faisait, et ils laissèrent de côté divers usages ajoutés par les pharisiens. Jésus découpa les trois agneaux et servit à table ; il dit qu'il faisait cela à présent comme un serviteur ils restèrent encore ensemble jusque dans la nuit, chantèrent et prièrent.

Il régnait aujourd'hui à Jérusalem un calme et un silence sinistres : les Juifs qui n'immolaient pas se tenaient dans leurs maisons qui toutes étaient ornées de feuillage d'un vert sombre. Après l'immolation, cette immense quantité d'hommes avait tant à faire dans l'intérieur des maisons et tout au dehors était tellement silencieux. que j'en ressentis une impression de tristesse. Je vis aujourd’hui en quel endroit l'on faisait rôtir les agneaux pour les nombreux étrangers dont une partie était campée devant les portes. On avait élevé à certaines places, et aussi dans l'intérieur, de longs murs peu élevés et assez larges pour qu'on pût se promener dessus. Dans ces murs étaient pratiqués des fours, les uns à côté des autres. De distance en distance se tenaient des inspecteurs qui surveillaient tout, et près desquels on pouvait avoir à bas prix ce qui était nécessaire. Des fours de ce genre étaient à l'usage des voyageurs et des étrangers pour d'autres fêtes et d'autres époques encore. Au temple, on brûlait la graisse de l'agneau pascal, ce qui dura jusque assez avant dans la nuit ; puis, après la première veille de la nuit, l'autel fut purifié et les portes rouvertes de très grand matin.

(11 avril.) Jésus et ses disciples avaient passé la plus grande partie de la nuit en prière dans la maison de Lazare. Dès le point du jour ils allèrent au temple où on avait allumé des lampes en grand nombre. On venait déjà de tous les côtés y porter des offrandes. Jésus se tenait dans un vestibule avec ses disciples, et il enseignait.

Une foule de marchands s'étaient déjà établis jusque tout près du parvis de la prière et de celui des femmes : ils étaient à peine à deux pas des gens qui priaient. Comme il en arrivait encore un plus grand nombre, Jésus les arrêta et ordonna à ceux qui se trouvaient là de se retirer. Mais ils lui résistèrent et appelèrent à leur aide les gardiens qui étaient dans le voisinage : ceux-ci allèrent faire leur rapport au grand conseil, parce qu'ils n'osaient rien prendre sur eux Mais Jésus dit aux vendeurs de se retirer, et comme ils le défièrent insolemment, il prit sous sa robe comme une corde faite de joncs ou d'osier très mince tordus ensemble, et tira en arrière un anneau, ce qui fit que la moitié se déploya en une quantité de fils comme un fouet. Il s'avança alors vers les marchands, renversa les tables, et chassa devant lui ceux qui résistaient : les disciples marchèrent des deux côtés devant lui, poussèrent et enlevèrent tout : il vint alors une foule de prêtres du conseil, et ils lui demandèrent qui lui donnait le droit d'agir ainsi en ce lieu. Il leur dit plusieurs choses que je ne puis pas redire exactement. dont le sens était que, quand même le sanctuaire serait retiré du temple, quand même sa ruine serait proche, c'était pourtant toujours un lieu sacré ; que la prière de beaucoup de justes se dirigeait vers lui, et qu'il n'y avait pas place pour l'usure, la tromperie et le tumulte d'un ignoble trafic. Comme il avait dit que c'était l'ordre de son Père, ils lui demandèrent qui était son père, et il leur répondit qu'il n'avait pas maintenant le temps de le leur expliquer. Ils ne le comprirent pas, et aussitôt il s'éloigna d'eux et continua à chasser les vendeurs. Cependant deux troupes de soldats étaient arrivées, et les prêtres n'osèrent rien tenter contre Jésus, car ils rougissaient de ce désordre. En outre, il s'était rassemblé là beaucoup de peuple qui donnait raison au prophète, si bien que les soldats eux-mêmes furent obligés d'aider à éloigner les comptoirs des vendeurs, et à enlever les tables renversées et les marchandises. Ainsi Jésus et les disciples forcèrent les marchands à se retirer jusque devant le vestibule le plus éloigné. Quant à ceux qui étaient respectueux et qui se tenaient dans les cellules pratiquées dans les murs du vestibule avec des colombes, des petits pains et d'autres denrées du même genre, Jésus les laissa rester où ils étaient. Il se rendit alors avec ses disciples dans le parvis d’Israël. Cela eut lieu vers sept ou huit heures du matin. Le soir de ce jour, on alla comme en procession couper les prémices des gerbes dans la vallée du Cédron.

(12-14 avril). Jésus après le repas guérit aujourd'hui dans le parvis du temple une dizaine de paralytiques et de muets et cela causa beaucoup d'émotion ; car ils firent éclater partout leurs transports de joie. (On voulut encore à cette occasion lui faire rendre compte de sa conduite, mais il répondit très sévèrement, et le peuple se montra plein d'enthousiasme pour lui. Après le service divin il assista avec ses disciples à l'instruction qui se faisait dans une salle du temple. On expliqua un des livres de Moïse : il fit plusieurs fois des objections, car c'était une espèce d'école où l'on pouvait disputer. Il réduisit tout le monde au silence et donna une explication toute différente de celle qui avait été présentée.

Pendant tous ces jours Jésus ne fut presque jamais auprès de sa mère, qui résidait toujours chez Marie, mère de Marc, et passait tout le jour dans les inquiétudes, les larmes et les prières à cause de la sensation qu'il produisait. Je vis alors qu'elle ne savait pas tout, quoiqu’elle pressentit tout.

(13 avril). Jésus célébra le sabbat chez Lazare à Béthanie, où il s'était retiré après le bruit qu'avaient occasionné ses guérisons dans le temple. Après le sabbat, les pharisiens cherchèrent Jésus à Jérusalem, dans la maison de Marie, mère de Marc, afin de s'emparer de sa personne : ils ne l'y trouvèrent pas, mais seulement sa mère et d'autres saintes femmes auxquelles ils enjoignirent, en termes très durs, de quitter la ville, comme ses adhérentes La mère de Jésus et les autres saintes femmes furent très affligées : elles se retirèrent en pleurant et coururent à Béthanie chez Marthe. Je vis Marie tout en larmes entrer dans la chambre où se trouvait Marthe, près de sa sœur malade, Marie la silencieuse. La mère du Sauveur tomba en défaillance, accablée par la tristesse. Alors Marie la silencieuse qui était tout à fait rendue à la vie extérieure et qui voyait se produire dans la réalité ce qu'elle avait vu autrefois en esprit, n'eut plus la force de supporter sa douleur et mourut en présence de la sainte Vierge, de Marie de Cléophas, de Marthe et des autres. Elle fut déposée plus tard dans un sépulcre neuf que j'ai vu, à peu de distance de la maison de Lazare. Je n'ai pas vu les funérailles.

Cette nuit Nicodème eut avec Jésus une entrevue ménagée par Lazare. Auparavant déjà, il l'avait vu et entendu plus d'une fois chez Lazare, mais il ne lui avait pas encore parlé confidentiellement. Il vint malgré la persécution qui se déclarait contre lui. Je vis Jésus assis par terre auprès de lui l'instruire pendant toute la nuit.

Avant le jour Jésus alla avec Nicodème à Jérusalem dans la maison de Lazare à Sion. Joseph d'Arimathie vint aussi l'y trouver. Le Seigneur s'entretint avec lui : ils s’humilièrent devant lui et lui déclarèrent qu'ils reconnaissaient bien qu'il était plus qu'un homme. Ils promirent de le servir fidèlement jusqu'à la fin. Jésus leur enjoignit de se tenir sur la réserve et ils le prièrent de les maintenir dans la charité.

Il vint encore une trentaine de disciples, tous ceux qui avaient mangé la Pâque avec lui. Il leur donna diverses instructions et divers ordres pour l'avenir le plus prochain, ils se prirent tous par la main, pleurèrent et essuyèrent leurs larmes avec leurs voiles, c'est-à-dire avec la petite bande d’étoffe qu'ils portaient autour du cou, et dont ils s'enveloppaient aussi la tête.

Le matin, Lazare conduisit la mère de Jésus dans une hôtellerie en avant de Béthanie. Je vis le corps de Marie la silencieuse étendu par terre et le deuil dans la maison. Les disciples qui étaient venus de loin se rendirent bientôt dans leur pays et là où Jésus les dirigea. Marie revint dans la maison de Lazare : les pharisiens lui firent subir une sorte d'interrogatoire soit dans la maison, soit dehors, là où ils la rencontrèrent, aussi bien qu’aux autres saintes femmes : ils la menacèrent de la chasser du pays. Là-dessus elle revint d'abord à Nazareth, puis dans sa demeure à Capharnaum.

(Du 15 avril au 21 juin 1822.) Anne Catherine Emmerich était épuisée au delà de tout ce qu'on peut dire par ses souffrances physiques et spirituelles, par les douleurs du corps et celles de l'âme : déjà dans les derniers jours elle ne put communiquer sur la prédication de Jésus qu'un petit nombre de détails peu précis, recueillis jour par jour par l'écrivain avec toute la fidélité et le scrupule possibles.

Aujourd'hui, 15 avril 1822, elle raconta, pleine de tristesse, une vision symbolique que nous laissons de côté comme n'appartenant pas au sujet traité ici, mais après laquelle la faculté de communiquer ce qu'elle voyait journellement lui fut retirée pour un temps C'est qu'il devait s'opérer dans son état corporel un changement considérable et qu'elle avait besoin de repos physique pour s'y préparer. Alors sur le conseil exprès qu'elle lui donna, l'écrivain fit un voyage pour voir ses amis et il revint le 21 juin. Il trouva la malade ayant un peu meilleure apparence, toutefois livrée aux souffrances les plus multipliées et les plus extraordinaires du corps et de l'âme.

Il se trouva qu'elle avait vu jour par jour, dans le plus grand détail comme auparavant, le cours de la prédication de Jésus : dans les premiers jours elle remplit les lacunes qui se trouvaient dans le récit, mais d'une manière très imparfaite Les personnes de son entourage habituel, malgré leurs promesses, n'avaient rien conservé de ce qu'elle avait communiqué par intervalles et autant qu'on put l'induire des plaintes timides de la malade, elle fut encore empêchée par elles de suppléer à ce qui s'était perdu, aussi complètement qu'elle l'aurait désiré et qu'elle l'aurait pu. Ce n'est pas un reproche, mais plutôt l'expression d'un regret sur ce que la faiblesse humaine sait si rarement estimer à leur juste valeur les dons de Dieu.

Au bout de quelques jours les communications journalières reprirent leur cours à certains égards, et l’écrivain renoua le fit du récit ainsi qu'il suit, à partir du 25 juin.

Jésus resta encore quelques jours caché à Béthanie et à Bahurim, un petit endroit situé au nord-est de Béthanie. C'était là que Séméi avait jeté des pierres à David fuyant devant Absalon et l'avait accablé d'inj0res : Jésus y allait souvent lorsqu'on le persécutait au temple : il y vint notamment une fois qu'on voulut le lapider dans le temple.

Le 20 novembre 1823, elle raconta ce qui suit : J'allai avec la sainte mère de Dieu dans la Palestine actuelle et elle me montra dans leur état présent divers lieux qu'elle avait autrefois parcourus. Je vis alors entre autres, à une lieue au nord-est de l'ancienne Béthanie, quelques restes de Bahurim, où Jésus était souvent allé se cacher et prier : il s'y réfugia entre autres fois lorsqu'on voulut le lapider dans le temple : il y resta plusieurs jours, et Marie l'y visita. Alors cet endroit était beaucoup plus caché : aujourd'hui la route qui mène au Jourdain y passe.

Il y a là une fontaine, appelée la fontaine des Douze Apôtres. Près de là est la caverne de Rimnon, où se réfugièrent les Benjamites qui avaient échappé à l'extermination de leur tribu, et qui plus tard furent obligés d'enlever des femmes à Siloh. Plusieurs d'entre eux s'établirent en ce lieu, et de là vient l'origine du nom de jeunes gens de Bahurim. C'est ici aussi que Seméi maudit David et lui jeta des pierres. Michol fut ramenée à David jusqu'ici.

Jésus quitta Béthanie au bout de huit jours environ et gagna par Samarie la mer de Galilée : il la traversa à l'extrémité méridionale, au lieu où il apparut à ses disciples après la résurrection et mangea des poissons avec eux. Il alla ensuite au midi vers Sukkoth, dans la contrée d'Ainon, où Jean s'était retiré en quittant le lieu où il baptisait au-dessus de Béthabara. Pendant huit jours il parcourut ce pays et y enseigna avec les disciples de Jean, mais il ne se rencontra pas avec Jean lui-même. Celui-ci comprit d'après ce que ses disciples lui rapportèrent des discours de Jésus, que ses fonctions de précurseur tiraient à leur fin.

De Sukkoth, Jésus revint secrètement à Béthanie : il se tint caché chez Lazare, et, ce qui me surprit, chez Simon le pharisien : il eut encore une conférence seul à seul avec Nicodème, et s'entretint en outre souvent avec lui et Joseph d'Arimathie.