CHAPITRE CINQUIEME. Jésus à Capharnaum et à Cana Du 18 juin au 30 juin. Jésus dans la maison de sa très sainte mère, à Capharnaum. Il bénit des enfants malades -Les disciples lui rendent compte de ce qu'ils ont fait pendant son voyage en Chypre.-.Jésus place les convertis sous la protection de sa très sainte mère.-La famille de Pierre.- Jésus célèbre le sabbat à la synagogue.-il guérit des enfants malades et fait la clôture du sabbat.-Opposition des Pharisiens-Jésus enseigne devant ses disciples.-Arrivée de saint Pierre. Il raconte avec enthousiasme ce qu'il a fait, et il est repris par Jésus.-Jésus à Cana -sur la montagne voisine de Gabara.-Retour à Capharnaum. -instruction du sabbat à la synagogue.-Repas chez un Pharisien.- Instruction sur la montagne d'où il a envoyé ses disciples en mission. Détails sur Eleutheropolis. De l'ordonnance des saints Evangiles. Jésus à Bethsaide-Juliade. 18 juin . Pendant toute la journée il arriva des environs de Bethsaïde, de Capharnaum et de Juliade, beaucoup de disciples et d'autres personnes qui voulaient saluer Jésus et s'entretenir avec lui. Il y eut toujours du monde dans la cour et le jardin attenants à la maison de sa très sainte mère. Le nombre des disciples qui se sont réunis ici monte bien à une trentaine. Je n'ai pas vu de repas, mais j'ai vu par intervalles offrir quelque chose à manger aux arrivants. Les femmes étaient continuellement occupées à préparer les aliments apportés par les disciples. La Samaritaine, Marie, mère de Marc et Marie de Cléophas sont là, ainsi que Jean Marc et les fils de Siméon : mais, il n'y a encore aucun des apôtres. Parmi les disciples, il y en a quelques-uns qui viennent de Judée et qui ont annoncé à Joppé l'arrivée de navires portant deux cents Juifs de l'île de Chypre. Barnabé, Mnason et son frère sont là pour les recevoir. Jean est en Judée chez les parents de Zacharie, à Juta ou à Hébron. Il s'occupe des mesures Sq prendre pour l'entretien de ces Chypriotes Les Esséniens le secondent en cela. Ils s'établiront provisoirement dans des grottes des environs jusqu'à ce qu'on ait assigné à chacun sa destination. Quant aux Juifs de la contrée d'Ornithopolis, la Syrophénicienne et Lazare ont pris des arrangements pour les établir au midi près de Ramoth Galaad. Aujourd'hui Lazare, Jean Marc, le fils de Siméon et un autre encore sont repartis pour la Judée chargés de divers arrangements à prendre. Lorsque Jésus se réunit aux siens et aux saintes femmes, j'ai entendu parler de la mort de personnes de connaissance. Héli, cet homme de Juta ou d'Hébron, et, chez lequel Jésus a consolé ses amis affligés à propos de la mort de Jean Baptiste, et qui faisait les fonctions du père de famille dans la cène pascale de l'an passé (tome IV, page 149), a eu deux de ses fils égorgés : ils faisaient leur service à la fête en qualité de lévites et ils ont péri dans la mêlée, sans qu'il y eût de leur faute et sans pouvoir faire de résistance. Jésus a dit qu'ils avaient fait une bonne mort. Il est possible que Jean soit venu dans ce pays pour consoler leurs familles. Les possédés de Gergesa guéris par Jésus et devenus ensuite ses disciples sont auprès de Pierre, ainsi qu'André, Jacques le Majeur et d'autres encore. Les disciples et les autres arrivants logent, soit dans maison que Pierre possède en avant de Capharnaum et qui est destinée à en recevoir un certain nombre, soit à Bethsaide, soit dans la maison d'école à Capharnaum. Jésus seul habite la maison de Marie : elle n'a pas de serviteurs. Quelques disciples sont dans le voisinage. 19 juin . Les saintes femmes resteront ici pour le sabbat : elles habitent, les unes près de Marie, les autres dans la maison de Pierre qui est devant la porte de la ville ou dans d'autres maisons d'amis. Marie n'a pas de serviteur mâle chez elle, mais seulement une servante qui est sa parente. La maison est composée, comme d'ordinaire, de grandes pièces, et l'on multiplie les chambres à l'aide de cloisons mobiles. Il y a sur le devant une cour avec une salle ouverte, et un assez grand jardin dont un homme de confiance prend soin. Ce matin Jésus alla avec quelques disciples à la maison de Pierre en avant de Capharnaum. Il visita la femme de Pierre, sa belle-mère et sa belle-fille. Il y avait dans les bâtiments attenants plusieurs pauvres malades qu'elles avaient reçus par pitié pour en prendre soin : Jésus alla les voir et en guérit quelques-uns. Il alla ensuite à Capharnaum, sur la place du marché, dans la maison d'un fabricant de tapis : c'était devant cette maison que le 11 avril de cette année, il avait béni le petit garçon d'un marchand voisin et l'avait présenté a ses disciples. Elle est habitée par des gens excellents très dévoués à la Mère et aux amis de Jésus et qui vénèrent profondément Jésus, voyant en lui un grand prophète ou le Messie. Ils ont plusieurs enfants avec lesquels Jésus s'entretint, qu'il enseigna et qu'il bénit. Quelques-uns d'entre eux étaient malades et Jésus les guérit à la prière des parents. Plusieurs de ces enfants sont devenus disciples, spécialement un d'entre eux qui était à Césarée lorsque Saint Paul y fut retenu prisonnier. Celui-ci avait toujours eu un grand amour et une grande vénération pour la sainte Vierge. Je crois en avoir déjà parlé. Les parents du Petit garçon béni par Jésus le 11 avril, lequel était retenu au lit par la même maladie, ayant entendu les cris de joie causés par ces guérisons, firent prier Jésus de venir en aide à leur fils. Mais Jésus n'alla pas chez eux aujourd'hui. Il revint à la maison que Pierre avait au bord du lac : tous les disciples présents y étaient rassemblés, car Jacques le Mineur et Thaddée étaient venus de Gessur et avec eux trois des philosophes paiens de Salamine qui s'étaient fait circoncire : les quatre autres n'étaient pas encore arrivés. C'étaient des jeunes gens de manières très agréables et très distinguées. Jésus les présenta aux autres disciples : Simon et André arrivèrent aussi dans une barque avec quelques compagnons. L'accueil qu'ils reçurent fut très touchant. Quand ils eurent pris quelques rafraîchissements, Jésus alla avec eux tous à Bethsaïde dans la maison d'André où étaient la femme et la fille de celui-ci : il les salua et s'entretint avec elles. Il y eut là un repas frugal. Les disciples racontèrent leurs voyages et ce qui leur était arrivé. Dans quelques endroits on leur avait jeté des pierres, mais qui ne les avaient pas atteints. Il leur avait fallu quelquefois prendre la fuite, mais ils avaient toujours été miraculeusement préservés. Ils avaient aussi trouvé beaucoup de gens bien disposés, en avaient guéri, baptisé et instruit beaucoup. Jésus leur avait ordonné d'aller uniquement aux brebis égarées d'Israël : ils avaient donc recherché les Juifs qui se trouvaient dans les villes paiennes et n'avaient point eu de rapports avec les Gentils, sinon avec quelques-uns qui servaient chez des Juifs. Non loin de Gazer se trouve une ville avec des tours dont le nom est comme Gazora : André et ses disciples y étaient allés et avaient racheté plusieurs esclaves juifs. Ils avaient dépensé pour cela tout ce qu'ils avaient. Ils demandèrent à Jésus s'ils avaient bien fait, et il leur dit qu'il les approuvait. Gazora est une belle ville païenne : beaucoup de Juifs y sont restés après la captivité de Babylone. Ils lui racontèrent plusieurs choses du même genre ; mais Jésus ne les écouta pas tous. Quelques-uns d'entre eux mettaient dans leurs récits une chaleur à laquelle se mêlait une certaine complaisance en eux-mêmes ; il les interrompit dès le début par des paroles comme celles-ci : " Je sais déjà tout cela ". Il en écouta jusqu'au bout d'autres qui racontaient simplement et humblement, et il engagea lui-même à parler ceux qui gardaient le silence. Quand ceux qu'il avait interrompus lui demandaient pourquoi il ne les écoutait pas, il leur faisait remarquer la différence qu'il y avait entre leur langage et celui de leurs compagnons. Jésus interrompit souvent leurs discours pour raconter quelques paraboles. Il en raconta d'abord une sur l'ivraie semée au milieu du bon grain et qui, lorsqu'elle aurait levé, devait être brûlée à l'époque de la moisson (Matth., XIII, 24, 30; Marc, IV, 26, 29). Il dit que tout ce qui avait été semé ne lèverait pas. Il parla de plusieurs qui s'étaient sé-parés des disciples et avertit ceux ci de ne pas avoir trop de confiance dans leurs oeuvres, car ils étaient encore ré-servés à de grandes tentations. Dans un autre moment Jésus raconta la parabole du maître qui va prendre pos-session d'un royaume éloigné, et qui confie aux serviteurs qu'il quitte un certain nombre de talents dont il leur de-mande compte plus tard (Luc, XIX, 12, 26; Math, XXV, 14, 30; Marc, XIII, 34, 36). Cette parabole se rapportait à cer-tains égards à son voyage en Chypre et au compte qu'il demandait alors à ses disciples de ce qu'ils avaient fait pen-dant son absence. Pendant le récit, Jésus s'adressa souvent à l'un ou à l'autre d'entre ceux dont il devinait les pen-sées et leur dit à peu près " Pourquoi te livres tu à des pensées inutiles " ? ou bien " Ne te laisse pas aller à ces pensées; " ou bien encore " Tu prends ceci tout autre-ment qu'il ne faut : c'est à telle chose et non à telle autre que tu dois faire attention. " Il pénétrait dans la pensée de ses auditeurs et les reprenait sur le champ; aussi quel-ques uns d'entre eux se disaient parfois : " C'est celui ci ou celui là qu'il a en vue. " Je ne puis exprimer comment le temps passe pour moi quand je vois et que j'entends ces choses; avec cela je suis souvent émue de pitié, quand Jésus refuse de prêter l'oreille à quelqu'un de ses disciples, et je me dis : " Ne pourrait il donc pas l'écouter; " ou bien : " Vois, il t'en arriverait autant si tu voulais toujours lui parler de tes affaires. " Jésus tint aux disciples un langage sévère et cela les attrista un peu. Le soir, il revint à la maison de s mère, et les disciples allèrent avec lui dans le jardin où les femmes aussi l'écoutèrent, se tenant à part et avait leur voile baissé. Cette fois il les consola, leur raconta la parabole des ouvriers de la vigne et du denier que tous reçurent pour salaire (Matth., XX, 1, 16), et il leur donna des explications à ce sujet. Jésus présenta ici à Sa mère les nouveaux disciples e les nouveaux convertis. Je le vis toujours faire ainsi dans les derniers temps. C'était entre eux un contrat tacite, une convention intérieure en vertu de laquelle la sainte Vierge donnait place aux disciples dans son coeur, dans sa prière, dans sa bénédiction , et les adoptait à certains égards comme ses enfants et ses frères, devenant ainsi leur mère spirituelle comme elle était sa mère selon la chair. Elle faisait cela avec beaucoup de gravité et d'onction, et Jésus procédait avec elle d'une manière très solennelle. Il y avait dans cet acte quelque chose de saint et de profondément senti que je ne puis exprimer. Marie était comme la branche de vigne et l'épi de sa chair et de son sang. 20 juin. Ce matin Jésus sortit avec plusieurs disci-ples de la maison de sa mère et alla au nord est sur la hauteur où il avait si souvent enseigné et guéri les gens des caravanes elle est couverte de jardins et la route de Capharnaüm et de Bethsaïde et au Jourdain y passe. Il alla au nord de Bethsaïde à la maison des lépreux qui se trouve là, en guérit plusieurs, les enseigna et leur ordonna de se montrer aux prêtres. Il y a aussi près de là une maison où sont enfermés des possédés : mais il n'y entra pas. Lorsqu'il fut revenu à Capharnaüm, je le vis de nouveau dans la maison de Pierre, située en avant de la ville : on y avait amené des malades de Capharnaüm et de Bethsaïde. Il les enseigna et en guérit plusieurs. C'est un endroit favorable pour les malades ; car on y trouve une eau qui fait du bien à ceux qui en boivent comme à ceux qui s'y baignent. Le père de Pierre et d'André, Jonas, avait épousé en secondes noces une veuve qui lui avait amené deux beaux fils nés de son premier mari : ce sont eux qu'on appelle les frères d'André. La femme de Pierre était aussi une veuve : elle a amené avec elle deux fils et une fille qui est encore jeune et qu'on désigne sous le nom de Pétronille. Pierre lui-même n'a pas d'enfants. La mère de sa femme, que Jésus guérit dans une circonstance (tome II, page 171), habite encore avec son mari la maison qui est devant la ville. Les beaux-frères d'André et les beaux-fils de Pierre prennent soin du ménage. Un des beaux-fils de Pierre s'adjoignit aux disciples. Cette famille de Pierre est partagée entre les deux maisons dont l'une vient du père de Pierre, l'autre de sa femme. Après le repas, je vis jusqu'au sabbat Jésus, les siens et tous les disciples, avec beaucoup d'autres personnes de la ville, de Bethsaïde et des environs, dans la maison d'école. Il enseigna de nouveau touchant le Messie, leur indiqua tous les signes qui devaient le caractériser, et dit qu'il serait au milieu des Juifs sans qu'ils le reconnussent. Il parla d'une manière très forte et très pénétrante. A l'ouverture du sabbat, Jésus alla avec ses disciples à la synagogue. Les Pharisiens occupaient déjà l'endroit où l'on prêchait ; mais Jésus s'y rendit directement et ils lui cédèrent la place. L'instruction traita des explorateurs envoyés par Moïse dans la terre de Chanaan, des murmures du peuple et de son châtiment, des explorateurs de Josué à Jéricho, et de Rahab (Exod. XVI ; Jos. II). Les Pharisiens étaient très irrités de sa hardiesse : ils se disaient entre eux qu'ils voulaient bien le laisser parler maintenant ; mais qu'ils tiendraient conseil le soir ou après le sabbat, et qu'alors ils sauraient bien lui fermer la bouche. Jésus qui connaissait intérieurement leur malice, leur dit qu'ils étaient des explorateurs d'une espèce toute particulière et qu'ils n'étaient pas ici pour faire connaître la vérité, mais pour la trahir. Il s'éleva fortement contre eux, commenta des textes du prophète Ézéchiel et en vint a parler de la destruction de Jérusalem et du jugement réservé au peuple qui ne faisait pas pénitence et qui ne reconnaissait pas le royaume du Messie. Il répéta aussi la parabole du roi qui envoie son fils dans la Vigne où il est mis à mort par de perfides serviteurs. Ils furent très irrités, mais n'osèrent pas le contredire. Les femmes étaient toutes à la synagogue. Il s'y trouve des places pour les étrangers. Marie et les femmes de la famille qui habitent Capharnaum ont des places à elles. Pierre est maintenant de l'autre côté du lac dans la Décapole ; Jacques le Majeur et Matthieu y sont aussi. Jean est en Judée pour consoler les parents des fils d'Héli égorgés dans le temple : il y a encore avec lui un autre disciple qui est aussi très doux et très aimable ; nous le connaissons bien mais j'ai oublié son nom. Judas et Thomas sont dans les environs de Ptolémaïde ; Barthélémy est entre Joppé et Césarée ; Philippe est à Joppé avec Barnabé, Mnason et le frère de celui-ci pour recevoir les arrivants. Cependant Pierre est allé à Bétharamphtha-Juliade il s'y est entretenu avec la princesse Abigaïl, que Jésus a visitée l'année précédente (tome II, page 272). Cette femme le reçut avec beaucoup de bienveillance. Elle est toujours très inclinée vers le judaïsme et elle honore Jésus et sa doctrine ; mais elle ne peut faire un pas parce qu'elle est entourée de surveillants païens. Elle a plusieurs enfants, réside là avec une pension et a autour d'elle des courtisans qui l'espionnent. C'est une femme d'une quarantaine d'années dont la taille est un peu courbée : elle est très bien disposée. Matthieu qui est marié, a une maison à Capharnaüm, assez près de l'école : son bureau de perception, situé de l'autre côté du lac, n'était qu'une maison à l'usage des employés. Thaddée aussi était marié, si je ne me trompe ; je ne me souviens pas d'autre chose en ce qui le concerne. Marie de Cléophas habite a Cana, le vieux Jacob, le disciple de Jean. fils de Marie d'Héli, est aussi marié. Les saintes femmes travaillent continuellement à confectionner des couvertures, des habits, des sandales et des ceintures ; elles font des provisions, cuisent du pain et visitent les pauvres et les malades. Marie a quelque chose de calme, de simple et de grave qui la distingue de toutes les autres. 21 juin .--Je vis ce matin Jésus quitter la maison de sa mère, à la demande de plusieurs habitants de Capharnaum, pour aller guérir dans leurs familles des enfants malades. Il visita avec quelques disciples une vingtaine de maisons appartenant à des gens de toutes les classes et guérit un grand nombre d'enfants de trois à huit ans, garçons et filles. Il devait y avoir une espèce d'épidémie régnante, car ils avaient presque tous la même maladie. Leur cou était enflé ainsi que leurs joues et leurs mains : ils avaient en outre le teint très jaune. C'était un état semblable à celui qui succède quelquefois à d'autres maladies, à la fièvre scarlatine, par exemple. Jésus ne procéda pas avec tous de la même manière : à quelques-uns il mit la main sur la partie malade, il en frotta d'autres avec de la salive, il souffla sur d'autres. Il ne les guérit pas tous sur-le-champ ; pourtant beaucoup se levèrent tout de suite. Il les bénit et les rendit à leurs parents en donnant quelques avis ; pour d'autres il ordonna des prières et indiqua un traitement. Tout cela se fit pour le plus grand bien des enfants et des parents. Jésus alla sur la place du marché dans la maison des parents d'Ignace et il guérit cet enfant. Il est âgé de quatre ans environ et très aimable. Ses parents sont dans l'aisance et ils font le commerce des vases de bronze, à ce que je crois ; car j'en vis une grande quantité rangée dans de longs corridors. Ils s'étaient déjà adressés à Jésus l'avant-veille lorsqu'il guérit les enfants de leur voisin le marchand de tapis ; mais il ne vint les voir qu'aujourd'hui. Plusieurs rues aboutissent au marché de Capharnaum. La place est élevée, on y arrive par des degrés. Elle est entourée d'arcades où sont étalées les marchandises. Il y a une fontaine au milieu et aux deux extrémités deux grands édifices, comme deux maisons de ville. Jésus visita sur son chemin Jaïre, Zorobabel et le centurion romain. Dans l'après-midi on avait amené beaucoup de malades à la maison de Pierre qui est en avant de la ville ; Jésus les guérit et les enseigna. Les Pharisiens, pleins de rage, avaient déjà espionné toute la matinée. Après midi trois d'entre eux vinrent dans la cour de la maison où .Jésus guérissait les malades dans une salle adjacente. Ils s'approchèrent tout doucement, se frayèrent passage jusqu'à Jésus et l'exhortèrent à cesser, à se tenir en repos et à ne point troubler le jour du sabbat. Ils voulurent se mettre à disputer ; mais Jésus s'éloigna d'eux, disant qu'il n'avait rien à faire avec eux, qu'ils étaient comme des incurables qu'il est inutile de chercher à guérir ; il se retourna alors vers d'autres malades et ils se retirèrent furieux. Pendant ce temps, et déjà dans la matinée, les autres disciples s'étaient rendus au nord de la maison de Marie, sur la hauteur voisine du chemin où Jésus avait enseigné récemment. Il y avait encore là beaucoup de voyageurs campés sous des tentes. Les disciples enseignèrent et guérirent à la façon de Jésus pendant toute la journée. Ils reproduisent les diverses instructions de Jésus qu'ils ont souvent entendues et que le Seigneur leur a expliquées avec tant de détails sur les chemins, et ils guérissent par l'imposition des mains et l'application de l'huile bénite. Le soir Jésus alla avec tous ses disciples à la synagogue pour la clôture du sabbat. Il enseigna de nouveau sur les murmures qu'excita chez les Israélites le rapport des explorateurs de Moïse, et sur la malédiction prononcée contre eux, par suite de laquelle ils devaient mourir dans le désert et leurs enfants seulement voir la terre promise Il parla surtout et avec beaucoup de force de la malédiction et de là bénédiction, des explorateurs infidèles du royaume de Dieu, de ceux qui ne devaient pas y entrer, de la manière dont le Messie serait méconnu et des jugements de Dieu sur le pays de Jérusalem. Alors deux Pharisiens montèrent dans la chaire et enseignèrent sur un passage de la lecture d'aujourd'hui où Dieu ordonne à Moïse de faire lapider par tout le peuple un homme qui avait ramassé du bois le jour du sabbat (Numer., XV, 32, 36). Ils appliquaient cela aux guérisons faites le jour du sabbat par Jésus ; mais Jésus leur demanda si la santé des pauvres et des malades était du bois fait pour être brûlé ? si l'on ne pouvait pas plutôt dire cela de l'hypocrisie qui était comme du bois mort, si ceux-là qui se scandalisaient au sujet de la guérison des pauvres et qui voyaient un fétu dans l'úil du prochain, oubliant qu'ils avaient une poutre dans le leur propre, ne ramassaient pas du bois pour le jeter sur le chemin de la vérité, pour réchauffer et faire cuire le poison de la discorde et de la persécution bien plus que pour préparer leurs aliments ? Ne pouvons-nous pas recevoir le jour du sabbat les grâces que nous implorons le jour du sabbat et donner ce que nous avons ? Il expliqua le texte de la loi, montra qu'il s'appliquait au travail manuel et dit que ce travail n'était défendu que pour qu'on pût se livrer au travail spirituel. Comment donc la loi du sabbat pourrait-elle interdire de guérir un malade pour le rendre capable de sanctifier le sabbat ? Jésus les réfuta ainsi et les couvrit de confusion, si bien qu'ils n'eurent plus un mot à dire. Quelques-uns des auditeurs, vivement émus, méditèrent ses paroles en silence ; d'autres, en plus grand nombre, se communiquèrent leurs impressions et dirent : " C'est bien lui ! c'est le Messie ! Nul homme, nul prophète ne peut enseigner ainsi " ! La plupart se faisaient des signes et se réjouissaient de la défaite des Pharisiens ; mais d'autres qui avaient le coeur endurci se scandalisèrent avec eux. Jésus alla après cela prendre son repas chez sa mère. J'ai vu aujourd'hui Jacques le Majeur, Pierre et Matthieu, à Ramoth-Galaad, réunis avec quelques disciples pour célébrer le sabbat. Aussitôt après, comme il faisait encore nuit, ils se sont dirigés au nord-ouest vers Gergesa, pour aller à Capharnaum. 22 juin-- Ce matin, Jésus alla sur la colline située au nord du chemin entre Capharnaum et Bethsaïde, et, l'année précédente, il avait enseigné qu'il fallait manger sa chair et boire son sang, ce dont quelques disciples s'étaient scandalisés. Tous les disciples et les apôtres présents s'étaient réunis là. Cette nuit, il est arrivé encore plusieurs disciples. Il y en a bien en tout une cinquantaine. Toutes les saintes femmes et les saintes filles étaient aussi là, ainsi que d'autres personnes affectionnées à Jésus. Jésus enseigna les disciples touchant leur mission et leurs travaux : il leur dit quel serait leur travail, quels fruits il porterait, comment ils devaient agir et pour quelle récompense ; il parla de diverses opinions erronées qu'ils avaient, de leur bonne volonté et aussi des persécutions à venir. Il donna des instructions de toute espèce sur la manière d'enseigner et d'agir, et sur la jalousie des uns à l'égard des autres ; il raconta cette fois toute la parabole des ouvriers de la vigne, comme elle se trouve dans l'Évangile. Dernièrement il l'avait racontée un soir chez Marie, mais simplement et brièvement pour que sa mère la méditât ; ici il l'expliqua et lui donna tous ses développements. Les saintes femmes étaient présentes, parce qu'elles aussi agissent et travaillent, et parce que plusieurs d'entre elles n'ont pas encore une idée véritable de la disposition dans laquelle on doit faire toutes ses actions pour qu'elles soient méritoires et qu'elles produisent de bons fruits. Jésus loua et encouragea les disciples ; il dit que quand tous ceux qu'il avait envoyés en mission seraient réunis, il les congédierait pour quelque temps afin qu'ils pussent visiter et tranquilliser leurs proches. Il leur donna aussi sa bénédiction en étendant les mains sur leurs têtes, et il les remplit d'une nouvelle ardeur et d'une nouvelle force. Cette instruction dura toute la matinée. Dans l'après-midi, Pierre, Jacques le Majeur et Matthieu arrivèrent avec quelques anciens disciples de Jean ; ils vinrent saluer Jésus dans la maison de Marie. Pierre était plein d'ardeur et pleurait de joie. Il y eut ensuite un repas dans la maison de Pierre ; on se raconta ce qu'on avait fait, et on se souhaita la bienvenue les uns aux autres. Jésus enseigna, et il raconta aussi quelque chose de son voyage en Chypre. Pierre avait visité les Juifs d'Ornithopolis, nouvellement établis près de Ramoth Galaad. Jésus répéta à sa mère, aux saintes femmes et aux disciples la parabole du pécheur qui va au loin, qui prend cinq cent soixante-dix poissons et qui les transporte dans la bonne eau, parabole relative à son voyage en Chypre et qu'il avait racontée à Misael. Toutes ses paraboles sont souvent répétées et commentées par lui de différentes manières, en sorte que dès lors le Seigneur prêchait sur l'Évangile comme on le fait de nos jours. Les Évangiles reproduisent une grande partie de ce qu'il dit aujourd'hui aux disciples ; mais tout cela se trouve compris dans les instructions qu'il leur donna en les envoyant en mission : de même les paraboles qu'il répétait si souvent n'y sont rapportées qu'une fois pour toutes. Les saintes femmes avaient avec elles des provisions de pièces d'habillement, de sandales et de ceintures qui furent distribuées aux disciples nouvellement arrivés, car ce qu'ils avaient sur eux avait été très endommagé dans leur voyage. Lors de cette distribution, Jésus parla de la signification de ces objets d'habillement ; il dit, par exemple, à propos des ceintures : " Ceignez vos reins, et tenez à la main des lampes allumées ". 23 juin .--Ce matin, Jésus alla en barque avec les apôtres et les disciples présents. Ils montèrent sur la grande embarcation de Pierre et sur la petite barque de Jésus, et ils partirent séparément ; mais quand ils furent loin du rivage, on attacha les deux barques l'une à l'autre, après quoi on cessa de ramer, seulement on se servait de temps en temps du gouvernail et on laissait la barque dériver doucement. Les disciples étaient tous sur la grande embarcation, Pierre et deux autres apôtres sur la petite barque de Jésus, lequel se tenant assis près du mât, sur le banc des rameurs, écoutait les disciples ou enseignait. Jésus s'était embarqué avec les disciples pour pouvoir, en toute liberté, et sans être gêné par la foule, se faire raconter par eux ce qui leur était arrivé, et leur donner des instructions à ce propos. C'était surtout en vue des derniers arrivés qu'il avait pris ce parti. Ils avaient beaucoup enseigné et baptisé ; ils avaient guéri par l'imposition des mains et par l'application de l'huile sainte ; quelquefois, cependant, la guérison n'avait pas eu lieu. Ils avaient eu à subir mainte persécution, on leur avait jeté des pierres et on les avait chassés ils ne s'étaient jamais engagés dans des disputes avec les Pharisiens et les avaient toujours déclinées. Cependant, le bien qu'ils avaient fait et les consolations qu'ils avaient éprouvées surpassaient beaucoup le mal qu'ils avaient eu à souffrir. Pierre parlait avec un enthousiasme extraordinaire et racontait avec un sentiment de joie le bien qu'ils avaient opéré et la sympathie qu'ils avaient rencontrée. Alors Jésus s'adressa à lui et lui dit : " Tais-toi, homme vaniteux ! je ne veux pas entendre cela ". Alors le vieil apôtre, que Jésus pourtant aimait si tendrement, n'ouvrit plus la bouche et comprit une fois de plus qu'il avait eu tort de se laisser ainsi emporter par son zèle. Judas aussi cherche à se faire valoir, mais par des voies détournées ; il observe en silence, et se préoccupe moins d'éviter le péché que de ne pas s'attirer une réprimande qui le couvrirait de confusion. La journée était belle et la mer brillait au soleil. Ils avaient tendu les voiles pour se donner de l'ombre, et ils prirent leur repas à bord sur de petites planches. Les récits continuèrent jusqu'au soir ; alors ils revinrent à terre. Jésus s'arrêta près d'une hauteur située à une demi-lieue à peu près de l'endroit où étaient amarrées les barques de Pierre, et leur donna des instructions sur la manière dont ils avaient à se comporter dans les situations équivoques. Ils lui avaient raconté comment ils avaient répété ses enseignements et ses paraboles ; ils l'interrogeaient sur ce qu'il fallait dire et sur ce qu'il fallait faire, lui redisaient des discours entiers et demandaient si c'était bien. Jésus leur donna des instructions sur tous les points ; il leur dit aussi que quand il serait retourné à son Père, il leur enverrait le Saint Esprit, qu'alors ils sauraient toujours enseigner comme il faudrait. Judas et Philippe, ainsi que Barnabé, Mnason et le frère de celui-ci, étaient présents à cette instruction. Ils venaient de Joppé et apportaient des nouvelles des émigrants de l'île de Chypre. Il vint encore d'autres disciples ; je crois qu'il y en a là une soixantaine de ceux qui ont été envoyés en mission, outre un certain nombre de porteurs de messages et de coopérateurs en sous-ordre. Plusieurs sont revenus tout défaits et avec leurs habits en lambeaux. On leur donna tout ce dont ils avaient besoin pour reprendre leurs forces, et on renouvela leurs vêtements. Si les saintes femmes s'étaient réunies ici, c'était précisément afin de rendre des services de ce genre aux disciples qui revenaient, et aussi pour s'occuper, d'après les rapports de ceux-ci, de subvenir aux besoins des pauvres de différents endroits. Aujourd'hui cinq Pharisiens, suivis de quelques autres personnes, se sont embarqués sur le lac pour suivre Jésus. Ils avaient cru qu'il passerait de l'autre côté ou qu'il se rendrait sur un point quelconque du littoral pour y enseigner le peuple, et ils voulaient l'espionner ; mais ils ont été déçus dans leur attente, et il leur a fallu revenir sans avoir rien fait. Quand je considère dans leur ensemble la vie et les actes de Jésus et des siens, il me vient souvent à l'esprit, comme une chose évidente, que s'il venait maintenant parmi nous, il trouverait encore beaucoup plus d'obstacles qu'il n'en trouvait à son époque. En effet, il peut, ainsi que les siens, aller et venir, prêcher, guérir en toute liberté ; personne ne s'y oppose, si ce n'est quelques Pharisiens endurcis et bouffis d'orgueil, et ceux-là même sont fort embarrassés vis-à-vis de lui. Ils n'ignorent pas que le temps de la promesse est venu et que les prophéties s'accomplissent ; ils voient en lui quelque chose de saint, de merveilleux, d'irrésistible. Je les vois bien souvent s'asseoir, feuilleter les prophètes et d'anciens commentaires, mais jamais ils ne veulent se rendre, car ils attendent un Messie tout différent, un Messie qui doit être leur ami et l'un des leurs ; toutefois ils n'osent pas encore s'attaquer à Jésus. Beaucoup de disciples s'imaginent aussi qu'il doit avoir une puissance occulte, une alliance secrète avec quelque peuple ou quelque roi, qu'un jour il montera sur le trône à Jérusalem, comme le saint monarque d'un peuple pieux ; qu'alors ils auront des emplois avantageux dans son royaume, et qu'eux aussi seront pieux et sages. Jésus les laisse encore croire cela pour quelque temps. D'autres comprennent mieux dans tout cela le côté céleste, non toutefois jusqu'à l'abaissement de la mort sur la croix. Il y en a peu qui soient guidés uniquement par un amour sincère et par un saint enthousiasme. 24 juin .--Aujourd'hui les saintes femmes et Marie sont toutes allées à Cana. C'est là qu'habite Marie de Cléophas ; elle a des enfants qui sont encore très jeunes. La suivante de Marie et une servante d'André sont restées à la maison. Jésus y est aussi allé dans l'après-midi avec neuf apôtres, Nathanaël le fiancé et quelques autres qui sont du pays. La route de Cana est très agréable ; ce ne sont qu'avenues et jolies promenades. On peut en faire une partie par la contrée de Génésareth, laquelle commence derrière le grand rocher situé au midi de Capharnaum, que Zorobabel a fait aplanir et qu'il a couvert de jardins et de vignobles. Cette charmante solitude dont j'ai parlé récemment à propos du village de Zorobabel, est à l'entrée de ce district. Il s'étend à travers la gorge de Magdalum qui elle-même en fait partie, jusque derrière Tibériade : puis, longeant Gabara, il va finir à Tarichée, tantôt se rapprochant du lac, tantôt s'en éloignant un peu. Le petit lac des bains et tous ses beaux environs s'y rattachent, quand on considère l'ensemble. C'est une délicieuse solitude, semée de maisons de plaisance et de jardins avec des ruisseaux, des cascades, d'agréables promenades, des berceaux de verdure et des bosquets peuplés de jolis animaux et d'oiseaux de toute espèce. Il n'y a pas de champs de blé, mais des fruits et des fleurs magnifiques ; on y rencontre des massifs de fleurs semblables à des pyramides. Il est fermé de tous les côtés par le lac ou par des rochers, par des bâtiments ou par des haies vives ; aucune grande route ne le traverse, il n'y a que des chemins à l'usage des piétons. Jésus parcourut avec ses compagnons une partie de cette contrée jusque vers la vallée du lac des bains ou de la fontaine de Capharnaum, comme on l'appelle ; là ils traversèrent la vallée dans la direction du sud-ouest et arrivèrent à Cana, qui est située dans la vallée même entre deux hauteurs. On y a vue sur Cydessa, sur Magdalum et sur les montagnes au delà du lac. C'est un très joli endroit, propre, riant, et habité par des gens aisés ; il y passe une route de commerce. Les saintes femmes, Israël, père de la fiancée, et d'autres membres de la famille allèrent à sa rencontre à quelque distance. C'était le soir. Après qu'on lui eut lavé les pieds et souhaité la bienvenue, on alla prendre le repas qui était tout préparé. La mère de la fiancée est morte depuis le mariage de sa fille. Je crois que Philippe a ici une tante. Il y avait là beaucoup d'amis de Jésus et de gens alliés à sa famille, ainsi que plusieurs personnes de l'endroit, et d'autres de Séphoris et de la vallée de Zabulon. 25 juin .--Beaucoup de parents et d'amis de Jésus s'étaient réunis ici. Ils je visitèrent et le pressèrent, comme ils l'avaient déjà fait, de ne plus paraître en public à cause des dangers dont il était menacé ; les esprits étaient trop agités, disaient-ils, et l'irritation des Pharisiens contre lui ne pouvait manquer d'aller toujours croissant. Jésus répondit comme à l'ordinaire, et il les invita à entendre l'instruction qu'il devait donner à Cana sur la colline destinée à la prédication. Il visita encore dans la ville quelques amis et un certain nombre de gens de bien ; il guérit aussi des malades et bénit aussi les enfants que les parents et leurs maîtres amenaient en troupes sur son passage. Il y avait dans l'enceinte de Cana une éminence autour de laquelle le père de la fiancée avait planté un vignoble ; au sommet se trouvait une belle chaire, et Jésus enseigna en présence de tous ses parents et ses alliés, des saintes femmes, des disciples, et de beaucoup de personnes de Cana qui lui étaient affectionnées ; il y avait, du reste, peu d'ennemis. Il parla de sa mission qui touchait à son terme, dit qu'il n'était pas venu pour mener une vie commode et agréable, et qu'il était insensé de demander autre chose de lui que l'accomplissement de la volonté de son Père. Il indiqua, plus clairement que jamais, que Celui qu'on attendait depuis si longtemps était là devant eux ; mais il ne devait être reconnu que d'un petit nombre, et retournerait à son Père quand sa tâche serait finie. Il adressa à ses auditeurs une allocution très pathétique, entremêlée de menaces et de prières, pour les exhorter à ne pas repousser le salut et à ne pas laisser passer le moment de la grâce. Il insista de nouveau sur l'accomplissement des prophéties ; et son langage fut si admirable et si saisissant que les auditeurs se disaient les uns aux autres : " C'est plus qu'un prophète ; jamais personne n'a ainsi parlé dans Israël " ! Après cela, Jésus, longeant le Thabor avec les apôtres et quelques disciples, alla à une lieue et demie ou deux lieues au sud-ouest, dans un endroit où les apôtres Thomas, Jean et Barthélémy, qui revenaient de leurs voyages, vinrent à sa rencontre avec des parents de Zacharie, un neveu de Joseph d'Arimathie et quelques disciples. Ils avaient avec eux cinq pauvres mineurs des environs de Chytrus, dans l'île de Chypre ; ils les avaient amenés pour qu'ils accompagnassent les saintes femmes qui s'en retournaient le lendemain, et leur servissent de messagers. Ces pauvres gens voulaient aussi faire connaître leur situation et se recommander à la charité de la communauté. Ils apportaient des nouvelles des autres et étaient chargés de leurs commissions. La rencontre fut touchante ; Jean surtout se montra très ému. Barthélémy avait été ces derniers jours dans la Pérée. Thomas venait de Joppé, Jean venait d'Hébron. Les Chypriotes s'établissent au midi de Gaza, à l'ouest d'Hébron, à peu de distance du puits de Samson, dans une contrée qui n'a pas encore été mise en culture. Ils habitent provisoirement dans des grottes. Il y en a déjà deux cents qui sont en route pour se rendre là, et ils seront suivis par trois cents autres. A l'époque de la première communauté chrétienne, sous l'administration des diacres, je vis beaucoup de gens aller se joindre à eux. Il se forma là peu à peu un bourg dont les ruines au moins doivent subsister. Ce fut plus tard une ville appelée Eleuthéropolis. qui eut des évêques de bonne heure, et dont on a oublié les fondateurs. Jésus revint avec les disciples à Cana, ou arrivèrent aussi tous les disciples qui étaient restés à Capharnaum ; en sorte que tous les apôtres, les soixante-dix disciples envoyés en mission et beaucoup d'autres, plusieurs personnes alliées à la famille de Jésus, et les saintes femmes, se trouvaient réunis ensemble. On prépara un grand repas dans la maison d'Israël, le père de la fiancée de Cana, et dans la cour de cette maison. On distribua aussi des aliments et des présents aux pauvres de l'endroit et à ceux qui vinrent d'ailleurs. Jésus et plusieurs apôtres servirent les pauvres. A la fin, Jésus, qui avait enseigné pendant le repas, raconta encore la parabole des vierges sages et des vierges folles, l'expliqua à ses auditeurs, et parla beaucoup de la venue prochaine de l'époux. Ce fut comme une fête commémorative des noces de Cana, parce que, comme alors, il y avait une nombreuse réunion d'apôtres, de disciples et d'amis de Jésus. La maison était décorée de guirlandes de fleurs, on but dans les urnes qui avaient figuré au miracle des noces ; des enfants firent de la musique, portant des Couronnes et des pyramides de fleurs. Barthélémy, Nathanaël Khased et d'autres disciples avaient composé de belles sentences sur le mariage spirituel. 26 juin .--Ce matin, la sainte Vierge revint à Capharnaum avec quelques compagnes. Les autres saintes femmes firent route pour Naïm, d'où elles devaient se rendre à Jérusalem. Leurs servantes et les hommes de l'île de Chypre qui étaient venus la veille les accompagnèrent. Les parents et amis de Jésus retournèrent chez eux. Quant à Jésus, il sortit ce matin de Cana avec les apôtres et tous les disciples qui avaient été envoyés en mission, et se dirigea vers la montagne voisine de la ville de Gabara, où Madeleine avait pour la première fois répandu sur sa tête un onguent parfumé (tome III, page 146). Ils marchaient en groupes, à pas lents, et s'arrêtaient souvent autour de Jésus pour s'entretenir avec lui. Jésus était très affectueux, et il s'adressait souvent à eux en les appelant " mes chers enfants ". Il leur ordonna de raconter tout ce qui leur était arrivé. Les apôtres prirent la parole les premiers. Jésus leur avait déjà fait raconter quelque chose pendant ces derniers jours, mais non pas complètement ; cette fois, tous devaient entendre ce que tous avaient fait et ce qui était arrivé à tous. Il leur dit avec une douceur merveilleuse : " Mes chers petits enfants, on verra maintenant qui de vous m'a aimé, et en moi mon Père céleste, qui de vous a propagé la parole du salut et opéré des guérisons pour l'amour de moi, non dans son propre intérêt et par un motif de vaine gloire " ; et d'autres choses semblables. Alors chacun prit la parole à son tour ; les apôtres racontèrent successivement ce qu'ils avaient fait, et après eux, les disciples qui leur avaient été adjoints. Cela se fit principalement sur une colline qui est à environ deux lieues de la montagne dont il a été parlé, et à peu près à la même distance de Cana. On vient souvent s'y promener parce qu'on y jouit d'une vue très étendue ce qui ne se rencontre guère ailleurs dans le voisinage. Pierre raconta avec beaucoup de chaleur la rencontre qu'il avait faite de possédés de diverses catégories, comment il s'y était pris avec eux et comment il avait chassé tous les esprits au nom de Jésus. Il s'étendit complaisamment sur ce sujet, car, dans son enthousiasme, il avait déjà oublié la leçon qu'il avait reçue l'avant-veille sur la barque. Il s'animait en pareil cas et se laissait emporter à son ardeur naturelle. Il raconta encore que, dans le pays des Gergeséniens, il avait rencontré deux possédés que n'avaient pu guérir d'autres disciples qu'il nomma, notamment les deux jeunes disciples de Gergesa qui avaient été possédés eux-mêmes. Pour lui, il avait sur-le-champ chassé d'eux les démons qui lui avaient obéi. Alors Jésus lui fit signe de se taire, leva les yeux au ciel, et, tous gardant le silence, il dit : " Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair ". Lorsqu'il prononça ces paroles, les yeux levés au ciel, je vis comme un sombre trait de feu sillonner l'air en serpentant. Ensuite Jésus reprocha à Pierre son excès d'ardeur, et dit aussi à tous ceux qui se glorifiaient dans leurs paroles ou intérieurement, qu'ils devaient agir et opérer en son nom et par lui seul, en esprit d'humilité fondée sur la foi, et pas s'imaginer que l'un eût plus de pouvoir que l'autre. Il dit aussi : " Voici que je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds les scorpions et les serpents et toute la puissance de l'ennemi, et rien ne pourra vous nuire. Mais ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous obéissent ; réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans le ciel ".... Il leur dit plusieurs autres choses, toujours du ton le plus affectueux et en les appelant " mes chers enfants " ; et il en écouta encore un grand nombre. Thomas et Nathanaël furent repris pour un manquement ; mais tout cela se fit de la manière la plus charitable et la plus affectueuse. Lorsque Jésus fut au haut de la colline, il y eut un moment où sa physionomie prit une expression très grave, quoiqu'avec un mélange de joie, et où il leva les mains au ciel. Je vis alors de la lumière autour de lui : " c'était comme une nuée lumineuse qui descendait sur lui. Il fut ravi en extase et transporté de joie, et il fit cette prière : Je vous glorifie, mon Père, seigneur du ciel et de la terre, parce que vous avez caché ces choses aux sages et aux habiles, et que vous les avez révélées aux petits. Oui, mon Père, tel a été votre bon plaisir. Tout m'a été donné par mon Père ; et personne ne sait qui est le Fils, sinon le Père, et personne ne sait qui est le Père, sinon le Fils et ceux à qui le Fils veut le révéler ". Jésus dit encore aux disciples : " Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! car, je vous le dis, bien des prophètes et des rois ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l'ont pas vu ; entendre ce que vous entendez, et ne l'ont pas entendu ". Tout en faisant ces récits, et d'autres encore qui donnèrent lieu à d'autres avertissements, ils arrivèrent près de la montagne de Gabara, au pied de laquelle ils prirent un petit repas consistant en poisson, en pain, en miel et en fruits qu'on avait apportés là de Cana. Ensuite Jésus monta avec eux sur la montagne et leur donna des instructions étendues à propos de tout ce qu'ils avaient raconté. Il leur donna des avis sur beaucoup de choses qu'ils ignoraient et leur fit voir en quoi ils avaient hésité et faibli. Il leur parla aussi des diverses espèces de possédés, et leur dit comment ils devaient chasser les démons. Il parla des épreuves par lesquelles ils avaient encore à passer, de sa mission dont le terme était proche, etc. Il leur dit qu'il ne tarderait pas à les renvoyer chez eux pour prendre quelque repos, leur indiqua comment même alors ils auraient à agir, à enseigner et à propager le royaume de Dieu. Il les remercia aussi de leur diligence et de leur obéissance, et il alla avec eux à Capharnaum, où ils n'arrivèrent qu'à la nuit. Ils célébreront encore le sabbat ensemble ; et je crois qu'ensuite Jésus fera encore une grande instruction, sur la montagne des Béatitudes. Sur la montagne de Gabara. Il y avait outre les disciples, beaucoup d'autres auditeurs. 27 juin .--Ce matin, Jésus était dans la maison de sa mère, et il congédia un certain nombre de disciples qui se mirent en route pour arriver chez eux, ou du moins près de chez eux, avant le sabbat ; cependant la plupart restèrent. Il fera prochainement un grand sermon sur la montagne, et achèvera ce qu'il a à dire des huit béatitudes ; ce sera peut-être jeudi. Jésus, en l'annonçant, ne désigna pas ce jour par son nom ; je crois qu'il se servit d'une mesure du temps par heures, mais je vis que cela répondait à peu près à jeudi. Ce matin, les femmes de Pierre, d'André et de Matthieu, ainsi que les personnes de leur famille, les parents de Jean et de Jacques, d'autres femmes et d'autres amis se trouvaient chez Marie. Jésus s'entretint avec eux, leur donna des enseignements et des consolations. J'ai oublié les détails. Il mangea avec sa mère, et dans l'après-midi il alla, avec les apôtres et les disciples qui étaient restés, à l'école de Capharnaum, où il les instruisit et les prépara jusqu'au sabbat. Il alla avec tous les siens à la synagogue pour le sabbat, et il enseigna sur Coré et Abiron et sur l'abdication que fit Samuel de ses fonctions de juge (Numer., XVI-XIX. I Reg., XI, 14 ; XII, 23). Il commenta la lecture du jour dans un langage énergique et sévère, et il excita d'autant plus la colère des Pharisiens qui l'observaient, qu'ils se sentirent atteints par toutes ses paroles. Toutefois, ils ne purent lui imputer aucune fausse doctrine ; seulement, à l'aide de l'espionnage organisé contre ses disciples pendant leurs courses, ils avaient recueilli quelques griefs insignifiants qu'ils mirent en avant contre lui. Ils dirent que ses disciples n'observaient pas exactement les jeûnes, qu'ils arrachaient des épis même le jour du sabbat, qu'ils cueillaient et mangeaient des fruits sur leur chemin, qu'ils avaient des vêtements grossiers et malpropres, qu'en divers endroits ils étaient entrés à la synagogue avec leurs habits salis par le voyage et sans avoir détaché leurs robes ainsi que l'exigeaient les convenances, que souvent ils mangeaient sans s'être lavé les mains, et d'autres imputations du même genre. Jésus répondit avec beaucoup de vivacité ; il gourmanda très sévèrement les Pharisiens et dépeignit toute leur conduite et toutes leurs intrigues. Il les appela race de vipères, comme il l'avait déjà fait précédemment, et leur reprocha de mettre sur les épaules des autres des fardeaux qu'eux-mêmes ne portaient point. Il parla des promenades qu'ils faisaient de côté et d'autre le jour du sabbat, de leur dureté envers les pauvres, de leurs vexations au sujet des dîmes et de leur hypocrisie ; il dit aussi qu'ils voyaient la paille dans l'úil d'autrui, et non la poutre dans le leur. Enfin il déclara qu'il continuerait à parcourir le pays, à enseigner et à guérir jusqu'à ce que son heure fût venue. Pendant cette longue et sévère mercuriale, un jeune homme qui se trouvait parmi les Pharisiens, leva les mains au ciel et sortit de la foule en s'écriant : " C'est vraiment le Fils de Dieu, le saint d'Israël ! c'est plus qu'un prophète " ! et se répandit en éloges enthousiastes de Jésus. Deux vieux Pharisiens pleins de fiel le saisirent alors par les bras et l'entraînèrent hors de la synagogue pendant qu'il continuait à célébrer les louanges de Jésus. Mais Jésus continua son énergique allocution, et cet homme protesta hautement devant tout le peuple qu'il se séparait des Pharisiens. Quand le sabbat fut fini et que Jésus sortit avec les siens, cet homme se jeta à ses pieds devant la synagogue et le supplia de l'admettre parmi ses disciples. Jésus lui dit qu'il y consentait s'il voulait quitter son père et sa mère, donner tous ses biens aux pauvres, prendre sa croix et le suivre ; il ajouta quelques graves paroles sur les pénibles conditions exigées pour marcher à sa suite, puis il le recommanda à quelques disciples, dont était Mnason, lesquels le prirent avec eux. Jésus alla ensuite chez sa mère. La ville à laquelle donna naissance l'établissement des Chypriotes en Judée reçut plus tard le nom d'Éleutheropolis. J'ai vu beaucoup de choses qui la concernent : je ne me souviens que de ce qui suit. Elle est à plusieurs lieues de Jérusalem, à une lieue environ de Geth, ville des Philistins. Jadis Samson tua dans cet endroit un grand nombre de Philistins ; la fontaine de la mâchoire d'âne n'en est pas éloignée, mais elle est plus près de la mer. Les habitants d'Eleutheropolis avaient dans leur ville une fontaine qu'ils croyaient- être celle-là : toutefois ce n'était pas la source elle-même, c'en était une dérivation. Il y a là de nombreuses grottes dans lesquelles les émigrants se sont établis à leur arrivée. Plus tard il se forma là une colonie considérable ; mais les Juifs la détruisirent plusieurs fois après la mort du Christ. Cela eut lieu entre autres lors de la persécution qui suivit la mort d'Etienne et dans laquelle périt aussi Mercuria. Alors aussi l'établissement entre Ophel et Béthanie fut détruit. Les chrétiens établis ici allaient souvent à Jérusalem porter leurs offrandes et leurs contributions au cénacle ou à l'église voisine de la piscine de Bethesda : ce cénacle et le bourg qui était près d'Ophel furent détruits et alors beaucoup d'autres convertis allèrent à Eleutheropolis. Quand on avait dispersé la colonie, les habitants se réunissaient de nouveau bientôt après et ils se multiplièrent beaucoup. José Barsabas, le fils de Marie de Cléophas et de Sabas, son second mari, fut consacré à Antioche comme premier évêque d'Éleutheropolis. Il avait un troupeau fort dispersé et il fut crucifié à un arbre dans une persécution. Plus tard je vis toutes les grottes et les passages qui les unissaient, recouverts par la ville qui se trouvait ainsi bâtie sur des souterrains : je vis pendant une persécution toute la partie supérieure dévastée et une grande partie du peuple se cacher dans les souterrains avec son évêque puis en sortir plus tard et rebâtir ses maisons. La paix vint ensuite ; la colonie devint très prospère et une belle ville s'éleva. J'ai vu tout cela en détail, puis je l'ai oublié. 28 juin.-- Ce matin Jésus accompagné des apôtres et de quelques disciples est allé a Bethsaïde dans la maison des lépreux, située au nord de la ville ; il n'y a pas guéri, mais seulement enseigné. Parmi ses auditeurs se trouvaient aussi les mariniers et les ouvriers des environs. Jésus se tenait dans l'avant-cour de l'hospice : les malades impurs étaient séparés par un fossé, les apôtres, les disciples et d'autres auditeurs se tenaient derrière Jésus sur une ligne que l'on ne devait pas dépasser sous peine de contracter une impureté légale. Il enseigna ici sur la lecture du sabbat, laquelle traitait de la punition de Coré et de l'abdication de Samuel ; puis il donna encore des instructions générales sur la pénitence, la conversion, la miséricorde, la foi et l'approche du royaume de Dieu : il expliqua aussi des paraboles. Dans l'après-midi, je vis Jésus avec les apôtres et les disciples aller à la synagogue de Capharnaum, et comme plusieurs malades s'étaient fait porter à l'entrée, dans l'espoir qu'il y viendrait, il leur dit de l'attendre le lendemain dans la maison que Pierre possède en avant de ville. Ce n'était pas encore le moment de la clôture du sabbat et Jésus n'alla à la synagogue avec ses disciples qu'afin que tout le monde put entendre ce qu'il enseignait aux siens et pour montrer qu'il ne craignait rien et ne cherchait pas les lieux retirés pour y enseigner. Il leur répéta différentes choses qu'il leur avait déjà dites en particulier. Je me souviens que dans cette instruction il les mit en garde contre les Pharisiens et les faux prophètes, qu'il leur recommanda la vigilance et leur raconta et leur expliqua la parabole du serviteur vigilant et du serviteur paresseux. Pierre lui demanda s'il disait cela pour les disciples seuls ou pour tout le monde. Alors Jésus parla à Pierre, comme si Pierre eût été l'intendant, le surveillant des autres serviteurs et il dit plusieurs choses à la louange d'un bon intendant. Mais ensuite il parla en ternies très sévères de l'intendant qui ne remplissait pas son devoir. Il est question de cela dans l'Evangile : toutefois tout n'y est pas, à beaucoup près, mais seulement le résumé. Ce qu'il dit alors se retrouve principalement dans saint Luc (XVI, 35-59). Jésus enseigna jusqu'au moment où les Pharisiens vinrent pour faire la clôture du sabbat : comme il voulait leur céder la place, ils se montrèrent fort polis et dirent : " Maître, expliquez la leçon ". Puis ils le conduisirent à la chaire et placèrent les livres devant lui. Jésus fit entre autres choses une instruction merveilleusement belle sur Samuel lorsqu'il abdiqua sa dignité de juge devant le peuple et le nouveau roi Saul, et il commenta le discours du prophète d'une façon toute nouvelle qui scandalisa beaucoup les Pharisiens, car il expliqua les paroles de Samuel comme si c'eussent été les paroles de Dieu le Père et de son Fils envoyé par lui, en sorte qu'on pouvait avoir le sentiment qu'il s'appliquait à lui-même ces mots : " Je suis devenu vieux et mes cheveux ont blanchi ". (1 Reg. XII, 2-3). Outre son explication que j'ai oubliée, il me fut encore expliqué intérieurement pourquoi Dieu le Père est représenté sous la forme d'un vieillard. Mais il se mêle à tout cela des pensées qui viennent de moi. Il se trouve dans ce texte quelque chose qui équivaut à ceci : " vous m'avez depuis longtemps, vous êtes las de moi, vous vous renouvelez sans cesse et moi je suis toujours là devant vous ". Ce qui était dit de la conduite blâmable des fils de Samuel fut appliqué par lui aux pratiques iniques des docteurs et des Pharisiens. Ensuite il répéta les interrogations de Samuel aux Israélites : " Vous ai-je fait tort en ceci ou en cela " ? comme les interrogations de Dieu et de son envoyé, comme les interrogations adressées au peuple par le Messie, et son discours signala très clairement ces Pharisiens et ces docteurs qui n'osaient pas interroger le peuple en termes comme ceux-ci : " Vous ai-je opprimé ? ai-je pris votre bétail ? vous ai-je extorqué des présents " ?, ce que les Pharisiens ressentirent vivement. Quant à ce qui était dit des Israélites réclamant un roi qui les gouvernât comme les païens et ne voulant plus de leur juge, Jésus l'appliqua à leur attente erronée d'un royaume temporel, d'un roi et d'un Messie environné de toutes les pompes de la terre, sous lequel ils pourraient vivre dans le luxe et dans les plaisirs, et qui, au lieu d'effacer tous leurs péchés et leurs abominations par la fatigue, la souffrance, la pénitence et l'expiation, les envelopperait tout chargés de souillures et de crimes dans son riche manteau royal et les récompenserait pour leurs péchés. Il est dit encore que Samuel ne cessa pas de prier pour le peuple et que sa prière fit gronder le tonnerre et tomber la pluie du ciel. Jésus expliqua cela comme un effet de la miséricorde de Dieu envers les bons, et dit que son envoyé, quoiqu'ils ne dussent pas l'accueillir, mais le chasser, implorerait aussi son Père pour eux jusqu'à la fin. La pluie et le tonnerre obtenus par la prière du prophète figuraient les signes et les prodiges qui devaient accompagner l'envoyé de Dieu afin que les bons se réveillassent et se convertissent. Samuel as ait dit encore que leur roi et eux trouveraient grâce devant Dieu qui ne les repousserait pas, s'ils marchaient en sa présence : Jésus expliqua ces paroles en disant que les justes obtiendraient justice et recevraient les grâces et les lumières qui leur seraient nécessaires, mais que les mauvais seraient comme Saul sévèrement jugés. Enfin Jésus termina en parlant de David et de son onction comme roi opposé à Saul, de la séparation des bons d'avec les mauvais, et de la ruine de Saul et des siens. Les Pharisiens ne le contredirent pas dans la synagogue, parce qu'ils ne manquaient pas en pareil cas d'être réfutés et confondus devant le peuple ; mais ils s'étaient réservés pour plus tard, lorsque Jésus viendrait à un repas auquel ils l'avaient invité avec les apôtres et une partie des disciples, dans la maison des docteurs de la synagogue. Ce repas eut lieu dans une salle ouverte près de laquelle était un jardin avec des berceaux de verdure. Il y avait bien là vingt Pharisiens. Avant qu'on commençât à manger, un vieux fourbe plein d'insolence présenta devant tout le monde à Jésus un grand bassin rempli d'eau et lui demanda s'il ne voulait pas se laver, vantant très haut les anciennes coutumes et les saint préceptes des Israélites. Mais Jésus le repoussa en lui disant qu'il connaissait sa malice et ne voulait pas de son eau : après quoi il réprimanda sévèrement leur hypocrisie et leur fourberie. Dès qu'ils furent à table, ils se mirent à disputer contre Jésus à propos de l'instruction qu'il avait faite sur l'abdication de Samuel. Ils dirent qu'ils n'avaient pas eu le temps de lui répondre à la synagogue et ils contestèrent vivement tout ce qu'il avait dit ; mais Jésus les réfuta et les confondit d'une manière qui redoubla leur rage. Toutefois plusieurs d'entre eux furent si ébranlés et même si touchés que pendant le colloque qu'ils avaient soulevé et auquel ils prenaient part par intervalles, plus d'une douzaine se retirèrent, en sorte que les ennemis de Jésus se trouvèrent réduits au nombre de six ou sept des plus endurcis. Cependant, comme Jésus se promenait dans la salle, un de ces jeunes gens de Nazareth qui l'avaient si souvent importuné pour qu'il les prît à sa suite, l'aborda et lui dit : " Seigneur, que dois-je faire pour obtenir la vie éternelle " ? Alors eut lieu toute la scène rapportée dans l'Évangile (Luc, X, 26, 37) et le récit de la parabole du bon Samaritain. Mais ceux des Pharisiens qui étaient restés accusèrent Jésus de ne vouloir pas admettre cet homme parmi ses disciples parce qu'il avait quelque instruction et qu'il ne se laissait pas fermer la bouche comme ceux-ci. Ils accusèrent encore les disciples d'irrégularité, de malpropreté, de grossièreté, leur reprochèrent d'arracher des épis le jour du sabbat, de cueillir des fruits sur les chemins, de manger en temps prohibé par les coutumes, et beaucoup de choses semblables. Ils s'en prirent surtout à Pierre qui était, disaient-ils, un disputeur et un querelleur comme son père. Jésus prit la défense de ses disciples. Il dit qu'ils devaient être dans la joie tant que l'époux était avec eux ; et après avoir encore repris très sévèrement les Pharisiens qui furent transportés de fureur, il se retira avec les siens. Il se dirigea d'abord vers la maison de Jaïre par les fossés disposés en jardins qui étaient près de la synagogue, puis, traversant le chemin public, il alla du côté de Bethsaide et pria dans la solitude jusqu'à minuit ; après quoi il se rendit chez sa mère. Les Pharisiens avaient aposté des gens de la populace, qui s'attroupèrent et poursuivirent les disciples en leur jetant des pierres ; mais Dieu les protégea. Ils ne savaient pas où Jésus était allé. 29 juin .--Ce matin de très bonne heure, Jésus sortit de la maison de sa mère, et, coupant le chemin de Capharnaum à Bethsaide, s'avança au nord dans la contrée déserte qui se trouve Près de là. Il avait avec lui quelques disciples des plus nouveaux et qui n'étaient pas encore bien instruits. Ils allèrent vers cette montagne d'où Jésus avait envoyé les apôtres en mission le 15 décembre de l'année précédente (tome III, page 273). Il y a environ trois lieues de Capharnaum jusque-là : sur le chemin qui y mène on rencontre des collines, des solitudes, et du côté du Jourdain, des prairies où vont paître ordinairement les ânes et les chameaux des caravanes. Jésus trouva sur sa route Mnason et quelques autres disciples qui s'étaient cachés dans les environs avec le Pharisien converti le vendredi soir. Il était de Thanach, près de Naim, et il avait été déjà touché par la guérison du Pharisien qui avait eu lieu dans cette ville : il avait aussi entendu le dernier sermon prêché sur la montagne de Gabara et il en avait été fortement remue. J'ai une idée confuse que c'est aussi sur ce chemin que s'est présenté à Jésus le jeune homme qui le pria de partager l'héritage entre lui et son frère (Luc, XIII, 13, 14) ; cependant je n'en suis pas bien sûre. Autour de la montagne de la mission des apôtres se trouvent plusieurs petits endroits. Il y a là un petit emplacement très bien disposé pour la prédication avec un abri et de l'ombre. Lorsqu'on prêche au haut de la montagne, les gens des bourgades situées plus bas apportent des aliments. Au pied de la hauteur, Jésus visita une cabane d'une grande longueur où gisaient une dizaine de pauvres malades du pays, dont les membres étaient tout contractés par la goutte ; il s'arrêta près d'eux, les guérit et les enseigna. Ils s'arrêtèrent ensuite dans un lieu sauvage et solitaire ; Jésus pria avec les disciples, qui se divisèrent en plusieurs groupes. Ils lui demandèrent de vouloir bien leur apprendre à prier. Alors il monta avec eux sur la montagne où se joignit à eux une trentaine de bonnes gens des environs. Il leur enseigna à réciter le Pater noster. Il expliqua successivement les diverses demandes : il les commenta longuement, et à cette occasion il reproduisit les exemples déjà mentionnés antérieurement : celui de l'homme qui, pendant la nuit, frappe à la porte de son ami pour avoir du pain et qui ne cesse pas de frapper qu'il n'ait obtenu ce qu'il demande ; celui de l'enfant qui demande un oeuf à son père, lequel ne lui donnera pas un scorpion. Il répéta de même tout ce qu'il avait dit antérieurement de la prière persévérante et des rapports tout paternels de Dieu avec l'homme ; car il donnait les mêmes enseignements à tous ses disciples. Il les répétait très souvent sans se lasser et avec une patience touchante, afin que partout ils pussent enseigner exactement les mêmes choses. Jésus passa cette nuit en prières sur la montagne avec ses disciples. Les enseignements donnés par Jésus à plusieurs reprises se trouvent réunis ensemble dans les Évangiles, et souvent la circonstance à l'occasion de laquelle il avait enseigné pour la première fois tel point de doctrine s'y trouve relatée à propos d'un autre enseignement donné sur le même sujet, sans qu'il soit fait mention du premier. Parfois aussi des instructions que Jésus a faites en d'autres temps et en différents lieux, comme, par exemple, divers discours tenus contre les Pharisiens pendant des repas et les incidents auxquels ils ont donné lieu, sont rapportés à propos d'un seul et même repas, dans certains cas où dans la réalité il y avait eu deux repas se succédant à peu d'intervalles. D'ailleurs les discours capitaux prononcés dans des occasions de ce genre se reproduisent souvent, aussi bien que les objections des Pharisiens qui étaient toujours les mêmes ; car Jésus, ainsi que l'Église le fait encore dans ses catéchismes, répétait le plus souvent les mêmes paroles et donnait des enseignements identiques quand les circonstances étaient les mêmes, afin de bien les graver dans la mémoire de ses disciples, qui étaient des hommes simples : il ne changeait rien à ce qu'il avait dit une fois, comme le fait toujours la vérité. Ces discours souvent répétés sont mentionnés une fois pour toutes dans l'Évangile, qui n'est qu'un abrégé très court. Il en est de même des miracles qui se sont fréquemment reproduits. C'est pourquoi il est souvent impossible de retrouver complètement, dans ce que je vois et j'entends, tel ou tel récit de l'Evangile. Les faits mentionnés simultanément sont souvent séparés dans la réalité par de grands intervalles de temps et de lieu Saint Luc, qui ne fit que mettre par écrit ce qu'il avait entendu raconter, est celui des Évangélistes dont la narration est la moins suivie (quant à l'ordre dans lequel les faits se sont succédés). Le récit de saint Jean est plus suivi, toutefois il y a de nombreuses lacunes. On lit quelquefois dans l'Évangile : " Et pendant que ceci se passait, il arriva cela " : ce qui ne veut pas toujours dire : " cela vint après " mais seulement a à cette époque, vers cette époque, etc ". 30 juin .--Ce matin, Jésus termina son instruction sur la prière. Il la fit absolument comme on fait lorsqu'on enseigne le catéchisme à des enfants. Aujourd'hui, il les interrogea tous, l'un après l'autre, sur les explications données la veille, les redressa, répéta ce qu'il avait dit, et éclaircit ce qu'ils n'avaient pas bien compris. A la fin il répéta la prière d'un bout à l'autre, et expliqua le mot amen, ainsi qu'il l'avait fait une fois dans l'île de Chypre, comme le mot qui renferme tout, le commencement et la fin Il y avait autour de lui une cinquantaine d'auditeurs, qui n'étaient pas tous des disciples. Il était venu aussi deux Pharisiens de Bethsaïde-Juliade, qui entendirent une partie de son instruction. L'un d'eux l'invita à un repas dans sa maison de Bethsaïde-Juliade, et Jésus accepta l'invitation. Lorsqu'il alla avec ses disciples à Bethsaïde-Juliade, il .se dirigea d'abord au midi du pont du Jourdain, et, et rapprochant un peu de l'autre Bethsaïde, qui est en deçà, il arriva à une hôtellerie où l'attendaient sa mère, la veuve de Naïm, cette Léa qui s'était écriée : " Heureuses les entrailles qui vous ont porté ", et d'autres femmes, car il n'y avait que les femmes de Jérusalem qui fussent parties de Cana pour s'en retourner. Comme il voulait passer le Jourdain, aller dans le pays qui est de l'autre coté du fleuve et y enseigner, elles étaient venues pour prendre congé de lui. Marie était fort triste. J'ai rarement vu Jésus la consoler aussi tendrement. Elle était seule avec lui dans une chambre ; elle pleurait beaucoup, tourmentée qu'elle était par toute sorte de tristes pressentiments, et le suppliait de ne pas aller à Jérusalem pour la fête de la dédicace du Temple. Elle lui fit cette prière avec tant d'humilité et de tendresse, que je compris qu'elle pressentait obscurément la nécessité où était son Fils d'accomplir sa sainte destinée, plutôt qu'elle n'en avait la connaissance positive. Jésus la pressa sur son coeur ; il la consola avec beaucoup de douceur et d'affection. Il lui dit qu'il devait achever la mission que lui avait donnée son Père, et en vertu de laquelle elle était devenue sa mère. Elle devait prendre courage et continuer à fortifier et à édifier les autres, etc. Il salua ensuite les autres femmes et leur donna sa bénédiction, après quoi elles revinrent à Capharnaum. Jésus se rendit avec les disciples à Bethsaïde-Juliade, où les Pharisiens le reçurent et le traitèrent avec beaucoup de déférence. Outre les Pharisiens de l'endroit, il en était venu aussi quelques-uns de Panéas, car il y avait une espèce de fête en mémoire d'un mauvais livre des Sadducéens qui avait été brûlé autrefois. Ici aussi les anciens reproches furent reproduits. Jésus voulut se mettre à table sur-le-champ ; mais un des Pharisiens le prit par le bras, et lui dit qu'il ne pouvait s'empêcher d'être surpris qu'un homme qui enseignait si admirablement observât si peu les saintes coutumes et négligeât de faire ses ablutions avant de manger. Jésus lui répondit que les Pharisiens nettoyaient le dehors du plat et de la coupe, mais qu'intérieurement ils étaient pleins de malice. Sur quoi le Pharisien lui demanda comment il pouvait savoir ce qu'il était intérieurement. Jésus répliqua que celui qui avait fait l'extérieur avait aussi fait l'intérieur, que Dieu voyait aussi l'intérieur, etc. On reproduisit ici les mêmes griefs qui avaient été présentés trois jours auparavant à Capharnaum. Les disciples prirent Jésus à part, et le prièrent de ne pas être trop vif, sans quoi ils couraient risque d'être chassés. Mais il leur reprocha leur lâcheté. Les choses se passèrent paisiblement jusqu'à la fin du repas. Ce ne fut pas ici que se présenta le docteur de la loi, mais à Capharnaum. Ces deux repas n'en font qu'un dans l'Evangile. Le soir, Jésus enseigna encore dans la synagogue Il n'opéra pas de guérisons, car les Pharisiens avaient intimidé les gens de l'endroit ; ils étaient arrogants, et ils avaient ici une espèce d'école supérieure. Il logea dans une hôtellerie. Il s'en fallait beaucoup que tous les disciples fussent ici : parmi les apôtres, il manquait par exemple Pierre, André et Jacques le Majeur ; les autres étaient présents. Mais, demain, tous seront réunis pour assister au sermon qui sera prêché sur la montagne. 1er juillet.-- Ce matin, Jésus est allé à une lieue et demie au nord-est de Juliade, sur la montagne de la multiplication des pains, où s'étaient rassemblés tous les apôtres et les disciples avec environ deux cents personnes de Capharnaum, de Césarée de Philippe et d'autres endroits des environs. Des Pharisiens voulurent aussi se glisser là ; mais il y avait au bas de la montagne des disciples qui leur dirent que le Maître voulait être seul, qu'il n'enseignait ici que pour les siens ; que s'ils voulaient l'entendre et disputer contre lui, ils pouvaient le faire dans leurs synagogues. Là-dessus ils se retirèrent. Jésus prêcha sur la huitième béatitude : " S'ils vous haïssent et vous persécutent à cause du Fils de l'homme ". Il traita ensuite plusieurs autres points déjà traités antérieurement en partie, répéta : " Malheur aux riches, qui se rassasient des biens de ce monde ! ils ont déjà reçu leur récompense " ; et dit aux siens que, quant à eux, ils devaient se réjouir de la récompense à venir. Il parla encore du sel de la terre, de la ville placée sur la montagne, de la lumière sur le chandelier, de l'accomplissement de la loi ; puis aussi des bonnes oeuvres opérées en secret, de la prière faite dans la chambre, etc. Il répéta encore d'un bout à l'autre l'oraison dominicale. Je me souviens particulièrement de l'avoir entendu parler du jeune qu'il faut faire avec l'air joyeux, après s'être parfumé la tête, et non en public, comme les hypocrites : or, il doit y avoir prochainement un grand jeûne pour les Juifs. Il parla ensuite des trésors qu'il faut amasser dans le ciel, de l'absence de soucis, de l'impossibilité de servir deux maîtres à la fois, des jugements téméraires, de l'aveugle qui en conduit un autre, de la paille et de la poutre, de la prière, de la nécessité de frapper pour qu'on vous ouvre, du devoir de faire aux autres ce qu'on voudrait qui nous fût fait, de la porte étroite, de la voie large, des faux prophètes, du mauvais arbre et de ses mauvais fruits, de ce que là où est notre trésor, là aussi est notre coeur, de ceux qui disent : " Seigneur, Seigneur " ! de l'homme sage qui bâtit une maison solide, et de l'insensé qui bâtit sur le sable, etc. Il parla plus de trois heures, et il y eut un moment où les auditeurs descendirent au bas de la montagne pour prendre quelques aliments que les disciples avaient apportés. Ensuite Jésus continua sa prédication ; il donna encore des avis aux apôtres et aux disciples sur tous les points qu'il avait traités précédemment lorsqu'il les avait envoyés en mission, puis il leur rappela comment, en ce même lieu, il avait deux fois nourri le peuple : ils devaient donc croire, avoir confiance et persévérer. Vers le soir, Jésus fit une lieue un peu au nord-est dans la direction de Gessur, et il alla jusqu'à Argob, endroit situé sur une hauteur d'où l'on voit la montagne des Béatitudes ; il s'arrêta à l'hôtellerie qui est en avant de la ville. Il y est déjà allé le 13 mars (tome IV, page 115). 2 juillet. -- Aujourd'hui, Jésus a fait une grande instruction devant plusieurs milliers de personnes, sur la montagne où il a déjà enseigné hier. Il avait seulement passé la nuit dans l'hôtellerie d'Argob, qui est un logis à son usage et à celui de ses disciples. Il était venu, pour l'entendre, des gens de tous le pays, parmi lesquels des malades, des possédés et des voyageurs faisant partie des caravanes qui passaient de ce côté. Il vint aussi des Pharisiens et des ennemis, mais ils ne disputèrent pas contre lui. Les prodiges de Jésus étaient trop éclatants, et le peuple trop plein d'enthousiasme Cependant il y eut dans son discours quelques traits fort vifs contre les Pharisiens. (Ici Anne Catherine raconte quelque chose qui se lit dans saint Luc, XII, 1-59, et dit que tout cela se trouvait dans cette instruction.) Le peuple avait apporté avec lui des aliments, et il s'étendit sur l'herbe pour manger. Jésus guérit un très grand nombre de malades et chassa des démons. Il rendit aussi la vue à un aveugle qui était de Jéricho. Cet homme avait en outre été boiteux, et un des disciples l'avait guéri de cette infirmité, mais sans lui rendre la vue. Il était parent de Manahem : ce fut celui-ci et le disciple en question qui l'amenèrent à Jésus. Jésus enseigna aussi les soixante-douze disciples, et il leur dit : " Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups ". Il dit aussi : " Malheur à Chorozain, à Bethsaïde et à Capharnaum ", et parla de la destruction de Jérusalem. Il n'envoya pas cette fois en mission les mêmes disciples que la fois précédente, mais d'autres plus nouveaux pour la plupart, et il les envoya tous deux par deux, ce qui n'avait pas eu lieu d'abord. Pendant la dernière semaine, il s'est donné une peine incroyable pour les instruire, comme des enfants, par demandes et par réponses. Un des neveux de Joseph d'Arimathie est venu de Jérusalem, apportant à Jésus la nouvelle que Lazare est malade. Il est tout mélancolique, il n'a plus de plaisir à faire son service au Temple ; il pâlit et maigrit beaucoup. Le soir, ils sont encore retournés à l'hôtellerie voisine d'Argob et ils y ont passé la nuit. Dernièrement, avant le sabbat, j'avais entendu Jésus annoncer aux disciples, à Capharnaum, qu'il ferait le jeudi suivant cette grande instruction. Je ne puis pas bien redire comment il avait indiqué à quel moment elle aurait lieu ; il ne compta pas par jours, il se servit d'une certaine mesure de temps par heures dans le genre de ces désignations : " à la première, à la seconde veille de la nuit ". Je vois aussi cela représenté par des espèces de chiffres d'une forme particulière. 3 juillet.-- Ce matin Jésus a congédié près d'Argob les disciples et les apôtres. Pierre, Jacques, Jean, Matthieu et quelques disciples allèrent avec lui. Ils firent environ cinq lieues jusqu'au bureau de péage de Matthieu où habitent des gens de sa connaissance. Là, Jésus enseigna et consola encore une vingtaine d'amis de Capharnaum dont il prit congé : c'étaient, entre autres, Jaïre, Zorobabel, le centurion Cornélius, le marchand qui avait tant d'enfants, le père d'Ignace, l'aveugle guéri, ainsi que plusieurs parents et amis des apôtres. Ils prirent là leur repas, après quoi Jésus s'embarqua pour Dalmanutha avec une douzaine de compagnons, dont étaient Pierre, Jacques, Jean et l'aveugle guéri de Jéricho, qui par la se rapprochait de sa demeure d'environ cinq lieues. Jésus enseigna sur la barque. |