CHAPITRE SIXIÈME.


Conversion de Madeleine après sa rechute. Jésus à Azanoth, à Damna, à Gatepher, à Nazareth. Melchisédech et les précurseurs d'Abraham.

(Du 31 décembre 1822 jusqu'au 7 janvier 1823.)

(31 décembre.) Ce matin Jésus est allé à un petit endroit, qui est à peu près à une lieue de Dothaïm et à la même distance de Magdalum. Il possède une école et s'étend le long d'une colline sur laquelle est un bel emplacement avec une chaire. Cet endroit est situé au sud-est de Dothaim au pied de la montagne de Béthulie sur le prolongement de laquelle se trouve aussi Cydessa. Je crois me souvenir que son nom commence ou finit par Aza : car ce nom me fit penser à Azarias, l'ange de Tobie. Il me revient maintenant ; c'est Azanoth. Ce bourg est situé à l'extrémité nord-est de la montagne, autour d'un mamelon élevé, sur lequel est une chaire où les prophètes ont enseigné autrefois. Azanoth est le dernier endroit du territoire de Séphoris de ce côté : quand on franchit la montagne et qu'on laisse Cydessa sur la gauche, il y a de Séphoris ici trois ou quatre lieues dans la direction du sud-ouest. On trouve près d'Azanoth beaucoup de grottes sépulcrales : je crois qu'on enterre ici les morts de beaucoup d'endroits environnants. Azanoth est rempli de jardins et d'avenues, ce qui lui donne une certaine ressemblance avec Béthanie : aussi quand j'ai vu isolement la conversion de Madeleine qui a eu lieu ici, j'ai cru plus d'une fois qu'elle avait eu lieu à Béthanie. On s'occupe beaucoup de jardinage à Azanoth. La température y est admirable en ce moment et tout est déjà en fleurs du côté de Thabor. Beaucoup de gens, parmi lesquels nombre de malades et de possédés, sont accourus ici de plusieurs lieues à la ronde.

Sur le chemin Jésus rencontra Marie, sa mère, et les saintes femmes qui étaient parties de Damna pour assister à son instruction. Lazare c'était également ici ainsi que les six apôtres et plusieurs disciples. Marie dit à Jésus que Marthe était allée voir Madeleine et qu'elle viendrait l'entendre. Plus de douze femmes s'étaient réunies ici à la sainte Vierge : parmi elles étaient Anne, fille de Cléophas ; Suzanne, fille d'Alphée ; Suzanne de Jérusalem, Véronique, Jeanne Chusa, Marie, mère de Jean Marc, Marie la Suphanite, Dina, Maroni de Naïm et aussi la servante de Marthe. Marie de Cléophas n'y était pas. Elles étaient dans une hôtellerie à part de celle des hommes où Marthe vint les rejoindre plus tard5 tandis que Madeleine qu'elle avait amenée resta dans une hôtellerie séparée avec d'autres femmes mondaines. Madeleine, livrée à tous ses vices, était devenue tout à fait insensée et elle avait traité Marthe avec beaucoup de froideur et d'orgueil. Sa soeur avait eu beaucoup de peine à la décider à ce voyage : elle était venue avec une toilette des plus exagérées et des moins convenables

On intercale ici les détails qui suivent sur la visite de Marthe à Madeleine, d'après les visions qu'eut Anne-Catherine en juillet et août 1821, pendant et après l'octave de la fête de sainte Madeleine, touchant la conversion de celle-ci.

L'état de Madeleine était devenu déplorable au dernier point. Depuis qu'elle était retombée après sa conversion près de Gabara, sept démons s'étaient emparés d'elle. Son entourage était devenu pire que jamais. Les saintes femmes, spécialement la sainte Vierge, n'avaient cessé de prier instamment pour elle, et enfin Marthe accompagnée de sa suivante était allée la voir à Magdalum (dans l'après-midi du dernier dimanche) Elle fut reçue froidement et on la fit attendre. Précisément une cohue de libertins et de femmes galantes de Tibériade venait d'entrer pour prendre part à un festin. Madeleine était occupée à sa toilette, elle fit dire à sa soeur qu'elle ne pouvait pas lui parler maintenant. Marthe se mit en prière et l'attendit ainsi avec une patience indicible. Enfin l'infortunée Madeleine arriva, toute pleine de mauvaise humeur et d'irritation : elle était dans un grand embarras : la simplicité des vêtements de Marthe lui faisait honte, elle craignait que ses hôtes ne la vissent et elle l'invita à se retirer. Marthe lui demanda seulement un coin où elle pût se reposer : on la conduisit avec sa suivante dans une chambre vide des bâtiments de service et elle y fut laissée ou plutôt oubliée : car on ne lui donna même pas à boire et à manger ; on était dans l'après-midi. Cependant Madeleine se Parait et s'asseyait sur un siège élégant à la table du festin tandis que Marthe et sa servante priaient, accablées de tristesse. A la fin du banquet Madeleine sortit et porta. quelque chose à Marthe sur une petite assiette qui avait un rebord bleu : elle lui porta aussi à boire. Elle lui parla d'un ton injurieux et méprisant. Il y avait en elle un mélange d'orgueil, d'impudence, de désespoir et de déchirement intérieur. Marthe l'engagea de la façon la plus humble et la plus affectueuse À venir assister à la prédication solennelle que devait faire Jésus dans le voisinage : elle lui dit que toutes les personnes avec lesquelles elle s'était liée récemment dans une occasion semblable se trouveraient, et qu'elles se feraient une fête de la revoir. qu'elle-même avait déjà fait voir combien elle honorait Jésus, qu'elle devait donner à sa soeur ainsi qu'à Lazare la joie de l'y voir venir : qu'elle ne trouverait pas de si tôt une autre occasion d'entendre l'admirable prophète dans un lieu si rapproché de sa demeure et de voir en même temps tous ses amis. Dernièrement en répandant des parfums sur Jésus au festin de Gabara. elle avait prouvé qu'elle savait rendre hommage a tout ce qui était grand et beau partout où elle le rencontrât ; il fallait qu'elle vint saluer encore une fois ce qu'elle avait honoré publiquement avec une hardiesse si magnanime, etc. etc. Il est impossible de dire avec quelle affection et quelle patience Marthe lui adressa ce discours et supporta ses manières odieuses et altières. A la fin Madeleine lui dit : " J'irai, mais non pas avec toi. Tu peux prendre les devants, car je ne veux pas me montrer en toilette si négligée : je veux me parer suivant ma condition et avoir mes amies avec moi ". Là-dessus elles se séparèrent. Il était très tard. Le jour suivant je la vis occupée a sa toilette. Elle fit appeler Marthe et parla toujours en sa présence avec aigreur et avec arrogance. Marthe la laissa dire, et fit preuve d'une grande patience : elle ne cessait de prier en secret pour qu'elle allât avec elle et devint meilleure. Je vis Madeleine se faire laver et parfumer par ses deux suivantes. Elle était assise sur un siège peu élevé, ayant devant elle un tablier de laine fine qui lui allait jusqu'aux genoux, et sur les épaules et la poitrine un drap de même étoffe, avec une ouverture au milieu pour passer le cou.

Deux servantes étaient occupées à lui laver les pieds et les bras et à verser sur elle de l'eau parfumée. Ses cheveux partagés en trois et rejetés derrière les oreilles et sur la nuque, furent aussi lissés, peignés, parfumés et tressés. Elle mit ensuite une tunique de laine extrêmement fine, un justaucorps vert semé de grandes fleurs jaunes (j'en ai un morceau), et encore par là-dessus une robe plissée. Elle portait sur la tête un bonnet froncé très élevé qui faisait saillie en avant du front : ce bonnet ainsi que ses cheveux étaient ornes d'une quantité de perles. Elle portait de longs pendants d'oreille. Ses manches, très larges depuis l'épaule jusqu'au coude, étaient étroitement serrées à l'avant-bras par des fermoirs larges et brillants : la robe était plissée. La robe de dessous était ouverte sur la poitrine et était attachée avec des rubans chatoyants. Pendant qu'on l'habillait, elle tenait à la main par le manche un miroir ovale de métal brillant. Un corsage broché d'or, orné de perles et de pierres taillées à facettes, lui couvrait entièrement la poitrine. Sa robe de dessous à manches étroites était recouverte d'un pardessus avec des manches larges et courtes et une longue queue traînante : il était de soie violette chatoyante, broché de grandes fleurs de couleur et d'or. Les tresses de sa chevelure étaient entrelacées de roses de soie brute, de cordons, de perles et d'une étoffe travaillée à jour semblable à de. la dentelle. On ne pouvait pas voir les cheveux sous cet amas d'ornements. Tout cela s'élevait et s'avançait autour du visage : Par-dessus cette coiffure elle avait une riche cape d'étoffe fine et transparente qui se relevait par devant, retombait par derrière et s'abaissait le long des joues jusque sur les épaules.

S'étant ainsi parée du haut en bas, elle se montra à Marthe qui fut obligée de l'admirer. Elle déposa ensuite une partie de ces atours et s'enveloppa d'un manteau de voyage. Ses suivantes furent chargées d'empaqueter ses habits et les attachèrent sur le des de la bête de somme qu'elle-même monta pour se rendre à Azanoth avec son cortège. Marthe la quitta, accompagnée de sa suivante. Elles allèrent à pied aux bains de Béthulie.

Madeleine n'avait cessé de se montrer pleine d'irritation et d'arrogance, tandis que Marthe avait pratiqué à un degré rare les vertus de patience et d'humilité. Le démon tourmentait violemment Madeleine pour l'empêcher d'aller entendre Jésus, et elle n'y serait pas allée si les autres pécheresses de Tibériade, qui étaient chez elle, n'avaient pas formé de leur côté le projet de s'y rendre pour voir le spectacle comme elles disaient. Elles firent aussi leurs dispositions pour le voyage : elles étaient montées sur des ânes, suivies de leurs gens et d'autres ânes chargés de bagages : car, de même que Madeleine avait voulu emporter le riche siège dont elle se servait, ces autres femmes avaient aussi avec elles des sièges du même genre, des coussins et des tapis. Elles n'allèrent aujourd'hui que jusqu'à l'hôtellerie des femmes, qui est près du lac des bains de Béthulie. Là, Madeleine déposa son manteau de voyage et fit sa toilette pour manger avec ses compagnes. Elles couchèrent là Ce qui m'étonna beaucoup, c'est que Madeleine, laissant là les femmes de sa société, se rendit, la nuit, à l'hôtellerie où était Marthe dont elle rougissait devant les autres, et qui avait pris son repas toute seule.

Aujourd'hui mardi, ayant fait une petite lieue, elles arrivèrent à Azanoth. Marthe alla rejoindre les saintes femmes et raconta comment elle avait décidé sa soeur à venir. Madeleine alla avec ses compagnes dans une hôtellerie où elle déposa son manteau de voyage et se para de la manière la plus exagérée ; puis elles arrivèrent à l'endroit ou la prédication devait avoir lieu Attirant l'attention de tous les assistants par leurs allures bruyantes, leurs conversations à haute voix et les regards insolents qu'elles jetaient autour d'elles, elles allèrent se placer à part, bien en avant des saintes femmes. Il y avait aussi près d'elles des hommes de leur coterie. Elles s'étaient fait dresser une tente ouverte, où ces femmes mondaines, ces pécheresses élégantes et parées prirent place sur leurs sièges, leurs coussins et leurs tapis moelleux, se donnant en spectacle à tous.

Madeleine était assise en avant, pleine de hardiesse, d'effronterie et d'impertinence. Tout le monde chuchotait et murmurait en la regardant : car dans ce pays, elle était encore plus détestée et plus méprisée qu'à Gabara. Les Pharisiens et d'autres personnes qui n'ignoraient pas sa première conversion si éclatante au repas de Gabara, non plus que la rechute dont elle avait été suivie, étaient particulièrement scandalisés et ne pouvaient comprendre qu'elle osât se montrer ici.

Jésus, après avoir guéri plusieurs malades, commença une grande et véhémente instruction. Je ne me souviens plus bien des détails, mais je me rappelle encore qu'il cria : Malheur à Capharnaum, a Bethsaide et à Corozaïn : je crois aussi l'avoir entendu dire que la reine de Saba était venue des contrées du midi pour entendre la sagesse de Salomon, et qu'il avait ici plus que Salomon. Il y eut cela de merveilleux que, plus d'une fois pendant son discours, des enfants portés dans les bras de leurs mères et qui n'avaient jamais parlé, s'écrièrent à haute voix : " Jésus de Nazareth, très saint prophète, fils de David, fils de Dieu "! Cela fit une vive impression sur beaucoup d'assistants et sur Madeleine elle-même. Je me rappelle entre autres choses que Jésus, faisant allusion à Madeleine, dit que quand le démon avait été chassé et la maison nettoyée, il revenait avec six autres et que les choses devenaient pires qu'auparavant. Je vis Madeleine toute bouleversée par ces paroles. Après avoir ainsi touché les coeurs d'un grand nombre de ses auditeurs, il se tourna de tous les côtés et commanda en général au démon de sortir de ceux qui aspiraient à être délivrés ; quant à ceux qui voulaient lui rester unis, ils n'avaient qu'à se retirer et à l'emmener avec eux. Sur ce commandement, les possédés s'écrièrent tout autour de lui : " Jésus, fils de Dieu, etc. ", et l'on vit tomber plusieurs personnes en défaillance.

Madeleine, dont l'attitude arrogante avait attiré tous les yeux sur elle, tomba, elle aussi, dans des convulsions violentes ; les autres pécheresses qui l'entouraient la frottèrent avec des onguents parfumés et essayèrent de l'emmener : c'était pour elles une occasion de se retirer sans faire de scandale, et elles cherchaient à en profiter : car elles ne voulaient pas rompre leurs liens avec le démon. Cependant la foule criait autour d'elle : " Arrêtez, Maître! arrêtez, cette femme se meurt "! Alors Jésus interrompit son discours et dit : "  Placez-la sur son siège. La mort dont elle meurt maintenant est une mort salutaire qui lui rendra la vie ". Quelques moments après, sur une autre parole de Jésus, elle tomba encore, saisie de nouvelles convulsions, et je vis des figures sombres sortir d'elle comme dans les guérisons de possédés. Il y eut alors beaucoup de bruit et de tumulte, parce que son entourage se pressait autour d'elle pour tâcher de lui faire reprendre connaissance, mais bientôt elle s'assit de nouveau sur son riche siège et elle feignit de n'avoir éprouvé qu'une défaillance ordinaire. Cependant l'émotion générale devint de plus en plus vive, lorsque d'autres possédés qui se trouvaient derrière elle, s'affaissèrent sur eux-mêmes comme elle l'avait fait, et que leur délivrance s'ensuivit. Or, Madeleine étant tombée pour la troisième fois en proie à des convulsions violentes, le tumulte fut plus grand que jamais : Marthe courut à sa soeur, et lorsqu'elle reprit ses sens, elle fut comme hors d'elle-même, pleura abondamment et voulut aller s'asseoir a côté des saintes femmes. Ses compagnes la retinrent de force, lui dirent qu'elle ne devait pas taire de folles et on la conduisit dans l'intérieur de la ville. Alors Marthe, Lazare et quelques autres personnes se rendirent auprès d'elle et la menèrent à l'hôtellerie des saintes femmes qui étaient toutes accourues. La tourbe mondaine qui était venue avec Madeleine s'était déjà éclipsée Jésus guérit encore plusieurs aveugles et d'autres malades, puis il regagna son logis. Il guérit certains malades qui étaient restés à Azanoth même, après quoi il enseigna dans l'école. Madeleine était présente : elle n'était pas encore complètement guérie, mais profondément ébranlée. Elle n'était plus si magnifiquement vêtue : elle avait mis de côté certains ornements où figuraient spécialement des découpures d'une étoffe très fine, semblable à de la dentelle, qui ne pouvaient servir qu'un petit nombre de fois à cause de leur extrême délicatesse : en outre, elle était voilée. Jésus, dans son discours, fit plus d'une allusion à son état, et comme il jetait sur elle un regard pénétrant, elle tomba de nouveau en défaillance et il sortit encore d'elle un mauvais esprit. Ses suivantes l'emportèrent, Marthe et Marie la reçurent devant la synagogue et la ramenèrent à l'hôtellerie. Elle était comme folle, poussait des cris, pleurait, courait à travers les rues et criait aux passants qu'elle était une pécheresse livrée à tous les vices, le rebut de l'humanité. Les saintes femmes avaient beaucoup de peine à la calmer, elle déchirait ses habits, s'arrachait les cheveux se cachait tout entière dans les plis de ses draperies. Lorsque plus tard Jésus fut revenu à son hôtellerie, ou il mangea quelque chose debout avec ses disciples et quelques Pharisiens, Madeleine trouva moyen de se dérober aux soins des saintes femmes ; elle arriva les cheveux épars et sanglotant au lieu ou était .Jésus, s'ouvrit passage à travers les assistants, se jeta à ses pieds et lui demanda, en pleurant, si elle pouvait encore être sauvée. Là-dessus, les Pharisiens et les disciples se scandalisèrent et dirent à Jésus qu'il ne devait pas souffrir davantage que cette femme perdue portât le trouble partout et qu'il fallait la renvoyer une fois pour toutes. Mais Jésus répondit : " Laissez-la pleurer et gémir. vous ne savez pas ce qui se passe en elle ".

Alors il se tourna vers elle pour la consoler, lui dit qu'elle devait se repentir, croire et espérer du fond du coeur, qu'elle trouverait bientôt le repos et que pour le présent, elle pouvait s'en retourner avec confiance.

Cependant ses servantes et Marthe l'avaient suivie et elles la ramenèrent au logis : pour élie, elle ne faisait autre chose que se tordre les mains et sangloter car elle n'était pas encore entièrement délivrée, le démon la déchirait et la torturait, excitant en elle les remords de conscience les plus terribles pour la pousser au désespoir ; elle ne pouvait pas trouver de repos et se croyait perdue.

Lazare, sur la prière de Madeleine, se rendit sans délai à Magdalum pour prendre possession de tout ce qui appartenait à sa soeur, fermer sa maison et rompre toutes les relations qu'elle avait là. Elle possédait près d'Azanoth et dans le reste du pays, des champs et des vignes que Lazare avait mis précédemment sous le séquestre, à cause de ses prodigalités.

L'affluence fut si considérable aujourd'hui que Jésus, en compagnie des disciples, partit secrètement pendant la nuit et alla à environ une lieue et demie au nord-est, pour continuer sa prédication sur une autre montagne.

(Janvier 1823.) Jésus est parti cette nuit d'Azanoth pour éviter la foule. Il est allé dans le voisinage de Damna, à l'extrémité orientale de la chaîne de hauteurs sur laquelle se trouve Dothaïm. Il y a là une jolie colline propre à la prédication et une hôtellerie tenue par deux personnes. Ce matin, de bonne heure, les saintes femmes se rendirent aussi là avec Madeleine et trouvèrent Jésus entouré déjà d'une foule de gens qui venaient implorer son assistance. Dès qu'on avait su qu'il était parti, une foule de gens l'avaient suivi : ils furent imités par tous ceux qui s'étaient proposés d'aller le chercher à Azanoth, et pendant toute son instruction il arriva continuellement de nouvelles troupes.

Madeleine était assise près des saintes femmes, elle était complètement abattue et comme brisée. Le Seigneur parla en termes très sévères des péchés d'impureté : il dit que chez ceux qui en faisaient métier, on trouvait tous les vices et toutes les sortes d'abominations qui avaient fait descendre le feu du ciel sur Sodome et Gomorrhe. Il parla aussi de la miséricorde de Dieu, des jours de grâce qui étaient arrivés et il supplia pour ainsi dire ses auditeurs d'accueillir cette grâce. Pendant cette prédication, il regarda trois fois Madeleine, et trois fois je la vis tomber en défaillance, pendant qu'une vapeur noire sortait d'elle. La troisième fois les saintes femmes l'emportèrent : elle était comme anéantie, pâle, défaite et à peine reconnaissable. Ses larmes coulaient sans interruption : elle était toute transformée, elle gémissait pleine d'un ardent désir de confesser ses péchés à Jésus et d'en recevoir le pardon. Jésus vint bientôt la trouver dans un endroit écarté, Marie et Marthe la conduisirent à sa rencontre. Elle se jeta à ses pieds la face contre terre, toute en larmes et les cheveux épars. Jésus la consola et quand les autres se furent retirées, elle demanda son pardon avec des cris de douleur, et confessa ses nombreux péchés en répétant toujours : " Seigneur! puis-je encore être sauvée " ? Jésus lui remit ses péchés et elle lui demanda instamment la grâce de ne plus retomber. Jésus lui en fit la promesse, la bénit et s'entretint avec elle de la vertu de pureté Il lui parla de Marie, sa mère, qui était pure de toute atteinte du péché contraire à cette vertu : il la loua hautement et en termes magnifiques que je n'avais jamais entendu sortir de sa bouche, et prescrivit à Madeleine de s'attacher entièrement à Marie et de chercher en toute occasion auprès d'elle les conseils et les consolations dont elle aurait besoin. Lorsqu'elle alla retrouver les saintes femmes avec Jésus, il dit qu'elle avait été une grande pécheresse, mais qu'elle serait aussi le modèle des pénitentes dans tous les temps.

Epuisée par tant de fortes secousses, par la violence de son repentir et l'abondance de ses larmes, Madeleine ne ressemblait plus à un être vivant : on l'aurait prise pour une ombre errante ; mais elle était calme, quoique baignée de pleurs et brisée de fatigue. On lui prodiguait les consolations et les marques de sympathie, et elle demandait pardon à tout le monde. Comme les autres femmes partaient pour Naïm et qu'elle était trop faible pour les suivre, Marthe, Anne de Cléophas et Marie la Suphanite se rendirent avec elle à Damna, pour qu'elle y prit quelque repos avant d'aller rejoindre les autres le jour suivant. Le reste des saintes femmes se dirigea vers Naïm par Cana où je crois qu'elles passèrent la nuit.

Jésus enseigna et guérit encore, puis accompagné des disciples, il partit vers trois heures de l'après-midi dans la direction du sud-ouest, et traversant la vallée du lac des bains, il fit quatre ou cinq lieues jusqu'à Gatepher, grande ville située au penchant d'une colline entre Cana et Séphoris : on n'y a pas de vue du côté du midi. Jésus arriva vers le soir : il n'entra pas dans la ville, mais un peu plus à l'ouest dans une hôtellerie voisine d'une grotte qu'on appelle la grotte de Jean. Il y passa la nuit avec les disciples : ils étaient arrivés tard et avaient fait une partie du chemin au clair de la lune.

(2 janvier.) Le matin Jésus se dirigea vers Gatepher et je vis les préposés des écoles et les Pharisiens venir à sa rencontre pour le recevoir. Ils lui adressèrent des représentations de toute espèce et le prièrent de ne pas troubler le repos de la ville et surtout de ne pas permettre que les femmes et les enfants accourussent en foule avec leurs acclamations. Il pouvait, disaient-ils, enseigner tranquillement dans la synagogue, mais ils verraient avec peine qu'on agitât le peuple. Jésus leur répondit avec beaucoup de gravité et de force qu'il venait à ceux qui criaient vers lui et demandaient son assistance, et il repoussa leurs remontrances hypocrites. Ces Pharisiens, sur la nouvelle que Jésus allait venir, avaient fait défendre aux femmes de paraître dans les rues avec leurs enfants, d'aller à la rencontre du Nazaréen et de crier vers lui. Il était, disaient-ils, parfaitement scandaleux et absurde de faire entendre des acclamations ou il était appelé Fils de Dieu (Christ, etc.), car on savait très bien ici d'où il était, qui étaient ses parents et ses frères et soeurs. Les malades pouvaient se rassembler devant la synagogue et se faire guérir, mais on ne pouvait pas tolérer qu'on fit du bruit et du tumulte. Ils avaient aussi rangé les malades selon leur bon plaisir autour de la synagogue, comme s'ils eussent eu à régler tout ce que Jésus devait faire. Mais lorsqu'ils se rendirent à la ville avec Jésus, ils virent, à leur grand scandale que les mères entourées de leurs enfants et leurs nourrissons sur les bras remplissaient la rue et que les enfants tendaient les mains vers Jésus et criaient : "  Jésus de Nazareth, fils de David! Fils de Dieu ! Très Saint Prophète " ! Les Pharisiens voulurent faire retirer ces femmes et ces enfants, mais ce fut en vain : il en arrivait en toute de toutes les rues et de toutes les maisons, et les Pharisiens pleins de dépit se séparèrent du cortège de Jésus. Les disciples qui l'entouraient étaient un peu inquiets et craintifs, ils auraient désiré que les choses se passassent d'une façon plus calme et moins compromettante : ils voulurent renvoyer les enfants et firent des remontrances à Jésus. Mais Jésus leur reprocha leur pusillanimité et leur dit de se tenir tranquilles : il laissa les enfants se presser autour de lui et fut très affable et très amical avec eux. Il arriva ainsi sur la place qui était devant la synagogue, au milieu des acclamations continuelles des enfants qui criaient : " Jésus de Nazareth! Très Saint Prophète "! etc. Même quelques nourrissons qui n'avaient jamais parlé tirent entendre des acclamations semblables, lui rendant un témoignage bien fait pour émouvoir et persuader le peuple. Les enfants se réunirent devant la synagogue, garçons d'un côté et filles de l'autre ; les mères avec leurs nourrissons se rangèrent derrière eux. Jésus enseigna et bénit les enfants. Il enseigna aussi les mères et les gens de leurs maisons qui s'approchèrent et dont il dit qu'ils étaient aussi ses enfants. Il parla aussi à ses disciples du prix qu'avaient les enfants aux yeux de Dieu. Il dit beaucoup d'autres choses analogues à ce que l'Évangile lui fait dire dans d'autres occasions touchant les enfants. Cela fut fort désagréable aux Pharisiens et les malades furent obligés d'attendre. Il alla ensuite à eux et en guérit plusieurs, puis il enseigna dans la synagogue sur le patriarche Joseph. Il parla aussi de la dignité des enfants, parce que les Pharisiens se plaignirent de nouveau du tumulte qui avait eu lieu aujourd'hui.

Lorsque Jésus sortit de la synagogue, il vint à lui trois femmes qui voulaient lui parler en particulier. Il se retira à l'écart avec elles, alors elles se jetèrent à ses pieds et le prièrent, en pleurant, de leur venir en aide : leur maris étaient tourmentes par des esprits impurs, et quand elles s'approchaient d'eux, elles avaient aussi à subir des assauts semblables. Elles avaient appris qu'il avait délivré Madeleine, et elles le suppliaient d'avoir aussi pitié d'elles. Jésus les congédia et promit de les visiter dans leurs maisons. Il alla ensuite avec les disciples dans la maison d'un certain Siméon, homme simple et droit. Je crois qu'il faisait partie des Esséniens mariés. C'était le fils d'un Pharisien de Dabrath : il avait avec lui sa femme qui était d'un âge moyen. Jésus et les disciples mangèrent là quelque chose sans s'asseoir. Ce Siméon voulait donner tout ce qu'il possédait a la communauté ; il s'entretint à ce sujet avec Jésus.

Il alla alors chez les femmes qui avaient imploré son secours et s'entretint avec elles et avec leurs maris. Elles n'avaient pas dit exactement la vérité en rejetant la faute sur leurs maris : elles-mêmes étaient en proie à des tentations d'impureté. Jésus exhorta les maris et les femmes à vivre unis, à prier, à jeûner et à faire l'aumône. Après le sabbat, ces femmes malades le suivirent pour assister à une prédication qu'il devait faire sur une montagne, un peu au nord du Thabor.

Jésus ne s'arrêta pas ici, mais il alla au midi, se dirigeant vers Kisloth où avaient déjà passé aujourd'hui les saintes femmes allant à Naïm, et aussi celles qui étaient restées en arrière avec Madeleine Sur le chemin, Jésus donna encore des instructions aux apôtres sur ce qu'ils auraient à faire et sur la conduite qu'ils devraient tenir lorsqu'ils se rendraient dans la Judée, où ils ne seraient pas aussi bien accueillis qu'ils l'avaient été jusqu'à présent. Il leur traça de nouveau des règles pour l'imposition des mains et l'expulsion des démons, et leur donna encore une fois sa bénédiction pour qu'ils reçussent par là une nouvelle force et une plus grande abondance de grâce.

J'ai oublié de dire qu'il était venu avec Lazare deux disciples de Jérusalem, parents de celui-ci par un frère de sa mère, si je ne me trompe, et qui se réjouirent singulièrement de la délivrance de Madeleine. Il avait été en outre accompagné à Dothaïm par trois hommes venus d'Egypte, que Jésus avait admis parmi ses disciples, après leur avoir représenté toutes les épreuves qui les attendaient. L'un d'eux s'appelait Cyrinus. Ils avaient été compagnons d'enfance de Jésus en Egypte : c'étaient des gens d'environ trente ans. Leurs parents n'avaient cessé de regarder comme un lieu sanctifié l'habitation de la sainte Famille dans ce pays avec la fontaine qui l'avoisinait. Ils visitèrent Bethléhem et Béthanie : ils rendirent aussi visite à Marie a Dothaïm et lui portèrent les salutations de leurs parents.

(3 janvier.) Dans la matinée, des Pharisiens de Nazareth vinrent trouver Jésus à Kisloth pour l'inviter à venir dans sa patrie. Les Pharisiens qui précédemment avaient voulu le précipiter du haut du rocher, n'étaient plus à Nazareth : il y en avait d'autres venus d'une grande ville où cette secte a de nombreux adhérents. Ils dirent à Jésus qu'on espérait qu'il visiterait sa patrie et qu'il y ferait aussi des signes et des miracles. Tous les habitants désiraient vivement d'entendre ses enseignements, et il pourrait aussi guérir ses compatriotes malades : seulement ils lui demandaient une fois pour toutes de ne pas guérir le jour du sabbat. Jésus leur dit qu'il irait et qu'il célébrerait le sabbat mais qu'ils se scandaliseraient à son sujet. et quant à ce qui touchait les guérisons, qu'il aurait égard à leur désir, mais que ce serait à leur détriment. Alors ils retournèrent à Nazareth, et Jésus prit plus tard le même chemin instruisant ses disciples sur la route.
Jésus arriva vers midi à Nazareth : il vint à sa rencontre beaucoup de curieux et aussi plusieurs gens de bien : on lava les pieds aux arrivants et on leur présenta la réfection accoutumé. Jésus avait deux disciples de Nazareth, Parmenas et Jonadab. Il alla avec sa suite chez la mère de Jonadab qui était veuve. Les disciples en question avaient été ses amis d'enfance. C'étaient eux qui l'avaient accompagné à Hébron lors de son premier voyage après la mort de saint Joseph. Je crois qu'après cela on leur donna contre lui des préventions qui durèrent un certain temps. Il les envoyait souvent porter des messages.

Jésus alla visiter quelques malades qui l'avaient fait prier de les assister et qu'il savait être croyants et avoir besoin de son secours. Sur le chemin, plusieurs se présentèrent devant lui, ou seulement pour l'éprouver, ou avec la prétention d'être guéris : mais il passa outre. Cependant un jeune Essénien qui avait un côté paralysé depuis sa naissance lui avant été amené et ayant imploré son assistance, il le guérit dans la rue : il fit de même pour deux aveugles. Ensuite il entra dans quelques maisons et guérit plusieurs personnes atteintes de maladies très graves, notamment des vieillards des deux sexes. Il y avait parmi eux des gens arrivés au dernier degré de l'hydropisie et une femme dont le corps était horriblement enfle. Il ne guérit en tout qu'une quinzaine de personnes. Anne Catherine en fit alors le compte, rappelant ses souvenirs et disant : " Tant d'aveugles, tant de sourds et muets, tant de paralytiques ", et ainsi de suite. Jésus alla ensuite à la synagogue où des malades s'étaient aussi rassemblés : mais il passa devant eux sans s'arrêter. Il célébra le sabbat, et je ne me souviens pas qu'il y ait eu aucun trouble. La lecture du sabbat était tirée de l'Exode, à l'endroit où Dieu parle à Moise en Egypte, et des chapitres XXVIII et XXIX d'Ezéchiel.

Jésus a pris son repas et passé la nuit dans la maison du disciple Jonadab. Les parents de Parménas avaient suivi la sainte Famille lorsqu'elle quitta Nazareth (voir tome 1, page 152)

(4 janvier.) Dans la matinée, je vis Jésus enseigner dans la synagogue, mais il ne guérit plus personne. A midi, je le vis, en compagnie de ses disciples et de quelques gens de bien de Nazareth, faire la promenade qui se fait d'ordinaire le jour du sabbat : il alla sur le chemin de Séphoris jusqu'à un petit endroit assez voisin. Le chemin de Nazareth à Séphoris est assez uni et se dirige vers le nord ; près de Séphoris il y a une montée d'un quart de lieue à peu près. J'ai appris à cette occasion que Jésus n'ira plus jamais à Séphoris. Je vis Jésus enseigner quelques troupes d'hommes dans le petit village en question. Quelques ménages où il y avait des querelles ou des dissensions vinrent se jeter à ses pieds et il réconcilia des époux, des voisins, etc., mais il ne guérit personne. Sur ce chemin il fut accosté de nouveau par les deux jeunes gens qui, plus d'une fois déjà, l'avaient prié de les prendre avec lui. Il leur demanda encore s'ils voulaient quitter leur maison et leurs parents, distribuer leur bien aux pauvres, obéir aveuglément et souffrir la persécution mais ils haussèrent les épaules et se retirèrent.

Je vis encore Jésus visiter à Nazareth la maison de ses parents : elle était bien en ordre, mais inhabitée. Il rendit aussi visite à la soeur aînée de Marie, mère de Marie de Cléophas, qui prenait soin de cette maison, mais ne l'habitait pas. Je crois que cette femme, qui est déjà vieille, est remariée. Elle habite ici et possède des troupeaux. Jésus alla ensuite avec les disciples a la synagogue, il parla avec beaucoup de force et de véhémence, appela Dieu son Père céleste, et annonça les châtiments qui allaient fondre sur Jérusalem et sur tous ceux qui ne l'écouleraient pas. Il s'adressa aussi publiquement à ses disciples, parla d'une persécution qu'ils auraient à subir et les exhorta à être persévérants et fidèles, etc. Quand les Pharisiens apprirent qu'il ne voulait pas rester ici et qu'il n'y guérissait plus personne, ils cessèrent de se contenir et se mirent à tenir des propos comme ceux-ci : " Qui est-il donc? Qui prétend-il être ?où a-t-il pris sa doctrine? Il est pourtant d'ici, son père y était charpentier ; ses parents, ses frères, ses soeurs, sont d'ici "! Ils désignaient par ces derniers mots Marie d'Héli, fille aînée de sainte Anne, les enfants de celle-ci, Jacob, Eliacim et Sadoch, disciples de Jean, leur soeur Marie de Cléophas ainsi que ses fils et ses filles (Math. XIII, 55-57. Marc, VI, 3). Jésus ne leur répondit pas et continua à enseigner tranquillement ses disciples. Un Pharisien étranger du pays de Séphoris se montra particulièrement insolent et dit : " Qui es-tu donc ? As-tu oublié qu'il y a quelques années, un peu avant la mort de ton père, tu as travaillé avec lui dans ma maison à faire dés cloisons en bois? "Comme Jésus ne répondait pas, ils se mirent à crier : " Réponds donc! est-ce l'usage de ne pas répondre à des hommes respectables "! Jésus alors parla à peu près en ces termes à cet insolent : " J'ai travaillé autrefois ton bois, je t'ai regardé et j'ai gémi de ne pouvoir te débarrasser toi-même de la dure écorce dont ton coeur est resté enveloppé comme tu le fais voir maintenant. Tu n'auras pas de part à mon royaume quoique je t'aie aidé à construire ta demeure sur la terre "... Jésus dit encore : " Nulle part un prophète n'est sans honneur, si ce n'est dans sa patrie, dans sa maison, dans sa famille ".

Mais rien ne les scandalisa plus que certains enseignements qu'il adressa à ses disciples et qu'on trouve dans l'Evangile à un endroit où sont réunis ensemble tous les enseignements de ce genre. C'étaient particulièrement des discours comme ceux-ci : " Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. -- Sodome et Gomorrhe seront moins sévèrement traitées le jour du jugement que ceux qui ne voudront pas vous recevoir. Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive ".

Anne Catherine cita plusieurs autres textes du même genre qui se trouvent dans saint Mathieu (X, 5-42) : il y en a, parmi ceux que donne l'Evangéliste, qu'elle ne croit pas avoir encore entendus. Ces discours ne s'adressaient qu'à ces disciples qui se dirigeaient alors avec Jésus vers la Judée où il allait affronter des persécutions.

Après le sabbat, il y avait encore là beaucoup de gens qui voulaient être guéris, mais il ne les guérit point, au grand scandale des Pharisiens : il se trouva quelques individus pour imiter l'insolence du Pharisien de la synagogue : ils criaient à Jésus : " Te souviens-tu de ceci, de cela " ? et ils citaient les endroits où ils l'avaient vu autrefois. Les Pharisiens lui dirent aussi qu'il avait cette fois une suite moins nombreuse qu'à son premier voyage, et ils lui demandèrent s'il n'irait pas chez les Esséniens qu'ils ne pouvaient pas souffrir. En général les Esséniens n'allaient guère aux prédications publiques de Jésus. Lui, de son côté, parlait d'eux rarement. Ceux des Esséniens qui avaient le plus de lumières entrèrent plus tard dans la communauté chrétienne. Ils ne faisaient pas d'opposition à Jésus et le reconnaissaient comme le Fils de Dieu.

Jésus alla encore voir ces Esséniens chez lesquels il avait été à son précédent voyage : il y prit un petit repas avec les disciples et y enseigna jusqu'assez avant dans la nuit. Vers dix heures arrivèrent Pierre, Matthieu et Jacques le Mineur : ils avaient laissé les autres apôtres dans les environs de Séleucie, à l'est du lac Mérom : André, Thomas, Saturnin qui étaient arrivés récemment et encore un autre apôtre, si je ne me trompe, allèrent les remplacer.

Jésus, accompagné des disciples, quitta Nazareth vers une heure après minuit : Jésus fit deux lieues dans la direction du Thabor jusqu'au petit endroit où il avait récemment guéri un lépreux, lors de son retour à Capharnaum après la résurrection du jeune homme de Naim.

On a annoncé depuis quelques jours une prédication qui doit avoir lieu demain sur une hauteur voisine du versant sud-ouest du Thabor, à une demi lieue environ de l'endroit où commence le Thabor proprement dit : mon état de souffrance m'a fait oublier de le dire plus tôt.

Sur tout le chemin qu'il parcourut pendant la nuit, il vint des gens qui imploraient son assistance. Jésus entra chez le maître d'école du village, lequel, comptant sur son arrivée, avait déjà reçu chez lui plusieurs malades. Il guérit ici un muet. Le jeune garçon qui l'autre fois s'était montré si intelligent en portant à Jésus le message de son maître le lépreux, se trouvait chez le maître d'école. Jésus s'entretint avec lui : il s'appelle Samuel, et s'unira plus tard aux disciples.

(5 janvier.) L'homme auquel appartenait cet endroit et que Jésus avait guéri de la lèpre le 22 novembre, vint aussi le voir et le remercier. Il l'implora en faveur de plusieurs lépreux pour lesquels il avait fait élever des cabanes de toile devant le village, près du chemin où Jésus avait passé : il fit aussi des ouvertures a propos de certaines parties de son bien, qu'il voulait donner pour fournir aux frais des voyages de Jésus.

Comme le jour commençait à poindre, Jésus sortit de la maison pour aller sur le chemin, où il savait bien que quelques pécheurs honteux l'attendaient. Ils étaient cinq, tant hommes que femmes, et ils l'imploraient se tenant en dehors du chemin. Jésus alla à eux : ils se jetèrent à ses pieds, et une des femmes prenant la parole, lui dit : " Seigneur, nous sommes de Tibériade, nous n'avions pas osé jusqu'à présent implorer votre assistance : mais nous avons appris comment vous avez eu pitié même de Madeleine que vous avez délivrée et à laquelle vous avez pardonné ses péchés. Cela nous a encourages et nous vous avons suivi ici. Seigneur, ayez pitié de nous! Vous pouvez nous guérir, nous aussi, et nous purifier, vous pouvez nous remettre nos péchés "! Les hommes et les femmes se tenaient séparés les uns des autres. Ces gens avaient été atteints de la lèpre et d'autres maladies, dont leurs désordres étaient en partie la cause : l'une des femmes était tourmentée par un esprit impur et sujette à des convulsions.

Jésus les rassura et il alla à l'écart avec quelques-uns pour entendre leurs aveux détailles, en tant que la chose était nécessaire pour augmenter leur repentir et rendre leur contrition plus vive. Il ne fit pas cela avec d'autres, parce qu'il savait qu'ils n'en avaient pas besoin. Ensuite il les guérit et leur remit leurs péchés : ils fondirent en larmes de reconnaissance et lui demandèrent ses ordres. Il leur ordonna de ne pas retourner à Tibériade, mais de se rendre dans un autre endroit. J'appris aussi à cette occasion que Jésus n'ira jamais à Tibériade, où du reste je ne l'ai jamais vu. Ils allèrent plus tard l'entendre prêcher sur la montagne.
Jésus se rendit alors à la tente des lépreux : ils étaient au nombre de quatre ou cinq. Il les guérit, les exhorta et leur ordonna d'aller à Nazareth se. montrer aux prêtres.

Les guérisons de ce genre ne retiennent pas longtemps Jésus : cependant il n'a jamais l'air pressé : il procède avec dignité et avec mesure, mais avec décision et sans beaucoup de paroles : il n'y a rien qui ne frappe et ne porte coup Les consolations et les avis, la douceur et la sévérité se mêlent dans une juste proportion : la patience et la charité surabondent : pourtant tout se fait sans précipitation, tout va droit au but sans le perdre de vue un seul instant. Il y en a plusieurs au devant desquels il va, il semble même courir à eux en s'écartant de son chemin, comme un homme compatissant qui vole au secours d'un de ses frères. Il y en a d'autres dont il se détourne. les laissant aller à sa suite et l'implorer plus longtemps.

Quant à l'instruction donnée sur la montagne, la maladie m'en a ôté le souvenir et je n'en puis rien répéter que confusément. L'endroit où Jésus enseigna était un bel emplacement avec une chaire en pierre du haut de laquelle avaient aussi enseigné les anciens prophètes. La vue s'étend de là par delà la vallée d'Esdrelon et sur la contrée de Mageddo. Il était venu un grand nombre de personnes des villes environnantes : il y avait beaucoup de malades, dont plusieurs de Nazareth, que Jésus n'avait pas guéris lors du séjour qu'il y fit et qu'il guérit ici. Il s'y trouvait aussi des possédés qu'il délivra et qui le glorifièrent. Il enseigna de nouveau ici sur les quatre premières béatitudes, raconta quelques paraboles, parla de la pénitence et de l'avènement du royaume de Dieu, et pria ses auditeurs en termes très touchants d'accueillir la grâce pendant qu'il en était temps encore. Les apôtres étaient présents, parce qu'ils devaient répéter ces enseignements à leur manière lors de leurs prochaines excursions.

Vers midi, je vis Jésus au bas de la montagne réunir en particulier autour de lui les apôtres et les disciples. Il les envoya prêcher, à l'exception de Pierre, de Jean et de quelques disciples qui devaient rester auprès de lui. Ils devaient aller deux par deux et suivre trois routes différentes : les uns devaient parcourir la vallée du Jourdain ; les autres, la vallée qui va vers Dothan ; d'autres enfin, la partie occidentale du pays en se rapprochant de Jérusalem C'est ici que je l'ai entendu leur donner pour instructions d'aller sans argent, sans besace, avec un seul vêtement et un bâton à la main, de ne pas s'adresser aux païens ni aux Samaritains, mais seulement aux brebis perdues de la maison d'Israël ; leur dire comment ils devaient se comporter dans les maisons, secouer la poussière de leurs souliers et prêcher la pénitence (voyez Matthieu, X, 9, etc. Marc, VI, 10-11. Luc, IX, 1-5). Il leur parlait ainsi parce que la partie du pays où ils allaient était plus hostile et parce qu'après la mort de Jean, qui était prochaine, on était menacé d'une persécution. Ils trouvaient dans la contrée où ils allaient des hôtelleries préparées pour eux : ce qui faisait qu'ils n'avaient pas besoin d'argent. Les apôtres qui avaient été envoyés dans la haute Galilée et de l'autre côté du lac avaient reçu un peu d'argent. Maintenant les temps étaient changes et ils avaient affaire à un autre pays.

Avant le départ, Jésus leur donna sa bénédiction : il leur donna encore quelques instructions sur la manière d'opérer les guérisons et de chasser les démons, et il bénit l'huile dont ils auraient à se servir pour guérir les malades. Il dit aussi à quelques-uns d'entre eux en quel endroit ils devaient le rejoindre.

Jésus guérit encore plusieurs malades et congédia le peuple, puis accompagné de Pierre, de Jean et des disciples, il fit trois lieues en se dirigeant au midi vers Sunam. Plusieurs personnes de cette ville le suivirent, entre autres un homme qui, lors de son dernier voyage de Samarie en Galilée, l'avait prié un soir, dans l'auberge voisine d'Endor, de venir visiter son fils malade. Cet homme adressa encore la même requête à Jésus qui alla avec lui.

J'ai oublié de dire que les deux femmes démoniaques de Gatepher avaient suivi Jésus ici pour assister à sa prédication sur la montagne et qu'il les délivra en leur imposant les mains.

Je vis, à une époque très reculée, longtemps avant l'arrivée d'Abraham, trois hommes d'un teint plus basané que ce patriarche, habiter ici dans des cavernes. Ils n'avaient pour vêtements que des peaux de bêtes et ils attachaient une large feuille d'arbre sur leur tête pour se préserver du soleil. Je crois qu'ils vivaient déjà à l'époque où l'on éleva la tour de Babel car je me rappelle confusément que l'un d'eux ne s'y trouvait pas. Ils étaient, si je ne me trompe, du pays du grand chasseur qui habitait sur la montagne (c'est ainsi qu'elle désigne ordinairement Nemrod ou Bélus). C'étaient des gens dans le genre d'Hénoch ; ils menaient une vie sainte, avaient une religion privée très simple, et recevaient diverses révélations : leurs occupations étaient peu variées. C'était un point de leur religion que Dieu voulait contracter une alliance avec les hommes et qu'ils devaient s'employer de tout leur pouvoir à la préparer. Ils offraient des espèces de sacrifices qui consistaient à exposer à la chaleur du soleil, pour s'y consumer, la troisième partie de leurs aliments : peut- être aussi la mettaient- ils de côté pour nourrir d'autres hommes affamés ; du moins je les vis aussi faire ainsi. Je voyais ces gens vivre très simplement, à part des habitants encore peu nombreux du pays, lesquels demeuraient à de grandes distances les uns des autres dans des endroits où s'élevaient comme des villes de tentes. Je vis ces hommes parcourir les différentes parties du pays, creuser des puits, défricher des terrains incultes et poser des fondements dans des endroits où, plus tard, des villes furent bâties. Je les vis dans certaines contrées, chasser les mauvais esprits répandus dans l'air et les reléguer dans d'autres lieux malsains, marécageux, couverts de brouillards. Je vis de nouveau à cette occasion que les mauvais esprits se tenaient de préférence dans des contrées de ce genre. Je vis souvent ces hommes en lutte avec ces esprits impurs et leur livrer des combats. Je m'étonnais d'abord que des villes dussent s'élever sur les emplacements où ils posaient des pierres, parce que les traces de leur passage ne tardaient pas à disparaître sous une végétation sauvage, et cependant j'eus une vision où me furent montrés beaucoup d'endroits qui avaient été bâtis sur ces pierres, par exemple Saphet, Bethsaïde, Nazareth, où ils travaillèrent à la grotte, dans laquelle plus tard Marie reçut le message apporté par l'ange ; Gatepher, Séphoris, dans la contrée voisine de Nazareth où fut la dernière résidence de sainte Anne, Mageddo, Naïm, les sources d'Ainon, les grottes de Bethléhem : je vis aussi des pierres posées près d'Hébron : je les vis encore jeter les fondements de Michmethath et de beaucoup d'autres villes que j'ai oubliées.

Je les voyais se réunir tous les mois, avec Melchisédech, sur la montagne où Jésus enseigna : Melchisédech leur apportait un grand pain de forme quadrangulaire : ce pain avait bien trois pieds carrés, il était assez épais et partagé en beaucoup de petits compartiments. Il était cuit sous la cendre et de couleur brunâtre. Je vis Melchisédech se rendre toujours seul auprès d'eux : je le voyais quelquefois porter ce pain sans le moindre effort, comme s'il eût été soutenu en l'air dans sa main ; quelquefois, lorsqu'il s'approchait d'eux, il le portait sur ses épaules, et semblait éprouver quelque fatigue. C'était, à ce que je crois, parce qu'en s'approchant d'eux, il devait avoir toute l'apparence d'un homme. Ils lui témoignaient beaucoup de respect et se prosternaient devant lui la face contre terre. Melchisédech venait les trouver tous les mois, toujours seul et apportant ce pain. Je le vis aussi alors résider près du Jourdain dans une espèce de château formé de tentes : il n'était pas encore entouré de serviteurs de toute sorte. Ce ne fut que plus tard qu'il posa des pierres fondamentales et commença à bâtir sur la montagne du temple à Jérusalem. Melchisédech apprit à ces hommes à cultiver la vigne sur les pentes du Thabor : ils propagèrent en beaucoup d'endroits du pays les semences de divers végétaux qu'il leur avait donnés et qui croissent encore dans ces contrées à l'état sauvage. Je les voyais chaque jour couper une tranche de pain avec une bêche de couleur brune dont ils se servaient pour leurs travaux. Ils mangeaient aussi des oiseaux qui volaient à eux en grand nombre. Ils avaient des jours de fête et connaissaient le cours des astres : ils fêtaient le huitième jour par des sacrifices et des prières, et célébraient pendant quelques jours le passage d'une année à l'autre. Je les vis aussi tracer dans la contrée, alors impraticable, des chemins aboutissant aux lieux où ils avaient posé des pierres fondamentales, creusé des puits, semé des plantes utiles, en sorte que les hommes qui vinrent plus tard, suivirent ces chemins et s'établirent tout naturellement près des puits et des emplacements déjà préparés et produisant des fruits. Je vis que pendant leurs travaux, ils étaient souvent entourés de troupes de mauvais esprits visibles pour eux ; mais à l'aide de la prière et en leur intimant des ordres, ils les reléguaient dans des lieux déserts et marécageux, après quoi ils continuaient paisiblement leurs travaux, nettoyaient le terrain et l'assainissaient.

Ils firent des chemins conduisant à Cana, à Mageddo, à Naim : ils préparèrent de cette manière la fondation des villes Ou naquirent la plupart des prophètes. Ils posèrent les fondements d'Abelmehola et de Dothaim, et creusèrent la belle fontaine des bains de Béthulie. Melchisédech parcourait encore le pays seul et comme un étranger ; on ne savait pas où il résidait. Ces gens étaient vieux, mais encore très agiles. Dans la contrée où fut plus tard la mer Morte et dans la Judée, il y avait déjà des villes : il s'en trouvait aussi quelques-unes dans la partie supérieure du pays, mais pas encore dans le centre.

Ces hommes creusèrent eux-mêmes leurs tombeaux et s'y couchèrent avant de mourir. L'un d'eux avait le sien près d'Hébron, l'autre ici au pied du Thabor, le troisième dans une des grottes qui avoisinent Saphet. Ils furent à certains égards pour Abraham ce que Jean-Baptiste fut pour Jésus. Ils disposèrent et nettoyèrent le terrain, préparèrent le chemin et tracèrent aux eaux leur cours pour l'ancêtre du peuple de Dieu : quant à Jean, il disposait les coeurs à la pénitence et à la régénération en Jésus-Christ. Ils firent pour Israël ce que Jean fit pour l'Église. J'ai vu encore dans d'autres endroits quelques hommes semblables à ceux-là ; je crois qu'ils y avaient été établis par Melchisédech '.

J'ai oublié de dire que Jésus, lorsqu'il descendit de la montagne où il avait enseigné, guérit encore, avant de passer le torrent de Cison, un pauvre lépreux tout à fait abandonné et tombé dans le mépris. Il était déjà depuis vingt ans dans ce misérable état ; on n'avait pas voulu le lui conduire et il habitait seul une cabane de toile voisine du chemin. Jésus s'empressa d'aller à lui, le guérit et l'envoya à la suite des autres se montrer aux prêtres à Nazareth.

Note : Le moine Brocard, qui visita la Palestine en 1238, dit dans le récit de son voyage qu'on montrait au pied du Thabor, au midi, en face d'Endor, le lieu où Melchisédech avait présenté à Abraham le pain et le vin. On trouve aussi dans des récits de voyages postérieurs des traces de cette tradition, qui selon d'autres, ne peut pas se soutenir, mais qui a peut-être pour fondement un souvenir confus touchant cette montagne du pain.

Jésus arriva à Sunam au crépuscule du soir et il entra avec Pierre et Jean chez l'homme qui l'avait imploré en faveur de son enfant malade. Tous les enfants de cet homme étaient dans un triste état : un de ses fils, âgé d'environ seize ans et très grand pour son âge, était sourd et muet. Il était couché par terre et sujet à des convulsions affreuses pendant lesquelles il se tordait et se courbait en arrière, de telle sorte que sa tête allait toucher ses talons : avec cela, il ne pouvait pas marcher et était complètement paralytique. Un autre fils était idiot et s'effrayait de tout : et il avait encore deux filles dans un état à peu près semblable. Jésus guérit dès ce soir le muet attaqué de convulsions. Pierre et Jean étaient allés dans la ville. Jésus était dans la chambre du malade, seul avec les parents : il s'agenouilla près de sa couche et pria : puis, s'appuyant sur la main, il se pencha sur je visage de l'adolescent comme s'il lui eût soufflé dans la bouche : après quoi, il le prit par la main et se leva. Le jeune homme se redressa sur ses pieds de toute sa hauteur et Jésus lui fit faire quelques pas en avant et en arrière. Alors il le conduisit seul dans une autre chambre, fit un mélange de terre et de salive dont il lui frotta l'intérieur des oreilles, et lui passa sous la langue les deux premiers doigts de la main droite : sur quoi le jeune homme cria d'une voix perçante et étrange : " J'entends, je puis parler ". Les parents et les domestiques se précipitèrent dans la chambre et l'embrassèrent fondant en larmes et poussant des cris d'allégresse. Ils se prosternèrent devant Jésus et se roulèrent à ses pieds avec leur enfant, transportés de joie et sanglotant. Jésus s'entretint en particulier avec le père et lui dit qu'une faute dont son père s'était rendu coupable pesait sur lui. Cet homme demanda à Jésus si le châtiment s'étendrait jusqu'à la quatrième génération. Jésus lui répondit que s'il l'expiait par la pénitence, cette faute pourrait être effacée.

(6 janvier. ) Le lendemain, Jésus guérit de leur idiotisme, par l'imposition des mains, l'autre fils et les deux filles de son hôte. Quand ils furent guéris, ils restèrent saisis d'étonnement, comme s'ils fussent sortis d'un songe : auparavant ils croyaient toujours qu'on voulait les tuer, et le feu leur inspirait une grande frayeur. Hier, Jésus, après avoir guéri l'adolescent, lui dit, contre sa coutume, d'aller raconter à tous ce qui lui était arrivé. Il s'ensuivit un grand concours de peuple, une nombreuse affluence de malades, et ce matin, je vis Jésus enseigner dans la rue, guérir et bénir beaucoup d'enfants.

Je le vis ensuite avec Pierre et Jean marcher très vite tout le jour et toute la nuit ; ils traversaient la plaine d'Esdrelon dans la direction de Ginnim et ils se reposaient rarement. J'entendis Jésus dire sur le chemin que la fin de Jean était proche et qu'ensuite on chercherait aussi à s'emparer de lui : mais il ne convenait pas qu'il se livrât. Je crois avoir compris qu'ils veulent aller à Hébron consoler les parents de Jean et empêcher qu'on ne se soulève. J'ai vu plusieurs fois Jésus aller dans divers lieux sur cette route et il y a eu plusieurs incidents dont je ne me souviens plus.

Je vis cette nuit les saintes femmes à Dothan près de Samarie : il y avait, outre Marie, Véronique, Suzanne, Madeleine et Marie la Suphanite : elles logent chez cet Issachar que Jésus a guéri récemment (le 2 novembre ou 19 Marcheswan). Celles-ci ne vont jamais dans s hôtelleries : mais Marthe, Dina, Jeanne Chusa, Suzanne, fille d'Alphée, Anne de Cléophas, Marie, mère de Jean Marc, et Maroni sont allées deux à deux visiter les hôtelleries pour voir ce qui peut y manquer. Elles sont à peu près une douzaine.

(7 janvier.) Je vis de très bonne heure dans la matinée Jésus et les deux apôtres au midi de Samarie, et je vis les nouveaux disciples égyptiens avec le fils de Jeanne Chusa venir les trouver en partant d'un point situé à l'est. Ces disciples égyptiens ont déjà passé plus d'un an à Hébron où ils ont étudié : depuis longtemps aussi ils se sont trouvés, à Bethléem et à Béthanie, en rapports intimes avec Lazare et avec d'autres disciples, en sorte qu'ils sont parfaitement informes.

Je vis plus tard Jésus avec ses compagnons arriver près de ces maisons de bergers où les saintes femmes s'étaient réunies à lui après son premier entretien avec la Samaritaine (voir tome II, p. 195), et où il avait guéri le fils du maître de la maison. Je suis portée à croire que ce jeune homme est l'un des trois qui l'accompagnèrent plus tard dans sa visite aux trois rois. Ils prirent ici une réfection et se reposèrent un peu.

Dans une vision postérieure, j'ai vu Jésus enseigner près d'un puits les gens qui travaillaient dans les champs d'alentour, et leur raconter la parabole du trésor caché et celle de la drachme perdue et retrouvée. Cette dernière parabole fit rire quelques-uns des auditeurs : ils trouvaient étrange que la femme balayât toute la maison pour sa drachme perdue, parce qu'ils avaient souvent perdu plus que cela sans se donner tant de peine. Mais lorsque Jésus les traita d'insensés et leur expliqua ce que c'était que cette drachme et quelle vertu représentaient ces recherches minutieuses, ils restèrent confus et cessèrent de rire.

Ces gens étaient occupés à battre le blé qui était resté amoncelé dans les champs. Ils employaient pour cela des marteaux de bois qui se levaient et retombaient au moyen d'un cylindre mis en mouvement : plusieurs hommes poussaient le blé sous ces marteaux et le retiraient ensuite. Ils se servaient, en guise d'aire, d'une cuve taillée dans le roc qui était fort consistant et veiné de diverses couleurs : un grand arbre recouvrait le tout.

Jésus enseigna encore ça et là dans les champs, après quoi il alla à la ville assez voisine de Thanath-Silo, en compagnie de quelques-uns des ouvriers qu'étaient de cet endroit. Les habitants le reçurent très amicalement devant la ville. lui offrirent une réfection, lui lavèrent les pieds et voulurent lui faire prendre d'autres vêtements, ce qu'il n'accepta pas. Il enseigna dans la synagogue où il raconta la parabole du roi qui donne un grand festin.